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lade et dans son lit depuis six semaines. Il est attaqué d'obstructions et d'hydropisie, qui inquiètent ses amis. Une consultation de médecins graves et éclairés le certifie. Du reste, il n'a point été battu, parce qu'il ne s'est point exposé à l'être, et il est assez singulier que l'on ait précisément choisi, pour le héros d'un roman si mal tissu, un homme qui n'est pas sorti de chez lui depuis long-temps. Le fait est donc destitué de toute vraisemblance. N'importe, on le racontera, on le répétera, on le fera circuler dans toutes les classes, on en amusera les oisifs de la capitale et des provinces. Ce bruit favorisera la haine des uns et les moqueries des autres. On s'en servira pour exciter le peuple au mépris des prêtres, et pour leur peindre la religion sous de fausses couleurs. Déjà on dit que les rues retentissent de mille propos, tous plus outrageans les uns que les autres, le tout à l'occasion d'un fait faux. Plusieurs personnes, qui sont allées à la source, se sont convaincues que ce bruit est encore plus absurde que méchant. Récemment encore, M. l'abbé Monrocq nous a écrit pour nous faire part de ses informations. Nous n'insérons point sa lettre, parce que d'autres renseignemens nous étoient déjà parvenus, et que nous avions rédigé ce petit article. Mais les détails dans lesquels il entre achèvent de confirmer ce que nous avions appris, et les uns et les autres réunis, doivent tranquilliser les amis de la religion, qui s'étoient affligés de ce scandale, et qui ne connoissoient pas encore apparemment les intentions pures, l'esprit inventif, et la bienveillance des charitables auteurs de ces bruits.

BRUGES. Les journaux françois n'ont pas rapporté très-exactement ce qui s'est passé à Gand, à l'occasion. du Te Deum. Il n'étoit pas vrai de dire que le refus du clergé tint à des sentimens peu favorables pour le gouvernement. Voici des détails très-sûrs de cette affaire. Le 30 janvier, M. le comte de Lens, maire de Gand, avoit pris un arrêté pour faire chanter un Te Deum, le sa

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medi 4 février, dans l'église cathédrale. Il s'étoit abs-, tenu de s'entendre, sur ce sujet, avec l'évêché, comme il semble que cela étoit convenable; de sorte que les grands-vicaires, de leur côté, avoient annoncé, pour le dimanche 5, un Te Deum dans toutes les églises, et avoient chargé les curés d'en instruire leurs paroissiens. Cette annonce étoit affichée par toute la ville, et il n'étoit guère possible de changer cette invitation. Le maire, blessé du refus, fit publier, le 3 février, qu'il n'y auroit pas de Te Deum le lendemain, sans ajouter qu'il auroit lieu le dimanche suivant. Il paroît que ce magistrat ignoroit que l'usage, comme la convenance, veulent que, pour ces sortes de cérémonies, l'autorité civile s'entende avec la puissance ecclésiastique. Une lettre adressée aux évêques par le gouvernement de la Belgique, en date du 7 mars 1814, porte que c'est aux autorités ecclésiastiques à régler ce qui concerne la religion. Dans cette ville, qui fait partie du diocèse de Gand, les magistrats n'ont point pris l'initiative lors du dernier Te Deum. Nous espérons, du reste, que cette discussion n'aura pas de suite, que l'harmonie entre les deux puissances n'en sera pas troublée, et que le gouvernement approuvera la conduite d'ecclésiastiques que l'on ne sauroit soupçonner d'avoir des vues contraires à ses intérêts, et qui n'ont pas besoin de prouver combien ils sont satisfaits d'être délivrés du joug d'un despote. L'époque du 4 février, qui est l'anniversaire de la délivrance de Gand, sera toujours précieuse à leurs yeux, et leur empressement à en remercier la Providence est même remarquable en cette occasion.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. La Cour de Cassation a été installée le mardi 23 février. A onze heures et demie, Mgr. le chancelier est arrivé au Palais. Sa voiture étoit précédée d'un piquet dé cavalerie. Ce chef de la magistrature a été reçu au pied du grand escalier, et conduit, au milieu d'une haie de

troupes, à la chapelle qui avoit été construite dans la grande salle du Palais. M. de Clermont-Tonnerre, ancien évêque de Châlons-surMarne, et pair de France, a dit la miesse, pendant laquelle les élèves du Conservatoire ont exécuté de la musique. On voyoit avec plaisir la magistrature reprendre ses formes antiques, et consacrer, par un acte religieux, l'ouverture de ses séances.

A midi et demi, la messe du Saint-Esprit étant terminée, la Cour, ayant à sa tête Mgr. le chancelier, a défilé au son d'une musique militaire, entre deux haies de troupes. Mer, le chancelier, en simarre violette, a pris place sur un fauteuil élevé à la droite du trône. M. le premier président de Sèze s'est assis à la gauche du trône. MM. les présiden Barris, Henrion de Pensey et Brisson, les conseillers et les membres du parquet de la Cour ont pris leurs places accoutumées. Tous les membres étoient en grand costume, et les présidens revêtus de leurs épitoges.

Mgr. le chancelier a rappelé dans l'exorde de son discours les temps anciens où les rois de France rendoient eux-mêmes la justice à leurs sujets.

« Ces jours d'innocence, a-t-il dit, sont loin de nous. Les connoissances des juges ont dû s'accroître dans la même proportion que les affaires qui leur étoient soumises. Il étoit indispensable que la scienca du bien fit les mêmes progrès que la malice de l'homme; et, dans un combat presque continuel de l'homme contre les lois et des lois contre l'homme, les règles, si souvent éludées par la chicane et l'intrigue, ont dû se multiplier dans une proportion étrange. La multiplicité des procès devoit amener la multiplicité des juges; et pour établir une harmonie parfaite, une jurisprudence exacte entre ces tribunaux de tous les ordres, un tribunal régulateur, et nécessairement unique, dévoit maintenir dans tous les mêmes formes de procédure, annuller tous les jugemens contraires, rappeler au besoin tous les juges à l'observation rigoureuse des formes et des lois tutélaires de l'honneur, de la fortune et des propriétés des citoyens.

Ces hautes fonctions furent long-temps réservées au conseil du Roi, et le Roi, quelquefois présent, et toujours représenté, examinoit, en quelque sorte, par lui-même, si les juges qui avoient rendu la justice en son nom avoient suivi fidèlement les règles qui leur étoient prescrites. Jamais la question de fait, et presque jamais la question de droit, n'étoit remise en jugement au conseil du Roi. Le conseil n'examinoit que la forme, ne recherchoit que les contraventions à la loi. C'est ainsi qu'il remplit pendant plusieurs siècles les fonctions qui lui étoient attribuées; fonctions tellement royales, que l'avis du conseil ne recevoit le caractère d'arrêt que d'une approbation formelle du Roi.

La Cour de Cassation, qui reprend aujourd'hui une nouvelle existence, a succédé sans réserve à ces attributions, auxquelles même elle en a joint plusieurs: telles que la police et la discipline des tribunaux, les jugemens de compétence et de prise à partie.

Nos formes de procédures en matière criminelle devant multiplier les recours en cassation, l'activité d'un tribunal divisé en plusieurs sections ponvoit seule suffire à ces immenses travaux. C'est ainsi qu'une Cour spéciale est devenue nécessaire pour le complément de la justice

dans ce grand royaume, et n'a pas cessé de l'être, quoique la France soit rentrée dans ses anciennes limites.

La sagesse du Roi, en laissant quelques places vacantes, se réserve d'éprouver si la réduction du territoire ne peut pas en permettre dans le nombre des magistrats qui la composent. Il importera toujours à la dignité d'une Cour unique, qu'elle soit assez nombreuse pour inspirer un grand respect par une grande réunion de lumières, de talens et de vertu.

Le retour du souverain légitime ouvre un champ plus vaste à l'action des lois, qui se taisent souvent au bruit des armes, et qu'on songeoit moins à réclamer quand la France, levée presqu'entière, ne s'occupoit que de combats.. Sous un Roi qui ne veut régner que par l'amour, tout se fait par justice; et les tribunaux ne sont jamais plus Occupés que sous un gouvernement qui s'interdit toutes les mesures arbitraires.

De là, Messieurs, le maintien provisoire de la Cour de Cassation à un nombre supérieur à celui qui avoit été jugé suffisant lors de sa première formation; de là aussi cette prévoyance royale qui veut assurer à tous ses membres une indépendance d'état qui leur garantît une indépendance absolue d'opinion.

Toute justice émane du Roi; c'est ainsi que s'exprime la Charte constitutionnelle. C'est le Roi qui nomme tous les juges. Il n'y a de juges inamovibles que ceux nommés par le Roi. Peu importe, par con séquent, que les juges existans aient été créés à vie par le dernier gouvernement. Toutes les inductions tirées de leur titre de création viennent échouer contre les dispositions précises de la Charte. Il n'y a que la nomination et l'institution du Roi qui puissent imprimer aux juges le sceau de l'inamovibilité.

Il tardoit donc à S. M. d'instituer les juges pour fixer toutes les incertitudes qu'ils pouvoient conserver sur leur sort.

Depuis plusieurs mois, l'intrigue et la malveillance s'agitent en mille manières pour leur inspirer des alarmes; recherches sur leurs opinions, sur celles mêmes de leurs corps; analyse de leurs principes; inquisition jusque sur leurs pensées; tous ces moyens ont été mis en avant pour affoiblir leur confiance, et pour ébranler leur fidélité.

Il n'appartient qu'au Roi de tranquilliser ces magistrats sur leur avenir. Sa volonté est beaucoup moins de réformer que d'affermir et de consolider les tribunaux. S'il nous est prescrit d'être sévères sur les torts de conduite, il nous est commandé d'être indulgens sur les torts d'opinions. Le zèle même avec lequel on a pu servir le gouvernement renversé, ne doit nous inspirer aucune prévention d'infidélité contre le gouvernement paternel que la Providence nous a rendu. La France entière s'est ralliée à son Roi; nous ne voyons plus autour du trône que des sujets fidèles, nous n'avons plus à craindre de partis contre un gouvernement légitime.

Tel est l'esprit qui a présidé au très-petit nombre de changemens que votre composition a reçus. La Cour de Cassation a rendu d'importans services. Considérée en masse, elle étoit composée de manière à mériter la confiance et l'estime publiques; mais quand il s'agissoit d'accorder des institutions individuelles, on ne peut se dissimuler qu'il s'y

trouvoit quelques individus auxquels le Roi ne pouvoit, sans blesser les convenances, accorder une institution qui devenoit une vraie nomination.

Ils étoient, au surplus, en très-petit nombre; et plusieurs s'étoient jugés en quelque sorte eux-mêmes, par une retraite volontaire, trouvant sans doute qu'il y avoit des occasions où c'étoit réellement servir l'Etat que de s'abstenir de le servir.

D'autres magistrats estimables se sont trouvés, par l'âge ou les infirmités, hors d'état de continuer leurs fonctions.

Si vous perdez un chef recommandable par ses connoissances et ses longs travaux, par son courage dans des circonstances difficiles, et par les persécutions dont il a partagé l'honneur, la sagesse du Roi, ne craignons pas de le dire, sa reconnoissance appelle à votre tête un des hommes de son royaume auxquels il a voué le plus d'estime ; celui qui, liant à jamais son nom à l'époque la plus douloureuse de notre histoire, honora du moins sa patrie par un grand acte de dévouement, comme il avoit honoré le barreau par des talens supérieurs; et brava courageusement tous les dangers pour défendre, sans espoir de succès, la cause de tous les peuples, encore plus que celle de tous les rois.....

Le meilleur et le plus indulgent des Rois a pu renoncer au droit de punir, mais il s'est réservé celui de récompenser. Les haines s'éteignent; les crimes s'effacent; la vertu reste, et tôt ou tard elle reçoit sa récom

pense.

C'est aussi, Messieurs, le mérite et les talens comme la fidélité, qui motivent et justifient le choix des nouveaux magistrats que la sagesse

'du Roi vous associe.....

Dispensateurs d'une partie bien importante de l'autorité royale, vous ne l'exercerez que dans les termes de la loi et dans les formes qu'elle a si sagement établies. Dépositaires de l'autorité de la justice, vous l'appliquerez sans acception de personnes. Pendant que le Roi maintiendra de tout son pouvoir la Charte constitutionnelle qu'il a donnée à son peuple, vous vous conformerez soigneusement à son esprit, en ramenant tous les tribunaux à l'exécution stricte et littérale des lois dont vous devenez les premiers gardiens et les plus sûrs conservateurs.

Tel est, Messieurs, l'objet du serment que je suis chargé de recevoir, et qui va vous lier plus étroitement que jamais au service du Roi et de la patrie ».

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La majesté du lieu, la solennité de la cérémonie et la haute dignité de l'illustre orateur, n'ont pu retenir les mêmes applaudissemens dont sa voix avoit coutume de faire retentir les voûtes de ce sanctuaire, où il n'a voulu rentrer qu'avec les fleurs de lis, à une époque où déjà les suffrages, les vœux, l'enthousiasme, les pressentimens du barreau annonçoient aux prodiges de sa jeunesse ce comble des honneurs de la magistrature où il est parvenu.

raux,

On a donné lecture de l'ordonnance du Roi portant institution de la Cour de Cassation. MM. les présidens, conseillers et avocats-géné ont individuellement prêté le serment de fidélité au Roi et d'exactitude dans leurs fonctions. M. le premier président et M. le procureur-général n'ont point réitéré cette formalité, ayant déjà été admis à prêter le même serment eutre les mains du Monarque.

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