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ment », et aboutissent « à constituer l'État tout entier en dehors des institutions et des préceptes de l'Église ». Elle renouvelle les con damnations de Pie IX 1.

L'Encyclique Immortale Dei (1885) « sur la constitution chrétienne des États » condamne « la prétention de chercher la règle de la vie civile ailleurs que dans les doctrines approuvées par l'Église », énumère les erreurs du « droit nouveau », et rappelle formellement les condamnations du Syllabus.

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L'Encyclique aux évêques de Hongrie (1886) condamne les « écoles appelées neutres, mixtes, laïques » créées « pour que les élèves grandissent dans l'ignorance complète des choses saintes ».

L'Encyclique sur la liberté humaine » (1888) dénonce «< cette école si répandue et si puissante des hommes qui veulent être appelés libéraux », les « fauteurs du libéralisme », qui appliquent en politique les principes du naturalisme; elle condamne les libertés modernes, la liberté des cultes, la liberté de pensée, de presse, d'enseignement3, « qu'on donne comme des conquêtes de notre époque ». En opposition au libéralisme, le Pape explique la nature de la tolérance permise par l'Église, qui doit être précaire.

1. Les doctrines

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naturalistes » condamnées sont le mariage civil (« Le mariage n'est qu'une espèce de contrat: le lien conjugal est sous le pouvoir du gouvernement laïque »), - l'enseignement laïque, l'égalité des hommes,

- la souveraineté du peuple (« La souveraineté est exercée par l'ordre ou le consentement du peuple »), la neutralité confessionnelle de l'État (« Entre les différentes religions il n'y a pas de raison de préférer l'une à l'autre, toutes doivent être sur le même pied »).

2. Égalité et liberté naturelles des hommes, souveraineté du peuple, liberté illimitée de pensée, État laïque (« L'État... ne professe publiquement aucune religion, ne doit pas chercher quelle est la seule vraie ni en préférer une aux autres... mais doit accorder à toutes l'égalité de droits... Toute question religieuse sera remise au jugement des particuliers, chacun sera libre de suivre la religion qu'il voudra ou mème aucune, si aucune ne lui plaît »). L'Encyclique rappelle que l'Église non moins que l'État est une société parfaite par nature et par droit et que les gouvernants... ne doivent lui enlever aucun des droits confiés par Jésus-Christ ».

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3. Elles sont ainsi formulées : « Il est loisible à chacun de professer la religion qu'il préfère ou même aucune »... (Le Pape explique que « cette liberté offerte à l'homme lui confère le pouvoir de dénaturer ou déserter impunément le plus saint des devoirs ».) — « L'État n'a pas de raison de rendre aucun culte à Dieu... ni d'en préférer un à l'autre, il doit leur reconnaître à tous le même droit. (Le Pape explique que la justice et la raison défendent à l'État d'être athée ou, ce qui reviendrait à l'athéisme, d'avoir les mêmes sentiments envers les différentes religions et de leur accorder indistinctement les mêmes droits ».) — Pour la parole et la presse, le Pape ne reconnait que « le droit de propager librement et prudemment ce qui est vrai et honnête », mais pour les « opinions mensongères il est juste que l'autorité publique les réprime pour ne pas les laisser s'étendre à la ruine de l'État ».

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4. L'Église voudrait vivement faire pénétrer les principes chrétiens en

L'Encyclique « du patronage de Saint Joseph et de la Sainte-Vierge, à implorer à cause de la difficulté des temps » (1889), déclare le temps présent, « à peine moins calamiteux pour la société chrétienne que ceux qui ont jamais été le plus calamiteux ».

Léon XIII garda envers le gouvernement d'Italie la même attitude que Pie IX. Jamais il ne cessa de réclamer le pouvoir temporel, condition indispensable de la liberté du Saint-Siège et de l'exercice libre du pouvoir spirituel. Chaque année dans ses allocutions solennelles aux cardinaux, à l'anniversaire de son couronnement (5 mars), à la Noël, il renouvela la protestation contre l'occupation de Rome et réserva les droits du Saint-Siège 1. Comme Pie IX, il persista à se déclarer moralement prisonnier et se fit une règle de ne pas sortir du Vatican. Jamais il ne reconnut officiellement le gouvernement italien; il s'était abstenu de lui notifier son avènement; il refusa de négocier avec lui, d'accepter la loi de garanties et même l'argent de la liste civile. Il interdit aux catholiques italiens de prendre part aux élections. Chaque fois que le bruit courut d'une réconciliation entre le Pape et le roi d'Italie, Léon XIII le fit démentir énergiquement; les ecclésiastiques qui osèrent proposer la conciliation (Curci, 1884; Tosti, 1887) furent désavoués et forcés de se rétracter. Les princes

pratique dans tous les ordres de l'État. Car ils ont la plus grande efficacité pour guérir les maux du temps présent... nés en grande partie de ces libertés si vantées... Si on cherche le remède, qu'on le cherche dans le retour aux saines doctrines... Néanmoins, dans son jugement maternel, l'Église tient compte... de la faiblesse humaine et n'ignore pas le courant qui entraîne notre époque. Pour ce motif, tout en n'accordant de droits qu'aux choses vraies et honnêtes, elle ne s'oppose pas à ce que le pouvoir public supporte quelque chose de contraire à la vérité et à la justice, pour éviter un plus grand mal ou pour obtenir ou conserver un plus grand bien... Mais... plus il est nécessaire de tolérer de mal dans un État, plus cette espèce d'État s'écarte de la perfection, et la tolérance du mal... doit être absolument circonscrite dans les limites qu'exige sa cause, c'est-à-dire le salut public... Si, en vue des conditions spéciales de l'Etat, il arrive que l'Eglise acquiesce à certaines libertés modernes, non qu'elle les préfère par elles-mêmes, mais parce qu'elle juge expédient de les permettre, dans le cas où le temps s'améliorerait, elle appliquerait sa liberté... à remplir son devoir assigné par Dieu, de travailler au salut éternel des hommes. Il demeure toujours vrai que cette liberté de tous et en toute chose n'est pas désirable par elle-même, parce qu'il répugne à la raison que le faux ait le même droit que le vrai. Le Pape condamne non seulement la séparation de l'Église et de l'État », mais la doctrine « qu'il n'appartient pas à l'Eglise de faire des lois, de juger, de punir, et qu'elle doit se borner à exhorter, persuader, diriger ceux qui se soumettent à elle volontairement ».

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1. Il protesta en outre spécialement contre la loi qui transféra au gouvernement italien l'administration des biens de la Propagande, congrégation internationale, qui devait être indépendante de tout pouvoir laïque (1884); — contre les manifestations anti-catholiques au transfert des cendres de Pie IX (1881); contre le monument en l'honneur de Giordano Bruno (1889).

catholiques qui firent visite au roi d'Italie ne furent pas reçus au Vatican (Léon XIII n'accepta de recevoir dans ces conditions que les princes protestants). Plusieurs fois (1883, 84, 89) le bruit courut que le Pape allait transférer sa résidence hors d'Italie. Les pèlerins continuèrent à regarder le Pape comme souverain de Rome et parfois ils manifestèrent en criant « Vive le Pape roi! »

Comme Pie IX, Léon XIII fit une guerre continuelle aux francsmaçons, il lança contre eux une Encyclique spéciale (Humanum genus, 1884) et une lettre au peuple italien (1892), où il recommande <«< d'éviter toute liaison avec des gens soupçonnés d'appartenir à la franc-maçonnerie ou à des sociétés affiliées ».

Mais la politique pratique de Léon XIII ne fut plus celle de Pie IX. Au lieu de lutter contre les gouvernements, il négocia avec eux (excepté en Italie, où il eût fallu sacrifier le principe du pouvoir temporel); au lieu de prolonger le conflit il chercha à l'arrêter. Il parvint à renouer les relations rompues par Pie IX avec la Suisse, avec l'Empire allemand, avec la Russie. En France, pendant la lutte contre les congrégations (1880), il évita de rompre et se borna à approuver les protestations des évêques français. Au lieu de laisser les catholiques dans chaque pays lutter séparément, il essaya de prendre la direction des partis catholiques et de la presse catholique, de façon à combiner leur action.

Sa politique semble avoir été de former dans chaque pays un parti catholique qui représentât une force politique suffisante pour rendre son alliance désirable, et d'offrir cette alliance au gouvernement moyennant des concessions à l'Église. En Allemagne Léon XIII fit voter le centre pour la loi militaire, et après de longues négociations obtint peu à peu l'abolition des mesures prises pendant le Culturkampf (excepté le mariage civil et les modifications à la constitution prussienne). En Angleterre il aida le gouvernement contre l'agitation irlandaise (voir p. 81), en envoyant en Irlande un nonce qui prit parti contre la ligue agraire (1888). En Russie il exhorta le clergé polonais à l'obéissance (1894), et obtint le rétablissement de l'ambassade russe à Rome (1895). En France, après la défaite des conservateurs en 1889, il essaya de créer un parti catholique (1891-92), en ordonnant aux catholiques républicains d'accepter la constitution pour travailler à supprimer les lois contraires aux droits de l'Église (voir p. 201).

Le Pape était ainsi amené à intervenir dans la politique intérieure des États. Il se heurta d'abord à la résistance des chefs des partis catholiques habitués à diriger la tactique de leur parti, les Irlandais

en 1883 et 1887, le centre allemand en 1887, les conservateurs français en 1891. Ils prétendaient distinguer entre les matières de foi, où tout catholique est tenu d'obéir au Pape, et les questions temporelles dans lesquelles chacun reprend son indépendance. Léon XIII condamna cette distinction comme contraire à l'autorité légitime du Saint-Siège, car le Pape, chef de l'Église, est seul juge de l'intérêt de l'Église, et les fidèles n'ont pas qualité pour fixer les limites de leur obéissance. L'unité monarchique de direction religieuse, proclamée au Concile du Vatican, aboutissait à l'unité de direction politique de tous les catholiques.

Après les tentatives de politique sociale du gouvernement allemand, Léon XIII intervint aussi dans le mouvement social par la célèbre Encyclique « Sur la condition des ouvriers » (1891); il condamnait le socialisme, blàmait les grèves, prêchait la concorde entre le capital (res) et le travail (opera), louait les corporations ouvrières et recommandait de créer des sociétés d'initiative privée, surtout des syndicats d'ouvriers catholiques.

Léon XIII a travaillé à faire rentrer dans l'unité catholique les Églises orthodoxes. Dès 1884, à la réception solennelle des pèlerins catholiques slaves (Croates, Tchèques, Galiciens), conduits par le chef du parti national croate, l'évêque Strossmayer, il exprimait l'espoir de la réunion de la grande nation slave. En 1894 il publia l'Encyclique « aux princes et aux peuples de l'univers », pour inviter à l'union les Orientaux et même les protestants; il convoqua une conférence pour préparer l'union et promulgua un règlement pour les Églises orientales ralliées à Rome, leur garantissant le maintien de leurs rites.

Dans le cours du XIXe siècle, l'État a enlevé à l'Église catholique. en Europe tout pouvoir matériel; il a supprimé l'unité obligatoire de la foi pour établir la liberté de religion. Mais par la concentration effective de toute l'autorité ecclésiastique en la personne du Pape devenu souverain absolu, par la création dans tous les pays de partis catholiques parlementaires, tous soumis à un centre commun, par l'accroissement du personnel religieux, séculier et régulier, par l'accumulation des richesses, par l'organisation des écoles catho

1. En France le Pape signifia sa décision par des actes répétés (1892). Lettre à l'archevêque de Paris (5 janv.); - Encyclique aux évêques et fidèles (16 févr.); Encycl. aux cardinaux français (6 mai); Lettre aux catholiques français (14 juin); — Lettre à l'évêque de Grenoble (22 juin): « Quand la politique est liée aux intérêts religieux, il appartient au chef suprême de l'Église de déterminer la conduite la plus propre à défendre les intérêts religieux

liques de tous les degrés, l'Église a acquis une puissance sociale et politique certainement supérieure au pouvoir officiel qu'elle a perdu.

lique).

BIBLIOGRAPHIE

Bibliographie. — Funk, Hist. de l'Église, tr. fr., 2o éd., vol., 1895 (cathoKurtz, Lehrbuch der Kirchengesch., 2 vol., 9° édit., 1885 (protestant). Documents. Les recueils d'actes officiels les plus importants, outre les Actes des Papes, Recueil des allocutions... des pontifes, sont: Walter, Fontes juris ecclesiastici..., 1862 (pour les conventions avec le Saint-Siège). Acta et decreta sacr. conciliorum recentiorum, 7 vol., 1870-90 (t. VII, concile du Vatican). L'Encyclique de 1864 et le Syllabus sont publiés à part: Raulx, Encycl. et docum., etc., 2 vol., 1865.

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Les discours de Pie IX et Léon XIII ont été réunis dans des recueils italiens (Discorsi).

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Pour le Concile Friedberg, Sammlung der Aktenstücke zum Vatikan. Concil, 1872 (vieux-cathol.). — Frond, Acles et hist. du concile, 8 vol., in-fol. Friedrich, Documenta ad illustrandum Concil. Vatican., 1871. – Veuillot, Rome pendant le Concile, 2 vol., 1872.

Les principaux périodiques catholiques sont : Civiltà catolica, depuis 1850, l'Univers (antérieur à 1848), Stimmen aus Maria Laach (jésuites allemands), depuis 1863; Études religieuses, dep. 1856 (jésuites); Le Correspondant, depuis 1829 (catholique libéral).

Travaux. Les histoires générales de l'Église : Funk (cathol.); Kurtz (protestant), sont un peu sommaires. - Rohrbacher, Hist. de l'Église, 1842-49, continué par Chantrel et Chamard, Annales ecclésiastiques, est une compilation sans critique. HISTOIRES CONTEMPORAINES DE L'ÉGLISE Gams, Gesch. der Kirche Christi. 3 vol., 1854 (cath.). Nielsen, Gesch. des Papstthums im XIX Jahrh., 2 vol. 1880 (danois). HISTOIRES SPÉCIALES: Pour l'Allemagne, Nippold, Handb. der neuesten Kirchengesch., 3° éd., 4 vol., 1883-92: Brück, Gesch. der Kathol. Kirche im XIX Jahrh., t. I-III, 1887-96 (arrive à 1870).

BIOGRAPHIES DES PAPES (voir Kurtz et Funk). Les principales sont : Artaud, Hist. de Pie VII, 2 vol., 1837, de Léon XII, 1843, de Pie VIII, 1844. Pougeois, Hist. de Pie IX, 6 vol., 1877-86 (prolixe). O'Reilly, Vie de Léon XIII, trad. de l'angl., 1887.

CONCILE DU VATICAN : Cecconi, Storia del concilio, 1873 (trad. fr., H. du Concile, 4 vol., 1887), romain. — Friedrich, Gesch. des Vatikanischen Concils, 2 vol., 1877-83, opposition cathol. Friedberg Samml. der Aktenstücke, déjà cité, donne une histoire abrégée (opposition). — Arthur, The Pope, the Kings..., 2 vol., 1877 (protestant).

VIEUX-CATHOLIQUES: Schulte, Der Altkatholicismus..., 1887.

CATHOLIQUES LIBÉRAUX A. Leroy-Beaulieu, Les catholiques libéraux... de 1830 à nos jours, 1885, esquisse intéressante. Minghetti, L'État et l'Église (tr. de Pital.), 1882, doctrine des catholiques libéraux italiens.

DROIT ECCLÉSIASTIQUE: Liberatore, La Chiesa e lo Stato, 1871 (trad. fr.); Le droit public de l'Eglise, 1888. — Tarquini, Juris. eccles. publ. institutiones; Principes du droit public de l'Église, 1891; tous deux exposent la doctrine pontificale. Hergenroether, Lehrb. des kathol. Kirchenrechts, 1888, cathol. Philipps, Kirchenrecht, 8 vol., 3° éd., 1872-89, cathol. Richter, Lehrb. des kathol. u. evangel. Kirchenrechts, 8 éd., 1886 (protestant), expose surtout le droit allemand.

1. On trouvera les grandes encycliques des Papes (et le Syllabus) dans une collection populaire catholique (avec trad. franç.), Lettres apostol. de Pie IX, Grégoire XVI, Pie VII (s. d. 1893) et Lettres apostol. de S. S. Léon XIII, 4 vol. (s. d.)

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