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liste. Mais celui-ci ayant attaqué tout ce qu'il y a de bon dans la loi, les constitutionnels ont été obligés d'en soutenir l'ensemble, pour ne pas s'exposer à la perdre toute entière.

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DÉTRUIRE la liberté de la presse en ce qui tous che les journaux, et détruire la représentation nationale, est à nos yeux une seule et même chose. Quand les journaux cessent d'être libres, les assemblées représentatives ne sont plus que des conseils privés, auxquels l'opinion publique ne peut imprimer aucun mouvement, et qui n'exercent eux-mêmes d'autre influence que celle que le ministère veut bien leur donner. Parmi les funestes effets que produit l'asservissement de la presse, le plus remarquable est donc de changer la nature du gouvernement, et de substituer la volonté de quelques individus à la volonté nationale. Cette vérité, plusieurs fois démontrée (1) n'est presque plus contestée aujourd'hui ; et si l'on demande encore que la liberté de la presse soit suspendue, ce n'est qu'après en avoir vanté les heureux effets, et afin de mieux nous en ga

(1) Voyez le Censeur, tom. 1er., pag.

et

rantir la jouissance à l'avenir. Les circonstances du moment sont les motifs sur lesquels on en demande la suspension.

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Lorsqu'un homme est atteint d'une maladie, le médecin cherche à rendre la santé à son malade en attaquant là cause du mal. Les médecins du corps politique suivent un système contraire : quand leur malade souffre, ils n'attaquent pa's la cause du mal, its lui donnent un mal plus grave pour lui faire oublier celui dont il se plaint. Un peuple craint-il de voir détrnire quelqu'une des garanties qui lui ont été données? Au lieu de calmer ses craintes, on lui ravit la liberté de se plaindre on supprime la liberté de la presse. Cette suppression lui inspire-t-elle des craintes nouvelles? On les appaise, en lui en inspirant de plus graves on détruit la liberté individuelle, et on le livre à l'arbitraire des agens de l'autorité. La destruction de la liberté individuelle augmente-t-elle ses mécontentemens? On les appaise en lui inspirant une terreur encore plus forte: on crée des cours prévôtales, on dresse des échafauds. Enfin les effets d'une mauvaise loi deviennent constamment une raison de faire une loi plus mauvaise encore ; et c'est toujours par la terreur qu'on veut prévenir les suites de la terreur. On va ainsi de foi de circonstance en

loi de circonstance, jusqu'à l'excès du mal; tandis qu'on aurait pu éviter toutes ces mesures. désastreuses en détruisant de faibles abus, ou en donnant quelques explications.

Le gouvernement, et par ce mot il faut entendre tout ce qui constitue le pouvoir législatif, qui détruit la liberté de la presse pour appaiser des mécontentemens ou pour en prévenir de nouveaux, ressemble au médecin qui, pour arrêter ou pour prévenir les progrès d'une maladie, empêcherait ses malades de se plaindre, et qui se vanterait de les avoir guéris, parce qu'il serait parvenu à étouffer leurs gémissemens.

Nous ne chercherons pas à faire voir ici les effets désastreux que produit l'asservissement des feuilles périodiques; nous examinerons sculement si les circonstances sur lesquelles on se fonde pour détruire la liberté des journaux, exigent en effet que cette liberté soit détruite.

Trois circonstances ont été alléguées par ceux qui ont proposé ou défendu le projet de loi: la violence des partis, l'absence d'une loi qui prévienne ou réprime les abus de la liberté de la presse, la position de la France relativement aux puissances étrangères.

Nous ne contesterons point que les partis, ou du moins qu'un certain parti n'ait une grande vio

lence; et que les excès auxquels il peut se livrer ne soient d'autant plus difficiles à réprimer, qu'ils sont couverts tour-à-tour d'un vernis de royalisme etd'une apparence de patriotisme qui en imposent toujours aux esprits simples. Mais l'asservissement des feuilles périodiques au ministère, pendant un temps déterminé, comprimera le mal sans le détruire; et quand le temps de la loi sera expiré,' on se trouvera dans la même position qu'aujourd'hui. Peut-on croire en effet que dans une annéc l'avidité que montrent certains hommes pour le pouvoir sera satisfaite, qu'ils auront renoncé à leurs prétentions secrètes du manifestées, et que' la haine qu'ils ont conçue contre quelques personnes en place sera calmée ? Si l'on ne peut pas avoir une telle espérance, à quoi bon suspendre momentanément la liberté de la presse? On se trompe d'ailleurs, si l'on croit que le 'public' prend beaucoup de part à des débats engagés dans l'unique objet d'obtenir du crédit ou du pouvoir. Les écrits des hommes dont on veut prévenir les excès, ne seraient dangereux pour l'autorité, que dans le cas où ils prouveraient que l'autorité marche dans un sens contraire au bien public; et dans ce cas, il faut le dire, il n'est pas bon qu'ils puissent être comprimés. La compression, répondra-t-on, ne sera que

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