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TRAITÉ

D'ECONOMIE POLITIQUE,

OU

SIMPLE EXPOSITION DE LA MANIÈRE DONT SE FORMENT,

SE DISTRIBUENT ET SE CONSOMMENT LES RICHESSES;

TROISIÈME ÉDITION,

A laquelle se trouve joint un Épitôme des principes fondamentaux de l'Économie politique;

PAR JEAN-BAPTISTE SAY,

Chevalier de Saint-Wolodimir, membre de l'Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg, de celle de Zurich, etc.; professeur d'Économie politique à l'Athénée de Paris.

(2 vol. in-8°. : prix, 12 fr., et 15 fr. par la poste. A Paris, chez DÉTERVILLE, libraire, rue Hautefeuille, no. 8.)

(DEUXIEMÈ ET DERNIER ARTICLE.)

Νους

ous avons fait voir précédemment comment M. Say, dans la première partie de son ouvrage, a exposé le phénomène de la production des richesses; comment à l'aide de quelques faits simples et incontestables, il est arrivé sans ef

fort à la solution des questions les plus délicates, et sur lesquelles on avait long-temps disputé sans s'entendre; enfin, comment par la seule analyse des faits, il a détruit les erreurs et les préjugés les plus nuisibles, ceux qui rendent les peuples ennemis les uns des autres.

La seconde partie du Traité d'Économie politique renferme l'exposition de la manière dont se distribuent les richesses parmi les personnes qui concourent à la production.

Ce ne sont pas les produits qui se distribuent entre les personnes qui ont concouru à les former: les produits arrivent presque toujours aux consommateurs, sans que les producteurs en aient fait le moindre usage. Ce qui se distribue entre les producteurs, c'est la valeur des choses produites. Prenons pour exemple une montre, et suivons, depuis l'origine, la manière dont on s'est procuré ses moindres parties, et comment leur valeur a été acquittée entre les mains d'une foule de producteurs.

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On verra d'abord, dit M. Say, que l'or, le cuivre et l'acier qui entrent dans sa composition, ont été achetés à des exploitateurs de mines, qui ont trouvé dans ce produit le salaire de leur industrie, l'intérêt de leurs capitaux, le revenu foncier de leur terre.

» Les marchands de métaux qui les ont obtenus de ces premiers producteurs, les ont revendus à des ouvriers d'horlogerie ; ils ont ainsi été remboursés de leurs avances, et payés des profits de leur commerce.

» Les ouvriers qui dégrossissent les différentes pièces dont se compose une montre, les ont vendues à un horloger, qui, en les payant, a remboursé les avances faites de leur valeur, ainsi que l'intérêt de ces avances, et acquitté les profits du travail exécuté jusques-là. Une seule somme égale à ces valeurs réunies, a suffi pour opérer ce paiement complexe. L'horloger a fait de même à l'égard des fabricans qui lui ent fourni le cadran, le cristal, etc.; et, s'il y a des ornemens, à l'égard de ceux qui lui ont fourni les diamans, les émaux, ou tout ce qu'on voudra imaginer.

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Enfin, le particulier qui achète la montre pour son usage, rembourse à l'horloger toutes les avances qu'il a faites, avec leurs intérêts, et de plus, le profit de son talent et de ses travaux industriels.

» La valeur entière de cette montre s'est, comme on voit, avant qu'elle fût achevée, disséminée entre tous ces producteurs, qui sont bien plus nombreux que je ne l'ai dit et qu'on ne l'ima

trouver

gine communément, et parmi lesquels peut se sans qu'il s'en doute, celui même qui a acheté la montre, et qui la porte dans son gousset. En effet, ce particulier ne peut-il pas avoir placé ses capitaux entre les mains d'un exploitateur de mines, ou d'un commerçant qui fait arriver les métaux, ou d'un entrepreneur qui fait travailler une multitude d'ouvriers, ou enfin d'une personne qui n'est rien de tout cela, mais qui a sous-prêté à l'un de ces gens là une portion des fonds qu'il avait pris à intérêt du consommateur de la montre?

» On a remarqué qu'il n'est point du tout nécessaire que le produit ait été achevé, pour que plusieurs de ses producteurs aient pu retirer l'équivalent de la portion de valeur qu'ils y ont ajoutée ; ils l'ont même consommée dans bien des cas, long-temps avant que le produit fût parvenu à son terme. Chaque producteur a fait à celui qui l'a précédé, l'avance de la valeur du produit, la façon qui lui a été donnée jusquelà. Son successeur, dans l'échelle de la production, lui a remboursé à son tour ce qu'il a payé, plus la valeur que la marchandise a reçue en passant par ses mains. Enfin le dernier producteur, qui est pour l'ordinaire un marchand en détail, a été remboursé par le consommateur

de la totalité de ses avances, plus de la dernière façon que lui-même a donnée au produit.

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C'est donc la valeur des produits qui se distribue entre toutes les personnes qui concourent à la créer, et qui forme leurs revenus. Pour déterminer la part qu'en retire chacun des producteurs, M. Say cherche d'abord sur quels fondemens elle s'établit. La valeur d'une chose' évaluable étant la quantité d'une autre chose que le vendeur consent à recevoir et que l'acquéreur consent à céder en échange, deux volontés concourent à la former, celle du vendeur et celle d l'acquéreur. Le vendeur élève la valeur de sa cho aussi haut, et l'acheteur la baisse aussi bas qu'ils le peuvent l'un et l'autre. Le point où les deux efforts se balancent, est celui où se fixe la valeur de la chose. Cette valeur est appelée prix, lorsqu'elle est fixée en argent.'

La valeur ainsi entendue, M. Say examine quelles sont les circonstances qui concourent à l'élever ou à l'abaisser, et les effets qui résultent de l'élévation et de l'abaissement. Les frais de production, et l'activité de l'offre et de la demande sont ce qui influe le plus sur la fixation de la valeur. Moins la chose produite exige de frais de production, moins la valeur en est élevée; et moins la valeur en est élevée, plus la demande.

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