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nation, il s'ensuit naturellement que cette même puissance ou toute puissance quelconque peut, par le moyen du moindre bâtiment de guerre, étendre la même protection sur tout le commerce de l'ennemi dans toutes les parties du monde. Il ne s'agira que de trouver dans le monde entier civilisé un seul Etat neutre, quelque peu considérable qu'il puisse être, assez bien disposé envers les ennemis pour leur prêter son pavillon et couvrir tout leur commerce sans encourir le moindre risque, car dès que l'examen ne peut avoir lieu la fraude ne craint plus de se découvrir.

C'était, comme on le voit, joindre l'outrage à la négation des principes les plus évidents du Droit des gens, et une nouvelle injure à celle que le Gouvernement danois avait déjà reçue.

Le Comte de Bernstorff ressentit l'affront et répliqua vivement à Lord With worth:

Le principe de la visite tel qu'il est non universellement reconnu mais assez généralement reçu ne porte notoirement que sur des navires marchands non convoyés. Les navires marchands n'étant point censés armés n'ont à attendre leur sûreté que de l'innocence de leur expédition, du respect dù à leur pavillon et de l'authenticité des documents dont ils se trouvent munis par leurs gouvernements. L'extension de l'application de ce principe à la résistance faite par un vaisseau de guerre en faveur des navires sous son convoi serait aussi arbitraire que nouvelle et absolument contraire à l'essence même du principe sus-mentionné.

Mais si lord Whitworth a pensé détruire la force des arguments développés dans ma note du 19 avril par la réflexion que, par le droit de garantie des navires marchands de toute visite par l'escorte d'un vaisseau de guerre, l'Etat neutre le moins puissant acquerrait la faculté de couvrir impunément de son pavillon un commerce illicite, le soussigné le prie d'observer que le gouvernement qui se dégraderait au point de prêter son pavillon à une pareille fraude sortirait par cela même des bornes de la neutralité et autoriserait par conséquent la puissance belligérante au préjudice de laquelle cette fraude. aurait été commise à prendre des mesures que des circonstances ordinaires n'admettraient pas.

L'Etat qui méconnait ses devoirs s'expose sans doute à perdre ses droits; mais le soupçon d'une conduite avilissante serait aussi injurieux pour le gouvernement qui ne le mériterait pas que peu honorable pour celui qui l'aurait sans fondement.

1. Note du Comte de Bernstorff du 26 Août.

Le Comte de Bernstorff offrit pour clore le débat la médiation de la Russie.

Mais Lord Whithworth refusa cette médiation (Note du 27 Août), insista pour avoir satisfaction et menaça de quitter Copenhague avec la mission anglaise dans l'espace de huit jours.

D'ailleurs une flotte anglaise de 25 vaisseaux, sous les ordres de l'Amiral Dixon, avait passé le Sund, le 19 Août, et était venue s'embosser en face de Copenhague pour appuyer les arguments de l'Envoyé extraordinaire.

Ainsi surpris au milieu de la paix, et ne pouvant opposer à l'appareil de cette escadre prête à brûler Copenhague que la justice de sa cause et de ses revendications, le Gouvernement danois dut céder, mais il sut conserver en partie la belle situation qu'il avait prise dans ce débat. En effet, une Convention fut signée, le 29 Août, dans laquelle il fut stipulé :

1° Que le droit de visiter les bâtiments allant sous convoi était renvoyé à une discussion ultérieure ; 2° que S. M. Danoise pour éviter le retour d'incidents semblables à celui de la Freya se dispenserait de convoyer ses bâtiments marchands jusqu'à ce que des explications ultérieures sur cet objet eussent pu effectuer une Convention définitive; 3° que la Freya et le convoi seraient relâchés; que la frégate trouverait, dans les ports de S. M. Britanique, tout ce dont elle aurait besoin pour se réparer, et ce suivant l'usage entre les puissances amies et alliées.

Cette Convention préalable satisfaisait les deux Gouvernements. Le Danemark échappait, en la signant, au danger imminent du bombardement de sa capitale; il ne reconnaissait aucune des prétentions. de l'Angleterre ; il cédait à la force et lui sacrifiait momentanément son juste ressentiment.

Quant à l'Angleterre, on est surpris de voir son

Ambassadeur, si arrogant et si bien soutenu, signer cette Convention après les notes des 21 et 27 Août. C'est qu'elle était pressée d'en finir avec cette affaire, car la Russie entrait en ligne et avait déjà manifesté son opinion, et de plus elle donnait une satisfaction platonique au moment où elle allait commettre un nouvel attentat contre le Danemark.

CHAPITRE V

NOUVELLE LIGUE DES NEUTRES

Paul I et la Révolution française. - Motifs de sa retraite de la Coalition. Succès du Premier Consul.— Sa conduite envers Paul Ier. Amitié de ce Prince pour le Premier Consul. —- Il veut renouveler la Neutralité Armée. Mesures prises contre l'Angleterre. — Incident de la Hoffnung: Acte de piraterie commis par les Anglais dans la rade de Barcelone. Réclamations de l'Espagne appuyées par la Prusse. Incident de l'île de Malte. russe sur les navires anglais. - Ukase du 21 Novembre. dent du Triton. Occupation de Cuxhaven par la Prusse. Situation des Puissances du Nord vis-à-vis de l'Angleterre : Quadruple Alliance. L'Angleterre demande des explications au Mesures préliminaires prises par elle contre la Explication de sa conduite

Danemark.

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Russie, la Suède et le Danemark.

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Embargo
Inci-

vis-à-vis de la Prusse. Incident de la Squirrel. Incident de

l'Achilles. - Paul I veut agir contre l'Angleterre.

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de Hambourg par le Danemark et de l'Electorat de Hanovre par

la Prusse.

Le Czar Paul Ier ne s'était laissé entraîner à faire partie de la Deuxième Coalition que parce que son esprit mobile et chevaleresque y avait vu une occasion de rétablir les légitimités détrônées ». Ennemi jusqu'à l'aveuglement de la Révolution française, il voulait rendre Malte à l'Ordre de SaintJean, replacer la Maison de Bourbon sur le trône de France et la Maison de Savoie à Turin. 60,000 Russes avec Souwarof, en Italie; une autre armée, en Suisse; 15,000 hommes en Hollande sous les or

dres du Duc d'York, furent mis à la disposition de ses alliés, tandis qu'il envoyait 10,000 hommes à Jersey et à Guernesey pour appuyer une insurrection en Vendée.

Souwarof, en Italie, Korsakof, en Suisse, après de nombreux avantages, virent leurs armées battues et presque anéanties. L'expédition dans la NordHollande se termina d'une façon désastreuse.

Paul Ier s'aperçut enfin que ses alliés n'étaient point animés comme lui d'idées grandes et généreuses, qu'ils n'étaient soutenus que par des pensées égoïstes et cupides: Vienne, le Piémont conquis, n'avait pas remis sur son trône le Roi de Sardaigne; Londres ne faisait assiéger Malte que pour s'en emparer. Fatigué des rivalités des généraux, aigri par le refus des Autrichiens de lui livrer Ancone, il profita de ce prétexte pour sortir de la Coalition et ne voulut plus dès lors rien entendre des satisfactions que ses alliés lui offraient.

D'ailleurs, en ce moment même, la fortune souriant à la France, le Premier Consul avait porté son attention sur la situation des Neutres; aboli toutes les lois décrétées contre eux par la Convention et le Directoire, et créé, le 17 Mars 1800, un Conseil des prises dont les décisions équitables furent remarquées. La bataille de Marengo (14 Juin 1800) suivie de la Convention d'Alexandrie (15 Juin), des succès de Moreau en Allemagne et de l'Armistice de Parsdorff (15 Juillet) vint ajouter au prestige du Premier Consul, qui, cherchant à unir la France et la Russie, surveillait tous les mouvements de Paul Ier, et mettait tout en œuvre pour s'emparer de l'esprit de ce Prince au moment même où il abandonnait ses alliés. Il employa séduction sur séduction; il fit

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