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leurs discours. Quelques-uns portent l'empreinte da talent, et tous le caractère de l'esprit de religion, et de l'attachement au sang de nos Rois.

-On répand sur la situation de Rome des bruits fort alarmans. On dit que Murat s'en est emparé. Nous aimons à nous flatter que ces nouvelles sont au moins prématurées, et que l'ennemi du saint Siége craindra de nuire à ses propres affaires, et de hâter sa ruine en' abusant de sa force contre le chef de l'Eglise, et contre un souverain respectable par son courage, son âge, ses vertus et ses malheurs.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. La plus grande incertitude règne toujours sur les opérations du congrès; mais ce qui est bien clair, c'est que les souverains ne sont pas d'accord, et que les affaires de l'Europe ne s'arrangent pas. On est toujours en litige sur la Pologne. Le sort de la Saxe offre plus de difficultés encore! La Prusse, à qui on a promis un agrandissement, veut l'ohtenir aux dépens de qui il appartiendra. Il lui manque encore quelques centaines de mille hommes pour son contingent. It faut les lui trouver. L'Italie est en feu. Des séditions ont éclaté dans le nord. Les peuples se plaignent qu'on les marchande comme des troupeaux de moutons. Dans le midi, un ancien soldat, qui s'ennuie de ne plus guerroyer, menace de dépasser ses frontières et d'envahir un Etat voisin. L'ambition, les rivalités perpétuent l'état de troubles et de l'incertitude. Une seule puissance joue au milieu de ces divisions le rôle le plus honorable, protège le foible, invoque les droits de légitimité, et donne des leçons, et, ce qui est plus difficile, des exemples de modération et de sagesse.

NECROLOGIE.

Nous ignorons généralement en France que ceux de nos compatriotes qui s'étoient exilés pendant nos troubles ont fourni de grands exemples de vertu, et il est utile d'en mettre quelques-uns sous les yeux, ne fut-ce que pour détromper ceux à qui les pamphlets révolutionnaires auroient inspiré des

préventions contre une classe respectable par ses malheurs et par la loyauté de ses sentimens. Nous parlerons aujourd'hui de deux hommes qui ont particulièrement honoré cette classe par leur conduite et qui ont consacré la dernière moitié de leur vie à la gloire de la religion, après avoir employé la première au service de leur prince.

Les chevaliers de Payen et de Verdun, militaires pleins d'honneur, avoient émigré ensemble et étoient tendrement unis. Le premier, homme d'esprit et aimable, étoit recherché pour l'agrément et le piquant de sa conversation, pour ses saillies qui, dans l'occasion, n'épargnoient pas la religion et les prêtres. Le second, plus jeune, étoit tout aussi bon philosophe, c'est-à-dire, tout aussi mauvais chrétien que son ami. Tous les deux se trouvoient à Liège en 1793. Le P. Beauregard prêchoit alors dans cette ville. La curiosité les prit d'aller entendre ce vertueux et éloquent missionnaire. Ils comptoient s'amuser de ses lamentations, et rire ensuite de ses capucinades. C'est ainsi qu'ils en parloient d'avance; il en arriva autrement. La figure du P. Beauregard, ses accens pénétrans, la force et l'onction de son débit, firent impression sur nos deux officiers. Son premier discours les rendit sérieux et rêveurs. Ils y retournèrent. Le second discours les ébranla encore, le troisième triompha de leur résistance. Ils voulurent voir le pieux missionnaire, et ses conversations particulières achevèrent ce que ses sermons avoient commencé. Les deux amis se convertirent sincèrement. Ayant eu occasion de voyager peu après avec le Père Beauregard, ils furent encore plus touchés de sa haute vertu qu'ils n'avoient été frappés de son éloquence. Ils virent que celle-ci partoit du cœur, que l'orateur étoit persuadé de ce qu'il prêchoit, et que l'exemple de sa vie valoit encore mieux que ses discours. Ils ne le quittèrent qu'avec peine, et se rendirent en Westphalie. Là ils trouvèrent dans la petite ville d'Essen un nouvel Ananie, un ancien supérieur d'un séminaire de France, qui les affermit dans le bien. Ce fut par ses conseils qu'ils se tracèrent, en 1795, un réglement de vie auquel ils furent fidèles. Etant passés peu après en Angleterre, ils y vécurent dans les exercices de la piété et dans la pratique des bonnes œuvres. Ils assistoient leurs compatriotes malades, et leur donnoient les soins touchans d'une ingénieuse charité. La prière, la fréquentation des sacremens, de pieuses lectures, la méditation des choses saintes, étoient leur occupation favorite. Ils ne négligeoient cepen

dant pas pour cela les devoirs de leur état. Le chevalier de Payen étoit parvenu au grade de colonel. Le chevalier de Verdun avoit le titre d'aide-major-général dans l'armée de MONSIEUR pour la Vendée. Tous deux avoient été chargés de missions délicates et périlleuses, qu'ils avoient remplies avec intelligence et bravoure. Honorés de la confiance de leurs maîtres, ils pouvoient porter plus loin leur ambition. Mais déjà ils soupiroient après la retraite. La fumée des honneurs n'éblouissoit plus leurs yeux, et ils parloient même souvent d'aller se joindre à ces courageux Trappistes qui, dans leur exil, édifieient par leur pénitence et leurs austérités les nations qui les avoient accueillis. Ils furent encore confirmés dans ce dessein par le spectacle de la mort édifiante du marquis de la Bourdonnaye de Montluc, qui finit ses jours à Londres, le 13 octobre 1798, dans les sentimens de la plus vive piété. Le chevalier de Verdun, qui l'avoit assisté dans ses derniers momens, montra encore plus de désir d'aller dans la solitude expier ses fautes et se préparer à l'éternité.

Le ciel en avoit ordonné autrement. Des hommes graves et éclairés conseillèrent aux deux amis d'entrer dans l'état ecclésiastique. Leur humilité s'y refusa long-temps, et ils ne se rendirent qu'à la décision de prélats françois dont ils respectoient les lumières et la piété. Ils renoncèrent au monde et se mirent en retraite avec quelques anciens compagnons d'armes voués aussi aux exercices de la piété. Ils étoient six en tout. Ils firent un cours de philosophie, puis de théologie. Ils ne crurent point devoir s'engager définitivement sans l'autorisation du Prince dont ils avoient servi si long-temps la cause. Ils en écrivirent à Mittau, et le ministre de S. M. par une lettre honorable et flatteuse, datée de Mittau, le 9 août 1799, leur laissa toute liberté de suivre leur vocation. Ils prirent le sous-diaconat, le 2 septembre 1799, dans la retraite même qu'ils avoient choisie, et édifièrent dans cette cérémonie tous les assistans par leur tendre piété. Ils reçurent le sous-diaconat, le 7 juin 1800, et furent promus au sacerdoce le 1er juin de l'année suivante. La première fois qu'ils montèrent à l'autel, on crut voir des anges descendus du ciel. Ils inspiroient le recueillement et la dévotion. L'abbé de Payen ne pouvoit retenir ses larmes. Ils donnèrent l'un et l'autre leurs soins à la jeunesse françoise rassemblée à Somerstown par les soins de M. l'abbé Carron. Leurs discours, leur douceur, leurs manières affectueuses

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lenr tendre piété étoient une puissante exhortation à la vertu. Ils ne négligeoient pas non plus leurs anciens compagnons d'armes, les visitoient dans leur maladie, leur donnoient des soins, et ramenoient à la religion par de touchantes insinuations ceux qui s'en étoient écartés.

Telles étoient leurs occupations, quand la paix avec la France sépara les deux amis. L'abbé de Payen fut rappelé dans sa patrie par un frère menacé d'une mort prochaine, et qui vouloit finir entre ses bras. Il quitta l'Angleterre, et vint s'établir chez son frère, à Chavoy, près Avranches. L'abbé de Verdun, qui le vit partir avec regret, ne put se décider à le suivre, et continua dans sa retraite les mêmes bonnes œuvres. Une longue maladie de poitrine vint l'y atteindre. Mais elle n'altéra jamais sa patience. Il mourut, le 2 octobre 1804, dans l'établissement de Somerstown, dans des sentimens admirables d'amour de Dieu. Telle fut la fin de JeanJulien de Verdun, né en Normandie, ancien capitaine dans la légion de Bassigny et chevalier de Saint-Louis. Il avoit environ quarante-huit ans. L'abbé de Payen apprit à Chavoy le sort de son vertueux ami. De ce moment il se prépara plus prochainement à la mort. Il semble même qu'il prévit la sienne. Le 28 décembre 1804, après s'étre couché le soir comme à l'ordinaire, il se releva vers minuit en annonçant qu'il se sentoit près de mourir. Il expira quelques instans après. Ceux qui ont connu ces deux excellens prêtres, ne peuvent oublier les exemples qu'ils en ont reçus, et ils ne se consolent qu'en pensant que ces hommes estimables ont reçu leur récompense, et qu'ils protègent encore dans le ciel ceux qu'ils ont aimés sur la terre.

Plusieurs ecclésiastiques, vivement touchés de la privation des secours spirituels où la rareté des pasteurs laisse une partie de nos provinces, viennent, selon le vœu de MM. les évêques, de se réunir pour faire un établissement, dont le but principal est de donner des missions, et de former des missionnaires pour l'intérieur de la France. M. le grand-aumônier a bien voulu se déclarer protecteur de cette société, dont les statuts sont approuvés par l'archevêché de Paris.

Cet établissement, un des premiers fruits de la liberté rendue enfin à la parole sainte, doit intéresser tous les amis de la religion et réaliser leurs espérances.

Quel est en effet le vrai chrétien qui ne gémisse des atteintes portées en ces derniers temps à la religion, aux mœurs, au bon ordre des familles, comme à la paix et à la tranquillité de l'Etat, et qui ne soit épouvanté de cet héritage de désordres et de vices que la génération présente laissera aux générations à venir?

Le seul moyen de remédier à ces funestes suites de notre révolution politique, ne peut se trouver que dans cette autre révolution religieuse que produit presque toujours dans les villes et les campagnes l'apparition de ces envoyés extraordinaires, qui viennent replanter la foi là où elle a été arrachée, et, nouveaux apôtres, annoncer les vérités chrétiennes à des peuples que le dénuement de tout secours religieux conduit, chaque jour, à un oubli du nom de Dieu, plus affligeant que l'idolâtrie même de leurs pères.

Un des missionnaires, visitant le tombeau des saints apôtres, a été assez heureux pour recueillir les bénédictions du chef de l'Eglise, et recevoir, pour cette œuvre sainte, de la bouche même du souverain Pontife, des encouragemens auxquels le Roi très-chrétien a daigné ajouter l'assurance de sa protection spéciale.

Soutenus par ces témoignages précieux de bienveillance, et pénétrés de la nécessité de cet esprit de zèle et de prudence si bien d'accord avec les principes de là religion et avec les plus illustres exemples, les missionnaires entrent avec confiance dans leur laborieuse carrière, espérant que Dieu bénira leurs efforts, et permettra que les peuples recueillent les dignes fruits de cette sainte entreprise.

En se présentant dans les paroisses, qui les appelleront comme des ministres de réconciliation et de paix, les missionnaires sont éloignés de vouloir que leurs services puissent jamais devenir une charge pour le peuple. Ils n'oublient pas qu'ils viennent, à l'exemple de leur divin maître, évangéliser les pauvres. Mais, pauvres eux-mêmes, ils espèrent que les fidèles, à qui leur fortune permet quelque sacrifice, voudront s'associer au mérite de cette bonne œuvre, et en favoriser l'accomplis sement par leurs secours. C'est leur foi, c'est leur charité que l'on invoque. On a la ferme confiance qu'ils ne laisseront pas les peuples plus long-temps privés de ce puissant moyen de retour à la religion et à la vertu, de ce dernier trésor de l'Eglise, qu'elle tient en réserve pour les temps de calamité.

La maison des missions de France est déjà presqu'entièrement préparée pour recevoir les sujets qui, ayant terminé leurs études en théologie, viendront, avec la permission de leur évêque, se former à cet important ministère.

M. l'abbé Rausan, M. l'abbé Legris-Duval et M. l'abbé de ForbinJanson sont à la tête de l'établissement.

Les personnes qui désireroient faire parvenir leurs dons, ou, ce que l'on préféreroit encore, leurs abonnemens, pourront les adresser, soit à l'économe de la maison même, rue Notre-Dame-des-Champs, n°. 8; soit au bureau de l'Ami de la Religion et du Roi, chez M. Adrien Le Clere, quai des Augustins, no. 35; soit à MM. Denys, notaire, rue de Grenelle, faubourg Saint-Germain, n°. 3; Rendu, notaire, rue Saint-Honoré; no. 317; Lepelletier, notaire, rue Thérèse, no. 2; Deherain, notaire, rue Montmartre, no. 14; Foucher, rue Poissonnière, no. 5; soit enfin à M. Chapelier, notaire, rue de la Tixéranderie, no. 3, trésorier de la société.

On

engage à vouloir bien affranchir les lettres.

Les missionnaires préviennent les bienfaiteurs de l'établissement qu'on y fera pour eux, chaque jour, des prières particulières, et qu'on les recommandera à celles des peuples.

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