Page images
PDF
EPUB

la loi accorde à tous? On a été jusqu'à faire craindre des poursuites criminelles à ceux qui oseraient s'adresser à vous. Chacun épouvanté attend en silence les coups qu'il ne peut ni parer ni prévoir. Pour nous, nous ne craignons que de désobéir aux lois : sans protection, sans crédit, sans autorité, nous nous adressons à vous avec confiance, comme à nos protecteurs naturels; nous n'avons d'autre titre que celui de Français, d'autre recommandation que la justice de notre cause; mais cette justice suffit pour en assurer le succès.

כל

Rennes, mars 1817.

Signé, S. M. DUHAMEL, L. BERTRAND, » A. BERTRAND. >>

Cette pétition, présentée à la chambre des députés, a été renvoyée à la commission des pétitions. M. de Sainte-Aldegonde, chargé d'en faire le rapport à la chambre, a demandé qu'il fût passé à l'ordre du jour. Les membres de la chambre, qui sont en même temps membres de l'université, ont crié, l'ordre du jour! et la chambre a répété en chœur, l'ordre du jour! M. d'Argenson a demandé qu'il fût au moins donné lecture de la pétition; mais, de tous les côtés, on a en

tendu, l'ordre du jour! l'ordre du jour ! l'ordre du jour! et l'ordre du jour lui a imposé silence.

Voici comment la commission nommée par l'ordonnance du 5 février, a procédé. Elle a fait trois classes des élèves de l'école de droit de Rennes. Dans la première, elle a mis les plus coupables (d'autres disent les plus capables). Ceux-là ont été exclus de l'école; ils sont au nombre de onze. Les noms de ces messieurs sont : Bertrand, Duhamel (les deux pétitionnaires), Hazard, Jouanse, Gentil, Jéhanne, Fichou, Perrussel, Magrer, Godin, Taillandier. Dans la seconde classe ont été placés les plus suspects. Ceux-ci peuvent encore espérer d'être admis à étudier les lois. Enfin, dans la troisième, ont été placés les moins suspects. Ces derniers sont provisoirement admis à suivre les cours.

Il paraît que des professeurs ont été destitués; car nous lisons dans le Moniteur du 29 avril : «Le 22 de ce mois, il a été procédé solennelle»ment, à Rennes, à l'installation de M. le docteur de Corbière, membre de la chambre des députés, nommé la commission royale d'instruction publique, professeur et doyen de la faculté de droit de Rennes. »

[ocr errors]

par

On voit que dans la chambre des députés il pourrait y avoir quelque chose à gagner à crier à

propos, l'ordre du jour, s'il était vrai que M. de Corbière eût en effet crié l'ordre du jour, ce que nous sommes bien loin de prétendre, ni même de vouloir faire entendre.

Nous ne nous permettrons aucune réflexion ni sur les faits, ni sur les actes que nous venons de rapporter. S'il était vrai que des élèves de l'école de droit de Rennes eussent manifesté des regrets ou des espérances sur le gouvernement impérial, nous gémirions sur leur aveu glement; mais nous ne pourrions nous empêcher d'en accuser les hommes lâches et pervers qui les auraient aveuglés, les hommes de l'université impériale. Quant à la décision qui a été prise contre eux, nous demanderons si, pour être admis à jouir des droits attachés à la qualité de Français, on doit compte d'autre chose que de ses actions; et si l'on doit compte de ses actions à d'autres magistrats qu'à ceux qui composent les tribunaux. Nous demanderons si l'on doit compte de sa religion, et à qui l'on en doit compte ; si un juif ou un protestant, par exemple, doivent compte à un prêtre catholique de leurs opinions religieuses, ou si un prêtre catholique peut obliger un homme qui n'est pas catholique, à suivre avec exactitude, la religion dans laquelle il est né. Nous demanderons si Cens. Europ. TOM. II.

22

les préfets, les présidens de cour royale et les recteurs d'académie peuvent, sans lois et sans jugemens, diviser la jeunesse française en catégories, et la déclarer incapable de suivre telle ou telle carrière. Nous demanderons tout cela, non à la chambre des députés qui a répondu d'avance, et qui passerait à l'ordre du jour, mais au-ministre qui a signé l'ordonnance du 5 février.

Du préfet du Bas-Rhin, aux maires de ce département.

Si l'on voulait juger des choses par les faits, et non par le droit, il serait fort difficile de dire entre les mains de qui réside l'autorité en France, ou comment elle se partage entre les diverses branches de l'administration. Il n'est pas un petit commis qui ne se constitue par fois législateur, magistrat et membre du pouvoir exécutif. L'université fait des lois, les préfets font des lois, l'étatmajor des gardes nationales fait des lois, et nous connaissons tel ordre du jour en vertu duquel un citoyen peut être condamné à une détention perpétuelle par un concierge.

Nous avons en ce moment sous les yeux deux circulaires-législatives du préfet du département du Bas-Rhin (M. de Bouthillier), et la copie d'une pétition de quatorze cultivateurs de ce département, adressée à la chambre des députés, qui prouvent avec quelle facilité les administra teurs étendent l'autorité qui leur est confiée.

La loi du 28 avril 1816, tout en maintenant le

« PreviousContinue »