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CHAPITRE VIII

DU BLOCUS

Ce que devrait être le droit de Blocus. Inutilité du Blocus. Bases du droit de Blocus. Notification générale. Notification spéciale. — Les Blocus doivent être effectifs. Des Blocus fictifs. Des Blocus pacifiques.

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Par analogie avec ce qui se passe dans la guerre terrestre où le belligérant peut investir les places de son adversaire et interrompre toutes relations entre les assiégés, leurs concitoyens et les Etats neutres avoisinants, l'on peut dans la guerre maritime bloquer par mer un port, une rade, une embouchure de fleuve, et interrompre les relations commerciales qui se pratiquaient par ces différents points. Seulement l'analogie n'est pas complète, car, dans le premier cas, la place est cernée de toutes parts; et, dans le second, l'entrée et la sortie du côté de la mer sont seules interceptées.

D'autre part l'on pourra dire que, sur terre, l'on n'assiège que les places fortes, les places dites de guerre, celles qui ont un pouvoir offensif et défensif et dont la possession intéresse au plus haut point les opérations militaires; que, sur mer, le blocus peut s'appliquer à des ports absolument inoffensifs,

dégarnis de tous les moyens de défense, à des rades et des embouchures de fleuve que sillonnent seuls les bâtiments de commerce; et que, par conséquent, bloquer un port, une rade, une embouchure de fleuve que l'adversaire laisse sans défenses est une opération contraire aux principes de la liberté de la navigation et du commerce. Pourquoi entraver ainsi les relations commerciales du pays ennemi avec les Etats neutres ou même avec les ressortissants de l'Etat qui bloque? Sur terre on n'empêche pas les marchandises d'arriver dans les villes ouvertes, pourvu qu'elles ne soient pas de contrebande; sur mer, il devrait en être de même, et le blocus ne devrait avoir pour but que de mieux contrôler les arrivages pour les points bloqués, et d'exercer le droit de visite sans être obligé de courir les mers à la recherche des navires marchands. Ceux-ci appartiennent-ils à des armateurs ennemis, puisque la propriété privée ennemie n'est pas encore inviolable, ils seraient saisis et enlevés ; appartiennent-ils à des neutres, l'innocence de la cargaison étant constatée, ils devraient avoir le droit d'entrer et de sortir du port sans autre entrave que la soumission au droit de visite.

Autrefois, alors que les moyens de transport étaient lents, difficiles; que les ports, rades et embouchures ne communiquaient entre eux ou avec le reste du pays que par des routes peu nombreuses et souvent mal entretenues, on comprend l'importance que pouvait revêtir le blocus d'un de ces points. Et lorsque le port bloqué était un des boulevards du commerce national le pays entier pouvait souffrir de l'interruption de l'arrivage des navires et de leurs cargaisons. Mais aujourd'hui, avec les faci

lités nombreuses de communication, avec les chemins de fer et les canaux, avec le télégraphe et le téléphone, les câbles et la vapeur, rien ne sera plus. facile que d'éviter les rigueurs d'un blocus, de réduire à néant les espérances que le belligérant fondait sur lui. Les marchandises arriveront par chemin de fer des ports neutres; les navires, prévenus à temps, iront décharger dans d'autres ports, et leurs cargaisons iront rapidement à leurs destinations; ou bien ils recevront dans ces ports les cargaisons venant d'un port bloqué. Quelle influence sur le résultat de la guerre aura le blocus d'un port? Ce sera toute une ligne de côtes qu'il faudra bloquer; les flottes les plus puissantes n'y suffiront pas, car, depuis le 16 avril 1856, les blocus doivent être effectifs. Les seuls cas où l'on pourra user du blocus. seront restreints à des opérations contre un pays. comme la Grèce, ou contre des îles comme celles de Formose et des Pescadores.

Néanmoins, comme les Puissances useront encore du droit de blocus, il importe d'établir la base sur laquelle repose ce droit. Plusieurs publicistes, Hubner, Ortolan, Hautefeuille indiquent une sorte de souveraineté sur la partie de la mer que surveillent les navires employés au blocus. Voici comment s'exprime Hautefeuille :

« Pour faire l'investissement ou le siège d'une place, l'attaquant s'empare de la partie du territoire qui l'avoisine; il en fait la conquête et en retient la possession par la présence de ses troupes: il fait défense aux étrangers de traverser cette partie de ses Etats pour entrer dans la place. Le blocus sur mer est identiquement semblable, seulement la partie du territoire envahi au lieu d'être terrestre est

maritime. Le belligérant dispose ses bâtiments de manière à ce qu'aucun étranger ne puisse traverser sa conquête sans être exposé au feu de son artillerie, et fait défense à tous navires étrangers, sous peine d'être coulés ou pris, de traverser son nouveau domaine maritime1. >>

Bluntschli combat cette manière de voir; et, avec Grotius, Bynkershoeck et Gessner, envisage le droit de blocus comme une nécessité de la guerre.

Il est évident que si un belligérant bloque un port de son ennemi il croit cette opération nécessaire pour assurer son triomphe sans cela il se garderait d'immobiliser sur un point une partie de ses forces navales. Avec la nécessité on explique très facilement toutes les vexations que la guerre entraîne. La première théorie nous parait plus exacte et plus saisissante. Il est bien certain, en effet, que les navires qui bloquent exercent leur imperium sur la mer territoriale de l'adversaire, neutralisent le sien, et peuvent ainsi donner des ordres aux navires qui se présentent pour pénétrer dans une mer territoriale que leur présence a dénationalisée à leur bénéfice. Pour nous la base du droit de blocus est dans ce fait que la mer territoriale de l'adversaire est dénationalisée, et qu'elle est devenue, au moins pour la partie que dominent les canons des navires de blocus, mer territoriale du belligérant auquel ces navires appartiennent: il a donc le droit d'interdire le passage sur son domaine.

Mais, avant de pouvoir exercer ce droit, il lui faut notifier publiquement son intention de bloquer le port, la rade ou l'embouchure du fleuve en question,

1. Hautefeuille Op. cit.

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