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ligérants, avoir l'air de croire que l'honneur du Pavillon sera plus sauvegardé si le bâtiment visiteur se tient hors de la portée du canon que s'il se rapproche du bâtiment visité? Sur terre les douaniers. s'approchent de la frontière. Si le navire de guerre veut se tenir à la distance réglementaire et ne peut envoyer sa chaloupe à cause de l'état de la mer, il lui faudra donc renoncer à son droit? S'il veut, d'un autre côté, agir avec violence, qui l'en empèchera ?

D'ailleurs il est de l'intérêt du navire visité que l'arrêt qui lui est imposé soit de peu de durée; qu'il puisse rapidement justifier et de sa qualité de neutre et de l'innocence de sa cargaison.

L'intérêt du visiteur et celui du visité étant identiques, la règle devrait être la suivante : la distance à observer sera laissée à l'appréciation du Commandant du navire de guerre qui tiendra compte et des exigences nautiques et de l'état de la mer d'une part, et de l'autre, des marques de déférence et de bonne amitié que se doivent deux nations en paix.

3o Les deux navires étant en présence, c'est naturellement au navire de guerre qui veut visiter à envoyer à bord du navire marchand. L'art. XVIII du Traité du 30 septembre 1800 entre la France et les Etat-Unis le dit expressément :

Il est formellement convenu que le neutre ne pourra être contraint d'aller à bord du vaisseau visitant pour y faire l'exhibition des papiers ou pour toute autre cause.

Obliger le neutre à interrompre sa route est déjà une vexation; elle est de droit puisque les nations s'y soumettent; mais le forcer à venir faire acte de soumission à bord du belligérant serait intolérable. Aussi est-ce le belligérant qui se déplace.

Il envoie vers le navire marchand une chaloupe sur laquelle montent les délégués à la visite. Cette chaloupe a naturellement, en plus des délégués, des hommes pour la diriger. Sur ce point il y a eu désaccord entre les divers traités. Les uns fixent le nombre de ces hommes à 6; d'autres à 4; d'autres encore indiquent l'armement normal, habituel de la chaloupe qui peut être de 8 ou 10 hommes. Quant au chiffre des délégués, il ne dépasse jamais 2 ou 3. La règle doit être une chaloupe avec son nombre de matelots habituel et portant deux délégués chargés de monter à bord et de procéder à la visite: l'un chargé de l'examen des détails techniques de pavillon et de route; l'autre des détails de la cargaison.

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4o Pour remplir leur mission, ces délégués doivent se faire représenter les papiers de bord dont l'énumération a été faite ci-dessus, et qui doivent être conformes aux modèles joints aux traités. Chaque bâtiment de guerre doit avoir un extrait de tous les traités existants avec les puissances neutres et les modèles des pièces de bord que chaque nation remet aux capitaines de ses navires. Nous n'avons guère trouvé que l'Ordonnance du 26 janvier 1781 des Etats Généraux des Provinces Unies des Pays-Bas qui ait prescrit de se munir de ces extraits. Dans son art. VIII elle dit :

Ordonnons pour le même effet à notre Conseil, à l'Amirauté, d'avertir particulièrement tous les capitaines de guerre tant de l'Etat que des particuliers, d'interpréter convenablement le dit art. III, et de leur remettre les extraits des dits traités, avec ordre de se régler précisément en conséquence.

Mais une grave question se présente. Avant de se faire présenter les papiers de bord les délégués du

navire de guerre ne devraient-ils pas exhiber les leurs? En venant ainsi à bord du navire marchand ils ne font qu'accomplir une démarche autorisée par la courtoisie internationale. Hisser le pavillon et l'assurer, c'est très bien. Mais donner, avant de procéder à la visite, une preuve évidente de leur identité, serait mieux. Qui empêche un navire de guerre d'une nation non belligérante, ou un pirate, de hisser des couleurs fausses, et de s'offrir le luxe d'une vexation, d'une violation de tous les devoirs internationaux? On s'imagine donc très bien la conversation des délégués avec le capitaine marchand: Voici notre carte, montrez la vôtre. Nous disons donc que le neutre a absolument le droit d'exiger des visiteurs, avant mème de les laisser monter sur son pont, la double preuve de leur nationalité et de leur qualité. La visite ne devrait commencer qu'après cette formalité nécessaire.

5o Si l'examen technique portant sur la nationalité et la route prouve que le navire marchand est neutre et a pour destination un port neutre, la mission des délégués est terminée. Ils n'ont plus rien à faire à bord. Le navire neutre aurait-il à bord des armes, des munitions, du moment où sa destination officielle, établie par les papiers de bord, est un port neutre, il devient sacré ; le navire belligérant commettrait un acte contraire au Droit International et susceptible de faire naitre des représailles s'il molestait le neutre. Il est bien entendu que le navire neutre n'a pas doubles papiers ou des papiers faux, ou qu'il n'a pas jeté à la mer des papiers compromettants. C'est pourquoi il est de toute nécessité que les délégués soient munis des modèles des papiers de bord, modèles qui devraient même être

imprimés sur du papier et avec les caractères authentiques. Quant au jet à la mer de pièces coupables il faut s'en apercevoir.

6o-7° Si le navire neutre se dirige vers un port ennemi, l'examen des délégués, tout en devenant plus complet, ne doit porter encore que sur les papiers de bord. Les connaissements, chartes-parties, sont étudiés. Si l'examen révèle l'existence à bord d'objets de contrebande, il y a lieu à confiscation; le navire neutre peut être amené et traduit devant le Tribunal des Prises du pays capteur pour se voir puni de cette violation à ses devoirs de neutralité.

S'il n'y a pas de contrebande de guerre, le Pavillon couvre la marchandise, c'est-à-dire que la marchandise qui se trouve à bord, soit qu'elle provienne de marchands neutres à destination de commerçants ennemis, soit qu'elle appartienne à des négociants ennemis, est inviolable: elle est neutralisée; le Pavillon neutre la couvre de sa protection.

Avant d'aborder l'examen de ce que l'on appelle les Principes des Neutres il y a lieu d'établir ce que l'on entend par les Recherches et de montrer ce qu'elles ont d'illégal, d'injuste et de vexatoire.

Nous l'avons dit: la visite doit revêtir des formes protectrices de la dignité, de l'honneur et de l'intérêt des neutres. Elle doit être soufferte par le neutre comme conséquence des droits du belligérant; mais lorsque celui-ci, ne tenant aucun compte des papiers de bord, veut s'arroger le droit de perquisitionner dans le navire visité, il outrepasse ses pouvoirs, et le neutre a le droit de l'empêcher, même par la force, de violer la neutralité manifestée

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par les papiers: neutralité honnête si la cargaison a été reconnue innocente.

Malheureusement il est arrivé que, se sentant soutenus par les canons de leur navire, les délégués à la visite ont trouvé trop simple d'ajouter foi et créance aux papiers de bord du navire visité. Ces délégués, jaloux de la tranquillité dont jouissait le commerce neutre alors que le commerce de leurs nationaux se trouvait entravé, ont émis des prétentions illégitimes, poussés à ces actes soit par l'autorisation tacite de leurs gouvernements, soit par leur amour du gain, soit enfin par un amour-propre national faux et exagéré. Non contents de l'examen des papiers de bord ils ont voulu s'assurer par euxmêmes si ces papiers étaient conformes à la vérité, et même si le commandant du navire neutre n'avait pas d'autres papiers.

« Pour y parvenir, le belligérant se fit ouvrir ou ouvrit lui-même, par force, les armoires, les coffres, les meubles, afin de chercher quelques indices de fraude. Il fit ouvrir ou ouvrit les écoutilles, pénétra dans la cale, bouleversa le chargement, rompit et brisa les colis afin de découvrir un peu de contrebande, objet de ses plus ardents désirs........ On alla encore plus loin: le croiseur fut autorisé, par son propre souverain, à faire subir un interrogatoire aux officiers et aux matelots du neutre, cherchant à obtenir un mot que trop souvent il arrachait par l'ivresse, par les menaces, par les mauvais traitements et même par les tortures. Un seul mot suffisait le navire était saisi, détourné de sa route, conduit dans un des ports du belligérant et trop souvent condamné...... Dans tous les cas, si après une longue procédure il était relaxé, ses opérations

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