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mèrent une majorité contre l'union. Le Parlement douanier rejeta. une adresse en faveur de l'unité (par 186 contre 150), puis refusa l'impôt sur le pétrole (1868). Il dura jusqu'en 1870, mais en se renfermant dans les affaires de douanes.

Dans l'Allemagne du Sud, l'opposition à la Prusse augmenta. En Wurtemberg, le parti démocratique proposa au Landtag l'organisation militaire suisse (en 1868), puis la diminution des dépenses militaires (1870); le ministère donna sa démission. En Bavière, la Chambre dissoute, puis réélue (1869), eut une majorité patriote (catholique) qui força le roi à changer de ministère et demanda la réduction du service militaire à huit mois. Même en Bade le

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parti national s'affaiblit en luttant contre le ministère.

Fondation de l'Empire (1870-1871). — L'unité allemande en 1870 semblait moins avancée qu'en 1866. La guerre de France l'établit définitivement. Tous les États de l'Allemagne marchèrent sans hésiter avec la Confédération. Puis les victoires remportées ensemble exaltèrent le sentiment de la solidarité allemande.

Avant la fin de la guerre, pendant le siège de Paris, les princes des États du Sud, offrirent leur accession à la Confédération, et sur la proposition du roi de Bavière il fut décidé de rétablir les vieux noms historiques d'Empire (Reich) et Empereur (Kaiser). Ce ne fut qu'une extension de territoire et un changement de nom. Il n'y eut pas de constitution nouvelle. Ce fut par des traités particuliers que les quatre gouvernements du Sud entrèrent dans le Bund, qui désormais s'appela Reich; les plus grands stipulèrent des conditions spéciales, même en matière militaire la Bavière garda ses postes et son uniforme).

L'Empire fut inauguré par une cérémonie entre les princes. Le roi de Prusse fut couronné Empereur à Versailles, en présence des souverains (janv. 1871). Alors seulement les traités entre les gouvernements furent présentés aux Chambres des États particuliers pour les ratifier. En Bavière, la majorité « patriote » anti-prussienne se divisa une partie se joignit à la minorité nationale libérale de façon à donner la majorité des deux tiers (102 contre 48); le reste, formé des députés des provinces rurales les plus catholiques, protesta au nom de l'indépendance du pays (janv. 1871). — Dans les trois autres États du Sud, les conventions avaient été ratifiées dès 1870 presque sans opposition. Le Reichstag, en ratifiant les traités entre les gouvernements (avril 1871), les transforma officiellement en Constitution de l'Empire.

Le territoire enlevé à la France fut annexé non à la Prusse, comme

le demandaient les nationaux-libéraux, mais à l'Empire. Il devint le « pays d'Empire (Reichsland) Alsace-Lorraine », placé dans une condition exceptionnelle. Étant entré dans la fédération non par contrat, mais par conquête, il n'eut ni gouvernement autonome ni délégués au Bundesrath. Il fut mis sous le pouvoir direct du gouvernement d'Empire, c'est-à-dire en fait gouverné par le chancelier assisté d'un bureau spécial. Comme en 1866, l'annexion se fit sans consulter les habitants.

L'Empire ainsi constitué était une formation sans précédent, que les théoriciens du droit public avaient peine à définir, un État fédératif formé de petites monarchies autonomes, mais soumises à un souverain supérieur, un Bund (fédération) devenu Reich (empire) sans cesser d'être Bund. L'acte officiel disait : « Ce Bund portera le nom de Reich. » Cette fédération n'avait pas de gouvernement fédéral extérieur et supérieur à tous les gouvernements fédérés. C'était l'un de ses membres, le roi de Prusse, qui, pourvu d'un pouvoir militaire irrésistible, investi de la dignité supérieure d'Empereur, commandait en supérieur à tous les autres; les princes n'étaient plus ses égaux, mais ses sujets.

Les États particuliers non seulement devenaient subordonnés à l'Empire dans les affaires communes (affaires étrangères, militaires, commerciales), mais dans leurs affaires propres ils se soumettaient aux lois qui seraient adoptées par le gouvernement impérial. Ils étaient engagés par des traités perpétuels, mais non garantis pour l'avenir. Aucune limite n'étant fixée au pouvoir du gouvernement fédéral d'amender la Constitution, il peut changer l'organisation par des lois de façon à restreindre indéfiniment les droits autonomes des États, et même il pourrait transformer l'Empire et lui enlever le caractère d'État fédératif à la seule condition d'avoir la majorité des deux tiers dans le Conseil fédéral. Même les droits spéciaux réservés par les traités à quelques-uns des États peuvent être abandonnés par le gouvernement de l'État sans le consentement du Landtag.

Le gouvernement fédéral lui-même a été construit de façon à donner à l'empereur dans l'empire le même pouvoir prépondérant qu'il avait en Prusse comme roi. Aucune décision ne peut être prise malgré lui. Il gouverne souverainement, comme dans une monarchie constitutionnelle, par son chancelier qui ne dépend que de lui, supérieur à l'assemblée des représentants élus de la nation. La souveraineté appartient à l'empereur, non au peuple allemand.

Les « droits fondamentaux » des individus, expressément garantis

en 1848, n'ont pas été mentionnés en 1871. La « Constitution de l'empire allemand » ne consiste que dans un règlement pratique des pouvoirs : elle est réaliste comme le fondateur de l'empire, Bismarck.

L'empire n'a pas même été fondé exactement sur une nationalité. C'est le territoire du royaume de Prusse agrandi des États entrés dans le Zollverein et des pays conquis par la Prusse. Il ne comprend pas toute la nation allemande (les Allemands d'Autriche restent en dehors); il englobe des populations étrangères annexées par conquête et qui continuent à protester les Polonais de Posnanie et de Prusse, les Danois du Schleswig, les Français d'AlsaceLorraine.

BIBLIOGRAPHIE 2

Bibliographie. Voir Waitz, Quellenkunde, édit. de 1894.

Documents. Les principaux recueils sont les Comptes rendus des Chambres. Die Innere Politik der preussischen Regierung, 1866; recueil des actes du gouvernement pendant le conflit constitutionnel. L. Hahn, Fürst Bismarck, 5 vol., 1878-91; recueil de tous les discours et déclarations de Bismarck. — H. Kohl, Die politischen Reden des Fürsten Bismarck, 9 vol., 1892-94. Il y a une édition française des discours de Bismarck.

Pratiquement on trouvera tous les documents importants et le récit détaillé des faits dans Schulthess, Europ. Geschichtskalender, 1 vol. par an depuis 1860. Les principales revues politiques pour cette période sont les Grenzboten et les Preussische Jahrbücher.

Travaux. En matière de livres allemands on n'a que l'embarras du choix. On trouvera un exposé suivi dans Sybel, Die Begründung des deutschen Reiches, 4 éd., 7 v., 1893-94, impérialiste, officieux, pas assez de références. Oncken, Zeitalter Wilhelms I, t. I, 1890 (coll. Oncken), vulgarisation scientifique.

En français: E. Simon, L'Empereur Guillaume, 1886; Hist. du prince de Bismarck, 1887. Pour les institutions, Roenne (voir chap. XIV), et Laband, Das Staatsrecht des deutschen Reiches, 3 vol., 1876-82. Mohl, Das deutsche Reichsstaatsrecht.

1. Elle a 14 chapitres Territoire, Législation, Bundesrath, Présidence, Reichstag, Régime douanier et commercial, Chemins de fer, Postes et télégraphes, Marine, Consulats, Guerre, Finances, Règlement des contestations et pénalités, Dispositions générales.

2. Sur le caractère de cette bibliographie, voir chap. XII.

CHAPITRE XVI

L'EMPIRE ALLEMAND

Les partis dans l'Empire.

- La réunion de tous les États en un seul empire acheva la transformation politique commencée en 1866. Le Reichstag établi au-dessus des Landtags des États particuliers attira la plus grande part de l'activité politique, et les partis se formèrent sur les questions de politique nationale.

Le groupement resta à peu près le même qu'au temps de la Confédération du Nord, mais avec des proportions différentes. Comme avant 1870, le Reichstag est resté fractionné en une dizaine de partis dont aucun n'a jamais eu à lui seul la majorité. Il est difficile de les classer d'après leur attitude envers le gouvernement, car plusieurs en ont changé selon la politique du gouvernement. Mais pourtant on peut distinguer les partis d'opposition systématique, hostiles à la Constitution même de l'empire et les partis d'opposition constitutionnelle intermittente.

L'opposition systématique consistait en groupes très disparates. Il y avait trois partis de protestation nationale formés des députés des populations non allemandes aux trois extrémités de l'Empire: Danois du Schleswig (1 député); — Polonais de Posnanie et Prusse (variant de 13 à 19 suivant le résultat des élections dans les districts de population mélangée), parti aristocratique et catholique, réconcilié depuis 1890; Alsaciens-Lorrains depuis 1874 (15 députés) ', parti démocratique en majorité catholique. Tous trois protestaient contre

1. Sur les variations de ce parti, voir le paragr. spécial à la fin du chapitre.

l'incorporation de leur pays à l'Empire. Il y avait un parti de protestation dynastique, les Welfes du Hanovre, adversaires de la Prusse; le noyau permanent consistait dans les partisans de l'aristocratie et du clergé luthérien restés fidèles au roi légitime, auxquels se sont ralliés les électeurs mécontents du gouvernement prussien, de sorte que le parti s'est accru de 4 à 11 députés.

Le parti de protestation sociale, d'abord divisé en deux tronçons, se fondit en un seul après les élections de 1874, le parti ouvrier socialiste 1, organisé par le congrès de Gotha (1875). C'était un parti radical, en opposition systématique contre le gouvernement monarchique, l'organisation sociale, l'influence du clergé; et bien qu'il ne lui fût pas permis de prendre le nom de républicain, il se déclarait ouvertement hostile à tout le régime monarchique. Les élections et le Reichstag ne furent d'abord pour les socialistes qu'un procédé de propagande; ils présentaient des candidats même dans les endroits où ils savaient n'avoir aucune chance de les faire élire, afin de rallier partout des partisans. Ils tenaient plus au chiffre total des voix. données à leurs candidats dans tout l'Empire qu'au nombre de députés élus. Au Reichstag, le parti se tenait en dehors des affaires courantes, mais toujours prêt à saisir les occasions d'attaquer le régime existant et toujours votant contre le gouvernement. Ce n'est guère qu'après 1890 qu'il a commencé à prendre une part positive au travail du Reichstag. Depuis la fusion de 1875 il a toujours gardé ses anciens chefs de la fraction marxiste, Liebknecht et Bebel. Il s'est recruté dans les grandes villes et les régions industrielles, dans les provinces prussiennes du Rhin, de Saxe, de Silésie, à Berlin, à Hambourg, dans le royaume de Saxe. Le chiffre de ses électeurs a monté par une progression presque croissante de 300 000 à 1 700 000, le nombre de ses députés a varié de 2 à 44.

Les autres partis ont accepté l'Empire et sa Constitution; ils se classent d'après la direction qu'ils essaient de faire suivre au gouvernement. Les principales questions qui les divisent sont les affaires directement soumises au Reichstag, le budget fédéral, l'armée, les douanes et les impôts indirects, l'organisation des pouvoirs d'Empire (ministère et Reichstag), le règlement du droit et de la procédure. Mais ils ne s'y enferment pas strictement; ils se combinent. avec les partis du Landtag prussien formés sur les questions d'Église et d'écoles. Presque tous ont leur origine et leur principale force en Prusse.

1. Sur l'organisation et la tactique de ce parti, voir chap. XXIV.

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