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relevé la statue de Napoléon et ramené de Sainte-Hélène son cercueil que le nom de Napoléon s'est trouvé puissant au milieu de la perturbation sociale de 1848. La monarchie de 1850 n'eût pas gagné un jour à se montrer jalouse et craintive, et empressée à étouffer les souvenirs de l'Empire. Et, dans cette tentative subalterne, elle aurait perdu la gloire de la liberté qu'elle a respectée et de la générosité qu'elle a déployée envers ses ennemis. Gloire qui lui reste après ses revers et qui est aussi une puissance que la mort n'atteint point'. »

Dans leurs nobles efforts pour assurer à leur pays cette difficile gloire, les chefs du parti conservateur et libéral rencontraient souvent de pénibles déceptions et de graves obstacles. Aux passions révolutionnaires violemment manifestées avaient succédé les théories révolutionnaires minant sourdement dans les masses les restes des principes moraux et religieux qui avaient survécu aux longues secousses de notre récente histoire, ou qui renaissaient lentement avec l'ordre et la paix. Naguère les Saint-Simoniens avaient entrepris de renouveler la société par leurs principes: un procès fameux avait exposé et combattu leurs tendances; l'association s'était dissoute, et les hommes distingués qui s'étaient en grand nombre laissé séduire par les théories du Père Enfantin étaient rentrés comme lui dans la vie active et pratique. MM. Victor Considérant et Fourier avaient à leur tour rêvé le bouleversement ou la régénération de l'état social. M. Auguste Comte réduisait en philosophie les instincts inférieurs de la nature humaine et nous disputait, au nom du positivisme, les consolantes espérances de l'éternité. Les conséquences de ces théories agissaient vaguement sur beaucoup d'esprits qui ne s'en croyaient pas atteints; la révolte contre l'ordre divin et supérieur engendrait nécessairement la révolte contre l'ordre humain et matériel: les excès de la liberté de la presse le prouvaient chaque jour; le gouvernement le sentait et ne se faisait aucune illusion sur le péril présent et futur; il laissait fonctionner librement les institutions, tout en cherchant à prévenir ou à réprimer les abus. Plusieurs procès de presse aboutirent, de la part du jury, à des acquittements dangereux. Un nouvel attentat, odieux dans toutes ses circonstances, fut dirigé contre le duc d'Aumale, colonel du 17° régiment d'infanterie légère, comme il rentrait à Paris à la tête de ses troupes, avec ses frères les ducs d'Orléans et de Nemours, qui

1. M. Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps, t. Io.

avaient été à sa rencontre. Le cheval de l'officier qui marchait à côté du prince reçut la balle qui était destinée à celui-ci et tomba mort à l'instant. L'émotion populaire fut vive et sérieuse. L'assassin Quénisset n'était pas un fanatique isolé; le complot était flagrant. La Cour des pairs en fut saisie, et les débats furent dirigés avec éclat par M. Hébert, depuis plusieurs années membre de la Chambre des Députés, et qui venait d'être élevé à la charge de procureur général près la cour royale de Paris; il était appelé à se signaler dans cette situation nouvelle, en attendant que le roi lui confiât les difficiles fonctions de garde des

sceaux.

Tandis que la justice du pays travaillait à protéger son repos sans cesse menacé, les Chambres discutaient et adoptaient les plus importantes mesures de progrès administratif et social: une loi sur le travail des enfants dans les manufactures, les travaux nécessaires au développement de la défense nationale, de la marine, des ponts et chaussées, le grand réseau des principales lignes de chemin de fer, furent votés dans la session de 1841 et 1842. Après une délibération souvent très vive, la Chambre des Députés repoussa la proposition de M. Ganneron, qui excluait de l'Assemblée tous les fonctionnaires, comme celle de M. Ducos, sur la réforme électorale. La pensée du gouvernement, comme le besoin réfléchi du pays, tendaient à la consolidation des biens de la liberté si péniblement acquis, et non à des entreprises nouvelles et hasardeuses. « Gardez-vous, disait M. Guizot, d'accepter toutes les questions qu'on se plaira à élever devant vous, toutes les affaires où l'on vous demandera d'entrer. Ne vous chargez pas si facilement des fardeaux que le premier venu aura la fantaisie de mettre sur vos épaules, lorsque le fardeau que nous portons nécessairement est déjà si lourd. Résolvez les questions obligées, faites bien les affaires indispensables que le temps amène naturellement, et repoussez celles qu'on vous jette à la tête légèrement et sans nécessité. »>

Les élections générales de 1842 venaient de donner la sanction du pays à cette politique ferme et prudente, lorsqu'un grand malheur directement envoyé par la main de Dieu frappa tout à coup la famille royale et la France. Tous ne savaient pas dire, comme la reine MarieAmélie prosternée dans sa pieuse douleur: « Mon Dieu, ce n'est pas trop, mais c'est beaucoup!» Tous sentaient comme la mère que c'était beaucoup et que les assises nouvelles du repos national étaient ébranlées, lorsque, le 15 juillet 1842, M. le duc d'Orléans fit une chute de

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voiture à laquelle il ne survécut que peu d'instants. Jeune, beau, aimable avec séduction, propre à parler et à plaire aux masses, M. le due d'Orléans avait reçu peu à peu les leçons de la sagesse pratique du gouvernement; il était devenu pour le trône un ferme appui et une consolante espérance au moment où la mort l'enlevait inopinément aux siens et à son pays. « Je n'ai rien à vous apprendre, écrivit

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M. Guizot à tous les représentants de la France dans les grandes cours étrangères; les détails de notre malheur sont partout. J'ai été pendant trois heures dans cette misérable chambre, en face de ce prince mourant sur un matelas, son père, sa mère, ses frères et ses sœurs à genoux autour de lui, se taisant pour l'entendre respirer, écartant tout le monde pour qu'un peu d'air frais arrivât jusqu'à lui. Je l'ai vu mourir. J'ai vu le roi et la reine embrasser leur fils mort. Nous sommes sortis, le corps du prince sur un brancard, le roi et la reine à pied derrière lui; un long cri de « Vive le roi!» est parti de la

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