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le commerce avec les ressortissants des Etats belligérants. L'état de guerre n'interrompt les relations commerciales qu'autant que les opérations militaires l'exigent. C'est ce que faisait très exactement ressortir S. M. Danoise aux Cours de Londres, Versailles et Madrid, dans sa note du 8 juillet 1780:

Si, disait-Elle, les devoirs de la neutralité sont sacrés, le droit des gens a aussi ses arrêts avoués par toutes les nations impartiales, établis par la coutume et fondés sur l'équité et la raison. Une nation indépendante et neutre ne perd point par la guerre d'autrui les droits qu'elle avait avant cette guerre, puisque la paix existe pour elle avec tous les peuples belligérants, sans recevoir et sans avoir à suivre les lois d'aucun d'eux. Elle est autorisée à faire dans tous les lieux (la contrebande exceptée) le trafic qu'elle aurait le droit de faire si la paix existait dans toute l'Europe comme elle existe pour elle.

De ce droit incontestable qui appartient à tout Etat neutre il n'est pas inutile de rapprocher quelques-uns de ses devoirs, entr'autres ceux qui ont été fixés dans les trois règles du Traité de Washington (Art. VI), à propos de l'affaire de l'Alabama. Un gouvernement neutre est tenu:

a.

De veiller avec soin à ce que tout navire de guerre ou croiseur qui doit être considéré avec fondement comme destiné à la guerre avec une puissance amie ne soit pas équipé ni armé sur son territoire ;

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b. De ne pas permettre ou tolérer que l'une des parties belligérantes use des ports ou des eaux de l'Etat neutre comme base de ses opérations maritimes contre son ennemi pour renouveler ou renforcer ses forces militaires ou pour lever des hommes ;

C. - De pourvoir avec soin dans ses ports et dans les eaux dépendant de son territoire, comme aussi vis-à-vis de toutes les personnes séjournant dans son territoire, à ce que toute atteinte aux devoirs ci-dessus soit empêchée.

Manquer à ces devoirs ne servirait qu'à attirer sur lui la guerre puisqu'il aurait participé à celle-ci : car il ne suffit pas à un Etat de se dire neutre, il faut que sa neutralité soit effective, qu'elle existe

en fait. Il est arrivé malheureusement trop souvent qu'un Etat qui voulait rester neutre a vu son sol envahi par les deux belligérants. Trop faible pour faire respecter sa neutralité, pour résister aux forces de l'un des combattants, pour les empêcher de passer à travers son territoire ou de s'emparer des villes ou des ports, il subit, non sans luttes peut-être, la violence qui lui est faite. Mais alors sa neutralité n'existant plus en fait, l'autre belligérant pourra, si bon lui semble, user à son tour de violence; ne plus considérer comme neutres les ports, villes et territoire de cet Etat envahi, et porter sur ce territoire à la rencontre de celles de son ennemi ses propres forces.

C'est une violation des droits des neutres. Il y en a bien d'autres, comme on pourra le constater par la suite. Mais si les droits des neutres ont été ou peuvent être violés, ce qui est très fâcheux, du moins ces violations doivent-elles servir à mieux fixer les limites de la guerre comme aussi celles de la neutralité.

Désormais on pourra donc définir la neutralité: l'état d'une nation qui, faisant usage de sa liberté naturelle, de son indépendance, reste en paix lorsque d'autres nations se font la guerre; qui continue à entretenir avec les parties belligérantes les relations d'amitié, de commerce ou simplement d'hymanité existantes avant l'ouverture des hostilités : et qui, pénétrée de ses droits et de ses devoirs, s'applique à interdire à elle-même comme à ses ressortissants toute participation directe ou indirecte à la guerre, et est prête à faire respecter ses volontés pacifiques par les belligérants.

CHAPITRE IV

DES NAVIRES

Deux catégories de navires. Assimilation des navires au territoire: fausse pour les navires de commerce; vraie pour les navires de guerre. Autres différences en ce qui concerne la visite; l'extraterritorialité; les papiers de bord.

Lorsqu'un Etat neutre n'a ni côtes ni colonies, les manifestations de sa neutralité se trouvent généralement restreintes dans les limites de son territoire. Mais lorsque c'est un Etat maritime qui se proclame neutre, alors on se trouve aux prises avec des difficultés d'un autre ordre, et les droits et les devoirs de la neutralité sont exposés tous les jours, sur la surface des mers, à entrer en conflit avec les droits et les devoirs des belligérants, partout où peuvent aller les navires.

Il y a deux grandes catégories de navires les vaisseaux de guerre et les vaisseaux marchands; les uns destinés au combat, les autres au commerce; les uns représentant la puissance, la force de l'Etat, les autres les intérêts, la fortune de la nation; les uns, enfin, comme tout ce qui appartient à l'Etat, susceptibles d'être confisqués, pris, capturés; les

autres, proprietes privees et pour lesquels on reclame une complete inviolabilité.

« Tout nature est une portion du territoire de la nation à laquelle il appartienti,»

Telle est, generalement, l'assimilation que l'on trouve dans les auteurs. Les navires y sont regardés comme des portions flottantes da territoire de l'Etat dont ils dependent et dont ils sont autorises a porter le pavillon. Il existe, en effet, entre le navire et le territoire de sa nation, un lien patristique, naturel, ostensible: le pavillon est le signe, le symbole de cette dependance. Néanmoins, pour les navires de commerce, il est difficile de les assimiler à une portion du territoire. Le territoire c'est l'Etat souverain : le navire de commerce est une propriété privee, considérée comme un meuble, malgré l'hypotheque qui peut la grever. Donc Tassimilation, juste pour les navires de guerre, ne l'est plus pour

les autres batiments.

Cependant il ne faudrait pas, comme de Cussy, la pousser a l'extrême, car on arriverait à des conclusions extraordinaires:

Un tais eau de guerre, dit-il, en pleine mer emporte avec lui sur l'Océan une souveraineté ambulatoire incontestable ; dans cette situation il a même une sorte de territoire autour de lui, une atmosphère propre qui a pour mesure la portée de ses canons, et si un navire se réfugie dans ce rayon il sera à l'abri des poursuites de l'agresseur, comme s'il était dans une rade ou dans un port neutre?. » "Cette theorie, dit Perels, est arbitraire; elle

1. Pele de a Loz.re Revue des Deux-Mondes, 15 -anvier 1943.

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n'est pas compatible avec la liberté de la circulation sur la pleine mer'. »

Comme on le verra plus tard, une autre et grande différence existe entre les navires de guerre et les navires de commerce. Ceux-ci, en temps de guerre, sont soumis à la visite; ceux-là tirent un coup de canon et affirment leur pavillon; pratiquée sur eux la visite serait un outrage.

Comme les ambassadeurs, les navires de guerre jouissent de l'extraterritorialité. Elle est sans doute moins complète; cependant elle est incontestée. M. Pierantoni la définissait ainsi (Séance du 1er mai, Conférence Internationale du Canal de Suez):

C'est, disait-il, un droit incontestablement acquis aux Etats de faire séjourner leurs bâtiments de guerre dans les eaux territoriales étrangères. Ce droit est certain. Mais par ce fait que le principe d'extraterritorialité couvre les navires de guerre aussitôt leur arrivée dans les eaux juridictionnelles d'une Puissance étrangère (ports, rades, havres et mers territoriales) deux souverainetés se trouvent en présence. En prévision d'éventualités menaçantes, et par droit de conservation et d'indépendance, un Gouvernement peut être amené, s'il a des motifs sérieux pour le faire, à défendre l'accès de ses ports aux bâtiments de guerre étrangers; en ce cas, l'usage pacifique des eaux territoriales, qui est la règle ordinaire, se trouve être interrompu, mais l'Etat qui somme un navire de guerre étranger de quitter ses eaux assume, dès lors, la responsabilité qui résulte de tout acte dont le caractère n'est pas défensif.

Les navires de guerre et les navires de transport, soit appartenant à l'Etat, soit affrétés par lui pour le transport des troupes et du matériel, et, dans ces conditions, faisant partie des forces de l'Etat, commandés par des Officiers de l'armée de mer ou commissionnés, se reconnaissent à une flamme arborée au grand mat, indépendamment du Pavillon national arboré à la poupe.

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