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lune laissoient peu d'espoir d'échapper. Buonaparte expédia un parlementaire à bord du vaisseau anglois le Bellerophon. Il apprit de son frère Joseph la dissolution des chambres et l'entrée du Roi à Paris. Jusque-là il s'étoit flatté, à ce qu'il paroît, que les chambres le rappelleroient, ou du moins il berçoit de cet espoir les crédules compagnons de sa fuite. Le 12, il descendit sur l'île d'Aix et fit débarquer ses bagages. Le 14, il s'embarqua sur le brick l'Epervier, et le 15, il fit voile en parlementaire vers le Bellerophon. Le commandant de l'Epervier prit un reçu du capitaine anglois, et une frégate partit sur-le-champ pour porter cette nouvelle en Angleterre. Le Bellerophon mit à la voile le 16. On ne croit pas que vu la foiblesse du vent il ait pu arriver en Angleterre la nuit du 19 au 20. Buonaparte a adressé au régent la lettre suivante : Altesse royale, en butte aux factions qui déchirent mon pays et à l'inimitié des plus grandes puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique. Je viens comme Thémistocle m'asseoir sur les foyers du peuple britannique, et je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de V. A. R. comme le plus puissant, le plus constant, et le plus généreux de mes ennemis. Les personnes embarquées avec Napoléon sont: le général Bertrand, sa femme et ses enfans; les généraux Savary, Lallemant, Gourgaud, Montholon-Sémonville, sa femme et un enfant; le conseiller d'Etat Las Cases et son fils; les officiers d'ordonnance de Résigny, Planat, Autric et Schultz; le chirurgien Maingault et quarante autres individus. Le 17, la cocarde et le pavillon blanc furent arborés à Rochefort. La tranquillité y a toujours régné.

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Le cardinal Fesch partit le 21 juillet avec sa sœur. étoit escorté par un général autrichien. On dit qu'il se rend à Sienne, n'étant pas pressé de retourner à Rome. Quelques personnes demandent si on lui a fait donner sa démission de l'archevêché de Lyon, siége qu'il ne sauroit plus occuper sans doute sous le règne de S. M.

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Plusieurs des partisans de Buonaparte ont reçu ordre de s'éloigner. Mme. Hortense va en Suisse. Mme. de Souza a dû aussi partir.

Plusieurs ordonnances du Roi ont été publiées. L'une fait cesser les pouvoirs extraordinaires des commissaires royaux qui avoient été envoyés en mission dans quelques provinces. L'autre porte que le directeur-général de la librairie et les préfets n'useront point de la faculté qui leur avoit

été accordée précédemment, de surveiller la publication des ouvrages de vingt feuilles d'impression et au-dessous. Une troisieme porte que vu le grand nombre d'officiers de l'armée, il ne sera fait d'ici à un an aucune nouvelle promotion Une quatrième que les préfets sont autorisés à ajouter aux colléges électoraux de département, vingt membres par chaque college; savoir: dix parmi les trente plus imposés, et dix parmi ceux qui ont rendu des services à l'Etat. On pourra aussi adjoindre aux colleges d'arrondissemens dix membres pris dans cette dernière classe. Une autre ordonnance autorise la ville de Paris à s'imposer extraordinairement la somme de 9,619,300 fr., pour subvenir à l'entretien des troupes alliées. Cette somme sera répartie en raison des contributions, tant sur les propriétés foncières que sur les locations; de manière que les plus imposés payeront dans une proportion beaucoup plus forte, et que ceux qui ont un loyer au-dessous de 150 fr. ne paieront rien.

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Le 23, à midi, le Roi a entendu la messe dans sa chapelle. A l'issue de la messe, S. M. a reçu les hommages des principales autorités, ainsi que d'un nombre considérable d'officiers-généraux et supérieurs.

Un incident assez singulier a eu lieu le même jour dans la chapelle royale. Un individu, revêtu du costume d'officiergénéral, et décoré du grand cordon de l'ordre de Saint-Louis, s'y est rendu à midi. La contenance singulière de cet homme attiroit tous les regards; bientôt il est arrêté, on le fait monter en voiture, et sur-le-champ il est conduit sous bonne escorte à la préfecture de police.

-Dimanche dernier, de bonne heure, il est encore entré dans la capitale, par le faubourg Saint-Denis, des corps de cavalerie et d'infanterie, tant autrichiens que prussiens.

-Plusieurs individus, arrêtés pour s'être permis de porter l'uniforme des gardes du corps, et avoir occasionné du tumulte dans divers quartiers de la capitale, vont être livrés aux tribunaux pour être jugés. On a aussi arrêté des particuliers qui affectoient de porter l'œillet rouge.

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Par ordonnance en date du 23 juillet, M. le baron de Talleyrand, préfet du Loiret, vient d'être nommé conseiller d'Etat honoraire.

- On persiste à croire que le traité entre les souverains alliés et le Roi ne tardera pas à être conclu.

Le service des courriers est rétabli sur toutes les routes

de France. Cependant, le 23, on n'a pas reçu les courriers de Lyon et de Toulouse. Celui de Metz est arrivé pour la première fois le 24.

- On compte cent soixante-sept officiers supérieurs qui ont, en dernier lieu, donné des preuves de fidélité au Roi, soit en suivant S. M. soit en refusant de servir de nouveau sous Buonaparte.

-Une frégate angloise est préparée à Brighton pour transporter en France MADAME, duchesse d'Angoulême. On dit que S. A. R. n'ira point à Bordeaux, dont on ne savoit pas encore à Londres la soumission, et qu'elle débarquera à Dieppe le 25 juillet. S. A. R. accordera quelques instans de `séjour aux différentes villes de la Normandie, et un jour à la ville de Rouen. On croit qu'elle n'arrivera à Paris que le 28 ou le 29.

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Le duc d'Orléans n'avoit pas encore quitté Londres le 19 juillet.

Il paroît que l'école militaire de Saint-Cyr doit être momentanément supprimée. L'école de la Flèche est conservée, et le lieutenant-général comte Dupont-Chaumont, frère de l'ancien ministre de la guerre, qui avoit été nommé gouverneur des deux écoles par le Roi, a repris les fonctions d'inspecteur de l'école royale militaire de la Flèche, qu'il avoit quittées à l'arrivée de Buonaparte..

M. le comte de Gaëtan de la Rochefoucauld, dont le Journal de Paris, et trois ou quatre autres, annoncent la mort, est arrivé à Paris, ayant laissé en Franche-Comté le corps qu'il commandoit, et avec lequel il a fait reconnoître l'autorité du Roi. Il n'a donc pas été massacré par les paysans, qui ont célébré avec enthousiasme autour de lui le retour du meilleur des monarques.

Ordonnances du Ror.

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux que ces présentes verront, salut:

Il nous a été rendu compte que plusieurs membres de la chambre des pairs ont accepté de siéger dans une soi-disant chambre des pairs nommés et assemblés par l'homme qui avoit usurpé le pouvoir dans nos Etats depuis le 20 mars dernier.

Il est hors de doute que des pairs de France, tant qu'ils n'ont pas encore été rendus héréditaires, ont pu et peuvent

donner leur démission, puisqu'en cela ils ne font que disposer d'intérêts qui leur sont purement personnels. Il est également évident que l'acceptation de fonctions incompatibles avec la dignité dont on est revêtu, suppose et entraîne la démission de cette dignité; et par conséquent les pairs qui se trouvent dans le cas ci-dessus énoncé ont réellement abdiqué leur rang, et sont démissionnaires de fait de la pairie de France.

A ces causes, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Art. 1. Ne font plus partie de la chambre des pairs, les dénommés ci-après :

Le comte Clénient-de-Ris, le comte Colchen, le comte Cornudet, le comte d'Aboville, le maréchal duc de Dantzick, le comte de Croix, le comte Dedeley - d'Agier, le comte Dejean, le comte Fabre (de l'Aude), le comte Gassendi, le conite Lacepède, le comte LatourMaubourg, le duc de Praslin, le duc de Plaisance, le maréchal duc d'Elchingen, le maréchal duc d'Albufera, le maréchal duc de Conegliano, le maréchal duc de Trévise, le comte de Barral, archevêque de Tours, le comte Boissy-d'Anglas, le duc de Cadore, le comte de Canclaux, le comte Casabianca, le comte de Montesquiou, le comte de Pontécoulant, le comte Rampon, le comte de Ségur, le comte de Valence, le comte Belliard.

2 Pourront cependant être exceptés de la disposition cidessus énoncée, ceux des dénommés qui justifieront n'avoir ni siégé ni voulu siéger dans la soi-disant chambre des pairs, à laquelle ils avoient été appelés, à la charge par eux de faire cette justification dans le mois qui suivra la publication de la présente ordonnance.

3. Notre président du conseil des ministres est chargé de l'exécution de la présente ordonnance.

Donné au château des Tuileries, le vingt-quatre juillet de l'an de grâce mil huit cent quinze, et de notre règne le vingtSigné, LOUIS.

unième.

Par le Roi, le prince DE TALLEYRAND. Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, Voulant par la punition d'un attentat sans exemple, mais en graduant la peine, et limitant le nombre des coupables, concilier l'intérêt de nos peuples, la dignité de notre couronne et la tranquillité de l'Europe, avec ce que nous devons à la justice et à l'entière sécurité de tous les autres citoyens sans distinction,

Avons déclaré et déclarons, ordonné et ordonnons ce qui suit: Art. 1er. Les généraux et officiers qui ont trahi le Roi avant le 23 mars, ou qui ont attaqué la France et le gouvernement à main armée, et ceux qui, par violence, se sont em

parés du pouvoir, seront arrêtés et traduits devant les con seils de guerre compétens, dans leurs divisions respectives,

savoir :

Ney, Labédoyère, les deux frères Lallemant, Drouet - d'Erlon, Lefebvre - Desnonettes, Ameilh, Brayer, Gilly, Mouton-Duvernet, Grouchy, Clausel, Laborde, Debelle, Bertrand, Drouot, Cambrone, Lavalette, Rovigo.

2. Les individus dont les noms suivent, savoir:

Soult, Alix, Exelmans, Bassano, Marbot, Félix Lepelletier, Boulay (de la Meurthe), Méhée, Fressinet, Thibaudeau, Carnot, Vandamme, Lamarque (général), Lobau, Harel, Piré, Barrère, Arnault, Pommereuil, Regnault (de Saint-Jean-d'Angely), Arrighi (de Padoue), Dejean fils, Garrau, Réal, Bouvier-Dumolard, Merlin de Douay, Durbach, Dirat, Defermond, Bory-Saint-Vincent, Félix Desportes, Garnier de Saintes, Mellinet, Hulin, Cluys, Courtin, Forbin-Janson, fils aîné, Le Lorgne-Dideville;

sortiront dans trois jours de la ville de Paris, et se retireront dans l'intérieur de la France, dans les lieux que notre ministre de la police générale leur indiquera, et où ils resteront sous sa surveillance, en attendant que les chambres statuent sur ceux d'entr'eux qui devront où sortir du royaume, on être livrés à la poursuite des tribunaux.

Seront sur-le-champ arrêtés ceux qui ne se rendroient pas au lieu qui leur sera assigné par notre ministre de la police générale.

3. Les individus qui seront condamnés à sortir du royaume auront la faculté de vendre leurs biens et propriétés dans le délai d'un an, d'en disposer, et d'en transporter le produit hors de France, et d'en recevoir pendant ce temps le revenu dans les pays étrangers, en fournissant néanmoins la preuve de leur obéissance à la présente ordonnance.

4. Les listes de tous les individus auxquels les articles 1 et 2 pourroient être applicables, sont et demeurent closes par les désignations nominales contenues dans ces articles, et ne pourront jamais être étendues à d'autres pour quelques causes et sous quelque prétexte que ce puisse être, autrement que dans les formes et suivant les lois constitutionnelles auxquelles il n'est expressément dérogé que pour ce cas seulement.

Donné à Paris, au château des Tuileries, le vingt-quatre juillet de l'an de grâce mil huit cent quinze, et de notre règne le vingt-unieine. Signé, LOUIS.

Par le Roi, le duc D'OTRANTF. BORDEAUX. Enfin cette ville respire après une longue et cruelle attente. Le drapeau blanc y a été arboré le 22 juillet.

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