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SUR L'HISTOIRE DES MOUVEMENTS OUVRIERS Webb (Sidney et Béatrice), History of trade unionism, 1894; suivi d'une bibliographie détaillée; un des ouvrages historiques les plus instructifs de notre temps, contient une quantité exceptionnelle de renseignements nouveaux, non seulement sur les trade-unions, mais sur toute l'action politique des ouvriers. - Von Schulze-Gævernitz, Zum socialen Frieden, 2 vol., 1890, raconte dans un but pratique l'histoire de « l'éducation politique sociale du peuple anglais au XIX siècle »; au point de vue de la doctrine de l'économie politique libérale.

SUR LES TRANSFORMATIONS ÉCONOMIQUES DE LA SOCIÉTÉ ANGLAISE : W. Cunningham, The growth of english industry and commerce in modern times, 1892; avec une bibliographie générale de l'histoire économique, l'exposé d'ensemble le plus précis et le plus clair.

SUR L'IMPÔT : A. Wagner, Finanzwissenschaft, 1887; donne une bibliographie et un exposé d'ensemble. S. Dowell, History of taxation and taxes in

England, 1884 (réédité depuis).

SUR L'IRLANDE : de Pressensé, L'Irlande et l'Angleterre, 1889; ouvrage de vulgarisation très favorable aux Irlandais.

CHAPITRE III

L'ANGLETERRE ENTRE LES DEUX RÉFORMES

1832-1867

Conditions nouvelles de la vie politique. La réforme électorale de 1832 fut pour les Anglais la fin de l'ancien régime. Il ne restait presque plus de députés désignés par un patron. Les grandes villes industrielles entraient dans la vie politique; la Chambre devenait beaucoup moins aristocratique et beaucoup plus représentative.

La transformation se marqua très vite par des signes extérieurs : augmentation du nombre des élections disputées, du nombre d'heures de séances de la Chambre, du nombre de députés présents en séance, du nombre de volumes imprimés pour la Chambre (31 par an en moyenne de 1824 à 1832, 50 de 1832 à 1840), du nombre des pétitions qu'on finit (1839) par n'avoir plus le temps de discuter.

La publicité augmenta aussi, elle n'existait que par tolérance; en 1832 la Chambre refusait encore de publier les votes des députés, et quand O'Connell les communiqua en Irlande on réclama contre cette violation de la liberté de parole; légalement les séances et les votes devaient rester secrets, suivant la conception du Moyen Age. Mais le besoin de publicité l'emporta, la salle des séances ayant brûlé, on en reconstruisit une nouvelle, avec une galerie pour le public (1834); puis la Chambre elle-même décida de publier les listes de division (1836), c'est-à-dire les votes des députés.

L'ancienne procédure de la Chambre se conserva (sauf la façon de voter qui se fit désormais en sortant de la salle et en rentrant pour passer devant les scrutateurs). La discussion pratique continuait à se faire en séance officieuse, « comité de toute la Chambre »

avec un simple président de séance, le chairman; la décision et le vote étaient réservés à la séance officielle présidée, suivant les anciennes formes, par le Speaker en perruque, avec la masse d'armes sur la table; chaque député continuait à parler de sa place, sans tribune; chacun avait le droit de présenter une motion et de parler aussi longtemps qu'il lui plaisait (les Anglais ne voulaient pas de la clôture). En pratique la Chambre ne votait guère que les projets présentés par le ministère et il en est encore de même aujourd'hui.

Mais, en gardant ses anciennes formes, la Chambre prit un rôle plus actif; élue par des électeurs plus nombreux et plus indépendants, elle inclina vers la politique de réformes et le régime parlementaire. Les anciens partis traditionnels abandonnèrent les vieux noms historiques de whig et tory; le parti whig uni aux radicaux s'appela libéral, le parti tory s'appela conservateur. Son chef, Peel, déclara (dans un manifeste électoral de 1834) accepter la réforme comme « le règlement définitif et irrévocable d'une question constitutionnelle qu'aucun ami de la prospérité du pays n'essaierait de troubler directement ou par des moyens détournés ». Le parti conservateur anglais a toujours gardé cette attitude, combattant les réformes avant, mais les acceptant après et n'essayant jamais de faire une réaction pour les détruire. Avant la réforme les conservateurs soutenus par la gentry et le clergé avaient dominé. Depuis la réforme, la majorité fut plus souvent au parti libéral, soutenu par les industriels et les dissidents; en trente-quatre ans il garda le pouvoir pendant vingt-cinq.

Le gouvernement cessa de traiter la presse en ennemie; le droit de timbre fut réduit en 1836 à 1 penny (2 sous) par numéro, et enfin aboli en 1855. Le nombre des journaux augmenta peu (l'Angleterre est restée le pays des journaux peu nombreux et à fort tirage); mais le nombre des exemplaires timbrés s'éleva de 36 millions en 1836 à 53 en 1838 et 107 en 1835. Les procès de presse devinrent rares, et la liberté pratique de discussion fut complète.

Les ministères tories avaient abandonné le régime parlementaire, les ministères libéraux y revinrent. L'usage s'établit définitivement de charger le chef de la majorité de former le ministère et de laisser le ministère gouverner sans aucune intervention du roi; suivant la formule devenue classique vers ce temps : « Le roi règne et ne gouverne pas ».

Guillaume IV essaya encore une fois de faire usage de sa prérogative pour prendre des ministres de son choix. La Chambre élue en 1832 suivant le nouveau régime électoral étant libérale en grande

majorité, le ministère libéral (Grey) resta au pouvoir (1834); s'étant divisé sur la question des domaines de l'Église d'Irlande, il fut reconstruit et devint le ministère Melbourne. Mais le roi n'aimait pas le parti de la réforme. Le leader du parti libéral à la Chambre étant devenu lord, le roi renvoya le ministère par une simple lettre à Melbourne, disant qu'il n'avait plus confiance dans la stabilité du ministère et il forma un ministère conservateur (avec Wellington, puis Peel); c'était un ministère de minorité. Peel fit dissoudre la Chambre; dans la Chambre nouvelle les libéraux eurent encore une majorité, quoique réduite. Peel essaya de gouverner, mais ayant été mis quatre fois en minorité, il se retira, en déclarant que « d'après la pratique, les principes et la lettre de la Constitution un gouvernement ne doit pas persister à diriger les affaires, après un essai loyal, contre l'opinion nettement décidée de la Chambre des communes, même lorsqu'il possède comme aujourd'hui la confiance du souverain et une majorité à la Chambre des lords ». C'était le principe du régime parlementaire, formulé par le chef même du parti conservateur (1835). Il n'a cessé depuis d'être appliqué régulièrement en Angleterre.

Guillaume IV fut bientôt remplacé par sa nièce Victoria (1837) qui pendant son long règne a réduit sa prérogative à charger le chef de la majorité de la Chambre de former le ministère. L'ancienne théorie de la balance entre les trois pouvoirs, roi, lords, communes, a été remplacée par la théorie de la « balance entre les partis ». Le parti en majorité à la Chambre des communes doit former le ministère qui gouverne parce qu'il a la confiance de la majorité des corps électoraux; quand il perd la majorité, il doit abandonner le pouvoir au parti qui l'a acquise; mais il reste constitué pour le reprendre, sous un chef reconnu qu'on appelle le leader de l'opposition. Les deux partis forment ainsi deux gouvernements, l'un en exercice, l'autre en disponibilité; entre les deux les électeurs tiennent la balance et la font pencher tantôt d'un côté, tantôt de l'autre 1. De 1832 à 1868 les libéraux et les conservateurs ont alterné cinq fois. De cette pratique on a tiré la doctrine que le régime parlementaire anglais reposait sur la division en deux partis seulement, alternant au pouvoir. En fait les partis n'ont pas toujours été nettement tran

1. Voici la série des ministères: Libéral (Grey, puis Melbourne), 1832-1834; Conservateur (Peel), 1834-1835; Libér. (Melbourne), 1835-1841; Conserv. (Peel), 1841-46; - Libér. (Russell), 1846-1852; - Conserv. (Derby), 1852; Libér. (Aberdeen, puis Palmerston), 1852-1858; - Conserv. (Derby), 1858-1859; Libér. (Palmerston, puis Russell), 1859-1866; Conserv. (Derby, puis Disraeli), 1866-1868.

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chés; le parti conservateur s'est scindé en deux fractions, pour et contre le libre-échange en 1847 (comme en 1827, pour et contre l'émancipation des catholiques); le parti libéral s'est divisé sur l'armée en 1852 et sur la guerre de Chine en 1857, sur la réforme électorale en 1866. Dans tous ces cas la fraction dissidente s'est coalisée avec le parti adverse et le pouvoir a été exercé non par une majorité, mais par une coalition, contrairement à la théorie. En outre, à côté des deux grands partis se sont formés deux groupes nouveaux, le parti radical, le parti irlandais, qui d'ordinaire ont voté avec le parti libéral, mais en restant indépendants; les membres ne s'asseyaient ni à droite ni à gauche, ils restaient « en dehors du couloir ».

Ainsis'est fixé après la réforme de 1832, le gouvernement parlementaire anglais, régime récent, car il n'a fonctionné, sans contestation, que sous la reine Victoria. Ainsi s'est établie l'alternance des partis, fondée sur la règle de la majorité, mais par un mécanisme beaucoup moins précis que la théorie classique ne le suppose.

Les réformes administratives (1833-40). - Le parti libéral arrivé au pouvoir refusa toute réforme politique, et s'occupa seulement de réformer l'organisation administrative. Il n'y avait encore en Angleterre que deux espèces de divisions territoriales, le comté et la paroisse. Toutes les affaires locales nées peu à peu de la vie civilisée, l'assistance publique, la levée des taxes, l'hygiène, les routes, la police, étaient abandonnées aux conseils de paroisse et surtout aux juges de paix, qui administraient le pays gratis et sans contrôle. Les villes et les bourgs restaient en dehors de ces divisions, et constituaient des districts indépendants; mais ils étaient administrés par la corporation municipale, formée de privilégiés héréditaires qui se rendaient compte les uns aux autres; la police même y était faite par des constables, gens du pays opérant gratuitement. Les libéraux déclaraient ce régime incohérent, faible et arbitraire.

Il n'entrait pas dans les habitudes du parti libéral anglais d'entreprendre aucune réforme méthodique; mais il fit en quelques années plusieurs réformes partielles sans plan d'ensemble qui suffirent pour transformer l'ancien régime administratif.

1o On créa une police spéciale pour Londres, c'est-à-dire pour une région délimitée par un rayon fixé autour de Charing-cross; elle fut formée de policiers de profession (policemen), salariés, organisés et disciplinés militairement; mais par respect pour les usages anglais on leur conserva le vieux nom de constables et on leur donna, au lieu d'une arme, un bâton court qui semble seulement un insigne et peut servir de casse-tête.

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