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signature (1). A l'avenir ils suivront la même marche que par le passé.

Le Censeur Européen ne doit pas être considéré comme un ouvrage périodique; les volumes ne paraîtront point à des époques fixes, et le nombre n'en sera point indéterminé, Les matières qui y seront traitées ayant des bornes, les auteurs croient pouvoir les renfermer dans vingt volumes, qui seront terminés par une table générale des matières. L'ouvrage entier aura paru dans deux ans : les volumes paraîtront à des époques plus ou moins rapprochées, selon l'abondance ou la rareté des matériaux.

La sûreté individuelle étant détruite, les cours prévôtales étant juges des écrits, dans certaines circonstances, et une partie de la France étant occupée par des armées étrangères, les Auteurs du Censeur Européen auront-ils assez d'indépendance pour dire la vérité? Ils en auront du moins ils osent s'en flatter, pour dire tout ce qu'ils jugeront utile, et pour n'être retenus que par l'intérêt de la vérité elle-même. Du reste, chacun doit voir que ce n'est plus d'un projet de loi ou d'une ordonnance que dépend le sort de l'État; le mal vient de plus loin, et il est bien plus difficile d'y porter remède.

assez,

(1) Il existe cependant, dans les volumes qui ont été publiés, cinq ou six articles qui ne lui appartiennent pas, et qui, par oubli, n'ont point été signés. Trois ou quatre du quatrième volume appartiennent à son collaborateur.

Le Censeur

EUROPÉEN,

OU

Examen de diverses questions de droit public, et de' divers ouvrages littéraires et scientifiques, considéréa dans leurs rapports avec les progrès de la civilisation.

PREMIÈRE PARTIE.

MATIÈRES GÉNÉRALES.

Considérations sur l'état moral de la nation française, et sur les causes de l'instabilité de ses institutions.

Il est

L est convenu, parmi les publicistes, qu'on doit attribuer l'asservissement et les malheurs des peuples aux vices et à la mauvaise organisation de leurs gouvernemens. Les hommes, disentCens. Europ. TOM. I.

1

ils, sont ce que les font leurs institutions; et puisque les institutions sont l'ouvrage de ceux qui gouvernent, c'est à eux seuls qu'il faut imputer le mal qui en est la suite.

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Cette manière de raisonner plaît beaucoup au commun des hommes; elle flatte les passions populaires; elle sert l'ambition qui aspire à tout, et console la médiocrité qui ne peut parvenir à rien. Pour un peuple, surtout quand il est tombé dans la misère, il est agréable, il est agréable, en effet, de s'entendre dire qu'il était digne d'un meilleur sort; que ses lumières et son courage l'appelaient à une autre destinée, et qu'il serait arrivé au comble de Ja gloire, s'il avait été bien gouverné. Mais ces flatteries, bonnes pour donner de la popularité à celui qui en est l'auteur, sont d'une utilité fort bornée pour le peuple qui en est l'objet.

Que les institutions politiques aient une trèsgrande influence sur le bonheur ou sur le mal heur des peuples, cela est incontestable. Il est également hors de doute que les gouvernemens peuvent faire, par leurs actes, beaucoup de bien ou beaucoup de mal. Mais quand un peuple souffre, suffit-il, pour mettre un terme à ses maux, d'attaquer les actes de son Gouver nement, où de réformer ses institutions ? Cela devrait suffire, si les institutions et l'administra

tion dont on se plaint, étaient la cause première des maux qu'on éprouve. Mais si elles n'étaient qu'une cause secondaire, si elles étaient l'effet inévitable d'une cause antérieure; c'est en vain qu'on les attaquerait et qu'on leur en substituerait de nouvelles. Tant que la cause première ne serait point détruite, l'effet serait le même ; tous les gouvernemens seraient également mau

vais.

En 1789, on se plaignait en France d'avoir des institutions vicieuses et d'être mal gouverné; on détruisit ces institutions, et on donna au Gouvernement une forme nouvelle: on établit une représentation nationale. La nouvelle constitution était à peine mise en vigueur, qu'on prétendit qu'elle était mauvaise, et que les choses n'allaient pas mieux qu'auparavant. En conséquence, le Gouvernement fut attaqué et renversé. La Convention qui lui succéda fit une seconde constitution qu'on trouva d'abord ad→ mirable, mais qui fut reconnue essentiellement vicieuse avant même que d'avoir été mise en pratique. On en suspendit l'exécution; le gouvernement révolutionnaire fut établi, et l'on se plaignit plus que jamais. Une quatrième constitution fut promulguée : le gouvernement révo lutionnaire fut remplacé par le gouvernement

directorial; on continua de se plaindre ; des insurrections éclatèrent, et le gouvernement fut encore renversé. Une cinquième constitution créa le gouvernement consulaire celle-ci, comme les autres, obtint une approbation presqu'universelle. Cependant elle ne fut pas plus stable que celles qui l'avaient précédée : elle disparut pour faire place à ce qu'on appela les constitutions de l'empire. Après ces dernières, vint la constitution du Sénat; puis la charte constitutionnelle; puis l'acte additionnel aux constitutions de l'empire; puis la constitution de la chambre des représentans; puis encore la charte constitutionnelle modifiée par une ordonnance; puis, enfin, une ordonnance qui révoquait celle qui avait reformé la charte.

En voyant cette longue série d'actes constitu-: tionnels, renversés aussitôt qu'établis, une question se présente naturellement à l'esprit ; c'est de savoir si ce sont les constitutions qui ont manqué aux Français, ou si ce ne sont pas au contraire les Français qui ont manqué aux constitutions. En d'autres termes, les malheurs de la France ont-ils été produits par les vices et la mauvaise organisation de ses divers gouvernemens, ou les vices et la mauvaise organisation de ces gouvernemens ont-ils eux-mêmes été le ré

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