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hypothécaire a une action contre le tiers détenteur qui se trouve nanti de l'immeuble hypothéqué par l'effet d'une aliénation, pour lui faire délaisser cet immeuble, si mieux il n'aime payer les causes de l'hypothèque, et finalement pour en opérer la vente forcée.

Mais cette action ne peut-elle être donnée que contre celui à qui la propriété de l'immeuble hypothéqué a été transférée par une aliénation, et ne pourrait-elle pas aussi être intentée.contre d'autres détenteurs de l'héritage, tels que l'usufruitier, le possesseur par antichrèse et le fermier ou preneur de la chose hypothéquée ?

En partant de ce principe que le gage hypothécaire ne peut être divisé ni altéré dans sa substance, nous trouverons facilement la solution de cette question.

469. Et d'abord l'usufruit est une partie intégrante et substantielle de la propriété de l'immeuble; on peut la concevoir par la pensée divisée en usufruit et en nue propriété, mais cette abstraction n'empêche pas que l'un et l'autre ne forment conjointement la pleine propriété de l'immeuble. Dès-lors si l'usufruit était, par le fait du débiteur, détaché de la propriété, le créancier qui aurait hypothèque sur l'immeuble aurait, relativement à cet usufruit, le droit de suite pour le faire vendre entre les mains de celui qui en serait nauti, si mieux il n'aimait payer les causes de l'hypolhèque. Mais il faudrait pour cela que la transmission de l'usufruit à un tiers fût postérieure à la constitution de l'hypothèque, parce qu'autrement l'usufruit détaché de la propriété ne laisserait plus entre les mains du débiteur que la nue propriété passible d'hypothèque, et en serait par lui-même susceptible entre les mains de celui à qui il aurait été transmis.

470. Quant à l'antichrèse, elle ne peut être considérée comme un démembrement de la propriété ; c'est un contrat par lequel le créancier acquiert la faculté de percevoir les fruits de l'immeuble livré à ce titre, à la charge

de les imputer annuellement sur les intérêts, s'il lui en est dû, et subsidiairement sur le capital de sa créance; sans préjudice, porte l'art. 2091, des droits du premier créancier hypothécaire, et saufau possesseur de l'immeuble à titre d'antichrèse, à exercer dans son ordre les priviléges et hypothèques qu'il peut avoir sur le même immeuble.

471. La question devient plus difficile à l'égard du bail à ferme ou à loyer. L'aliénation de la jouissance de l'immeuble pour un temps plus ou moins long, qui fait l'essence et l'objet du contrat de louage, peut-elle être considérée comme une altération de la substance du gage, et en conséquence donner lieu au droit de suite de cet immeuble entre les mains du fermier ou du locataire ? La question devant être nécessairement renfermée dans ces termes, est plutôt une question de fait qu'une question de droit; car elle se réduit à apprécier la durée du bail qui doit opérer une altération, un démembrement de la propriété.

Mais la loi nous commande de faire une distinction fondée sur ses dispositions les plus précises : le bail en luimême, indépendamment de son prix et de l'anticipation des paiemens, quelque long qu'il soit, ne peut être regardé comme altérant la valeur substantielle et commerciale de l'immeuble, car l'art. 69 du Code de procédure civile qui prévoit le cas où le bail a une date certaine et celui où il n'a point de date certaine avant le commandement fait en vue de la saisie immobilière, exige, dans le premier cas, que les créanciers se bornent à saisir et arrêter les loyers et fermages, et à demander qu'ils soient immobilisés comme le seraient les fruits, mais ne veut pas qu'ils puissent déposséder le fermier, ni empêcher que sa jouissance ne se prolonge jusqu'au terme fixé par la convention, laissant seulement, dans le second cas, aux créanciers et à l'adjudicataire la faculté de faire prononcer la nullité du bail, s'ils le jugent convenable.

L'article 1743 introductif d'un droit nouveau, en ce qu'il refuse à l'acquéreur d'un fonds loué précédeminent la faculté d'expulser le fermier, si cela n'a été expressément stipulé dans le bail, détermine également la distinction dont nous avons parlé plus haut; en sorte qu'il faut tenir pour constant qu'un bail, quelque long qu'il soit, ne peut, considéré en soi, être regardé comme un morcèlement de la substance du gage hypothécaire. La raison en est que si la jouissance personnelle donue à l'immeuble une valeur d'affection et de convenance seulement, la privation de cette jouissance n'en diminue point la valeur réelle.

Au moyen de la distinction ci-dessus, toute la question se renferme dans celle de savoir si la substance du gage ou la valeur de l'immeuble a été altérée par la fixation du prix du bail et les anticipations de paiement,

Nous ne parlerons pas ici du droit commun à tous les créanciers en général de faire annuller tous les actes faits en fraude de leurs droits, et qui supposent des vues coupables non-seulement de la part des débiteurs qui ont fait ces actes, mais encore de la part des autres contractans, et dont le fondement est que le débiteur se soit dépouillé de novo de quelque chose qui ait profité et soit acquis de novo à ses complices. Ce moyen, outre qu'il présente de grandes difficultés dans l'application, ne ferait point l'objet du droit de suite dont nous parlons ici.

Un bail n'est autre chose que la vente des fruits naturels ou civils d'un immeuble qui écherront pendant la durée de la jouissance, moyennant un prix total dont le paiement se divise en annuités ou en termes; c'est là la définition qu'en donnent tous les jurisconsultes. Un bail n'est donc que la vente de l'usufruit d'un immeuble pour un temps limité, car un usufruit se constitue aussi à titre onéreux et pour un temps limité.

Quand le prix du bail est juste et raisonnable, et que les

paiemens n'ont point été faits par anticipation, alors le bail diffère essentiellement, quant à l'intérêt des tiers créanciers, de l'usufruit. En effet, ils perçoivent les fruits de l'immeuble dans les sommes ou annuités données par le fermier, et ils ne souffrent aucun préjudice réel, tandis que l'usufruit étant constitué à titre gratuit ou une fois payé, leur gage est véritablement détérioré et altéré dans sa substance, et ils ont par cette raison le droit de suivre ce démembrement de la propriété.

Mais quand les paiemens du prix d'un bail sont faits par anticipation, il faut, en distinguant un bail d'une durée ordinaire d'un bail à longues années, conclure qu'un bail à longues années ne diffère en rien de l'usufruit; que comme l'usufruit, c'est un démembrement de la propriété, sans équivalent pour les créanciers; que par conséquent, si le créancier hypothécaire a le droit de suivre l'immeuble hypothéqué dans les mains de celui au profit duquel le simple usufruit de cet immeuble a été aliéné, il doit avoir le même droit contre le fermier qui, en stipulant un bail à longues années, n'en aura point payé le prix en ce qu'il en aura acquitté le prix d'avance et par anticipation. Nous avons puisé cette question et les principaux moyens de solution chez M. Tarrible qui l'a discutée, vo tiers détenteur, avec son talent et sa sagacité ordinaires.

-472. Nous ajoutons que les mêmes principes doivent s'appliquer à une aliénation partielle de l'immeublé, aux coupes extraordinaires qui seraient faites de bois de haute futaie, à l'imposition d'une servitude, et en général à tout ce qui tendrait à altérer et démembrer la substance du gage.

473. Mais en même temps que le créancier hypothécaire peut suivre entre les mains des tiers la portion de l'immeuble aliéné, l'usufruit, les coupes extraordinaires, etc... il a le droit, aux termes des articles 1188 1912 et 2131 du Code civil, d'exiger dès à présent le rem

boursement de sa créance sans le diviser, par la raison que le débiteur ayant par son fait diminué les sûretés du créancier, doit être privé du bénéfice du terme, et qu'en conséquence il faut que l'hypothèque soit conservée dans son intégrité, ou que le remboursement soit dès à présent effectué.

CHAPITRE II.

Du mode de purger les propriétés des priviléges et hypothèques.

SOMMAIRE.

474. Le tiers détenteur peut éviter le double effet de l'action hypothécaire en employant les moyens prescrits par la loi pour purger la propriété qu'il a acquise.

Importance de la matière. Sa division.

474. L'objet de l'action hypothécaire est le délaissement de l'immeuble hypothéqué, sa fin est la vente forcée de cet immeuble, soit que le tiers détenteur en ait fait le délaissement, soit que se refusant à payer les causes de l'hypothèque ou à délaisser, la vente forcée en soit poursuivie sur lui-même.

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Cependant le tiers détenteur peut éviter ce double effet de l'action hypothécaire en employant les moyens prescrits par la loi pour purger la propriété qu'il a acquise. Ces moyens sont ceux indiqués par l'article 2179 ainsi conçu : « Letiers détenteur qui veut purger sa propriété en payant « le prix, observe les formalités qui sont prescrites dans « le chapitre 8 du présent titre »>.

II.

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