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troupes, les reforma, et attaqua de nouveau, rapidement, que l'on s'aperçut à peine de son accident.

Le mouvement que venait de faire le général Dupont avait allumé le feu d'un bout à l'autre de la ligne, et c'est à cette bataille, comme à celle d'Eylau, que l'on vit encore déployer une artillerie effroyable; le corps de Bernadotte, entre autres, que commandait Victor, avait réuni quarante-huit pièces de canon dans la même batterie; c'est avec cela qu'il reçut l'attaque de la colonne russe qui venait à lui. Le général en chef russe vit bientôt qu'il avait fait une faute; qu'il trouvait des forces considérables où il ne croyait rencontrer qu'une division; il aurait voulu être encore de l'autre côté de la rivière; mais il ne pouvait entreprendre d'y repasser sans s'exposer à perdre son armée : le gant était jeté, il aima mieux le ramasser de bonne grâce. Nous étions déjà si près de lui qu'il n'eut que le temps de se former en beaucoup de carrés, qui se flanquaient réciproquement, et une fois dans cette position, qui le privait d'une grande partie de son feu, il attendit une destruction devenue inévitable. Ses masses étaient amoncelées en avant de Friedland; acculées à la ville, elles formaient le centre d'un demi-cercle dont nous occupions presque toute la circonférence.

Chaque coup de nos canons portait, et démolissait les carrés russes l'un après l'autre. Vers six heures du soir, l'empereur les fit aborder à la mousqueterie, ce fut leur coup de grâce leurs masses furent tellement décomposées, que l'on ne remarquait plus d'ordre dans leurs dispositions, et, par suite d'un instinct naturel à l'homme, tous ceux qui faisaient partie de ces débris cherchèrent leur salut en fuyant vers le pont. Ils furent obligés d'y renoncer parce que l'artillerie de notre centre, qui tirait dans cette direction, en faisait un carnage affreux. Ils se jetèrent alors pêle-mêle dans la rivière avant de s'être assurés s'il y avait un gué : beaucoup s'y noyèrent (1); mais d'autres trouvèrent un gué en face de notre gauche ; dès-lors rien ne put retenir le reste, qui s'enfuit vers ce point, sans ordre et semblable à un troupeau de

moutons.

Les Russes avaient à leur droite vingt-deux escadrons de cavalerie, qui protégeaient cette retraite; nous en avions plus de quarante, par lesquels nous aurions dû les faire charger; mais, par une fatalité sans exemple, les quarante escadrons ne reçurent aucun ordre, et ne montèrent

(1) Quand on connaît l'accoutrement du soldat russe, on ne peut en être étonné.

même pas à cheval; ils restèrent, pendant toute la bataille, pied à terre, sur un vaste terrain, en arrière de notre gauche. En voyant cela, j'ai regretté sincèrement le grand-duc de Berg: s'il eût été là, il n'eût pas manqué d'employer ces quarante escadrons, et certes pas un Russe n'échappait.

La nuit était close, et le feu éteint; notre armée coucha dans la position où elle avait combattu. L'empereur passa aussi cette nuit au bivouac, et, le lendemain, à la pointe du jour, il était à cheval, parcourant les lignes de ses troupes, dont les soldats dormaient encore, et étaient fort fatigués. Il défendit qu'on les éveillât pour lui rendre des honneurs, ainsi que cela était d'usage; il passa ensuite sur le champ de bataille des Russes : c'était un spectacle hideux à voir; on suivait l'ordre des carrés russes par la ligne des monceaux de leurs cadavres; on jugeait de la position de leur artillerie par les chevaux morts. On pouvait se dire avec raison qu'il fallait que les souverains eussent de bien grands intérêts à démêler en faveur de leurs peuples pour nécessiter une semblable destruction,

On prit à Friedland beaucoup d'artillerie, environ quinze ou vingt mille blessés et quatre ou cinq mille prisonniers.

CHAPITRE VII.

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L'empereur reçoit la nouvelle de la prise de Koenigsberg. Je suis nommé gouverneur de cette place.. -Ressources de toute espèce. Affluence des blessés qui rejoignent leurs corps. Organisation et tenue des hôpitaux. Les Russes demandent un armistice. Entrevue de Tilsitt.

L'ARMÉE russe, qui ne consistait plus que dans quelques bataillons des régimens des gardes, prit en toute hâte le chemin du Niémen par Tilsitt. (1)

Nous partîmes de suite pour la suivre, et arrivâmes le même jour 15, à Vehlau sur la Pregel. Les Russes en avaient brûlé le pont; mais il y avait un bon gué pour la cavalerie: l'infan

(1) La garde russe, à cette époque-là, était composée du régiment Fréologinski fort de....... 4 bataillons. du régiment Semonwski.

du régiment Ismullowski..

d'un bataillon de chasseurs.

des grenadiers du corps.....

du

Total.....

2

2

I

2

11 bataillons.

Les régimens Semonwski, Ismullowski et les grenadiers. corps furent engagés à Friedland et souffrirent aussi; de sorte qu'il n'y avait que 5 bataillons qui fussent réelle

:

terie se fit un pont avec le bois dont ce pays-là est couvert. L'empereur resta à Vehlau la journée du 16, pour faire défiler son armée; il y reçut le même jour la nouvelle de l'occupation de Koenigsberg, cela lui fit grand plaisir il m'en nomma le gouverneur, ainsi que de la VieillePrusse, et ne me donna pas d'autres instructions que d'empêcher le pillage, de bien soigner les hôpitaux, et de lui envoyer abondamment des vivres et des munitions pour l'armée qui marchait sur Tilsitt.

J'arrivai à Koenigsberg le 17; le maréchal Soult y avait son quartier-général, et son corps d'armée était campé sous les murs de cette grande ville.

En faisant la reconnaissance des magasíns, je

ment intacts, chaque bataillon russe n'a pas plus de 500 hommes.

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Le régiment des hussards, du grand-duc,

10 escadrons...

1000

Total..... 2600 hommes.

C'était cette troupe qui formait les 22 escadrons qui couvrirent la retraite des Russes, après la bataille de Friedland.

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