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sur Santarem. Il s'avança donc avec le maréchal Mortier et le cinquième corps à l'attaque d'Olivença, qui n'opposa pas une longue résistance. Le 27 janvier, il investit Badajoz.

La place était forte, protégée par le Guadiana et par de solides remparts; elle communiquait par un pont de pierres avec le fort Saint-Cristoval bâti sur la rive droite et qui défendait le camp. retranché de Santa-Engracia. Au moment où le maréchal Soult s'approcha de Badajoz, le corps du marquis de la Romana, naguère occupé en Portugal au service des Anglais et récemment réclamé par l'insurrection espagnole, prenait possession de ces retranchements; son infatigable chef venait de mourir à Lisbonne. Ce fut en présence de ces forces ennemies que le cinquième corps commença les travaux d'un siège destiné à les retenir pendant plusieurs semaines. Une heureuse attaque sur un petit fort détaché permit aux maréchaux de tenter le passage du Guadiana, alors fort grossi par les pluies, et de donner bataille à l'armée espagnole. Le 19 février au matin sur les rives de la Gevara, le corps des insurgés fut complètement défait, sans avoir pu réussir à se renfermer dans le camp de Santa-Engracia. Le maréchal Soult était désormais en mesure de hâter la prise de Badajoz et de pousser vers le Portugal avant que l'armée espagnole pût se reformer; il ne parut pas en concevoir la pensée et reprit avec persévérance le travail des tranchées. « J'espère que Badajoz aura été pris dans le courant de janvier, et que la jonction avec le prince d'Essling aura eu lieu avant le 20 janvier, écrivait cependant l'empereur; si cela est nécessaire, le duc de Dalmatie peut retirer des troupes du quatrième corps. Je vous le répète, tout est sur le Tage. »>

On entendait à Santarem et à Torres-Vedras le canon de Badajoz, et le cœur des deux armées battait d'inquiétude et d'espérance. Lors de l'arrivée du général Foy, en présence de l'insuffisance des forces disponibles, la question s'était posée entre la retraite sur le Mondego et la tentative pour le passage du Tage. La volonté de l'empereur fortement exprimée à Foy lui-même, l'honneur patriotique qui animait tous les généraux, même les plus mécontents, avaient fait pencher la balance en faveur d'une occupation prolongée. Il fallait donc essayer de franchir le fleuve; la détresse qui régnait dans certaines divisions absolument réduites à la famine, ne permettait plus d'hésiter, on reconnut avec soin les rives du fleuve. Un instant, on conçut la pensée de se servir comme point de repère de l'ile d'Alviela, située au milieu

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du fleuve comme l'ile de Lobau se trouvait placée au milieu du Danube. Les équipages de pont étaient rassemblés à Punhète, les chevaux manquaient, le général Éblé s'opposa à une tentative dont on devait trop tard reconnaître les avantages; le passage de Santarem à Abrantès offrait l'inconvénient d'une attaque immédiate de l'ennemi en possession de cette ville, récemment fortifiée par le général Hill. On résolut d'attendre l'arrivée du maréchal Soult ou des renforts qu'il avait l'ordre d'envoyer en Portugal. Masséna n'avait jamais cru, il ne croyait pas aux promesses qui lui avaient été faites de ce côté; il consentit cependant, sur l'avis de tous, à retarder de quelques jours un mouvement rétrograde qui devenait nécessaire, l'impossibilité de tenter seuls le passage du Tage étant reconnue; l'ennemi avait occupé l'ile d'Alviela, toutes les ressources locales étaient épuisées, la réserve de biscuit assurait encore quinze jours de vivres à l'armée. Les semaines s'écoulaient sans nouvelles, le vent n'apportait plus le bruit de la canonnade, les soldats se sentaient abandonnés au bout du monde; la colère des généraux ne leur permettait plus de ranimer le courage défaillant d'une armée affamée et sans espérance. Masséna commença les habiles préparatifs de sa retraite sur le Mondego; sous prétexte d'opérer une concentration des corps nécessaires au passage du Tage, il détacha le maréchal Ney sur Leyria, afin de couper aux ennemis les routes de la mer, pour former ensuite l'arrière-garde. Les blessés et les malades avaient pris les devants; le 5 mars, à la fin du jour, l'armée française tout entière se mit en marche, triste et sombre, malgré la joie de quitter les lieux où elle avait souffert sans compensation et sans gloire. Les équipages de pont, préparés avec tant d'efforts par le général Éblé, furent brûlés. Le général Junot pressait sa marche afin d'occuper Coïmbre et le Mondego, point de ralliement indiqué d'avance à tous les corps.

Lord Wellington était sorti de ses retranchements en apprenant les mouvements qui lui annonçaient notre retraite. Sa prudence accoutumée le détournait de précipiter la poursuite par un effort qui pouvait devenir dangereux; le caractère bien connu du maréchal Ney protégcait l'arrière-garde non moins que la vaillance de ses troupes. Il rangea ses forces en ordre de bataille devant Pombal, ce qui obligea Wellington à rappeler les divisions qu'il avait détachées au secours de Badajoz; mais la hâte de la retraite avait repris possession de l'âme du général Drouet, toujours poursuivi par le scrupule de sa désobéissance

aux ordres formels de Napoléon; Ney n'était pas en mesure de défendre sérieusement ses positions contre les Anglais; après une escarmouche brillante, il se replia sur Redinha. Sa division d'infanterie avait constamment combattu sous ses ordres, dans toutes les campagnes des six dernières années; elle disputait pied à pied le terrain aux vingt-cinq mille Anglais qui suivaient l'armée française, sans se laisser un seul instant troubler ou presser par la supériorité de l'ennemi. Au moindre mouvement offensif des colonnes anglaises répondait une charge de nos troupes qui rétablissait bientôt la distance entre les deux armées. Masséna, qui assistait aux manœuvres du maréchal Ney, les admirait sans réserve, conjurant son habile et courageux lieutenant de ne pas abandonner les hauteurs, afin de laisser aux autres corps le temps et le terrain nécessaires pour tinuer ur marche; un dernier engagement, qui eut lieu sur les rives de la Soure en avant de la position de Redinha, permit enfin à Ney de franchir la rivière et de gagner le bourg de Condeixa.

La position était forte et Masséna comptait sur l'énergique résistance de son arrière-garde, pour arrêter les Anglais et laisser aux différents corps le temps de se rassembler à Coïmbre; le maréchal Ney manqua dans cette occasion aux justes espérances de son chef: après une légère escarmouche, il abandonna Condeixa; prévenant à la hâte les corps qu'exposait son mouvement, il se replia sur le gros de l'armée; l'établissement à Coïmbre devenait impossible, lord Wellington suivait de près nos forces divisées. Masséna gagna l'Alva par une série d'habiles manœuvres, constamment contrariées par l'indiscipline de ses lieutenants. Le maréchal Ney s'était laissé surprendre à Foz d'Arunce par les Anglais, le général Reynier étendit au loin ses campements sans souci de la sûreté des autres corps; la position sur l'Alva n'était plus tenable. Masséna, irrité et navré, continua marche vers la frontière d'Espagne; il y rentrait sans gloire, après avoir déployé pendant six mois toutes les ressources de son courage et l'énergie de sa volonté dans une situation qui lui avait été imprudemment imposée par des ordres péremptoires. Il ramenait une armée endurcie à la fatigue et aux privations, mais désorganisée par une existence à la fois oisive et irrégulière, dirigée par des chefs aigris et mécontents. Les conséquences de cet état de choses ne tardèrent pas à éclater; à peine les troupes avaient-elles pris quelques jours de repos en Espagne, que le maréchal Masséna conçut la pensée de reprendre l'offensive en descen

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