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chandises en trois catégories : celles qui étaient de contrebande absolue, ou de contrebande relative (usus ancipitis), ou libres.

Dans sa réponse du 10 mars 1885 à Lord Granville l'ambassadeur de France lui disait :

L'Angleterre ne conteste pas qu'à côté des objets qui par leur essence constituent la contrebande de guerre il y en ait d'autres, comme les denrées et les approvisionnements, auxquels on peut, à titre exceptionnel, étendre la même qualification par suite de leur destination et de l'utilité qu'en retirent les belligérants. Toutefois une pareille extension ne peut être admise que dans des cas spéciaux, déterminés par des circonstances particulières.

La doctrine qui, à côté de la contrebande de guerre par nature admet la contrebande de guerre par destination, est professée depuis longtemps en Angleterre. C'est ainsi que l'Attorney Général, appelé à la Chambre des Communes, le 30 mars 1854, à prendre la parole sur ce sujet, après avoir reconnu que la détermination des objets de contrebande de guerre est une des questions les plus difficiles et les plus compliquées du droit des gens, s'exprimait ainsi : « On peut, en général, classer la contrebande de guerre sous les deux rubriques suivantes : 1° les articles qui par leur nature servent directement à la guerre, comme les armes et les munitions; 2o les articles. qui sont susceptibles de servir indirectement à la guerre en permettant la continuation des hostilités, comme les provisions. »

Cette note répondait aux observations du Cabinet de Londres au sujet de la notification faite, le 20 février 1885, que le Gouvernement français considererait le riz transporté en Chine comme contrebande de guerre à partir du 26 février.

Nous citerons encore, pour mémoire, et pour ne pas prolonger cette énumération de faits et de traités, l'affaire du Trent, pendant la guerre de la Sécession, où l'on vit le Commandant du San Juanito, des Etats du Nord, considérer, par ordre, comme contrebande de guerre, deux envoyés des Etats du Sud, MM. Masson et Sliddel.

Il est très regrettable que la Déclaration de Paris du 16 avril 1856 ne se soit pas expliquée sur ce sujet

si important, et que toutes les Puissances ne se soient pas assemblées depuis pour résoudre la question.

Pour nous, ne doivent être considérés comme contrebande de guerre que les objets transportés ou livrés à l'un des belligérants dans le but de faciliter les opérations militaires et dont il pourra se servir immédiatement pour faire la guerre. Ce sont :

1o Les armes de guerre, canons, fusils, sabres, projectiles et tout matériel confectionné ;

2o La poudre et les substances explosives, prètes à être employées ;

3o Les bâtiments de guerre, cuirassés, croiseurs, torpilleurs, bateaux sous-marins et leurs accessoires de combat, torpilles, etc.;

4o Les uniformes confectionnés, les subsides en argent, les chevaux pour la remonte des troupes; 5o Les troupes ou les chefs faisant partie des armées belligérantes ;

6o Les dépêches relatives à la guerre et transportées dans l'intention de favoriser l'un des belligérants ;

7o Le charbon destiné aux flottes ou navires de guerre lorsque la quantité excèdera ce qui serait strictement nécessaire pour atteindre le port le plus voisin de l'Etat dont ils portent le pavillon;

8 Les ballons et aérostats destinés aux armées. En résumé, tout ce qui n'est pas directement destiné à faciliter les opérations militaires, à renforcer immédiatement la puissance offensive ou défensive de l'un des belligérants, tout ce qui n'est pas matériel de guerre et capable de nuire sans travail secondaire ou d'adaptation ne doit pas être considéré comme contrebande de guerre.

Certes, nous n'avons pas la prétention d'avoir fixé définitivement la contrebande de guerre: l'énumération qui précède a surtout pour but de montrer l'application de notre principe. Mais il serait à désirer qu'une énumération des objets de contrebande fût discutée et adoptée par toutes les puissances, et l'on ne verrait plus soutenir, comme le fit encore, en 1885, le Gouvernement français en s'appuyant, il est vrai, sur les théories anglaises :

Que le Tribunal des Prises du pays capteur est seul compétent pour déterminer ce qui est ou ce qui n'est pas contrebande de guerre 1.

On va loin avec de pareilles théories, car la saisie de la contrebande étant seule autorisée, s'il convient au Tribunal des Prises du belligérant qui a effectué la capture de dénommer contrebande toute marchandise saisie, on peut dire qu'en temps de guerre les neutres n'ont plus aucune garantie'.

1. Lettre de Lord Malmesbury (18 mai 1859). Lettre d'Historicus au Times (30 juillet 1870 dont la t'u se fut revendiquée par l'Attorney-General (1 † août 1870), Il n'appartent pas a l'Etat neutre de définir ce qui est ou ce qui n'est pas contrebinde de querre. C'est seulement au Tribunal des Prises du belligérint qui a effectue la capture qu'il ap, ar tient de connaitre de cette question - Même opinion de M. l'ourcke en 1877. Voir la Correspondance de M. Waddington avec le Cab.net anglais (1885).

CHAPITRE VII

DE LA VISITE

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Elle ne devrait pas exister.

Buts de

Les navires

Comment on la légitime. la visite. Elle n'est point un acte juridictionnel. de guerre des belligérants sont seuls autorisés à la pratiquer. L'Etat neutre doit seul juger. - Formalités de la visite: Coup de canon de semonce; Distance d'arrêt du navire visiteur; Envoi des Délégués; Inspection des papiers de bord. Des recherches. Visite des navires sous convoi.

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La propriété privée ennemie n'étant pas inviolable sur mer, et les bâtiments neutres pouvant transporter de la contrebande de guerre, on a dû reconnaître de tout temps aux belligérants le droit de visiter en pleine mer les bâtiments de commerce qu'ils y rencontrent.

Ainsi, pour empêcher les neutres d'abuser de leur liberté commerciale au profit de l'un des belligérants, et comme une suite pour ainsi dire naturelle des immunités accordées à leur commerce, pour répondre enfin à la nécessité absolue pour les belligérants de se défendre contre tous les actes d'hostilité même lorsqu'ils proviendraient des neutres, chacun des Etats en guerre a le droit d'arrêter les navires neutres et d'examiner s'ils ne transportent pas de la contrebande de guerre.

Si les principes de l'inviolabilité de la propriété privée ennemie sur mer et de la liberté absolue du

commerce étaient reconnus par toutes les Puissances, le droit de visite n'existerait pas puisqu'il serait inutile; et les belligérants n'auraient pas ce pouvoir exorbitant d'arrêter en pleine mer des navires inoffensifs, de donner des ordres aux ressortissants d'Etats étrangers au conflit; et cela, en pleine mer, c'est-à-dire sur un terrain commun à tous les Etats, dans des lieux où chacun d'eux a les mêmes droits. et la même souveraineté puisqu'ils n'ont aucune souveraineté ni aucun droit sur la pleine mer. Il faut donc espérer que les progrès du Droit maritime International feront cesser cet abus, et que le commerce (neutre et ennemi) sera absolument libre, d'autant plus qu'avec les progrès des sciences, de l'industrie et de la navigation toutes les précautions contre la contrebande deviendront inutiles: les forces ennemies n'étant plus assez nombreuses pour exercer avec efficacité ce droit de visite, et les Etats neutres ayant assez conscience de leurs devoirs pour assumer à eux seuls la surveillance de leurs ressortissants.

Donc les navires de guerre des puissances belligérantes ont le droit de visiter les navires de commerce qu'ils rencontrent à l'effet de s'assurer s'ils sont réellement amis ou ennemis, et encore, si, leur qualité de neutres étant prouvée, dans le cas où ils se dirigeraient vers les ports ennemis, ils ne violent pas leurs devoirs et ne se rendent pas coupables. d'actes hostiles. Dans ces conditions, les navires marchands n'étant point armés,

Ils n'ont à attendre leur sûreté que de l'innocence de leur expédition, du respect dû à leur pavillon et de l'authenticité des documents dont ils se trouvent munis par leurs gouvernements 1.

1. De B.rastor.". L.ttre du 25 août 1800 à Ambassadeur d'Angleterre.

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