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fet de l'Aube. Toutes les mesures ont été concertées pour garantir ce département.

Des lettres de Lyon annoncent qu'aussitôt qu'il a été instruit de la marche du maréchal Ney, Buonaparte a retiré précipitamment ses avant-postes des environs de Mâcon, et les avoit fait replier sur Lyon. Le mouvement du maréchal Ney se dirigeoit sur Bourg. Le maréchal est en marche à la tête d'un corps d'environ ro mille hommes de troupes de ligne et de gardes nationales régulièrement formées dans les places de la Franche-Comté; ces troupes sont animées d'un esprit excellent, de cette énergie et de ce courage que le maréchal Ney ne pouvoit manquer de leur communiquer.

Les mêmes lettres font connoître que la plus grande partie du 13e, régiment de dragons, qui un instant avoit été entraîné par les séductions de l'ennemi, avoit senti toute l'horreur de sa position, et que, préférant même la punition la plus sévère au nom de traîtres armés contre la patrie, ils s'étoient rangés du côté du maréchal Ney, qui les avoit recus comme des hommes un moment égarés, auxquels un sincère repentir mérite de l'indulgence.

Ce dernier événement a fait la plus vive impression sur la troupe de Buonaparte; depuis ce moment, elle paroît encore plus qu'auparavant inquiète, incertaine et consternée; aussi les défections y sontelles déjà nombreuses.

D'après les calculs les plus positifs sur le nombre des hommes débarqués, et de ceux que Buonaparte a pu corrompre et entraîner sur sa route, sa plus grande force n'a pu aller au-delà de 8000 hommes de toutes armes. Il est dés-lors démontré qu'il a éprouvé des défections et des abandons considérables. En effet, des témoins oculaires ont rendu compte des revues qu'il a passées à Lyon; et il est constant qu'il n'avoit pas réuni dans cette ville au-delà de 4000 hommes d'infanterie et de 6 à 700 chevaux.

Le général Mouton - Duvernet est parti de Valence, où il a réuni un corps de 2500 hommes d'excellentes troupes. Il marchoit sur Die, pour faire sa jonction avec le général Miollis, et se diriger par Gap sur Grenoble. Le corps du général Miollis, composé de volontaires dévonés et de gardes nationales, se fait remarquer par un enthousiasme et une exaltation toute provençale. Il brûle d'atteindre l'ennemi. Ces deux divisions réunies forment un corps considérable sur les derrières de Buonaparte. Marseille et toute la Provence, Bordeaux et tout le Midi continuent à brûler de cette agitation qui crée des soldats nombreux au Roi et à la patrie. Tout s'arme pour la sauver.

Les lettres de Vienne, en date du 8, annoncent qu'au moment où l'on a appris dans cette capitale l'évasion de Buonaparte et son débarquement sur les côtes de Provence, les puissances réunies au congrès ont adopté l'opinion que Buonaparte ayant rompu son ban, les traités conclus avec lui seroient désormais regardés comme nuls, et qu'il ne peut plus être considéré par toutes les puissances que comme un brigand, désormais hors de la loi commune des nations. (Moniteur.)

P. S. Le Moniteur annonce que Buonaparte a pris la route de Mâcon. On assure que le général Hamet, commandant l'avant-garde de Buonaparte, a été pris avec Soo hommes.

SUR le retour du Roi à Paris.

LORSQUE, le 18 mars dernier, nous faisions, sans le savoir, nos adieux à nos lecteurs, et que, si près de retomber sous le joug de la tyrannie, nous exprimions notre horreur et celle de la nation pour la domination de l'odieux aventurier qui s'avançoit alors vers la capitale, nous osions encore nous flatter de quelque espoir. Nous voulions encore nous persua der que la nation ne subiroit pas cette ignominie, et qu'elle ne changeroit pas de maître au gré de quelques factieux. Nos vœux et nos espérances furent cruellement déçus. Mais du moins nos dernières paroles avoient été pour le Roi. Il est juste que nos premiers mots, après un long silence, soient encore pour un prince si cher et si impatiemment attendu. Il nous est rendu, et tout nous revient avec lui, et la joie et la paix, et le bonheur présent et l'espoir d'un meilleur avenir, et la liberté de tout dire et le droit d'épancher nos sentimens, et de rendre nos lecteurs aussi heureux que nous-mêmes. Il est au milieu de nous ce prince vertueux, cet excellent père de famille, cet ami de son peuple, celui dont toute l'Europe a pris la cause, celui dont le regard seul peut conquérir les cœurs, et dont le front serein annonce la belle ame! Il est au milieu de nons, ce descendant et cette image de Henri IV, ce noble caractère fortifié par ce je ne sais quoi d'auguste que le malheur ajoute à la vertu! Il revient avec ce même calme et cette même bonté; il ne paroît pas songer au passé, il ne nous tient compte que du moTome IV. L'Ami de la R. et du R. No. 96.

S

ment présent. C'est vraiment le bon père qui tend la main à des enfans foibles ou ingrats. Mais aussi quel accueil! quelle joie générale! quel enthousiasme, et quelles acclamations!

L'entrée du Roi l'année dernière et celle dont nous venons d'être témoins, se distinguent chacune par un caractère particulier. L'année dernière, Sa Majesté étoit attendue d'avance; le jour de son arrivée avoit été annoncé, et on avoit eu le loisir de faire des préparatifs pour donner à cette cérémonie l'éclat et la pompe qu'elle devoit avoir. Cette année, nous n'avions pas été prévenus. Le Roi étoit à une lieue de Paris, et il étoit à peine permis de l'aller voir. On fermoit toute communication avec le prince et les sujets. Des autorités dont les intentions n'étoient pas équivoques, comprimoient par toute sorte de moyens les témoignages de notre attachement et de notre joie, et le 8 juillet, à neuf heures du matin, nous ignorions encore quand il nous seroit donné de revoir dans sa capitale le prince que nous désirions. Mais Sa Majesté annonça enfin ses intentions. Elle remit la garde naționale sous le commandement de son ancien chef. Tout à coup le bruit se répand que le Roi entreroit vers les trois heures. Aussitôt un mouvement général se manifeste dans tout Paris. La route de Saint-Denis est couverte d'une jeunesse dévouée qui veut faire une escorte à S. M. Les boutiques se ferment comme en un jour de fête. Les femmes se parent de leurs lis favoris; on remarquoit depuis quelque temps qu'elles en faisoient provision. Les rues par où l'on présume que le Roi passera, se remplissent de monde. Le drapeau tricolor est descendu des Tuileries en dépit des décrets de la convention moderne et des adresses pa

triotiques. On y substitue des couleurs pures, et qui ne retracent aucun souvenir fâcheux. A la colonne de la place Vendôme, le drapeau blanc avec l'écusson aux armes de France est hissé également aux acclamations de tous ceux qui aiment cet antique symbole de la monarchie. La garde nationale a ordre de reprendre la cocarde blanche; beaucoup l'avoient déjà dans leur poche, tout prêts à s'en parer. Ainsi presque sans ordre, sans disposition préalable, tout s'est trouvé prêt pour l'entrée du Roi, grâces au zèle et à l'ardeur générale. Une affection sincère et un vif enthousiasme valent mieux que toutes les mesures de la police la plus exacte.

A deux heures, le Roi est parti de Saint-Denis. La route jusqu'à Paris étoit couverte d'une foule aussi pressée que dans Paris même, beaucoup d'habitans ayant voulu jouir plutôt du bonheur de revoir S. M. Le cortége étoit formé par la garde nationale, par la maison du Roi, et par des détachemens de volon taires royaux. Un nombreux état-major environnoit la voiture dans laquelle étoit S. M. avec ses ministres. M. le comte d'Artois étoit à cheval à la portière de droite, et M. le duc de Berry à la portière de gauche. Près de ces princes étoient des généraux fidèles, et entr'autres les braves maréchaux de France qui ont suivi S. M. ou qui ont refusé de servir sous d'autres drapeaux que les siens. Ils recueilloient en ce moment le prix de leur fidélité et de leur dévouement. Le cortége a suivi la rue du faubourg Saint-Denis, les boulevards, la rue de la Paix, la place Vendôme et la rue de Rivoli. Les fenêtres étoient garnies de femmes, toutes vêtues en blanc, agitant des mouchoirs, portant des lis, et donnant des signes de la joie la plus vive. Dans les rucs, des personnes de toutes

les classes se livroient à des transports redoublés. Plusieurs des témoins de l'entrée de l'année dernière trouvent que celle-ci a fait éclater encore plus d'enthousiasme. Ces cris long-temps comprimés ne sortoient qu'avec plus d'impétuosité, et se prolongeoient sans relâche. On se dédommageoit d'une longue contrainte, et Sa Majesté a pu juger combien nous avions senti notre perte et partagé ses chagrins. L'émotion et l'allégresse étoient à leur comble. Nous ne savons si parmi les spectateurs il se trouvoit quelques-uns de ces mécontens que l'on dit pulluler encore. Mais ils devoient être un peu déconcertés en voyant cet assentiment général, et en entendant ces cris unanimes. Ils ont dû juger que notre conspiration étoit un peu plus imposante que la leur, et que notre minorité factieuse, comme un d'eux l'a appelée, avoit quelque apparence d'une très-forte majorité; et quand on pense que l'esprit est le même dans les provinces, que les grandes villes suivent la même impulsion, que partout le Roi est adoré, que Marseille a secoué le joug, que d'autres cités n'attendent que le moment de leur délivrance, on se flatte que ces aveugles ouvriront enfin les yeux, et que, puisqu'ils ont tant de déférence et de respect pour la volonté nationale, ils se rangeront du côté le plus nombreux, et abjureront une opposition fu

neste.

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A cinq heures le Roi est arrivé aux Tuileries, et sur-le-champ ce bon prince a paru sur le grand balcon du jardin. Il a salué la multitude rassemblée au pied du château, et par les gestes les plus expressifs il a témoigné sa joie de se retrouver au milieu d'une famille dont il est plus que jamais le père. Il y est resté plus d'un quart d'heure, et sembloit ne pou

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