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adresses de dévouement au roi Joachim. Le préfet leur trace le sens et même les expressions de l'adresse, leur recommande de se presser, et d'écrire le tout lisiblement. Ce préfet, dit le Diario, est digue d'être employé par un tel gouvernement. Il rappelle les temps passés où l'on savoit si bien rédiger de ces adresses spontanées dont la forme étoit sévèrement prescrite. Il paroît que tout est en mouvement dans les Marches à ce sujet, qu'on mendie des signatures, des députations, et toutes ces inisérables ruses de la politique de Bonaparte, que nous n'avons que trop appris à connoître. Il faut espérer que ces moyens, qui commencent à s'user, ne sauveront pas plus Murat qu'ils n'ont sauvé son cher beau-frère, et son auguste famille; mais il faut espérer aussi que ces détails qui sont authentiques, nous apprendront à ne pas ajouter confiance à des bruits qui, dans l'intention de leurs auteurs, tendent à rendre le Pape, ou ridicule ou odieux, el que beaucoup de personnes répètent sans examen. On se plaint à Rome de notre légèreté à accueillir toute sorte de nouvelles, et on a un peu raison.

ZURICH, 7 janvier. S. Exc. le nonce du Pape, par une lettre datée de Lucerne, le 1er. janvier, a adressé à la diete Ja réponse que le saint Père a faite, le 7 octobre dernier, à la lettre du 16 avril, par laquelle les cantons suisses appartenant au diocèse de Constance demandent à s'en séparer pour pouvoir former un diocèse suisse. Voici la teneur de ce bref:

« Le Pape Pie VII à ses chers fils les avoyers, présidens, landamman, et conseillers de régence des républiques d'Ury, Schwitz, Underwald, Lucerne, Zurich, Glaris, Soleure, Schafhouse, Appenzell, Saint-Gall, Thurgovie, et des autres républiques de la Suisse dépendant du diocèse de Constance.

» Chers fils, salut, et ma bénédiction apostolique. Votre respectueuse lettre, du 16 avril, que notre nonce nous a envoyée, nous a causé la plus grande joie, en y voyant en quelque sorte l'empreinte de votre aucien attachement et de votre respect, ainsi que de celui de

toas les catholiques de la Suisse envers nous et le saint Siége apostolique. En conséquence, parmi les soins que la divine Providence nous a confiés par rapport aux affaires divines et humaines, nous croyons devoir compter celui de donner notre consentement à la demande que vous nous avez adressée pour obtenir la séparation des cantons helvétiques d'avec le diocèse de Constance, et l'érection d'un nouveau siége épiscopal. D'après les rapports qui nous ont été adressés jusqu'à présent, nous avons jugé qu'il étoit en effet particulièrement avantageux à la chrétienté de concentrer vos évêchés dans l'intérieur des limites de la Suisse. Cependant, nous jugeons à propos de vous prévenir que plusieurs choses sont préalablement nécessaires pour le nouveau diocèse, savoir: une église cathédrale, un chapitre de chanoines, un séminaire, et des biens pour fournir aux besoins du culte et à l'entretien des ministres des autels; en un mot, tout ce que les canons ont si sagement et si religieusement prescrit à cet égard.

» Nous avons une confiance entière, que, d'après votrę zèle particulier pour le bien de l'Eglise, vous pourvoirez généreusement à tout, et que la chose, du moius sous ce rapport, n'éprouvera aucun obstacle. En outre, dans l'établissement de la nouvelle église cathédrale demandée, on doit avoir égard aux limites du diocèse, qui ne nous sont point encore exactement connues et non aù canton seulement.

» Dans cet état de choses, nous écrivons à l'archevêque de Beryte, qui ne cesse d'administrer avec la meilleure volonté et le zèle le plus vif nos affaires et celles du saint Siége auprès de nos chers et fils Suisses, et nous abandonnons à ses lumières et à sa prudence les dispositions préparatoires à l'arrangement de cette affaire. Mais nous espérons que rien ne s'opposera plus à l'accomplissement de vos désirs. Enfin, nous accordons à vous et à tous les Suisses qui conservent la vraje foi, notre bienveillance paternelle, et nous vous donnons de tout notre cœur, pour gage, notre bénédiction apostolique.

» Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, le 7 octobre de l'an 1814, de notre pontificat le 15e. ». PIE VII, Pape.

S. S. a nommé provisoirement son vicaire apostolique M. Goldlin de Tieffenau, prévôt de l'abbaye de Boromunster, dans le canton de Lucerne. La dépêche du nonce sera communiquée aux cantons.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. MADAME, duchesse d'Angoulême, est partie le 19 pour Saint-Cloud où elle doit passer quatre jours. Les motifs de cette absence n'échapperont point aux ames sensibles. A Paris son ame auroit été déchirée par deurop cruelles images.

- Le Roi ne quittera point sa capitale. Il y aura un service à la chapelle, mais sans pompe. La plus grande partie des personnes de la cour ira à Saint-Denis.

M. le duc de Fleury qui avoit fait il y a quelque temps une chute de cheval, vient de mourir subitement. On attribue sa mort à ce qu'il n'a pas été saigné. Une duché-pairie se trouve par-là éteinte. Il laisse aussi vacante une place de gentilhomme de la chambre du Roi. On dit qu'elle sera donnée à M. le duc Doudeauville, de la maison de la Rochefoucauld.

- Le sieur Méhée avoit accusé le Journal Royal de calomnie pour avoir dit qu'il avoit pris part aux massacres de septembre. Le tribunal de police correctionnelle l'a débouté de sa demande en réparation, et l'a condamné aux dépens.

On élève sur la place Louis XV une charpente destinée a représenter le monument qui doit y être érigé. Ce monument expiatoire n'offrira que des paroles de paix. On y verra Louis XVI s'élançant vers le ciel.

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Une brochure fort connue, louée dans quelques journaux, et critiquée dans quelques salons, me paroît susceptible de courtes observations. Elle se recommande par le nom et le talent de son auteur, et plus encore par l'approbation la plus

illustre et la plus honorable. Ce que S. M. a bien voulu dire de flatteur pour la nouvelle production de M. de Châteaubriand, semble d'abord interdire le droit de la juger. Mais en Ꭹ réfléchissant, on voit que les éloges d'un Monarque si judicieux tombent principalement sur l'esprit de paix qui a dicté l'ouvrage, sur le désir que montre l'auteur de concilier les esprits, sur ses éloquentes apologies du Roi, de la noblesse, des émigrés et de la marche du gouvernement. S. M. n'a pas prétendu sans doute approuver en détail toutes les propositions de l'auteur. Parmi ces propositions j'avoue qu'il en est qui ne m'ont paru conformes ni à l'équité, ni à la saine morale, ni même à l'intérêt bien entendu de la société. M. de Châteaubriand professe beaucoup d'indulgence et de modération pour les personnes, et ce n'est pas là sans doute ce que je blâme. Mais cette indulgence doit-elle s'étendre jusqu'à des actions et des crimes dignes d'un blâme éternel? M. de Châteaubriand dit, page 21: La mort du Roi et de la famille royale est le véritable crime de la révolution. Presque tous les autres actes de cette révolution sont des erreurs collectives, souvent expiées par des vertus et rachetées par des services, des torts communs qui ne peuvent être imputés à des particuliers, des malheurs qui sont le résultat des passions, le produit du temps, l'inévitable effet de la nécessité, et qu'on peut ni ne doit rechercher à personne. Tout cela, j'ose le dire, ne fait honneur ni à la sagacité ni à la morale de l'auteur. Quoi! les massacres de septembre, tant de jugemens atroces, de décrets sanglans, des proscriptions iniques, les noyades de Nantes, les dévastations des églises, la lois des suspects, les horreurs commises par d'affreux pro-consuls, tout cela ne peut ni ne doit être reproché à personne! Quoi! ce sontlà des torts communs qui ne peuvent être imputés à des parti'culiers! c'est l'inévitable effet de la nécessité! Ainsi la Convention a eu tort elle-même de reprocher à Carrier ses horribles exécutions, qui n'étoient que le produit du temps et le résultat des passions. Ainsi l'opinion publique a tort de flétrir ces hommes abominables qui ont versé le sang de leurs concitoyens. C'est très-bien fait de prêcher l'oubli du passé; mais il ne faut pas que ce soit aux dépens des règles imprescriptibles de la morale. Le Roi, en recommandant de ne plus rappeler les malheurs et les crimes des personnes, ne veut pas justifier ce qui s'est fait. Sa devise comme la nôtre doit être de pardonner aux individus, sans cesser de détester des actions

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que rien ne peut excuser. Rejeter sur les passions, sur te temps, sur la nécessité l'odieux de mesures qui pésèrent si long-temps sur nous, ce seroit une sorte de fatalisme assez peu édifiant dans un écrivain qui fait profession de dé~ fendre les vrais principes. Ces mesures furent-elles plus des erreurs collectives que le jugement de Louis XVI, et cette différence qu'on veut assigner entre les uns et les autres estelle solide ou même spécieuse! Ce qui me paroît surtout répréhensible, dans ce systême, c'est ce relachement de principes, cette facilité de morale, cette funeste condescendance qui voit le crime de sang froid. Nos pères eussent été révoltés de cette insouciance et de cette apathie. Ils l'eussent regardée comme un signe de dégradation, eux qui étoient si sensibles sur l'honneur. Nous avons vu plus d'une fois chasser d'un corps quiconque s'étoit rendu coupable de la moindre bassesse. Ne faudroit-il pas ramener parmi nous cette délicatesse jalouse, plutôt que de l'affoiblir? L'apologie de M. de Châteaubriand ne tend-elle pas à éteindre la vertu, à étouffer le sentiment du remords, ôter à la société sa sécurité. La religion est ici d'accord avec le sentiment naturel du juste et de l'injuste. Elle repousse cette morale commode et variable, qui excuse toutes les erreurs, qui compose avec la conscience, et qui auroit, si elle prévaloit, les plus funestes effets pour l'ordre et le repos de la société. Telle n'a point été sans doute l'intention de l'auteur, qui est assez connu par la noblesse de ses sentimens et par la loyauté de son caractère. Il ne trouvera pas mauvais que nous nous en rapportions plutôt aux principes qu'il a constamment professés, qu'à quelques propositions qui y sont contraires, et qu'il n'avoit pas assez méditées. Nous ne désirons pas moins que lui de rattacher les esprits à la cause royale. Nous ne sommes pas moins portés que lui à l'indulgence et à la modération. Mais ce sentiment ne tombe que sur les personnes, et c'est l'exagérer que d'affoiblir les principes conservateurs de l'ordre. La sagesse consiste à tenir un juste milieu. Elle pardonne aux individus sans altérer les notions du juste ou de l'injuste, et comme la charité, elle embrasse dans son affection ceux mêmes qui sont dans l'erreur, sans approuver pour cela l'erreur même.

J'ai cru, M., que la réputation de M. de Châteaubriand exigeoit celle explication. Personne n'honore plus que moi son talent; mais la vérité doit passer avant tout. J'ai l'honneur d'être.....

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