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MANDEMENT

De Messieurs les Vicaires - généraux du Chapitre métropolitain de Paris, le siége vacant, pour le saint temps du carême (1).

Nous étant proposé de faire connaître les-ouvrages qui peuvent exercer quelqu'influence sur la civilisation, pourrions-nous ne pas parler du Mandement de MM. les Vicaires-généraux du Chapitre métropolitain de Paris? Cette pièce est si curieuse, que si nous n'étions pas obligés de réserver une partie de ce volume pour des actes d'une autre nature, nous la rapporterions toute entière. Nous nous contenterons donc d'en donner ici un extrait, et nous renverrons au prochain volume les réflexions que la lecture de ce mandement nous a suggérées.

MM. les vicaires-généraux rappellent d'abord les lamentations de Jérémie sur la corruption des mœurs de son temps; ils avouent que nous valons

(1) Une brochure in-4°. de 21 pages. A Paris, chez Adrien Leclere, imprimeur de N. S. P. le Pape et de l'archevêché, quai des Augustins, no. 35.

un peu plus que les Juifs, ce qui du moins est une consolation; ils rendent hommage à l'église de Jésus-Christ, de ce qu'elle compte parmi ses membres un grand nombre de justes et de saints, et de ce qu'elle sanctifie et conserve la terre, qui n'existe que pour elle. Ils nous apprennent, avec l'apôtre, que l'univers, les siècles, les générations, les cieux, les élémens, tout, en un mot, est pour les élus ; que Dieu ne considère que l'église ; qu'il ne s'occupe des nations qu'à cause de l'église, et commie des élémens dont il la compose.

Vient ensuite l'apologie de l'église gallicane. MM. les vicaires-généraux nous la représentent plus belle que du temps de Bossuet, résistant par sa science à tous les prestiges du schisme, et allant au martyre avec le courage que donne la vertu. Délivrée ensuite de cette tribulation, elle passe, disent-ils, de l'éclat du martyre à celui des miracles, au milieu desquels le ciel lui a rendu les enfans de saint Louis.

Cependant quelque grand que soit le nombre des saints, celui des impies est plus grand encore; et c'est à cause d'eux seulement que MM. les vicaires-généraux ont débuté par les lamentations de Jérémie. Les reproches adressés par ce prophête à l'ancien peuple de Dieu, peuvent encore être adressés à une génération trop féconde en apos

tats de la foi, en violateurs du saint jour du dimanche, etc.

Après ce préambule, MM. les vicaires-généraux continuent ainsi :

mées, que

» Ah! N. T. C. F., depuis que la main de Dieu a mis fin à nos malheurs, depuis que la France, l'église, l'Europe, ne sont plus opprile vicaire de Jésus-Christ est rentré dans la ville sainte, le roi de France dans sa capitale, et tous les souverains dans leurs états respectifs; depuis que vos enfans ne vous sont plus enlevés pour être envoyés du nord au midi, de l'orient à l'occident, d'un pôle à l'autre, porter le flambeau de la guerre, rendre malheureux les paisibles habitans des cités et des hameaux, lever la hache contre les autels et contre les trônes, et pour être enfin victimes eux-mêmes; depuis que Dieu a fait cesser tant de maux et renaître tant de biens, nous ne devions plus avoir à vous parler que de votre reconnaissance et de votre fidélité. :

» Mais l'ingratitude de la plupart de vous plonge plus que jamais l'église et ses ministres dans une désolation extrême. Loin d'avoir profité de tant de fléaux et de tant de grâces pour revenir à Dieu, vous avez montré le même éndurcissement, la même sécurité dans les vices.

Tout est à découvert pourquoi craindre de trop dévoiler la dépravation, lorsque le voile même 'de la honte est déchiré? Nudè nuda loquor.

» Les arts, destinés par le Créateur, aussi bien · que les astres du firmament, à célébrer sa gloire, semblent conspirer en faveur des vices qui l'ou tragent. La poésie, la musique, la peinture, la sculpture, l'imprimerie sur-tout, servent à circonvenir l'innocence et à lui tendre des milliers de pièges. Les lieux les plus fréquentés de la capitale sont comme une longue bibliothèque publique, composée d'ouvrages obscènes ou impies, dont les titres et les frontispices captivent les passans et jettent dans les regards un venin subtil, qui, à l'instant même, se communique au cœur.

Une calamité nouvelle, profonde, générale, se méditait dans le secret. Le moment paraît propre à ses auteurs pour la faire éclater. Les feuilles publiques qui se répandent dans toutes les parties du globe, annoncent hardiment à tous les rois, à toute l'église, aux hommes en place aux savans, aux simples habitans des campagnes, aux pères, aux mères de famille, deux recueils de toutes les œuvres, sans exception, de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau. L'un, plus magnifique, est destiné pour les lecteurs opulens; l'autre, moins dispendieux, est préparé pour le Cens. Europ. Toм. I.

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peuple. L'Europe entière, les hommes de tous les rangs, sont invités à souscrire.

» Les rois, les hommes d'état savent, hélas ! ils l'ont reconnu trop tard, que ces écrits ont perverti le caractère et les mœurs publiques ; que c'est aux principes d'incrédulité, d'immoralité et de rebellion, qui y sont présentés avec tous les appas de la séduction, que la France a dû la hardie tentative des premiers provocateurs de sa révolution, le prestige des prétendus droits des peuples, au moyen desquels on a ému et soulevé tant de peuples, conduit des têtes couronnées à l'échafaud, et menacé toutes les nations d'un bouleversement universel, de guerres civiles d'une confusion armée, laquelle, abandonnée à ses flux et réflux, n'aurait été pour le genre humain qu'un premier enfer, qui aurait duré, et serait devenu plus terrible chaque jour jusqu'à la fin des temps.

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De quel front, avec quelle audace, les nouveaux éditeurs viennent-ils maintenant afficher, jusqu'aux portes du palais du roi, le projet de propager plus que jamais des ouvrages, qui ont fait le malheur de sa famille et de son peuple? Veulent-ils donc publier leur opinion sur la révolution, sur le 21 janvier, sur les heureuses journées du 3 mai et du 8 juillet; ́ils affecient

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