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du Sud adoptèrent une tactique analogue à celle des radicauxsocialistes de France; leurs députés au Landtag de Bavière refusèrent de rejeter en bloc le budget (1894); le Congrès de Francfort (1894) décida de laisser aux socialistes dans chaque État la liberté de choisir leur tactique. Un projet de réforme agraire destiné à attirer les paysans fut rejeté par le Congrès de 1895; mais les socialistes bavarois continuèrent à agiter dans ce sens et le Congrès de Halle (1896) a discuté encore sur cette tactique, sans arriver à une conclusion ferme.

Depuis la dissolu

Les Congrès socialistes internationaux. tion de l'Internationale, les partis socialistes nationaux ont essayé de maintenir l'entente internationale par des Congrès où l'on discute théoriquement un programme de réformes sociales d'intérêt général. Mais la question pratique qui domine les délibérations, c'est de décider à quelles conditions les délégués peuvent être admis à siéger au Congrès, c'est-à-dire si l'on doit admettre ou repousser les délégués des groupes anarchistes; c'est le terrain de conflit entre les socialistes semi-anarchistes et les « autoritaires » (marxistes).

Le premier Congrès (Gand, 1877) fut une victoire des «< autoritaires ». Les anarchistes y avaient été admis, on essayait encore la conciliation. On discuta l'organisation de la production; les anarchistes proposèrent leur idéal de groupes libres de production s'entendant sans autorité supérieure par la force de la solidarité. Les autoritaires firent voter le principe que l'État, représen tant du peuple entier, «< doit être propriétaire de la terre et des instruments de travail ». Ils déclarèrent aussi les syndicats « un des moyens les plus efficaces dans la lutte des travailleurs contre l'exploitation ».

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Le Congrès convoqué à Zurich pour 1881 et empêché par le gouvernement, se réduisit à la Conférence de Coire, qui ne fut pas en nombre pour prendre des décisions. Les réunions de 1883 et 1886 se réduisirent à des conférences tenues à Paris par les possibilistes français et les délégués anglais des trade unions; les marxistes refusèrent de les considérer comme de vrais congrès.

La division des socialistes français se tradui sit par les deux Congrès tenus à Paris le même jour (14 juill.), en 1889. — L'un, convoqué par les possibilistes et surtout français (606 délégués, dont 524 Français), demanda «< l'éducation intégrale », le salaire minimum et les ateliers subventionnés par l'État. L'autre, celui des marxistes (395 délégués, 174 étrangers), vota la doctrine marxiste, l'égalité de salaire des femmes, la liberté de coalition, des résolutions pour la journée de huit heures, l'interdiction du travail des enfants, des

femmes, des travaux malsains et de nuit, le repos de trente-six heures consécutives par semaine, la suppression des bureaux de placement et des entrepreneurs, la création d'inspecteurs de fabriques pour la moitié pris parmi les ouvriers. Il invita les prolétaires de tous pays à organiser une démonstration internationale pour la journée de huit heures, ce fut la fête du 1er mai. Il condamna les armées permanentes et fit une manifestation sur la tombe des martyrs de la Commune.

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Le Congrès de Bruxelles (1891) exigea, pour être admis à siéger, de déclarer qu'on reconnaissait « la nécessité de la lutte politique »>, ce qui écartait les anarchistes. Il se félicita de l'action exercée par les résolutions du Congrès de 1889, qui avait décidé l'empereur Guillaume à réunir la conférence internationale de 1890 pour la législation ouvrière. Il se plaignit que les lois de protection des ouvriers étaient mal appliquées, décida une enquête sur la condition des ouvriers et invita les travailleurs du monde entier à utiliser leurs droits politiques pour s'affranchir de l'esclavage du salariat. - Il refusa de discuter même l'antisémitisme, se fondant sur le principe de tous les partis socialistes qui « ne reconnaissent aucune opposition de nations ou de races, mais seulement une lutte de la classe prolétaire de tous pays contre la classe capitaliste de tous pays ». Il engagea à s'organiser en syndicats pour diriger la lutte. La majorité marxiste rejeta la proposition de Domela Niewenhuis, de répondre, en cas de déclaration de guerre, par la grève générale. Le Congrès de Zurich (1893) (440 délégués) expulsa les anarchistes, qui demandaient à être admis parce que leurs procédés constituaient aussi une action politique, en exigeant que ce fut une action par le mécanisme législatif. Il vota des résolutions sur la fête du 1er mai, sur la journée de huit heures, sur la tactique politique des socialistes, sur l'organisation des syndicats, sur l'attitude à prendre en cas de guerre. Il rejeta la grève générale et se borna à inviter les députés socialistes à voter contre tout budget de la guerre et à réclamer le désarmement. Pour couper court aux tentatives de conciliation agraire il vota le principe de la propriété collective du sol.

Le Congrès de Londres (1896) (800 délégués) a expulsé les anarchistes; la minorité qui a voté pour leur admission (144 voix contre 223) était une coalition des adversaires des marxistes, surtout anglais et français. Le Congrès a voté des résolutions en faveur du suffrage universel, du referendum, de l'émancipation des femmes, de la nationalisation des chemins de fer, mines et fabriques, de l'abolition des douanes; contre les armées permanentes et la politique coloniale.

BIBLIOGRAPHIE

Bibliographie. Stammhammer, Bibliographie des Sozialismus, 1895, par ordre alphabétique. Il est plus pratique de recourir aux bibliographies du Handwörterbuch der Staatswissenschaften, 6 vol., 1890-1894, et Suppl., 1895, aux mots Anarchismus, Sozialdemokratie, Internationale, et aux noms des personnages. Documents. Les principaux documents, outre les écrits des chefs des écoles et des partis révolutionnaires, sont surtout les procès-verbaux des réunions de partis, publiés dans les journaux des partis ou en brochures spéciales (pour l'Allemagne, catalogue du Vorwærts), qu'il serait impossible d'énumérer (voir la bibliogr. de G. Adler, articles Sozialdemokratie, cités plus haut). Les périodiques les plus importants ont été le Vorwærts, le Sozialdemokrat, le Jahrbuch für Sozialwissenschaft u. Sozialpolitik, qui a duré deux ans, 1879-1881, Die Neue Zeit; en France, la Revue socialiste.

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Travaux. Pour les mouvements révolutionnaires non socialistes: Deschamps, Les sociétés secrètes et la Révolution, 2 vol., 3° éd., 1880; Claudio Jannet, t. III, sous-titre Notes et documents, s. d. (1883), ouvrage confus, passionné et sans critique, renvoie aux documents et travaux antérieurs sur la francmaçonnerie, le carbonarisme, Mazzini, etc. Les principaux sont : Diamilla-Müller, Politica segreta italiana, 1880, - Menacci, Memorie docum. p. la storia della revol. ital., 1879, Th. Frost, The secret societies of the European Revolution, 2 vol., 1876. Pour les partis socialistes, les histoires d'ensemble sont des œuvres de vulgarisation Laveleye, Le socialisme contemporain, 10° éd. 1896; clair et instructif (détails originaux sur les pays du Midi). — B. Malon, Hist. du socialisme, 5 vol., 1880-1885, compilation sans critique, utilisable pourtant. Stegemann et Hugo, Handbuch des Sozialismus, 1894-1895, socialiste, sous forme de dictionnaire, donne une masse énorme de renseignements, malheureusement sans références. Sur la période antérieure à 1848: Stein, Gesch. der sozialen Bewegung in Frankreich, 3 vol., 1850 (remaniement de Sozialismus und Communismus des heutigen Frankreichs, 2 vol., 1848), reste l'ouvrage le plus complet pour la France. G. Adler, Gesch. der ersten sozialpolitischen Arbeiterbewegung in Deutschland, 1885, pour l'Allemagne.

Sur l'Internationale et la fondation des partis allemands, outre les biographies de Lassalle et de Marx (indiquées dans le Handwörterbuch d. Staatswiss.), l'histoire capitale est : R. Meyer, Der Emancipationskampf des vierlen Standes, 2 vol., 1874-1875 (conservateur socialiste).

Sur la période récente Zacher, L'Internationale rouge, 1885. Winterer, Le socialisme international, 1890. J. Bourdeau, Le socialisme allemand et le nihilisme russe, 1892 (vulgarisation). Wyzewa, Le mouvement socialiste en Europe, 1892 (vulgarisation).

Sur l'anarchisme, pas d'histoire d'ensemble: G. Adler, art. Anarchismus, cité plus haut, 1890 et 1895, don ne une histoire sommaire et une bibliogr. détaillée. E. Zenker, Der Anarchismus, 1895.

Pour les doctrines socialistes, le Handwörterbuch der Staatswissenschaften donne, au nom de chaque auteur, la bibliographie très détaillée de ses œuvres et un résumé très sûr de ses théories. Les exposés d'ensemble de l'idéal socialiste les plus scientifiques sont: Schaeffle, Quintessenz des Sozialismus, 1875, trad. fr., 1886; et surtout A. Menger, Das Recht auf den vollen Arbeitsertrag, 1886, 2o éd., 1891, chef-d'œuvre de logique et de clarté.

Pour l'histoire des partis socialistes dans chaque pays, voir les bibliographies des différents pays.

CHAPITRE XXV

L'EUROPE SOUS LE RÉGIME METTERNICH

1815-1830

1

Les questions européennes en 1815. Les grandes puissances avaient réglé en 1814 et 1815 toute l'organisation de l'Europe, le partage des territoires et même le gouvernement intérieur (voir chap. 1), et étaient convenues ensemble de maintenir ce règlement. L'Europe des « traités de 1815 » reposait sur une alliance permanente des cinq grands États, destinée à défendre l'équilibre européen et les monarchies légitimes, c'est-à-dire à empêcher le retour des gouvernements révolutionnaires et des guerres françaises de conquête. Tous ces États étaient des monarchies aristocratiques : trois absolutistes, Russie, Autriche, Prusse, les deux autres constitutionnelles, Angleterre et France, mais avec des gouvernements maîtres de la politique extérieure. Toutes les décisions dépendaient donc d'un très petit nombre d'hommes, les souverains et leurs ministres; leurs sentiments personnels, leurs impressions et leurs volontés déci

1. Dans ces derniers chapitres (XXV-XXVIII) sur les relations entre les États, je me suis écarté de l'usage, traditionnel depuis les historiens antiques, de faire entrer dans l'histoire politique le récit des faits de guerre et des négociations diplomatiques. Ces détails, indispensables dans les histoires techniques de l'art militaire et de la diplomatie écrites pour les spécialistes, hommes de guerre et diplomates, m'ont semblé hors de place dans une histoire générale; ils sont inutiles pour comprendre l'évolution politique. Je ne raconte ici, en fait d'événements diplomatiques et militaires, que ce qui est strictement nécessaire pour expliquer comment les questions de politique extérieure ont été posées. dans quel sens et par quels moyens elles ont été résolues. Les guerres qui ont eu une action directe sur la politique intérieure ont été déjà exposées dans l'histoire de chaque pays; il ne reste plus ici que les événements internationaux.

daient du sort de l'Europe. En fait tous ne pesaient pas du même poids. Le roi de France et ses ministres, absorbés par les affaires intérieures et dominés par le besoin de la paix, les hommes d'État anglais du parti tory, partisans du statu quo et indifférents aux affaires du continent, le roi de Prusse timide, hésitant, docile aux conseils de Metternich, désiraient tous éviter les complications extérieures et n'avaient qu'une politique passive. Les seuls gouvernements capables de prendre l'initiative et d'imposer aux autres leur politique, étaient les deux empires de Russie et d'Autriche, pratiquement Alexandre Fer et Metternich. De leur entente ou de leur désaccord dépendait la politique des grandes puissances, et par suite la décision des affaires de l'Europe.

Dès 1815 se posaient plusieurs questions, qui allaient occuper les diplomates. 1o La France était entrée dans l'alliance, mais les Cent-Jours avaient donné l'impression que le gouvernement légitime y était menacé; fallait-il l'admettre franchement dans le concert européen, ou la maintenir en surveillance et intervenir dans sa politique intérieure? C'était la question française, qui fut résolue au Congrès d'Aix-la-Chapelle.

2o Les Alliés avaient garanti à chaque État son territoire, mais non son gouvernement intérieur. Fallait-il les laisser établir des constitutions nouvelles ou intervenir pour maintenir la monarchie absolue? Ce fut la question de l'intervention, résolue à propos des révolutions d'Italie.

3o Les Alliés avaient garanti le maintien des territoires de toute l'Europe, excepté l'Empire ottomann. Fallait-il maintenir aussi l'intégrité du territoire du Sultan? Ce fut la question d'Orient; posée déjà au Congrès de Vienne, où le tsar refusa de la laisser discuter, elle devait se reposer encore avec l'insurrection grecque.

4o Les Alliés n'avaient rien décidé sur les colonies d'Amérique. Fallait-il intervenir pour soumettre les colonies espagnoles? La question se posait dès 1815, et fut résolue au Congrès de Vérone.

La Sainte-Alliance (1815). Les traités de 1815 avaient été des actes purement politiques, sans aucun souci de religion. Alexandre, sous l'influence de mystiques chrétiens ', voulut renforcer l'alliance politique des souverains par une alliance religieuse; le roi de Prusse, lié d'amitié avec lui pendant les campagnes de 1813 à 1815, d'ailleurs. personnellement très religieux, approuva ce projet; l'empereur

1. Il subissait à ce moment l'influence de Me de Krüdener, dont il avait fait la connaissance en mai 1815; c'était une mystique née à Riga, dans les provinces baltiques, et qui avait passé quelques années en Suisse.

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