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456. Le tiers détenteur, pour éviter le circuit d'actions, faire contribuer avec lui les autres détenteurs au paiement de la dette, au prorata de ce que chacun possède d'héritages hypothéqués à la dette. 457. Cette contribution doit-elle avoir lieu lorsque le détenteur qui a payé le créancier, et les détenteurs des autres héritages, les ont acquis du même vendeur ?

458. Quand le créancier doit faire confusion de sa créance, au prorata de l'héritage qu'il possède, pour indemniser le tiers détenteur de la cession que par son fait il s'est mis hors d'état de lui faire de son hypothèque.

459. Si ce n'est point par le fait du créancier que son hypcthèque s'est amortie par la confusion, on ne peut lui opposer l'exception cedendarum actionum.

460. Grand sujet de contestation entre les docteurs.

461. Le Code a suivi l'équité plutót que la subtilité et la rigueur du droit.

462. Ce qu'on entend par équité légale.

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454. L'exception cedendarum actionum est celle par laquelle on repousse la demande du créancier qui par son fait s'est mis hors d'état de céder ses actions contre le débiteur. Ainsi, en matière d'hypothèque, l'exception cedendarum actionum est celle qui milite en faveur du tiers détenteur, lorsque par son fait le créancier hypothécaire qui l'actionne a éteint et amorti l'hypothèque dans laquelle il devait subroger ce tiers détenteur.

Cette exception est la conséquence de la subrogation qui, aux termes de l'art. 1251, no 2, s'opère de plein droit en faveur de l'acquéreur d'un immeuble qui emploie le prix de son acquisition au paiement des créanciers auxquels cet héritage était hypothéqué, subrogation qui, aux termes du no 3 du même article, aurait également lieu de plein droit en faveur de cet acquéreur, si, pour faire cesser l'action bypothécaire et éviter le délaissement, il

payait au-delà du prix de son acquisition, et ce, pour l'excédant de ce qu'il aurait payé au-delà de ce prix comme pour le prix même.

Cette subrogation légale diffère de celle qui avait lieu autrefois dans la même circonstance, en ce qu'elle a lieu de plein droit, tandis qu'il était nécessaire alors, en payant le créancier qui avait donué l'action hypothécaire, que le tiers détenteur se fit expressément subroger à tous ses droits, actions et hypothèques, ou qu'il en requît la cession. Dumoulin seul avait décidé que cette cession devait s'opérer de plein droit, comme on le voit dans sa première leçon de Dole, nos 23 et 28, tom. III, opp. pag. 391. 455. Mais la subrogation une fois opérée, il faut, dans l'esprit de notre régime hypothécaire, que le subrogé veille à ce que le créancier originaire ne consente pas de radiation à son préjudice. Il a été jugé à Paris le 29 août 1811 (Sirey, 1812, IIe part., pag. 21), que si le conservateur raye l'inscription du créancier hypothécaire auquel le tiers acquéreur est subrogé en vertu du consentement de ce créancier, l'hypothèque est éteinte nonobstant la subrogation; et cet arrêt est conforme aux principes de notre législation hypothécaire. Dans une telle circonstance, et pour empêcher l'effet du concert frauduleux qui pourrait se pratiquer au détriment du subrogé entre le créancier hypothécaire et le débiteur, il faut faire signifier ou remettre au conservateur la quittance du créancier contenant subrogation. Le conservateur en fera mention en marge de l'inscription, et, à compter de ce moment, la radiation ne pourra avoir lieu que du consentement du subrogé. 456. Voyons de plus près quels sont les effets de cette subrogation.

Le iers détenteur subrogé aux droits et actions du créancier qui a donné contre lui l'action hypothécaire, peut les exercer non-seulement contre le débiteur et autres personnellement obligés, mais encore contre les autres

détenteurs d'héritages hypothéqués à la même dette. Mais s'il les exerçait solidairement contre ces tiers détenteurs, il en résulterait un circuit d'actions. Le tiers détenteur qui payerait le total de la dette à ce premier cessionnaire légal, devrait à son tour être subrogé aux actions et hypothèques du créancier, et en vertu de la subrogation, il exercerait les mêmes actions contre le détenteur à qui il a payé la dette, et lui ferait rendre ce qu'il a reçu de lui. Il faut donc que le tiers détenteur, pour éviter ce circuit d'actions, fasse contribuer avec lui les autres détenteurs au paiement de la dette au prorata de ce que chacun possède d'héritages hypothéqués à la dette.

457. Mais cette contribution doit-elle avoir lieu lorsque le détenteur qui a payé le créancier, et les détenteurs des autres héritages, les ont acquis du même vendeur? Pothier décide la négative par la raison que si les autres détenteurs ont acquis avant le détenteur qui a payé le créancier, l'acquisition de celui-ci se trouve hypothéquée à la garantie des héritages qu'ils ont achetés, et que si au contraire ils ont acquis après lui, les héritages des autres détenteurs se trouvant hypothéqués à la garantie du sien, il a de son chef contr'eux une action hypothécaire pour être acquitté en total de celle qui a été donnée contre lui par le créaucier du vendeur, et il n'a par conséquent pas besoin de la subrogation aux actions de ce créancier, pour les faire contribuer à la dette de ce créancier qu'il a acquittée.

Mais cette décision de Pothier ne nous semble plus admissible aujourd'hui, parce que la raison sur laquelle il la fonde ne subsiste plus. En effet, l'héritage du tiers détenteur qui a payé n'est plus hypothéqué de droit à ceux qui ont acquis avant lui, comme les héritages acquis par ces derniers ne sont plus hypothéqués de droit à la garantie du sien s'il a acquis avant eux. Il faudrait pour qu'il en fût ainsi, une stipulation spéciale et conventionnelle. Dès

lors, le lien de l'hypothèque n'affectant plus leurs héritages respectifs à la garantie les uns des autres, il faut en revenir au remède de la subrogation légale, et la contribution se devra faire entre ces divers détenteurs, comme s'ils avaient acquis de vendeurs différens.

458. Mais cette subrogation serait illusoire si le créan cier pouvait anéantir d'avance les droits et actions qui en font l'objet. Si, par exemple, le créancier avait acquis postérieurement au tiers détenteur un héritage également hypothéqué à sa dette, il se ferait par cela même confusion de son hypothèque, et il serait hors d'état de céder son hypothèque au tiers détenteur contre lequel il donnerait ensuite l'action hypothécaire. Il faut donc que ce créancier fasse confusion de sa créance au prorata de l'héritage qu'il possède, pour indemniser le tiers détenteur de la cession qu'il s'est mis, par son fait, hors d'état de lui faire de son hypothèque, et le tiers détenteur use à son égard d'une exception vraiment péremptoire fondée sur cette règle de droit et d'équité : Exceptio cedendarum actionum obstat creditori, quoties ejus facto cedendæ actiones extinctæ sunt.

459. Si au contraire ce n'est point par le fait du créancier que son hypothèque s'est amortie par la confusion " comme s'il a acquis un des héritages hypothéqués à sa dette avant le tiers détenteur qu'il actionne ensuite hypothécairement, il n'est pas douteux qu'il n'y a plus de cession d'hypothèque possible, puisque l'hypothèque était éteinte avant que le défendeur `eût acquis son hérítage, et par conséquent qu'il ne peut y avoir lieu à l'exception cedendarum actionum fondée sur le défaut de cession de l'action hypothécaire du créancier (1).

(1) L'exception cedendarum actionum ne peut être invoquée dans le cas où les actions, priviléges et hypothèques d'un créancier contre un autre débiteur ont péri par un événement de force majeure. (Voyez arrêt du II messidor an 12 de la cour de Paris.)

460. C'était un grand sujet de contestation entre les docteurs, que la question de savoir si l'exception cedendarum actionum pouvait appartenir aux tiers détenteurs. Bartole et presque tous les interprètes du droit tenaient pour constant que l'exception cedendarum actionum n'avait point été introduite pour le tiers détenteur, et qu'elle avait lieu seulement à l'égard des fidejusseurs. Dumoulin, Loyseau et Pothier professaient au contraire que cette exception devait être accordée aux tiers détenteurs comme aux fidėjusseurs, et leur sentiment, quoique moins conforme à la rigueur du droit, l'était davantage à la raison et à l'équité.

461. Le Code civil, art. 1251, no 2, plaçant le tiers détenteur au rang de ceux à qui la subrogation légale est acquise, n'a pu rendre sa condition plus défavorable que celle d'une caution ou d'un codébiteur solidaire, et il est incontestable que l'exception cedendarum actionum leur est acquise vis-à-vis du créancier qui, par son fait, s'est mis hors d'état de leur céder ses actions. La subtilité et la rigueur du droit doivent disparaître devant l'équité, et nous ne saurions trop rappeler cet axiome de Dumoulin: L'équité déroge à la rigueur du droit, quelque précisément que cette rigueur soit écrite, et la rigueur du droit ne peut point déroger à l'équité, quoique cette rigueur du droit soit postérieurement écrite.

462. Et par équité on doit entendre, selon Dumoulin, cette équité pleine, entière et absolue que décrit avec tant de poids et de force le jurisconsulte, dans la loi bona fides, ff. depositi, c'est-à-dire celle qui ne se règle pas seulement d'après les principes du droit naturel et du droit des gens, mais encore de concert avec ceux du droit civil, non d'après une circonstance ou une partie de la chose ou quelque rapport isolé, sed ex totius rei id est perfectâ et totali æquitate, quæ ex omnibus personis et circumstantiis quæ negotio gesto conjunguntur, impletur,

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