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l'objet licité, sans qu'il soit censé avoir jamais eu aucun droit sur les autres.objets de la succession..

481. Pour que le nouveau possesseur puisse purger, il faut que l'acte soit réellement translatif de propriété (art. 2181). Cela signifie-t-il qu'il faut que l'acte soit valide et à l'abri de toute atteinte, ou suffit-il que son extérieur et sa qualité indiquent que c'est un acte de sa nature translatif de propriété ?

Si, par exemple, une vente est faite d'un immeuble appartenant à un tiers, et que l'acquéreur de cet immeuble transcrive son titre et remplisse toutes les formalités requises pour purger les hypothèques, ces hypothèques seront-elles valablement purgées ? La vente de la chose d'autrui est nulle, porte l'article 1599 du Code; il n'est donc pas douteux que l'acte de vente dont il s'agit, quoique translatif de propriété de sa nature, ne transférera point à l'acquéreur la propriété de cet immeuble, alors même que cet acquéreur serait de bonne foi. Or, le mode introduit par nos lois pour consolider les propriétés entre les mains des tiers détenteurs ne les consolide que respectivement aux tiers créanciers, mais ne donne point au titre une validité et une vertu qu'il n'a pas. L'influence de ce mode sur la translation de la propriété est donc nulle.

Quant aux tiers créanciers, il n'est pas douteux que les paiemens faits entre leurs mains seront valables, s'ils ont supprimé leurs titres ; si l'un d'eux a surenchéri, et que la revente ait eu lieu sur enchère, cette revente ne sera pas moins nulle puisque son fondement, qui est la translation de la propriété, manque ; mais les collocations et la distribution qui auront eu lieu produiront tous leurs effets s'ils ont supprimé leurs titres.

Que faudrait-il décider si un mineur ou une femme en puissance de mari avait vendu à un tiers un de ses immeubles? La purgation des hypothèques qui l'affecte, faite par l'acquéreur, serait-elle valable? La vente consentie par

le mineur et la femme mariée n'est point en soi translative de propriété; elle n'est pourtant pas nulle d'une manière absolue, de telle sorte que la nullité n'en pourra être demandée que par le mineur ou ses héritiers, par la femme,

son mari ou leurs héritiers.

Tous les créanciers qui auront reçu leur paiement sur le prix de cette vente seront désintéressés et n'auront plus d'action contre le mineur et la femme, alors même qu'ils feraient annuller la vente, à moins qu'ils ne fussent sujets à l'action condicti indebitio de la part de l'acquéreur de bonne foi, dans le cas où ils n'auraient point supprimé leurs titres. Quant aux autres créanciers qui n'y auraient point acquiescé d'une manière explicite en recevant leur paiement, leurs droits demeureraient intacts, soit que le mineur et la femme aient ratifié cette vente, ou qu'ils en aient fait prononcer la nullité. Nous soutenons en conséquence que même dans le cas où le mineur et la femme auraient ratifié la vente, la transcription et autres formalités ultérieures remplies pendant la minorité ou le mariage n'auraient point d'effet par rapport à ces créanciers; qu'ils seraient toujours à même de prendre inscription, s'ils n'étaient pas inscrits, et de surenchérir; que le délai de quinzaine ne courrait à leur égard que du jour de la transcription de l'acte de ratification, et le délai de quarante jours pour surenchérir, de celui de la notification prescrite par l'article 2183, par la raison que la ratification d'une vente passée par un mineur et une femme mariée ne peut, respectivement aux tiers, produire d'effet que ut ex nunc; que la propriété n'est par conséquent transférée à leur égard que ut ex nunc, par l'effet de cette ratification, et qu'il n'a pu conséquemment être question de la consolider à l'égard des tiers créanciers, dans la main de l'acquéreur, qu'à partir de cette ratification.

Sur cette question, Roussilhe prétend que la vente n'étant réputée nulle qu'en faveur du mineur et non ab

solutè (1), elle ne l'est pas, lorsque le mineur devenu majeur juge qu'elle lui est avantageuse, soit en la ratifiant expressément ou même tacitement par le seul laps de dix ans après la majorité, sans s'être pourvu, et qu'en conséquence les lettres de ratifications ont effet du jour de la vente.

Nous avons réfuté trop victorieusement le faux principe qui sert de base à cette conséquence pour être obligé d'y revenir ici. Nous avons démontré que la ratification, soit qu'elle portât sur une aliénation, soit qu'elle s'appliquât à une hypothèque consentie, ne produisait d'effet qu'à sa date; que la vente respectivement aux tiers créanciers, tout comme l'hypothèque, était essentiellement nulle et sans effet jusqu'à ce qu'elle fût recréée par un acte nouveau que nous appelons ratification. Le véritable principe étant ainsi rétabli, la conséquence est qu'il ne peut être question que de la transcription de cet acte, si l'on veut s'acheminer vers la purgation des hypothèques qui frappent sur l'immeuble, soit qu'elles aient été consenties antérieurement à la vente, soient qu'elles l'aient été dans le temps intermédiaire.

482. Et en généralisant cette conclusion, tenons pour certain que tout acte de sa nature translatif de propriété, qui sera infecté d'une nullité, ne pourra servir de base à une purgation d'hypothèque valables, et que les formalités à remplir pour cet objet devront l'être à partir de l'acte de ratification introductif d'une disposition nouvelle, seule translative de propriété à l'égard des tiers, et qu'il faut que la propriété soit réellement transférée pour que la purgation des priviléges et hypothèques puisse avoir lieu.

483. Il résulte de là que si une vente était consentie sous pacte de réméré, la transcription en serait valable, parce qu'il est certain qu'une pareille vente transfère la

(1) Notes sur l'art. 6 de l'édit de 1771, page 24.

propriété à l'acquéreur jusqu'à ce qu'il plaise au vendeur d'exercer la faculté de rachat.

Il serait libre sans doute à un créancier, comme subrogé aux droits du vendeur, d'exercer lui-même le droit de réméré, et d'expulser l'acquéreur qui aurait purgé l'immeuble des priviléges et hypothèques. Mais ce n'est plus comme créancier qu'il agirait, mais comme exerçant le droit du vendeur auquel il est subrogé; il devrait, comme le vendeur, rendre à l'acquéreur tout ce qu'il aurait déboursé, tandis que si l'acquéreur n'avait pas fait transcrire son contrat, le créancier aurait pu inscrire son hypothèque nonobstant la vente si elle ne l'était point encore, ou si elle l'était, il aurait pu agir directement sur l'immeuble par la voie hypothécaire, pour contraindre l'acquéreur à délaisser, ou à payer, ou à purger, sans que dans ce cas il fût obligé de restituer à l'acquéreur aucuns de ses déboursés.

Que devrait restituer le créancier agissant comme su brogé du vendeur, dans l'espèce suivante? Un acte de vente, sous pacte de réméré, a été fait pour le prix de mille louis, portant quittance du tout pour huit cents louis et remise expresse du résidu. Le créancier qui exerce le droit de réméré offre et consigne, outre les frais et loyaux coûts de la vente, la somme de huit cents louis. L'acquéreur soutient que cela est insuffisant et qu'on doit lui rembourser mille louis. Pour résoudre la question, ou il apparaît d'une cause certaine de remise de deux cents louis, et la question se résout d'après les règles tracées en la section III, ch. 2, 2e partie des formes de l'ins cription hypothécaire, à moins que ce ne soit un prétexte suscité en fraude de celui qui exerce le rachat, putà si la remise d'une partie du prix est censée donation purement libérale, et que cependant il conste que la chose ne valait pas le prix convenu, mais seulement celui qui a été payé, et qu'ainsi il y a plutôt reconnaissance de la bonne

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foi due, que donation, à quoi se joint et accède la présomption dérivant du léger intervalle entre la remise et la vente, et ainsi on ne peut croire que la volonté de vendre se soit si tôt changée en volonté de donner; ou il n'apparaît pas d'une cause certaine de remise, et alors il faut présumer la cause la plus vraisemblable collatis conjecturis, en recueillant et comparant toutes les conjectures dont la principale est l'adéquation de la valeur de la chose au prix convenu ou reçu, juxtà Glossam et in leg. semper in stipulationibus ff. de reg. juris ; ou il n'y a pas plus de vraisemblance pour une cause que pour une autre, ou l'une n'excède que de peu l'autre (car peu et rien sont équipollens en matière de probabilité et de conjecture), et dans cette égalité de doute, il faut juger en faveur de celui qui exerce le rachat; la raison est que l'acheteur magis certat de lucro, parce qu'il conste qu'il n'a payé que huit cents lonis, et que cependant il en demande mille; celui qui exerce le rachat, au contraire, certat de damno vitando, et par conséquent sa cause est plus favorable; la raison est encore qu'il faut interpréter le doute contre l'acheteur qui a pu plus ouvertement dicere legem et causam daus la quittance; quin etiam pœnalis dispositio extenditur ut fraudis occasio vitetur. Nous raisonnons ainsi en argumentant d'une question analogue traitée par Dumoulin en matière de droits féodaux.

484. Il résulte encore du principe ci-dessus posé, que l'acquéreur d'un immeuble, sous une condition résolutoire, le purgerait valablement des priviléges et hypothèques; car la propriété est transférée à l'acquéreur, quoique sous une condition résolutoire, sauf au vendeur ou au créancier à lui subrogé qui, en cas d'événement résolutoire, voudrait demander la résolution de la vente, à tenir compte à cet acquéreur de tous ses déboursés.

La reprise de l'immeuble par le vendeur, en vertu du droit de réméré, n'est point une nouvelle mutation.

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