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TRADUCTION.

28 janvier 1898. Veuillez dire à Son Excellence le Ministre des Affaires étrangères que la ligne que nous serions disposés à adopter dans les négociations actuelles serait influencée très sensiblement par la politique fiscale que la France se déciderait à suivre.

Plus d'une fois nous avons fait observer que notre but n'est pas territorial, mais que nous visons au développement de facilités commerciales. La solution des controverses territoriales serait énormément avancée par la conviction que notre commerce ne serait lésé par aucune concession de notre part.

Veuillez donc proposer à M. Hanotaux qu'il soit convenu d'avance que, si nous arrivions à une entente sur la question territoriale, les deux nations établiront un tarif identique sur toutes les frontières (y compris la frontière maritime de leurs territoires de l'Afrique occidentale. Les deux nations régleraient le tarif entre elles. On pourrait le régler chaque année, ou tous les cinq ans, et en cas de divergence d'opinion sur un point quelconque, la décision pourrait être rendue par le chef des douanes belges ou danoises.

N° 17.

NOTE LUE PAR LES COMMISSAIRES BRITANNIQUES DANS LA SÉANCE DE LA COMMISSION DU 18 FÉVRIER 1898.

A la séance du 26 novembre dernier, vous nous avez dit que vous croyiez pouvoir nous donner l'assurance que, dans le cas où un arrangement général aboutirait d'une façon satisfaisante pour les deux Gouvernements, la ligne Say-Barroua serait déterminée conformément à l'arrangement de 1890, les revendications françaises à l'est du Niger étant abandonnées, et les traités anglo-allemands étant reconnus.

M. Hanotaux, auquel on s'était référé, affirma cette assurance sous les conditions suivantes :

1° Que le Gouvernement Britannique reconnaitrait les rives septentrionale et orientale du Tchad comme faisant partie de la zone d'influence de la France.

2o Qu'un arrangement mutuellement avantageux pour la navigation du Niger convenu par la Commission;

serait

3° Que la ligne Say-Barroua serait délimitée.

Le Gouvernement de Sa Majesté exprima sa cordiale appréciation de l'esprit conciliateur qui animait M. Hanotaux et signifia son consentement à ces propositions comme base de négociations ultérieures, mais il désirait recevoir des indications plus exactes sur les provisions qui pouvaient satisfaire la France, tant à l'égard des

territoires à l'ouest du Niger qu'au sujet des règlements pour la navigation de ce

fleuve.

N'ayant reçu de votre part aucun nouvel indice au sujet de la première de ces demandes et répondant à l'esprit de conciliation dont M. Hanotaux avait fait preuve par ses assurances, nous avons fait, le 20 décembre dernier, une nouvelle proposition amenant de nouveaux sacrifices dans les régions à l'ouest du Niger en nous déclarant prêts à renoncer aux provinces de Liptako, Yagha, Torodi, Say, Gourma, et une grande partie du Borgou, et à réserver seulement les quatre provinces de Boussa, Kiama, Kitchi et flesha.

Tout en admettant l'esprit conciliateur de cette proposition que vous avez caractérisée comme « un pas en avant », vous avez obtenu de vos Ministres respectifs l'autorisation de la prendre en considération sous la condition qu'il serait cédé à la France une bande du territoire partant de Nikki et allant jusqu'au Niger, cette bande ayant sur la rive du fleuve une largeur d'environ 33 milles à mesurer vers le nord du confluent de la rivière Moshi avec le Niger.

er

Le 1o février, nous vous avons informés que le Gouvernement de Sa Majesté ne pouvait se rendre à cette demande.

Par conséquent, vous nous avez priés de prendre note de ce que, dans ces circonstances, et en raison de vos instructions, le projet d'arrangement avait échoué, et qu'il ne vous restait aucune alternative que de revenir à votre ancienne proposition que la frontière serait le 9o parallèle de latitude. Vous avez également retiré les assurances que vous nous aviez faites au sujet des revendications de la France à l'est du Niger.

Nous sommes maintenant à mème de faire de nouvelles propositions, mais, en vue du retrait de votre proposition du 26 novembre et considérant que vous êtes revenus à la position du ge parallèle comme frontière, nous vous prions de prendre acte que nous retirons nous-mêmes la proposition que nous avons faite le 26 décembre dernier et que nous revenons à la ligne prise en considération, en 1894, entre M. Hanotaux et M. Phipps.

Dans le cas où les propositions d'aujourd'hui pourraient être agréées par le Gouvernement français et aboutiraient à une solution, il est à présumer que les assurances données par M. Hanotaux, le 27 novembre dernier, pour les territoires à l'est du Niger, seraient par ce fait renouvelées de votre part.

C'est toujours le vif désir du Gouvernement de Sa Majesté d'arriver à une solution compatible avec les intérêts et la dignité des deux pays. Il est, par conséquent, prêt à considérer la déclaration faite par les Commissaires français à la 18 séance, c'est-à-dire que le projet déjà soumis avait échoué, comme donnant une occasion de soumettre au Gouvernement français un projet d'un caractère compréhensif et définitif pour le règlement de toutes les questions qui entrent dans les attributions de la Commission.

En agissant ainsi, le Gouvernement britannique met de côté les questions d'usage international provenant des mouvements des troupes françaises dont l'ambassade d'Angleterre a si souvent porté plainte.

Le Gouvernement de la Reine fait de grandes concessions de territoires dans des régions où il possède des droits de traités, lesquels, d'après son opinion, ont

résisté aux enquêtes minutieuses dont ils ont été l'objet de la part des Commissaires et qui ont été acquis avant que la France ait cherché à étendre son influence sur les chefs avec lesquels ces traités avaient été conclus.

La valeur de ces territoires est incontestable, et la mesure des sacrifices

que fait

la Grande-Bretagne en y renonçant se laisse apprécier par l'ardeur de la rivalité que la position a excitée.

En plus de ces concessions territoriales est comprise dans les propositions du Gouvernement de Sa Majesté la revision des provisions du règlement de la navigation du Niger qui puissent être considérées comme désavantageuses au commerce français, quoique les plus grandes autorités légales de la Couronne aient déclaré qu'il n'existe rien dans le règlement actuel qui soit contraire ou à l'esprit ou à la lettre de l'Acte de Berlin, par lequel la navigation du Niger se trouve réglée.

Si le Gouvernement de Sa Majesté se trouve dans l'impossibilité de donner un accès territorial au Niger, ce n'est ni par un sentiment de manque d'amitié envers le Gouvernement de la République, ni par désir d'entraver la grande œuvre que la France est en train d'accomplir dans l'Afrique occidentale.

Il a la sincère conviction qu'une telle concession, en outre qu'elle serait incompatible avec la position assurée à la Grande-Bretagne à la Conférence de Berlin, rendrait nulle l'intention que les deux Gouvernements ont eue à cœur, c'est-à-dire d'assurer un arrangement dans l'Afrique Occidentale qui leur permettrait de procéder, chacun de son côté, au développement paisible des territoires compris dans leurs sphères d'influence respectives.

Tout en envisageant ainsi les concessions qu'il est prêt à faire de son côté, le Gouvernement Britannique ne demande au Gouvernement de la République que :

1o La reconnaissance des droits de la Grande-Bretagne sur des territoires qui, depuis des années, ont été placés sous le protectorat anglais, avec la pleine connaissance du Gouvernement Français et qui, nonobstant cette connaissance, et malgré les protestations réitérées de l'Ambassade de Sa Majesté, ont été depuis ce temps occupés par les troupes françaises;

2o Une délimitation des territoires au nord de la Colonie de la Côte d'Or par laquelle la plus grande partie reviendrait à la France;

3o L'extension d'une politique identique en matière fiscale qui a déjà été appliquée dans certaines parties de l'Afrique Occidentale,

Tout

arrangement territorial par lequel reviendraient à la France tous les territoires discutés à l'ouest du Niger rendrait nulle l'intention de la Commission qui avait pour but de partager ces territoires entre les deux pays.

Le projet que les Commissaires britanniques sont autorisés à soumettre à leurs collègues est celui-ci :

Au Nord de la Côte d'Or, le Gouvernement de Sa Majesté reconnaitrait le Mossi et le Nord du Gorounsi comme faisant partie de la sphère française, tandis que le Bouna, le Lobi, le Gorounsi méridional, le Mampoursi et tous les territoires situés entre ces districts et le g" parallèle de latitude seraient reconnus comme faisant partie de la sphère britannique.

Aucun changement ne se ferait des limites telles qu'elles sont déjà tracées au sud du 9o parallèle de latitude.

Au nord de ce parallèle, les frontières seraient délimitées par une Commission anglo-française sur les lieux.

Dans le cas cependant où cette solution se réaliserait, le Gouvernement de Sa Majesté espère qu'il sera permis au Roi de Mossi, avec lequel la Grande-Bretagne a un traité et qui a fait appel à la protection du Gouvernement de Sa Majesté, de reprendre son ancienne position ou que, si c'était impossible, des dédommagements proportionnés lui seraient accordés.

Au nord de Lagos, la ligne proposée le 28 avril 1896 par les Commissaires britanniques, partant du 9o parallèle de latitude et terminée au point où elle coupe le Niger, serait reconnue comme constituant la frontière.

Néanmoins, afin d'éviter les objections inhérentes à une frontière déterminée uniquement par un méridien et afin d'assurer aux habitants de Beré et d'Okuta et des districts voisins actuellement sous l'occupation britannique la protection britannique qui leur a été si récemment confirmée, la ligne de 1896 serait détournée dans sa partie méridionale de façon à réserver lesdits districts, y compris les villes d'Ashegere et de Beté dans la zone anglaise.

Dans sa partie septentrionale, la ligne serait détournée en un point au nord d'llo, de manière à laisser dans la zone britannique tous les territoires appartenant à la province de Boussa.

Cette ligne serait déterminée sur les lieux par une Commission anglo-française.

Les territoires à l'ouest de la ligne déterminée comme ci-dessus seraient reconnus comme français.

De cette façon, la France obtiendrait un territoire comprenant le nord du Gorounsi, le Mossi, le Gourma, Liptako, Yagha, Torodi, la partie du pays de Say à l'ouest du Niger, et une grande partie du Borgou y compris le Nikki à l'ouest de la ligne de 1896.

Quant à la question de l'accès au Niger, le Gouvernement de Sa Majesté chercherait à répondre au désir du Gouvernement français ainsi qu'il suit :

a) Il serait accordé au Gouvernement français le bail d'un terrain sur un point avantageux du Niger où il pourrait construire un quai et établir des entrepôts ou autres édifices de caractère commercial selon les besoins.

Toutefois, il serait entendu que tel terrain et tels édifices seraient et resteraient soumis à la juridiction et aux règlements douaniers britanniques.

b) Par une entente pareille à celle qui a été récemment conclue entre la France et l'Allemagne à l'égard du Togoland, il serait accordé à la France la liberté de faire passer ses malades accompagnés d'une escorte à travers les territoires britanniques jusqu'au Niger. La durée de cette entente ne serait que pour une courte période, ainsi que dans le cas d'une entente avec l'Allemagne.

c) Le règlement pour la navigation du Niger serait remanié de façon à écarter toute entrave qui pourrait être constatée comme portant atteinte au commerce français, et une entente interviendrait par laquelle, tout en sauvegardant les intérêts de la douane, le transport à travers les territoires anglais, de Nikki à cet endroit sur la rive du Niger entre Leaba et le confluent de la rivière Moshi et vice versa, des marchandises (à l'exception des armes, des munitions de guerre et des spiritueux) s'effectuerait en franchise de droits d'importation ou d'exportation.

Quant aux arrangements fiscaux, le Gouvernement de Sa Majesté propose que les tarifs dans les territoires britanniques et français respectivement soient applicables à toutes marchandises sans distinction, quelle qu'en soit la provenance d'origine, et que nulle taxe ne soit imposée ni aux négociants anglais dans une colonie française, ni aux négociants français dans une colonie anglaise, autre que les taxes à percevoir des nationaux de ces colonies.

Ainsi les mêmes impôts seraient perçus sur les denrées d'origine anglaise et sur les denrées d'origine française dans les territoires anglais et français respectivement, mais les taux ne seraient. pas nécessairement identiques.

L'arrangement s'appliquerait à toute possession anglaise ou française comprise entre la frontière occidentale de la Côte d'Ivoire et la frontière orientale du Protectorat de la côte du Niger, tant aux possessions du littoral qu'à celles de l'intérieur. Cette proposition engloberait les arrangements spéciaux qui, ayant trait aux affaires commerciales, existent actuellement entre les deux pays dans l'Afrique occidentale, et serait dressée par des délégués nommés à cet effet par les Gouvernements respectifs.

Le Gouvernement de Sa Majesté ne saurait douter que le Gouvernement de la République, ayant pris de nouveau en considération le point de vue anglais, en reconnaitra la valeur et ne tardera pas à donner des assurances qui mettront fin aux inquiétudes auxquelles donne lieu l'existence d'un différend si grave entre les deux pays.

Il ne vous aura pas échappé que parmi les propositions que nous venons de vous soumettre se trouve la renonciation de nos revendications sur le Mossi, territoire sur lequel, comme nous vous l'avons fait remarquer le 4 janvier dernier, nos droits sont, à notre avis, inébranlables.

Outre le fait que nous avons un engagement conventionnel avec le Roi de Mossi que la cession de ce pays à la France nous obligerait à négliger, démarche qui, comme nous l'avons déjà dit, porterait atteinte à notre prestige dans tout l'hinterland de la Côte d'Or, nous vous signalons que la valeur de la colonie de la Côte d'Or serait gravement endommagée par cette cession. L'importance de l'acquisition de ce territoire pour la France nous est inconnue, mais si elle n'est pas capitale, nous serions disposés à prendre en considération une proposition, hors la portée des propositions actuelles, par laquelle ce territoire resterait dans la sphère de nos intérêts, ou si vous le trouvez mieux, nous chercherions nous-mêmes à proposer un arrangement.

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