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La joie y est au-dessus de toute expression. Les cris, les chants, les danses se sont prolongés toute la nuit. Le général Clausel a quitté la ville qu'il avoit tenue si long-temps sous le joug. Les troupes se dirigent sur la Loire A Bergerac les habitans ont pris d'eux-mêmes le drapeau blanc, et se sont défendus contre les soldats et les fédérés qui vouloient le leur faire quitter.

BEZIERS Cette ville n'a pas attendu les ordres pour arborer la cocarde blanche. Elle l'a fait d'elle-même et par un élan général. On a envoyé contr'elle des troupes, mais elle s'est mise en état de défense. Toute le monde a pris les armes. Cette bonne contenance en a imposé aux troupes qui venoient pour nous réduire. Elles ont été obligées de s'en retourner, et nous avons eu l'honneur et le plaisir de faire reculer les ennemis du Roi.

COUTANCES. Le 13 juillet, le retour du Roi a été célébré par une fête. Les écoliers du college sont allés en procession à un oratoire voisin. Ces jeunes gens étoient pleins d'enthousiasme. Les habitans. se sont réunis à eux. Le drapeau blanc a été promené avec pompe, et le nom du Roi salué par de nombreuses acclamations.

BOURGES, 19 juillet. Depuis dix jours il nous arrive des troupes de toute arme. Un grand nombre de dépôts se sont dirigés sur Poitiers; plusieurs régimens se rendent dans les principales villes de la 21. division militaire. La présence des troupes, la circulation des généraux, des officiers supérieurs et des militaires qui les composent, la variété des uniformes, le parc d'artillerie qu'on a établi à Tivoli, tout donne à notre ville l'aspect d'une ville de guerre, un air animé qu'elle n'eut jamais. Plusieurs corps de cavalerie cantonnent dans les villes et communes voisines, dans un rayon de quatre à cinq lieues. Lundi dernier nous avons vu arriver ici 1000 ou 1200 déserteurs, conduits par un nombreux détachenient de gendarmerie. Hier il en est encore arrivé 400 sous bonne escorte. On dit que des mesures de rigueur sont prises pour arrêter la désertion.

On attendoit hier ici le maréchal prince d'Eckmül; mais il s'est, dit-on, porté d'Orléans à Tours pour visiter la ligne qui borde la rive gauche de la Loire. Un grand nombre d'officiers généraux et supérieurs attachés à l'état-major général de l'armée, est arrivé dans la matinée. Ainsi, c'est à Bourges que se trouve en ce moment le grand quartier général.

HISTOIRE des malheurs et de la captivité de Pie VII; par M. Alphonse de Beauchamp. Seconde édi tion (1).

La première édition de cet ouvrage avoit paru l'année dernière, et nous en rendîmes compte dans notre N°. XLV. En reconnoissant l'intérêt d'un tel sujet, nous ne pûmes nous empêcher de remarquer que l'auteur ne l'avoit pas traité avec toute l'attention désirable. Nous lui reprochâmes des inexactitudes, des lacunes, des méprises assez fortes, et nous en citâmes des exemples. Du reste, nous ne mîmes dans nos observations ni partialité ni aigreur. Nous n'avions aucune raison d'en vouloir à M. de Beauchamp, et nous cherchâmes même à corriger ce que notre article pouvoit avoir de désobligeant pour lui, en rendant hommage à son talent, et en louant une autre production de lui. Il lui a plu de voir là du venin, et de se récrier contre notre jugement, comme nous étant dicté par l'intérêt et la partialité. Il nous taxe d'une critique puérile et amère, de mauvaise foi, et vingt pages de sa Préface sont destinées à nous réfuter. Pauvres auteurs! ce mal est donc chez nous aussi général qu'incurable. Chatouilleux et délicats dans notre amour propre, nous ne voulons pas qu'on puisse être de bonne foi quand on nous censure, et nous

(1) 1 vol. in-12; prix, 3 fr. et 4 fr. frane de port. A Paris, chez Le Prieur, rue des Noyers.

Tome IV. L'Ami de la R. et du R. No. 101. Z

prétendons absolument trouver de l'amertume dans les observations les plus justes et les plus modérées. Nous avions reproché à M. de Beauchamp d'avoir laissé beaucoup de lacunes dans son histoire. Il nous répond que son ouvrage est plutôt un morceau de biographie qu'une histoire, et qu'il n'a prétendu raconter que les malheurs et la captivité de Pie VII. Cependant il parle quelquefois d'autre chose que des malheurs de ce Pontife; il donne quelques détails sur son élection, et tout en s'étonnant que nous lui ayons reproché d'avoir omis de parler du Concordat, il a pris soin de réparer, au moins en partie, cette omission dans sa seconde édition; de sorte qu'il paroît avoir senti la justesse de nos observations dans le moment même où il affecte de les regarder comme peu fondées, et qu'il profite de notre critique même en voulant faire croire qu'elle est puérile et injuste.

Nous avions dit, en second lieu, que M. de Beauchamp s'étoit appuyé de pièces apocryphes, et il répond pour sa justification qu'il est étranger aux matières ecclésiastiques. C'est précisément ce dont nous nous plaignons, et il est assez étrange que M. de Beauchamp en fasse le sujet de son apologie. Quand on traite un sujet ecclésiastique, la première condition est de n'y être pas étranger, et de se mettre bien au fait de tout ce qui y a rapport. Lorsque M. de Beauchamp voulut écrire son Histoire de la Vendée, il chercha sans doute à bien connoître ce pays, et tout ce qui tenoit de près ou de loin à son sujet. Il auroit dû faire de même pour son Histoire des malheurs et de la captivité de Pie VII, étudier le terrain, et ne pas s'exposer à des méprises et à des mexactitudes qui choquent l'homme instruit. Il n'y a pas de honte

à être étranger aux matières ecclésiastiques; mais il y a de l'imprudence à parler de ce qu'on ne sait pas, et à s'avancer dans un pays dont on ne connoît carte; l'on ne sauroit alors éviter beaucoup de faux d'erreurs et de bévues.

pas,

pas la

M. de Beauchamp avoit cité dans sa première édition un écrit qui tendoit à faire croire que Buonaparte avoit demandé au Pape l'érection d'un patriarche pour la France, et l'abolition du célibat ecclésiastique. Ce fait étoit faux, et reconnu comme tel par tous ceux qui étoient au courant de ces affaires. Nous le dîmes dans notre article. M. de Beauchamp, qui n'aime pas à céder, prétend que le despote n'en vouloit pas moins substituer au chef de la religion un simulacre de pontife, et il ajoute que l'opinion publique a désigné le personnage déshonoré qui auroit été revétu de la suprématie sacerdotale. Il est probable qu'il a voulu désigner ici le cardinal Maury. Nous ne nous érigeons point, quoi qu'en dise M. de Beauchamp, en défenseurs de Buonaparte et du cardinal Maury; nos lecteurs savent assez à quoi s'en tenir à cet égard. Il y a long-temps que nous avons dit notre avis sur l'un et sur l'autre; mais nous l'avons dit sans déclamation. Nous les avons jugés sur leurs actions, et non sur des bruits et des suppositions incertaines. M. de Beauchamp est sûr que Buonaparte vouloit un patriarche. Nous sommes certains de notre côté qu'il n'a jamais énoncé cette demande dans ses rapports avec le souverain Pontife. Ainsi, s'il a eu cette intention, il ne l'a point émise, et ceux-là seuls peuvent la lui prêter, auxquels il en aura apparemment fait confidence. Comme nous n'avons point eu cet avantage, nous n'en croirons que des pièces authentiques. Quant à

ce qu'ajoute M. de Beauchamp, que l'opinion publique a désigné celui qu'on auroit revétu de la suprématie sacerdotale, c'est un bruit qui a pu circuler dans quelques salons, mais qui n'avoit d'autre fondement que l'idée que l'on avoit de l'homme. Il étoit regardé comme un ambitieux, et dès-lors on a pu lui imputer des projets dont peut-être il étoit capable, mais que rien ne prouve au fond. M. de Beauchamp confond les temps et les époques. En 1808, et lors des premiers éclats de Buonaparte contre le Pape, le cardinal Maury n'étoit pas encore en place. Il vivoit à Paris sans aucun titre, déjà disposé, cela est possible, à servir d'instrument à l'ambition; mais le despote n'avoit pas paru le remarquer encore, et le lais

soit confondu dans la foule des flatteurs. Il ne l'en

tira que plus de deux ans après pour le porter sur le siége de Paris. Il n'est pas vrai que le cardinal, du moins alors, ait servi de conseil et de guide au perturbateur de l'Eglise. Je suis très-persuadé que celuici ne prenoit pas beaucoup de conseil dans cette affaire, et que son guide fut surtout son ambition, ses caprices et la fougue de son caractère.

n'avons pas

M. de Beauchamp nous demande pourquoi nous articulé les inexactitudes et les lacunes que nous lui avions reprochées. Il auroit voulu que nous eussions entamé une discussion et une controverse. Nous pourrions lui répondre que si nous avions voulu faire cómme lui, un volume, nous nous serions livrés à cette discussion. Mais un article de journal est nécessairement resserré dans des bornes fort étroites, et ne nous permettoit pas de nous étendre, de détailler les méprises et les omissions de l'auteur, de déduire nos raisons. Nous nous sommes bornés à quelques

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