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nymes: or, société, association, c'est ligue; ligue, c'est union d'efforts pour un intérêt commun; donc nation c'est ligue, c'est union d'efforts. « Partout où il se trouve un objet où des hommes tendent, de concert, là, et seulement là, il ya » une nation. »

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« C'était une nation, dit M. Thierry, que le peuple de guerriers, qui, par des efforts communs, défendit sa liberté contre les Perses; et cette nation c'étaient tous les Grecs. C'était une nation que le peuple de marchands, qui, dans le treizième siècle, maintenait de concert son indépendance contre l'Empire germanique ; et c'était l'Italie presque entière. C'était aussi une nation que le peuple de dévots qui se jetait sur l'Afrique, pour , pour rendre aux Sarrasins tout le mal qu'il en avait reçu; et cette nation, c'était l'Europe. »

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« Voulons-nous donc savoir, ajoute M. Thierry, quelles sont en Europe les nations? Jetons hardiment les yeux au loin, sans nous laisser arrêter ou distraire par les inégalités du sol, par les différences du langage, du gouvernement, de l'habit, des manières; 'et partout où nous verrons des hommes pensant et voulant de même, à l'égard de ce qu'ils croient être leurs plus chers intérêts, disons, sans craindre de nous tromper :

Ces hommes s'entendent, ils sont unis, ils sont actifs dans des vues communes ; ici il y a une

nation.

» C'est une chose commode pour la géographie que les divisions de territoire formées par des limites remarquables; mais c'est tomber dans un abus de mots que de donner, sans examen, le nom de nation au nombre de peuple contenu entre deux mers, deux rivières, deux chaînes de montagnes. Tel prince qui dit : « La nation båtit souvent d'une

à qui je commande.

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seule parole un édifice que toute sa puissance ne saurait élever là où les bases n'en sont point po sées, une société. On n'associe les hommes que lorsqu'ils consentent : il faudrait au préalable avoir vérifié le consentement.

>> Voit-on dans les villes les mêmes partis, les mêmes coteries, toujours renfermés dans les mêmes quartiers, entre les mêmes rues ? Les intérêts qui ameutent les factions ne planent-ils pas au-dessus de la population toute entière ? ne la séparent-ils pas lorsqu'elle est rapprochée ? ne l'unissent-ils pas lorsqu'elle est séparée ? Les nations sont des partis. Tel homme vivant où il est né, a ses concitoyens loin de lui, et les étrangers à sa porte.

» Les nations se forment d'elles-mêmes, se Cens. Europ. -TOм. II.

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détruisent d'elles-mêmes, se maintiennent d'ellesmêmes. La guerre et la diplomatie ont beau faire, ce qu'elles divisent reste uni, ce qu'elles unissent reste divisé : leur action ne change point les choses; elle trouble seulement, et pour un temps. La diplomatie opère, et les nations subsistent; la diplomatie passera, et les nations resteront. »

Il n'y a donc de nation, selon M. Thierry, que là où il y a des hommes unis dans un intérêt commun, organisés en vue de cet intérêt et agissant conformément à leur organisation. S'il en est ainsi, quels seront les peuples en Europe que nous pourrons considérer comme une nation? Quel sera l'état où nous trouverons la population ralliée autour d'un même intérêt et agissant dans des vues communes? Interrogez le premier ministre de tel pays de l'Europe que vous voudrez; demandez-lui quel est l'objet des dix, des vingt, des trente millions d'hommes qu'il administre; demandez-lui si cette multitude a un intérêt commun, si elle est unie et agissante dans la vue de cet intérêt, si elle est une nation en un mot: qu'aura-t-il à vous répondre ?

Il y a eu plusieurs nations en Europe. Les Romains, depuis la fondation jusqu'à la chute de leur république, ont été certainementune nation. Leur objet, durant cet intervalle, n'a pas été un

instant douteux; cet objet, c'était l'agrandissement indéfini de leur empire, c'était sa prospérité fondée sur la ruine de tous les peuples qu'ils subjuguaient. Ils avaient une organisation fortement adaptée à cet objet; enfin, pendant sept siècles, ils ont tendu au but de leur institution avec une force, un ensemble, une constance imperturbables.

L'Europe chrétienne, depuis le 11o. siècle jusqu'au 16., depuis Grégoire VII jusqu'à Léon X, depuis l'établissement de la domination absolue des papes jusqu'à la naissance du schisme de Luther, peut être considérée comme ayant formé une nation. La masse des peuples chrétiens, dans ce long espace de temps, ont été unis dans une même pensée, celle de faire leur salut, d'éviter l'enfer et de conquérir le Ciel. Ils ont eu des institutions appropriées à cette fin : c'était la constitution de l'église romaine; c'étaient tous les réglemens relatifs aux pratiques du culte catholique; enfin on les a vu marcher ensemble par

les voies qu'elles leur traçaient, et avec un zèle ardent, aveugle, illimité, au but de ces institutions. Ils ne considéraient ce monde que comme une terre d'exil, une vallée de larmes et de misère, un lieu de passage à un monde meilleur. Leur première pensée était pour cet autre

de chacune de ces sectes; le sentiment religieux semble n'être plus assez fort pour constituer des nations. Les nations féodales ont été vaincues par leurs tributaires, et se sont vu forcées de se réfugier au sein des monarchies absolues. Les monarchies absolues, à leur tour, se trouvent faibles en présence de leurs sujets ; elles sentent la nécessité de transiger avec eux, et de toutes parts elles cherchent leur salut dans ces traités qu'on nomme constitutions. Une grande partie des habitans de l'Angleterre commencent à s'apercevoir que le monopole leur coûte plus qu'il ne leur rapporte; ils cessent dès-lors de se rallier à cet objet, et le peuple anglais ne forme plus corps de nation. Ainsi, les intérêts divers qui avaient réuni, jusqu'ici, les habitans de l'Europe, l'esprit de conquête et de rapine, celui de religion, celui de monopole, etc., ont cessé d'agir sur eux d'une manière assez forte, pour leur servir de point de ralliement. Chacun de ces objets, il est vrai, retient toujours sous son empire un nombre d'hommes plus ou moins considérable: le monopole unit encore une partie de la population anglaise; beaucoup d'hommes continuent à vivre sous l'influence du sentiment religieux; le pouvoir absolu ne laisse pas que de compter autour de lui un, assez bon nombre de

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