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moyen de paralyser les effets de l'action hypothécaire, tout comme le délaissement par hypothèque. Celui qui purge doit donc être entièrement assimilé à celui qui délaisse, et soumis aux mêmes règles. Or ceux qui sont personnellement obligés à la dette ne peuvent, aux termes de l'article 2172 du Code, délaisser par hypothèque; il doit donc en être de même de ceux qui veulent purger les priviléges et hypothèques lorsqu'ils sont personnellement tenus de la dette.

Ainsi l'héritier bien-tenant ne pourrait purger les priviléges et hypothèques dont seraient grevés les immeubles. qui lui seraient échus, par la raison qu'il est personnellement tenu des dettes du défunt; mais, n'en étant tenu personnellement que pour sa part et portion, ne pourraitil pas purger les hypothèques qui excéderaient sa dette personnelle? Nous avons vu que l'héritier bien-tenant ne pouvait être admis à délaisser qu'autant qu'il aurait acquitté sa part et portion de la dette; il en doit être de même de celui qui veut purger; quand une fois il aura fait disparaître cette obligation personnelle, dont l'acquittement sur le gage hypothécaire ne se peut diviser, alors rien ne s'opposera à ce qu'il puisse purger sa propriété de l'hypothèque dont elle est affectée pour le surplus de la dette. Il ressemble, dans ce cas, au tiers détenteur qui, n'étant point personnellement tenu de la dette hypothécaire, peut délaisser l'immeuble ou purger les hypothèques.

On conçoit qu'il en serait de même si les créanciers. acceptaient pour débiteur unique un des deux héritiers, par exemple, en déchargeant l'autre de son obligation personnelle.

Au reste, sous le mot héritier, nous comprenons le légataire universel ou à titre universel, ou l'héritier contractuel institué pour tout ou partie des biens que le disposant laissera à son décès.

477. Mais doit-on comprendre sous la dénomination d'héritier le légitimaire? Cette question est d'une très-grande importance puisqu'elle se convertit en celle de savoir si le légitimaire est personnellement tenu des dettes du défunt, et elle trouve naturellement sa place ici, puisqu'elle renferme le point de savoir si le légitimaire peut purger les immeubles qu'il prend pour le remplir de sa réserve ?

Un commentateur de l'édit de 1771, M. Roussilhe, dans ses notes sur l'article 6 de cet édit, prétend que le légitimaire peut mettre aux hypothèques et purger les immeubles qu'il a reçus pour le remplir de sa légitime, parce que, dit-il, il n'est pas personnellement tenu des dettes, et il indique le Répertoire de jurisprudence au mot légitime où cette question est développée fort au long.

Mais il tranche d'un mot une question qui était fort controversée parmi les jurisconsultes les plus célèbres, et je puis dire que l'opinion contraire a prévalu dans les pays de coutume, sous l'ancienne législation, comme elle doit l'emporter sous la nouvelle..

Au reste, cette divergence d'opinions entre jurisconsultes également recommandables provenait de la différence des principes qui régissaient les pays de droit écrit et les pays de coutume en matière de légitime.

Dans les pays de droit écrit, on tenait en principe que la légitime n'était pas due à l'enfant précisément comme héritier, et l'on fondait cette opinion sur la novelle 18, chapitre 1er, qui considérait la légitime non comme une portion de la part que l'enfant aurait eue dans la succession ab intestat, mais comme une portion déterminée des biens en masse. C'était l'opinion de Furgole qui par-tout a professé ce principe, et particulièrement dans son Traité des testamens, chapitre 8, section 3, no 77, et chapitre 10, section 2, no 39 et suivans. C'était aussi celle de tous les auteurs qui ont écrit en pays de droit écrit.

Dans ce systême, l'enfant pouvait réclamer sa légitime,

quoiqu'il eût répudié la succession; car cette légitime était regardée comme une dette de la succession envers le légitimaire, et assimilée au legs; d'où il résultait encore que le légitimaire n'était point personnellement tenu des dettes (1).

Dans les pays de coutume, au contraire, on tenait pour constant que l'on ne pouvait point réclamer la légitime sans être héritier; c'était notamment l'avis du célèbre Dumoulin qui disait : Non habet legitimam nisi qui hæres est, sur l'article 125 de la coutume de Paris, no 1; de Ricard, de Lebrun, d'Argou et de Pothier; en sorte qu'on appliquait en thèse générale les principes concernant les héritiers ordinaires aux légitimaires (2).

M. Grenier, dans sou savant Traité sur les donations et testamens, remontant aux sources des différences qui existaient entre le droit romain et le droit coutumier, professe qu'on doit suivre les anciens principes du droit coutumier dans notre législation actuelle.

Dans le droit romaiu, dit-il, la volonté de l'homme faisait les héritiers, et la liberté de disposer étant sans bornes, le père pouvait exclure ses enfans de sa succession par son silence. La légitime fut introduite pour tempérer la dureté de ce droit, mais plutôt comme une espèce de grâce, que comme un droit fondé sur le titre d'héritier; en sorte que cette légitime étant assimilée au legs, le légitimaire était obligé d'en demander la délivrance à l'héritier qui était en possession des biens en vertu de l'institution testamentaire.

Dans les coutumes de France, au contraire, dit M. Grenier, c'était la loi qui faisait les héritiers, et non la volonté de l'homme. Les dispositions testamentaires étaient réduites à la nature de legs, parce que les testamens étaient

(1) M. Grenier, Traité des donations et testamens. (a) M. Grenier, idem.

assimilés aux codicilles, tandis que les héritiers du sang étaient saisis par la loi, et ceux qui avaient pour eux des dispositions testamentaires étaient obligés de leur en demander la délivrance.

Or, tels sont les principes du Code civil. Ceux à qui la loi réserve une partie des biens y sont toujours rappelés sous le titre et avec la qualité d'héritiers; c'est ce qui résulte des articles 917, 918, 1004, 1006, 1011, 1013 et 1014; et ces héritiers légitimaires ont la saisine de la loi comme héritiers, et c'est à eux que la délivrance des legs doit être demandée par tous ceux qui ont en leur faveur une disposition testamentaire qui, quand elle serait faite sous le titre d'institution d'héritier, ne serait jamais qu'un legs. (Art. 1002, 1011 et 1014. )·

On doit donc admettre en principe dans notre législation, poursuit M. Grenier, que l'exercice d'une action pour un droit de réservé est attaché à la qualité d'héritier ou pur et simple, ou sous bénéfice d'inventaire; mais il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de se retenir la réserve par voie d'exception. Quand la donation faite, par exemple, au légitimaire, excède la portion disponible, et qu'elle comprend et cette portion disponible et sa réserve personnelle, la renonciation par lui faite à la succession a l'effet de la dispense du rapport, et il n'a pas besoin pour se conserver sa réserve, de prendre la qualité d'héritier pur et simple, ou sous bénéfice d'inventaire. Mais on voit que cette modification apportée par M. Grenier à la règle générale suppose qu'une donation a été faite au légitimaire, et comme une donation doit toujours être transcrite, elle ne change rien à la conséquence que nous tirons du principe qui vient d'être établi; savoir: que le légitimaire étant héritier et comme tel personnellement tenu de la dette, il ne peut purger les priviléges et hypothèques qui affectent les immeubles qu'il détient en cette qualité.

478. Le mari qui reçoit certains fonds en paiement de la dot de sa femme peut-il purger les hypothèques dont ils sont affectés? Cela n'est pas douteux, à moins qu'il ne fût personnellement obligé à la dette, comme si ces fonds étaient hypothéqués à une dette mobilière de sa femme, contractée par elle avant le mariage, résultante d'un acte authentique antérieur au mariage, ou ayant reçu à la même époque une date certaine, soit par l'enregistrement, soit par le décès d'un ou de plusieurs signataires dudit acte (articles 1409 et 1410 du Code civil); ou s'il était question des arrérages et intérêts des rentes ou dettes passives personnelles à la femme (no 3 de l'article 1409). Ces dettes, en effet, tombant dans la communauté, le mari en est personnellement tenu; et il ne pourrait point, en offrant d'en payer sa part, acquérir la faculté de purger, parce que le partage et la liquidation des dettes de la communauté ne peuvent se faire que lors de la dissolution de même communauté.

479. La femme commune à qui il serait échu en partage des conquêts de la communauté grevés d'hypotheques, ne les pourrait point purger, parce qu'en sa qualité de commune elle est personnellement tenue des dettes, de la communauté.

480. L'héritier à qui un immeuble de la succession écherrait par licitation, ne pourrait point purger les hypothèques dont cet immeuble serait affecté. Mais si ces hypothèques proveraient du fait d'un des cohéritiers qui, avant partage, en aurait consenti sur sa part indivise, la purgation serait inutile, parce que l'adjudicataire sur licitation l'acquerrait franc et quitte de toutes charges du fait de son cohéritier; ce qui doit s'étendre au cohéritier dont le lot se trouve grevé d'hypothèques consenties par son cohéritier; car l'effet du partage et de la licitation est d'investir chaque coléritier de la propriété du lot ou dé

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