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teur, ordonnera la communication au ministère public et fixera le jour de la comparution (art. 310, § 4). Le jour de la comparution..... Il ne peut s'agir évidemment ici de la comparution des époux devant le président, puisque la demande est introduite devant le tribunal par assignation (art. 310, § 2) et qu'il en résulte que cette demande n'est pas soumise à l'essai de conciliation (Suprà, no 151). La comparution, dont le jour doit ainsi être fixé par l'ordonnance du président, est la comparution des époux devant la chambre du conseil à l'audience où la demande doit être débattue.

Aux termes de l'article 310, § 2, et conformément d'ailleurs au droit commun (art. 72 du Code de procédure civile), un délai de huit jours francs devant s'écouler entre la date de l'assignation et le jour fixé pour la comparution, le juge devra tenir compte évidemment de cette prescription de la loi en fixant le jour de la comparution. Au délai de huitaine franche il faut ajouter les délais de distance suivant la disposition générale de l'article 1033 du Code de procédure civile.

159. L'ordonnance du président fixant le jour de la comparution est rendue sur requête. La requête doit-elle être présentée par le demandeur en personne ou bien peut-elle être présentée en son nom par un avoué ?

C'est dans le dernier sens que s'est prononcée la cour de Nancy par un arrêt en date du 13 décembre 1884 (Sirey, 1885, 2, 17). Cette décision nous paraît conforme à l'esprit de la loi; mais la cour de Nancy en a donné un motif que nous ne pouvons accepter. Si la présence du demandeur n'est pas ici nécessaire, dit la cour, c'est que les règles de procédure édictées pour l'action en divorce par voie principale ne sont pas applicables à la demande en conversion. Eh, pourquoi donc ? La demande en conversion ne constitue-t-elle pas une véritable action en divorce? Comme la demande principale

et directe, ne tend-elle pas à la rupture de l'union conjugale? Comme elle, ne donne-t-elle pas lieu à des débats contradictoires? Ne laisse-t-elle pas au tribunal un pouvoir d'appréciation qui lui permet, suivant les circonstances, de l'admettre ou de la rejeter? Il n'y a donc aucune raison de la soustraire aux règles de procédure édictées pour l'action en divorce par voie principale, et ces règles, en général, doivent être suivies, s'il n'en est autrement décidé par la loi.

C'est précisément parce que l'article 310, sinon par son texte, du moins par son esprit, déroge à l'article 234 en matière de demande en conversion, que nous n'exigeons pas que la requête soit présentée par le demandeur en personne. L'obligation que l'article 234 impose à l'époux demandeur est le premier acte de ces préliminaires de conciliation dont la loi a cru devoir faire précéder la demande en divorce; il faut que le demandeur soit présent pour qu'il puisse recevoir les observations et les conseils que le magistrat doit lui faire entendre. Mais cet essai de conciliation n'est plus nécessaire, quand il s'agit d'une demande en conversion; l'article 310 ne l'exige pas. La loi a pensé que la période de trois ans écoulée sans qu'il y ait eu un rapprochement entre les époux fait disparaître tout espoir de réconciliation et rend inutile l'intervention du magistrat conciliateur. Dès lors, pourquoi exiger que la requête soit présentée par le demandeur? Dans quel but? Ce ne pourrait être évidemment que pour permettre au magistrat de tenter une réconciliation. Mais précisément la loi n'a pas voulu que cette tentative fût faite. La présence du demandeur est donc sans utilité et, par conséquent, on ne saurait l'exiger.

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160. Toute demande en divorce doit être introduite par assignation. La loi fixe un délai dans lequel cette assignation doit être donnée. C'est la disposition de l'article 238, §§ 7 et 8:

« L'époux demandeur en divorce devra user de la permission de citer qui lui a été accordée par l'ordonnance du président dans un délai de vingt jours à partir de cette ordonnance.

<< Faute par l'époux demandeur d'avoir usé de cette permission dans ledit délai, les mesures provisoires ordonnées à son profit cesseront de plein droit ».

C'est là une innovation heureuse de la loi du 18 avril 1886. Lorsque le président a échoué dans son essai de conciliation, il statue sur les mesures provisoires, la résidence de l'époux demandeur, la garde des enfants, la remise des effets personnels, la demande d'aliments. Les mesures qu'il ordonne sont le plus souvent de nature à porter atteinte, soit à l'autorité maritale, soit aux autres droits qui découlent pour l'époux défendeur du mariage même. Cette atteinte à la société conjugale ne saurait être évidemment que provisoire, car la société conjugale ne peut se briser autrement qu'à la suite de faits et d'actes définis par la loi et reconnus vrais par la justice après un débat complet. Or, pouvait-il être permis à l'époux demandeur, satisfait peutêtre des mesures qu'il a obtenues, de prolonger indéfiniment, grâce à son inaction, une situation qui n'est ni le mariage ni le divorce? La loi ne l'a pas pensé ; elle lui a imparti un délai dans lequel il doit engager l'instance et mettre son conjoint à même de se défendre. Si le demandeur laisse expirer ce délai, s'il recule devant un débat contradictoire, les mesures provisoires qu'il a obtenues cesseront de plein droit; la société sera rétablie avec tout ce qu'elle comporte d'obligations et de droits réciproques.

161.

Mais, remarquons-le bien, l'obligation imposée à l'époux demandeur de donner l'assignation dans les vingt jours n'a pas d'autre sanction, et il est évident que, s'il donnait cette assignation après le délai, il ne saurait être déclaré non recevable dans son action.

162.

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L'article 238, § 7, est évidemment inapplicable au cas d'une demande en conversion de jugement de séparation de corps en jugement de divorce, puisqu'alors le jour de la comparution des parties en la Chambre du conseil est fixé par l'ordonnance même du président qui autorise l'assignation.

162.

L'action en divorce, comme toutes les demandes qui soulèvent une question d'état, est de la compétence des tribunaux civils.

Il en est ainsi alors même que les faits, qui servent de base à la demande, constitueraient un délit. L'action en divorce, en effet, même fondée sur un délit, n'est pas cette action civile qui naît du délit et qui a pour but la réparation du préjudice causé; elle dérive, non pas du délit comme tel, mais de la violation du devoir conjugal, et c'est à ce titre que les tribunaux civils seuls peuvent en connaître.

164. Les tribunaux français sont-ils compétents pour connaître d'une demande en divorce entre époux étrangers?

Lors de la discussion de la loi de 1886 devant le Sénat, M. Bozérian avait proposé d'ajouter à l'article 234 une disposition ainsi conçue : « Les étrangers domiciliés en France pourront s'adresser aux tribunaux français pour faire prononcer le divorce lorsqu'il est autorisé par les lois de leur pays. Cette disposition ne fut pas acceptée par la commission et fut d'ailleurs retirée par son auteur. « La question générale, disait M. Bozérian pour motiver ce retrait, celle de savoir quelle sera la compétence des tribunaux français lorsqu'un litige viendra à s'engager entre étrangers, est actuellement pendante devant la commission instituée auprès du ministère de la justice pour la révision du Code de procédure. Le point de savoir comment cette question sera réglée a déjà été discuté et débattu, et, si les renseignements qui

m'ont été donnés sont exacts, on aurait déjà approuvé, provisoirement au moins, un article 10, lequel serait ainsi conçu: « L'étranger peut dans les mêmes conditions que les français, sauf l'application de l'article 16 du Code civil », c'est la caution judicatum solvi, « assigner devant les tribunaux un français ou un étranger ». Il est incontestable que, si cette disposition doit être un jour adoptée par la commission de révision du Code de procédure civile, j'aurai entière satisfaction, puisque les étrangers auront les mêmes droits que les français. Dans ces conditions et la question générale étant engagée devant le commission dont j'ai rappelé la création, il ne me paraît ni opportun ni utile d'engager une discussion sur la question spéciale de la procédure en matière de séparation de corps et de divorce ».

La question reste donc entière; mais comme elle se rattache et se lie à la question plus générale de savoir si les tribunaux français sont compétents ou incompétents pour connaître des contestations entre étrangers, nous ne l'étudierons pas et nous nous contenterons d'indiquer le dernier état de la doctrine et de la jurisprudence. La jurisprudence et avec elle un certain nombre d'auteurs se prononcent pour l'incompétence. Le principe de l'incompétence des tribunaux français, s'il n'est pas textuellement édicté par la loi, résulte virtuellement, a-t-on dit, de l'absence de toute disposition législative qui déroge,quant aux contestations entre étrangers, à la règle Actor sequitur forum rei. Il a d'ailleurs été implicitement reconnu dans la discussion qui a précédé l'adoption de l'article 14 du Code civil (Aubry et Rau, t.VIII, p. 143, note 33; Paris, 8 avril 1865, Sirey, 1865, 2, 211; Aix, 4 mai 1885, Dalloz, 1886, 2, 129). Mais les tribunaux français deviendraient compétents si l'une ou l'autre des parties avait été, en conformité de l'article 13 du Code civil, autorisée à établir son domicile en France et à y jouir des droits civils. Et on est allé

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