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député, mais collective); l'âge pour être éligible fut abaissé de quarante à trente ans.

La revision fut complétée par deux lois l'une abaissa le cens électoral de 300 à 200 francs; l'autre rendit la qualité de pair viagère et non plus héréditaire (1831).

Ce nouveau régime, appelé la « Monarchie de juillet », parce qu'il était l'œuvre de la Révolution de juillet, différait peu par les institutions de celui de la Restauration. Le véritable changement consista à faire arriver au pouvoir un personnel politique nouveau. La famille royale des Bourbons, attachée par traditior à l'ancien régime, favorable au maintien de l'aristocratie et au pouvoir du clergé, fut remplacée par la famille des Orléans, à demi bourgeoise et voltairienne, obligée de s'appuyer sur la bourgeoisie libérale. La Chambre des pairs fut privée d'une moitié de ses anciens membres (175 pairs sur 364 refusèrent de prêter serment à Louis-Philippe), dépouillée du privilège d'hérédité, et perdit son influence sur le gouvernement. Le pouvoir politique se concentra dans la Chambre; la majorité appartint désormais à la bourgeoisie libérale, ennemie de la noblesse et du clergé, et qui donna à la politique une direction opposée à celle de la Restauration.

Une nouvelle force politique fut créée par la Révolution et reconnue par la Charte. « La Charte et tous les droits qu'elle consacre demeurent confiés au patriotisme et au courage des gardes nationales. » La garde nationale, réorganisée en 1831, se composait de tous les contribuables en état de se procurer à leurs frais leur uniforme; elle élisait ses sous-officiers et officiers jusqu'au grade de capitaine. La garde nationale de Paris remplaça la garde royale supprimée; elle fut la force armée chargée de défendre le gouvernement; mais elle fut aussi un organe politique: Louis-Philippe passait lui-même en revue les gardes nationaux, les cris qu'ils poussaient pendant la revue étaient la principale manifestation de l'opinion populaire. Ce rôle politique de la garde nationale fut le trait le plus original du régime de juillet.

Lutte des partis dans le gouvernement (1830-31). Louis-Philippe, devenu roi par une insurrection de Parisiens, surnommé par les légitimistes « le roi des barricades », fut obligé d'abord de manifester aux insurgés sa reconnaissance. Une récompense nationale fut votée pour les « victimes de la Révolution de juillet », une colonne fut élevée sur la place de la Bastille « à la mémoire des citoyens morts en combattant pour la défense des libertés publiques ». Le roi reçut en audience « les condamnés pour délits politiques ». Le

roi sortait à pied avec un parapluie, serrait la main aux gardes nationaux, se laissait offrir des verres de vin par les ouvriers; manifestations démocratiques qui servaient de thème aux plaisanteries des salons et des journaux légitimistes; ils s'amusaient aussi de <«< l'insurrection des solliciteurs » venus pour demander des places au gouvernement, et racontaient que Lafayette avait apostillé 70 000 demandes.

Le gouvernement restait partagé entre les deux groupes qui avaient mené la Révolution : l'ancien parti révolutionnaire du drapeau tricolore, qui avait préparé le soulèvement contre les Bourbons et formé la commission exécutive de l'Hôtel de Ville (Lafayette, Laffitte, Dupont); le parti constitutionnel (Guizot, Broglie, Dupin), qui avait pris la direction de la Chambre et lui avait fait accepter le duc d'Orléans.

Louis-Philippe, en écartant les jeunes républicains, n'avait pas osé se débarrasser des chefs du parti du drapeau tricolore qui seul rendait le nouveau régime populaire à Paris. Il appela donc au gouvernement à la fois les hommes des deux partis; il donna sept ministères aux constitutionnels, aux libéraux quatre ministères, le commandement des gardes nationales (Lafayette), la préfecture de la Seine (Odilon Barrot).

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Ce fut alors dans le ministère une lutte continuelle sur la direction générale de la politique. Le parti du mouvement (Lafayette, Laffitte) voulait laisser se produire « les conséquences de juillet », comme on disait à l'intérieur soutenir le parti démocratique et combattre le clergé, au dehors aider les peuples révoltés contre les gouvernements monarchiques. Le parti de la résistance (Guizot, Broglie, Casimir Perier) déclarait la « révolution terminée » et voulait à l'intérieur combattre les républicains et donner le pouvoir à la bourgeoisie, à l'extérieur maintenir la paix et réconcilier la France avec les monarchies.

Le parti du mouvement prit d'abord la direction; il avait l'avantage d'être soutenu par la garde nationale et les insurgés de Paris. Sa politique était de laisser le peuple parisien manifester sa volonté. - Le peuple voulut d'abord la mort des quatre ministres de Charles X qui avaient signé les ordonnances; pour les sauver, le parti de la résistance fit voter à la Chambre une adresse demandant l'abolition de la peine de mort politique. Le peuple ameuté attaqua le PalaisRoyal et le fort de Vincennes, prison des ministres de Charles X. Les hommes de la résistance se retirèrent du ministère; Louis-Philippe, partisan lui-même de la résistance, abandonna le gouvernement aux

hommes du mouvement, afin de les user plus vite. Ce fut le ministère Laffitte (2 novembre 1830-13 mars 1831). Il protégea les ministres de Charles X et la Cour des pairs qui les jugeait en garnissant les rues de soldats, mais il laissa le peuple saccager l'église de SaintGermain-l'Auxerrois et l'Archevêché (fév. 1831). Le clergé ayant soutenu le gouvernement de Charles X, la Révolution de 1830 avait été une victoire des libéraux voltairiens sur le clergé légitimiste. En province on avait abattu des croix de mission, insulté des religieux et des prêtres. A Paris on saccagea Saint-Germain-l'Auxerrois où le parti légitimiste avait organisé un service en mémoire du duc de Berry; on démolit l'Archevêché en haine de l'archevêque, qui en 1830 avait conseillé à Charles X un coup d'État militaire. Louis-Philippe n'osait pas assister publiquement à la messe, il se faisait célébrer un service dans une chapelle intérieure et son couronnement se fit sans aucune forme religieuse.

Mais le parti du mouvement avait contre lui la bourgeoisie, effrayée de la perspective d'une guerre et mécontente de la crise du commerce. Les affaires s'étaient arrêtées; 150 000 personnes, disait-on, avaient quitté Paris; les ouvriers sans travail manifestaient; le 3 pour 100 était tombé à 52 francs, le 5 pour 100 à 82; Laffitte lui-même était forcé de liquider sa maison de banque. Louis-Philippe ne voulait pas de la guerre, il empêcha le ministère d'intervenir en Italie ou en Pologne. Alors le parti du mouvement se retira; le parti de la résistance prit le pouvoir ce fut le ministère Casimir Perier (13 mars 1831).

Sa politique fut de consolider la royauté, d'assurer le gouvernement à la bourgeoisie en écrasant le parti démocratique, et de maintenir la paix extérieure en arrêtant toute politique d'intervention. La Chambre de 1830 fut dissoute, et la Chambre élue suivant le nouveau régime par les électeurs à 200 francs donna au ministère une majorité assurée. Casimir Perier indiqua sa politique par le discours du trône : « La France a voulu que la royauté fût nationale, elle n'a pas voulu que la royauté fût impuissante. » Il décida le roi à quitter le Palais-Royal, sa résidence de duc, pour s'installer aux Tuileries, le palais du roi. Il fit voter une loi contre les rassemblements armés. Il interdit à tous les fonctionnaires d'entrer dans l'Association_nationale fondée pour combattre les Bourbons et l'étranger. « La France sera gouvernée », dit le Journal des Débats.

Lutte contre les insurrections (1831-34). La monarchie de Louis-Philippe, devenue le gouvernement par la bourgeoisie, fut alors attaquée à la fois de deux côtés opposés deux partis

organisèrent des insurrections pour renverser le gouvernement. Les partisans de la branche aînée, appelés carlistes par leurs adversaires, et qui se nommaient eux-mêmes légitimistes, essayèrent à Paris d'enlever la famille royale (complot de la rue des Prouvaires, fév. 1832). Mais leur force était surtout dans l'Ouest, l'ancienne Vendée. C'est là que la duchesse de Berry, mère de Henri V, après une tentative manquée sur Marseille, souleva l'insurrection romanesque qui se termina par sa captivité (juin-nov. 1832). Le parti légitimiste renonça à la guerre et se réduisit à une opposition de presse.

Le parti républicain, qui reprochait aux orléanistes d'avoir «< escamoté » la révolution de 1830, essaya de refaire une révolution républicaine par le procédé employé avec succès contre Charles X, une émeute et des barricades dans Paris. C'était, comme en 1830, un parti d'étudiants et d'ouvriers, organisés en sociétés secrètes et armés. Leur but était de rétablir la république de 1793, leur idéal était la Convention; leur tactique consistait à se réunir en armes, à se barricader dans les ruelles inextricables des quartiers Saint-Martin et Saint-Denis et à profiter d'une occasion pour marcher sur l'Hôtel de Ville ou les Tuileries et proclamer la république. Ce plan, devenu pour nous inconcevable, s'explique par des conditions qui ont disparu. La province n'avait pas de vie politique, elle acceptait docilement tout ordre venu de Paris; il suffisait d'être. maître de Paris pour imposer un gouvernement à la France. Paris s'arrêtait alors aux barrières de l'octroi (les douze anciens arrondissements); la population bourgeoise des quartiers de l'ouest était clairsemée et passive; les quartiers de l'est, où se concentrait la population ouvrière, surtout sur la rive droite, formaient une place forte facile à défendre par des barricades et voisine des centres de la vie politique, l'Hôtel de Ville et les Tuileries. Le gouvernement n'était guère défendu que par la garde nationale, dont on pouvait espérer détacher une partie.

Le parti républicain était dirigé par des sociétés secrètes formées des membres les plus déterminés du parti; ils commençaient l'émeute, puis les mécontents, surtout des ouvriers et de jeunes garçons, venaient les aider à dresser les barricades et à combattre; ceux qui n'avaient pas d'armes entraient chez un bourgeois de la garde nationale et lui prenaient son fusil. Quand le gouvernement faisait dissoudre une société secrète, les républicains en reformaient une nouvelle sous un autre nom. Il y eut ainsi successivement : la société des Amis du peuple, dissoute en 1831, qui fit les émeutes des ministres

de Charles X et de Saint-Germain-l'Auxerrois, la Société des Droits de l'homme, la plus puissante, qui dirigea les deux grandes inserrections de 1832 et 1834; la société des Familles (1837), celle des Saisons, qui fit le soulèvement de 1839.

Les Droits de l'homme s'étaient organisés comme une armée, divisée en sections de vingt membres (pour échapper à la loi qui interdisait toute association de plus de vingt personnes), chaque section ayant un chef, un sous-chef; les sections étaient groupées en séries ayant leurs chefs. Les sociétés qui lui succédèrent à Paris imitèrent cette organisation. A Lyon, les émissaires des Droits de l'homme créèrent une organisation analogue. Ils trouvèrent les ouvriers lyonnais excités par l'insurrection de novembre 1831, qui avait été une simple émeute ouvrière sans but politique. Pendant la crise commerciale produite par la révolution de 1830, les fabricants de soieries avaient réduit le salaire; les ouvriers en soie de Lyon, tisseurs travaillant en chambre, obtinrent de la municipalité et du préfet une réunion de délégués des fabricants et des ouvriers, qui fixa un minimum de salaire; le préfet l'accepta, les fabricants le refusèrent et cessèrent le travail; les ouvriers descendirent de la Croix-Rousse avec un drapeau noir et l'inscription fameuse Vivre en travaillant ou mourir en combattant. Après le combat les ouvriers restèrent dix jours maîtres de la ville. Ce soulèvement avait donné aux ouvriers de Lyon le sentiment de leur solidarité et de leur force; les républicains les organisèrent sous la forme d'une société de secours mutuel, les Mutuellistes, divisée en 122 loges de 20 membres chacune, avec une caisse et un journal.

Le parti républicain, sans compter les petites émeutes de Paris en 1830 et 1831 et l'émeute de Grenoble (mars 1832), fit deux grandes insurrections.

1o En 1832, après la mort de Casimir Perier, pendant le soulèvement légitimiste de Vendée, à l'occasion des funérailles du général Lamarque, les républicains, renforcés de réfugiés polonais, italiens et allemands, réunis autour de l'estrade où était posé le cercueil, proposèrent de proclamer la république; ils commencèrent une insurrection qui dans la nuit fut maîtresse de tout l'Est de Paris, puis elle fut refoulée graduellement par la garde nationale et 25 000 soldats et cernée dans le quartier Saint-Martin, où elle se termina par le combat du cloître Saint-Merry (5-6 juin).

2o En 1834, l'insurrection commença à Lyon quand le gouverne

1. Celle de la place Vendôme fut dispersée à l'aide de pompes à incendie.

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