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affaire aussi importante. Amiens regarda la permission des toiles peintes comme le tombeau dans lequel toutes les manufactures du royaume devaient être anéanties. Son mémoire délibéré ati bureau des marchands des trois corps réunis, et signé de tous les membres, était ainsi terminé : Au reste, il suffit, pour proscriré à jamais l'usage des toiles peintes, qué tout le royaumé frémisse d'horreur quand il entend annoncer qu'elles vont être permises. Vox POPULI, VOX DEI. »

Il n'existe personne aujourd'hui qui ne soit convaincu qué les manufactures de toiles peintes ont répandu en France une main-d'œuvre prodigieuse, par la préparation et la filature des matières premières, le tissage, le blanchiment, l'impression des toiles; et chacun en lisant les passages précités sera peut-être tenté de rire de l'ignorance et des vaines terreurs qu'inspi raient les toiles peintes. Cependant, de toutes les personnes qui souriront de pitié à la lectufé de ces passages, il n'y en aura pas un dixième, pas un centième peut-être, qui ne soient inbues de préjugés et d'erreurs plus grossièrs et plus funestes que ceux qui leur paraissent aujourd'hui si ridicules. Les erreurs des gouvernemens sont nuisibles aux nations: l'expérience nous le

démontre tous les jours; mais nous ne craindrons pas d'affirmer que les erreurs ou les préjugés des peuples sont encore plus funestes que ceux des gouvernemens. Et lorsque nous parlons des peuples, ce n'est pas seulement des hommes qui n'ont reçu aucune éducation: c'est des hommes les plus marquans de la société, de ceux qui forment l'opinion de la multitude, et qui se croient les plus éclairés.

L'étude de l'ouvrage de M. Say, en faisant voir comment les nations arrivent à la prospérité ou tombent dans la misère, apprendra aux peu→ ples, et par suite aux gouvernemens, à mieux diriger l'emploi de leurs moyens. Adam Smith avait développé avec beaucoup de sagacité ún grand nombre de vérités sur cette matière ; mais ce n'est que dans les mains de M. Say que l'économie politique est devenue une véritable science: c'est à lui qu'on devra les heureux changemens qui s'opéreront en France et dans beaucoup d'autres pays, soit en économie politique, soit en législation. Des chaires pour l'enseignement de cette science s'établissent dans presque tous les états de l'Europe. Dans toutes les universités de l'Allemagne, de l'Angleterre et même de l'Espagne, on professe l'économie politique ; le com-. merce de Barcelone en a établi un enseignement Cens. Europ.-TOM. I.

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à ses frais. En Russie, cette science entre dans l'éducation des princes: l'empereur a voulu que les grands-ducs Nicolas et Michel, ses frères, en fissent un cours dont la direction a été confiée à M. Storch. En France......

Dans un second article nous rendrons compte. de la partie de l'ouvrage de M. Say qui traite de la consommation des richesses. Nous ferous sentir la grande influence que doit exercer l'économie politique sur la morale, sur la législation civile, sur l'organisation des gouvernemens, et sur les relations des peuples entre eux; enfin, nous ferons voir que, sans la connaissance de cette science, il est impossible de ne pas commettre un grand nombre d'erreurs sur beaucoup d'autres. C'est sur-tout aux jeunes gens qui peuvent tôt ou tard être appelés au maniement des affaires publiques, que nous en recommanderons l'étude pour ai mer cette science et pour l'étudier avec fruit, il faut avoir des sentimens généreux et un esprit dégagé de préjugés et d'erreurs. On est peu disposé à recevoir des vérités utiles, quand l'àge de l'ambition est arrivé, et qu'on s'est faussé l'esprit en étudiant de fanx systèmes. L'ouvrage de M. Say facilitera singulièrement leurs études : cet ouvrage a un avantage qu'on ne trouverait peut-être dans aucun autre; c'est de joindre

:

l'étendue et la profondeur des vues à la clarté et à la méthode qui doivent distinguer tout bon ouvrage élémentaire.

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Nota. Dans le septième volume du Censeur, saisi le 4 septembre 1815, par ordre du ministre de la police (Fouché), nous avions rendu compte de la seconde édition de l'ouvrage de M. Say; la troisième édition de cet ouvrage ayant paru avant qu'il ait été jugé si la saisie de notre volume est ou non illégale, nous ne nous sommes pas cru dispensés d'en rendre compte dans celuici. Ce que nous avons dit, au reste, de la seconde édition du Traité d'économie politique, pourra s'appliquer à la troisième.

DES MILICES NATIONALES

ET

DES ARMÉES PERMANENTES;

PAR M. DE ROTTECK, Professeur à Fribourg.

que

Nous avons soutenu en diverses occasions que l'Allemagne était parvenue à ce degré de civilisation où le besoin de la liberté fait sentir tous les obstacles qui s'opposent à ce qu'elle s'établisse. Nous avons dit les libéraux allemands partageaient avec ceux des autres nations la conviction que les armées permanentes ne servent plus qu'à absorber la substance des peuples et à maintenir l'arbitraire. Pour prouver la vérité de cette assertion, nous nous sommes imposé l'obligation de faire connaître en France les écrits qui paraissent en Allemagne sur ce sujet. L'ouvrage de M. de Rotteck devait attirer d'abord notre attention, et bientôt nous serons à même de développer toutes les vucs de ce publiciste éclairé sur une matière qui est devenue d'un intérêt européen. En attendant, nous croyons qu'on lira

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