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de l'héritage hypothéqué (2170), et si le créancier n'a pas été désintéressé par la saisie réelle ou la discussion à laquelle il a fait procéder, il aura son recours hypothécaire contre le détenteur pour le surplus de sa créance, et son action hypothécaire par sa nature même ne pourra être atténuée ni divisée quant à ce surplus.

451. Si le but immédiat de l'action hypothécaire est le délaissement par hypothèque, son objet final est la vente forcée de l'immeuble hypothéqué, car c'est là le seul moyen coactif qui soit entre les mains des créanciers hypothėcaires qui ne peuvent contraindre le tiers détenteur à déguerpir ou à délaisser l'immeuble, et qui ne peuvent, en définitive, l'en dépouiller que par la saisie réelle.

Or il se présente ici une question dont la solution trouve naturellement sa place à la fin de ce§., c'est celle de savoir si le vendeur doit être soumis à cette règle commune à tous les créanciers hypothécaires, lorsqu'il n'a point reçu le prix de son héritage, et s'il sera contraint de prendre la voie hypothécaire et de faire vendre son fonds pour être payé.

Cette question ne serait point difficile si la vente n'ayant point été faite à crédit, l'acheteur refusait de payer le prix. Comme le paiement du prix est une condition susbtantielle du contrat de vente, et que tout contrat synallagmatique est toujours formé sous une clause résolutoire en cas d'inexécution de l'obligation de l'une des parties, il n'est pas douteux que la vente sera résolue sur la demande du vendeur, et qu'au lieu d'employer la voie de la saisie réelle, il pourrait, en concluant à la résolution du contrat, si son héritage était mis en vente, former demande en distraction de cet héritage, laquelle ne pourrait lui être refusée; cela résulte des articles 1654 et 1655 du Code civil.

Mais si la vente avail été faite à crédit, la question paraîtrait plus délicate. On pourrait dire au vendeur que

quand il a vendu à crédit et que fidem habuit de pretio, il ne doit plus être considéré que comme un simple créancier dont la deite est véritablement privilégiée, mais qui n'a rien de réel ni de foncier; de sorte que, dit Basnage, sa qualité de vendeur ne lui donne qu'une préférence et un privilége, mais elle ne le dispense pas des formes requises pour acquérir la propriété du bien qu'il avait aliéné. On peut ajouter que les articles 1654, 1655 et 1656 du Code civil, quand ils accordent au vendeur la faculté de reprendre son héritage en faisant prononcer la résolution de la vente, ne le décident ainsi que dans le cas où le prix est actuellement dû et exigé, où il y a péril en la demeure pour la chose et le prix, et où un terme fatal pour le paiement du prix a été fixé par la convention, passé lequel la résolution de la vente doit avoir lieu de plein droit; que si ce délai expiré, il faut encoré que l'acheteur ait été mis en demeure par une sommation, et que si, dans les autres cas, un délai plus ou moins long lui est toujours accordé par le juge, on doit croire, à plus forte raison, que le vendeur ne peut demander la résolution quand il vend à crédit.

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Ces raisons sont loin d'être décisives, car soit que le vendeur ait fait rédit, dit Basnage, ou que le prix de la vente ait été constitué en rente, il y a toujours une condition tacite et résolutoire que faute par l'acheteur d'exécuter son contrat en payant le prix, il n'a rien en la chose; que nulle propriété n'est transférée que par le paiement du prix du contrat, et qu'en conséquence le vendeur peut reprendre son héritage sans saisie réelle.

Aussi la question a-t-elle été décidée dans ce sens par plusieurs arrêts qui ont étendu aux créanciers du vendeur et au prêteur de deniers pour l'acquisition de l'immeuble faite par le vendeur, la faculté d'exercer le droit du vendeur et de demander distraction de l'héritage ou caution d'être colloqués en avant du décret et en exemption des frais

dudit décret, dans le cas où un créancier de l'acquéreur aurait fait saisir réellement l'immeuble vendu; et il a été décidé que dans le cas où le fonds n'aurait point été aliéné par celui qui avait emprunté les deniers pour l'acheter, et qu'un créancier l'eût saisi réellement sur lui, le prêteur des deniers n'ayant point de droit réel en l'héritage, mais un simple privilége, ne pouvait pas demander d'être envoyé en possession du fonds acquis de ses deniers; qu'au contraire et faute de paiement, il serait tenu de saisir réellement et de prendre la voie hypothécaire. Un arrêt du 18 juin 1668 l'a ainsi jugé.

La jurisprudence des arrêts avait en outre consacré en principe qu'il n'était pas juste que le vendeur profitât de ce qu'il avait reçu du prix, lorsqu'il reprenait son fonds en l'état qu'il l'avait donné, mais que si le fonds était diminué de valeur, ou que le vendeur ne pût rembourser l'acquéreur, l'on devait faire une estimation de ce fonds, et en cas que le prix excédât la somme qui était encore due, on devait donner une portion de ce fonds à l'acquéreur ou à ses créanciers, au prorata de ce qui avait été payé, laquelle portion de fonds ils étaient tenus d'accepter, quelqu'incommode que cela fût pour eux, parce que la faute procédait de leurs auteurs, et enfin que si le fonds ou la terre ne suffisait point pour indemniser le vendeur, il ne serait tenu à aucune restitution, puisqu'il n'avait que ce qui lui était dû. Voyez Basnage, Traité des hyp., chap. 16, pag. 402. Mais je doute qu'une telle pratique puisse être en usage de nos jours en ce qui concerne le prix qu'a reçu le vendeur qui reprend sou héritage; le contrat résolu, les choses doivent être remises en l'état où elles étaient avant le contrat, et le vendeur doit restituer ce qu'il a reçu du prix, sauf à lui à le faire compenser avec les dommages et intérêts qui pourraient lui résulter de l'inexécution du contrat de la part de l'acquéreur.

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taires, et la question ne fait réellement de difficulté que quand l'héritage est saisi par un créancier de l'acquéreur avant que les termes fixés pour le paiement du prix soient échus. Nous estimons qu'il en doit être de même dans ce cas, que par le fait de cette saisie réelle, l'acheteur est constitué en demeure, le prix est devenu exigible, et qu'en conséquence y ayant inexécution du contrat et même péril pour le vendeur de perdre sa chose et le prix, il peut, sans surenchère ni subrogation aux poursuites, demander distraction de son héritage. Il en serait autrement si l'acheteur avait volontairement vendu cet héritage à un tiers, le vendeur primitif ne pourrait le reprendre qu'autant qu'après l'échéance des termes, l'acheteur primitif refuserait de payer.

S. III. De l'exception qui peut être opposée contre l'action hypothécaire, pour raison des impenses faites à l'héritage.

SOMMAIRE.

452. Cette exception est dilatoire, et consiste dans le droit de rétention. Opinions de Pothier et de Loyseau.

453. Qualité des impenses que peut réclamer le tiers déten

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452. Cette exception que Pothier met au rang de celles qu'on peut opposer à l'action hypothécaire n'est pas dans son sens réellement dilatoire, puisqu'il estime que nonobstant le droit qu'a le tiers détenteur privilégié pour ses impenses de les réclamer, il ne peut cependant pas se dispenser de délaisser l'héritage, sauf à lui à exercer à l'ordre son privilége sur le prix, pour les impenses qui Jui sont dues. Cependant Pothier, sentant combien dans ce cas-là même il serait injuste que le détenteur perdît ses impenses si les frais du décret absorbaient le prix de

l'héritage, pense que si le demandeur n'est pas condamné à lui rendre préalablement le prix de ses impenses, au moins il doit être condamné à lui donner caution que l'héritage montera à si haut prix, qu'il en sera payé sans encourir les risques d'aucuns frais de saisie et de criées.

On voit quelle faveur Pothier veut qu'on accorde au détenteur qui a fait des impenses; il est à ses yeux quelque chose de plus qu'un créancier privilégié, et s'il n'ose pas s'écarter de l'opinion de Loyseau qui refuse au tiers détenteur le droit de rétention en le renfermant dans les termes de son privilége, il va plus loin que Loyseau et prescrit des précautions qui équivalent certainement au droit de rétention. L'on sent dès-lors combien il se serait promptement décidé pour ce droit de rétention, si, comme de nos jours, aucun privilége n'avait été départi par la loi au tiers détenteur pour ses impenses, et nous argumentons de l'opinion même de Pothier pour confirmer celle que nous avons émise sur ce point, appuyée d'ailleurs de tout le poids de l'autorité de Dumoulin. Ainsi l'exception dont il est question ici est vraiment dilatoire.

453. Au reste et quant à la qualité des impenses que peut réclamer le tiers détenteur, et pour lesquelles il peut retenir l'héritage jusqu'à ce qu'il en soit remboursé, nous renvoyons à ce que nous en avons dit au paragraphe précédent où nous avons expliqué le véritable sens de l'article 21,5 du Code civil.

S IV. De l'exception cedendarum actionum.

SOMMAIRE.

454. Qu'est-ce que l'exception cedendarum actionum? De la subrogation.

455. Que doit faire le subrogé pour ne pas laisser périr le droit d'hypothèque auquel il est subrogé?

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