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se voir obligée de se soumettre momentanément à l'observation des principes reconnus par toutes les Puissances!

« On sait assez, s'écriait vingt ans plus tard l'un des ministres anglais, on sait assez dans quelle vue hostile on tenta, en 1780, d'ÉTABLIR UN NOUVEAU CODE DES DROITS MARITIMES et de soutenir par la force un SYSTÈME D'INNOVATIONS nuisibles aux plus chers intérêts de l'Empire britannique. »

Elle céda, mais sans renoncer à aucune de ses prétentions; elle se contenta de se relâcher dans leur exécution; veilla à ne donner lieu à aucune plainte de la part des Puissances neutres confédérées; elle endormit la surveillance des nations intéressées, conclut enfin la paix à Versailles, et attendit que celle-ci, en mettant fin aux intérêts coalisés, dénouât les liens de la Neutralité Armée.

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CHAPITRE III

TRAITÉ DE MORTFONTAINE

La Révolution française.

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Attitude des Puissances européennes. Influence de l'Angleterre. Triomphe de ses principes. Elle entraîne les Etats-Unis. Traité secret du 19 Novembre 1794. Représailles du Directoire. Revirement des Etats-Unis. Directoire veut se mêler de leurs affires intérieures. Loi du 18 Janvier 1798. Erreur du Directoire. Prêt de 48 Millions.

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Le

Situation Rupture définitive entre les Etats-Unis et la France. critique de la France en face de la Deuxième Coalition. -- Batailles de Zurich et de Castricum. Défection de Paul Ier. Le Directoire fait des avances aux Etats-Unis. - Envoi de trois Plénipotentiaires Américains. Chute du Directoire. Bonaparte, Premier Consul. Manifestations à l'occasion de la mort de Washington. Nomination de trois Plénipotentiaires Français. Conférences de Mortfontaine. Traité du 30 Septembre 1800.

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La Nudité Armée, comme finit par l'appeler l'Impératrice Catherine elle-même, qui, pour faire un mot, dénigra l'œuvre si libérale qu'elle avait conçue et menée à bien, ne survécut pas à la guerre qui l'avait fait naître. D'ailleurs les peuples de l'Europe allaient avoir des préoccupations plus graves; l'effondrement d'une monarchie séculaire allait faire trembler sur leurs trônes tous les princes affolés; d'autres intérêts, d'autres passions allaient envahir la scène du monde.

Quand la Révolution Française eut parcouru les

premières étapes de sa route glorieuse et sinistre ; quand, après la chute du Roi Louis XVI et sa mort sur l'échafaud, toutes les nations menées par leurs Princes voulurent venger cette mort et raffermir les Couronnes chancelantes; quand enfin le despotisme voulut combattre les précieuses libertés proclamées par la France, l'Angleterre ne resta pas en arrière dans cette lutte contre la liberté : elle devait cela à ses agissements, à ses opinions séculaires.

Profitant de l'animosité qui armait contre la France les armées des grandes Puissances, mettant à profit le temps où les armées autrichiennes, prussiennes, espagnoles et piémontaises envahissaient nos frontières, elle ruinait nos colonies, prenait Toulon, soulevait nos provinces de l'Ouest, et, désormais sans rivale sur mer, car nos vaisseaux étaient privés de chefs expérimentés, elle ne vit plus de bornes à son ambition et fit accepter et consacrer ses doctrines oppressives en matière de navigation. Toutes les prétentions auxquelles elle avait tacitement renoncé sous la pression de la Neutralité Armée, elle les reprit en les aggravant. Bien plus, elle parvint à entraîner à sa suite les Etats-Unis pour lesquels la France venait de lutter, pour lesquels elle avait donné son sang et ses vaisseaux. « Certes, dit Armand Lefebvre, la France avait le droit de compter qu'au moment où l'Europe était liguée, pour l'affamer et l'asservir, les Américains ne la trahiraient pas dans sa détresse. Elle avait trop auguré de ce peuple de marchands. Ils furent ingrats et lâches. Les fautes de la Convention ne les justifient point. Ce que la Suède, ce que le Danemark ne voulurent jamais faire, ils le firent: ils cédèrent à l'appât des gains immenses que leur offrait la vente de leurs

cotons sur les marchés anglais, et ils abaissèrent aux pieds de leurs anciens maîtres la dignité et l'indépendance de leur pavillon'. »

Aujourd'hui, après le nouvel exemple de l'Italie, il y a tout lieu de penser que la France ne s'évertuera plus à donner aux peuples leur indépendance.

Cependant, le 22 Avril 1793, Washington avait déclaré que les Etats-Unis resteraient neutres dans la guerre entre la France et l'Angleterre; que leur devoir et leur intérêt était de « conserver leur impartialité et leurs relations d'amitié avec les deux puissances belligérantes »; et avait engagé tous les citoyens à s'abstenir de tous actes d'hostilité envers l'une ou l'autre des parties. »

Le 5 Juin une loi fut promulguée définissant la neutralité et l'assurant. Mais le 19 Novembre 1794 les Etats-Unis signaient avec l'Angleterre un traité secret par lequel ils admettaient les principes suivants, en contradiction avec ceux contenus dans les traités du 2 Février 1778 avec la France, et du 10 Septembre 1785 avec la Prusse :

La contrebande de guerre était divisée en deux catégories l'une, absolue, comprenant la contrebande ordinaire, et en plus, les munitions navales; l'autre, appelée contrebande par accident, comprenant les vivres, et tout ce que le belligérant veut prohiber; ces dernières marchandises n'étaient pas soumises à la confiscation, mais payées au propriétaire neutre : un ordre du Conseil britannique avait prohibé le commerce des blés, farines et autres vivres avec la France;

1. Armand Lefebvre. - Histoire des Cabinets de l'Europe pendant le Consulat et l'Empire.

Le pavillon ne couvrit plus la marchandise; les deux parties contractantes se promettaient de

Chercher à déterminer, plus tard, s'il était vrai qu'il y eut des cas où la propriété ennemie pouvait être protégée par le pavillon neutre. (Art. 12).

Les mesures de blocus prises par l'Angleterre, ses ordres pour la visite des navires furent approuvés.

Nous voulons bien reconnaître, avec Hautefeuille, que ce fut évidemment un traité inégal. La jeune République, complètement isolée, était forcée de traiter seule à seule avec son ancienne métropole. Elle dut fléchir et adopter la négation des maximes sur lesquelles elle avait fondé son indépendance. » Néanmoins l'exemple du Danemark condamne absolument cette pusillanimité, et ce n'était pas au moment où la France pouvait paraître anéantie qu'il seyait aux Etats-Unis de signer ce traité secret. Il fut tenu secret jusqu'en 1796. Cependant la France, constatant des violations flagrantes au traité de 1778, réclama énergiquement contre cette violation des engagements pris et contre la partialité de la conduite des Etats-Unis.

Les envoyés de la République, Genet, Adet, Fauchet interprétèrent les griefs de la France. Mais le résultat négatif de leurs réclamations amena la France à suspendre tous les effets du traité de 1778: un décret du Directoire exécutif, en date du 2 Mars 1797, déclara confiscables toutes les marchandises anglaises trouvées à bord des navires américains, et rappela à l'application de la Loi du 31 Octobre 1796 par laquelle l'importation des marchandises manufacturées provenant soit des fabriques, soit du commerce anglais était prohibée tant par mer que par terre.

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