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la majorité de la chambre des députés, il ne s'ensuit nullement que le second de ces pouvoirs doive être aux ordres du premier. Les chambres peuvent toujours appeler, toujours interroger les ministres, sans doute; mais, de leur côté, les ministres peuvent toujours juger s'ils doivent se rendre ou ne pas se rendre, répondre ou ne pas répondre ; sauf aux chambres le droit de les poursuivre, si elles jugent qu'il y ait lieu, lorsqu'ils refusent de les satisfaire. La majorité des chambres et le ministère doivent marcher de concert; mais sans être subordonnés l'un à l'autre. Indépendans entre eux, ces pouvoirs ne doivent être subordonnés qu'à l'opinion publique, qui est la source commune, le suprême régulateur de tous les pouvoirs, dans le gouvernement représentatif; et lorsque la majorité des chambres et le ministère cessent d'aller ensemble, et que la marche du gouvernement est arrêtée, c'est au Roi de voir quel est le pouvoir qui s'égare, en consultant l'opinion. C'est ce qu'il fait ordinairement en dissolvant la chambre des députés existante, et en en convoquant une nouvelle. Si celle-ci suit la même direction que la précédente, il est démontré que le ministère se fourvoyait, et alors le pouvoir royal le renvoie et en choisit un autre dans la majorité de la nouvelle chambre.

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Si, au contraire, la nouvelle chambre entre dans la direction du ministère existant, il s'ensuit que ce ministère marchait dans le sens de l'opi-› nion publique, et le pouvoir royal le maintient. Mais pour que cette épreuve signifie quelque chose, il faut que l'opinion soit véritablement consultée, que les élections soient libres, et que l'esprit de la nouvelle chambre puisse être considéré comme une véritable représentation de l'esprit public. Sans cela le Roi ne peut porter qu'un jugement faux. Il subordonne le ministère aux chambres ou les chambres au ministère, et il met nécessairement le pouvoir dans les mains d'une faction. Revenons à M. de Châteaubriant.

S'il veut que le ministère soit, en quelque manière, subordonné aux chambres, à plus forte raison doit-il vouloir que les chambres soient indépendantes du ministère, et en cela il est on ne peut plus fondé. Pour assurer l'indépendancedes chambres, il réclame avec force la liberté de la presse sans laquelle elle ne saurait exister. » Dans une monarchie constitutionnelle, dit-il, il faut que le pouvoir des chambres et celui du ministère soient en harmonie. Or, si vous livrez la presse au ministère, vous lui donnez le moyen de faire pencher de son côté tout le poids de l'opinion publique, et de se servir de cette opiniou

contre les chambres : la constitution est en

péril. » L'auteur va plus loin, il dit que la constitution est détruite, ou plutôt ou plutôt qu'elle n'existe pas : « Point de gouvernement représentatif sans liberté de la presse, dit-il, le gouvernement représentatif s'éclaire par l'opinion; il est fondé sur elle. Les chambres ne peuvent connaître cette opinion, si cette opinion n'a point d'organes..... Dans les discussions qui s'élèvent nécessairement entre le ministère et les chambres; comment le public connaîtra-t-il la vérité si les journaux sont sous la censure du ministère, c'est-à-dire, sous l'influence d'une des parties intéressées ? Comment le ministère et les chambres connaîtront-ils l'opinion publique qui fait la volonté générale, si cette opinion ne peut librement s'exprimer ? etc., etc. »

Cette nécessité de laisser à l'opinion publique, dans le gouvernement représentatif, la liberté de se manifester, fait écrire à M. de Châteaubriant des choses pleines de sens, de force et de justesse contre la police générale, la haute police, la police politique, celle qui est chargée de garder l'opinion à vne, de l'enchaîner, de la corrompre, de la faire mentir, selon le besoin. Il l'exclut nominativement du ministère, il l'expulse du gouvernement, il regarde son existence comme

essentiellement incompatible avec celle d'une monarchie constitutionnelle.« La police générale, dit-il, tend à étouffer l'opinion ou à l'altérer; elle frappe donc au cœur le gouvernement représentatif. Inconnue sous l'ancien régime, incompatible avec le nouveau, c'est un monstre né dans la fange révolutionnaire de l'accouplement de l'anarchie et du despotisme.

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Telles sont les principales idées que M. de Châteaubriant a développées dans la première partie de son ouvrage. On voit qu'il était difficile de se montrer plus libéral, de reconnaître plus nettement toutes les vérités relatives à l'organisation du gouvernement représentatif, d'exposer ces vérités avec plus de force.

Mais qu'est-ce qui a déterminé M. de Châteaubriant à publier de telles vérités ? comment se trouvent-elles dans son livre ? en forment-elles la partie principale ? a-t-il voulu offrir au public un manuel de droit politique? Tel n'a point été son objet; sa préface seule le prouve. Dès sa préface, en effet, il tire le canon de détresse, et appelle tout le monde au secours. Or, s'il ne voulait qu'exposer des maximes de droit public, il est clair qu'il ne commencerait pas par faire tout ce tapage. Il se propose donc un autre objet cet objet est de demander au public

aide et assistance contre les ministres, qu'il ac cuse d'une grande conspiration contre la légitimité, contre la religion, contre la charte, contre le Roi, contre la famille royale; mais qui, au fond, ne sont coupables que de vouloir arracher le pouvoir à la faction ultra-royaliste, au moment où cette faction croit enfin le tenir, au moment où elle croit en être incontestablement maîtresse. C'est là ce qui fait jeter les hauts cris à M. de Châteaubriant, ou plutôt au parti auquel il sert de trompette. C'est là ce qui fait sonner l'alarme à ce parti. N'étant pas soutenu cette fois par les bayonnettes étrangères, il est obligé d'invoquer l'appui de la nation française, de l'appeler au secours ; et comme il n'a pas beaucoup de chances d'en être écouté, il essaie, pour se faire entendre, de parler le langage de la liberté, et il fait, par l'organe de M. de Châteaubriant, la profession de foi si énergique et si libérale que nous venons d'analyser.

Tel est l'objet de cette déclaration de principes. L'écrit où elle est renfermée n'est proprement que le manifeste du parti des ultrà dans la lutte où ce parti s'est engagé l'année dernière avec les ministres, lutte où l'on ne parlait que de défendre la liberté, et où il ne s'agissait que. d'envahir la puissance. Le livre de M. de Cha

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