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aux belligérants le droit de blocus, ou ne l'accorder que comme un moyen d'exercer le droit de visite à proximité d'un port déterminé. Alors tomberaient aussitôt ces difficultés pour l'application du droit de blocus; un seul croiseur pourrait bloquer un port, en ce sens qu'il aurait, en vue du port comme en pleine mer, le droit de visite, mais rien de plus; il surveillerait les arrivages et les sorties, autant du moins que sa vigilance pourrait s'exercer sur tous les navires qui se présenteraient.

Tout ce qui précède condamne, a fortiori, ces blocus fictifs, autrement appelés Blocus sur le papier, ou encore Blocus par croiseurs sans station fixe, dont on a tant abusé depuis 1689'. En 1689, 1701, 1744, 1755, 1780, et pendant ce siècle, pendant toute la durée du Consulat et de l'Empire, on a vu des Puissances, mais surtout l'Angleterre et la France, établir des blocus fictifs. Le plus généralement, au moyen d'une simple proclamation, elles interdisaient tout commerce avec les lieux déclarés bloqués, alors qu'elles n'employaient pas à ce blocus un seul navire. En 1744, l'Angleterre déclara bloquée une partie des rivages de la France, dans ces conditions, et elle alla même jusqu'à prétendre que les côtes de sa rivale étaient naturellement bloquées par leur situation géographique à l'égard des rivages britanniques. On se rappelle les grandes folies du BLOCUS CONTINENTAL. Ces errements sont bien finis; car, ainsi que l'a dit M. Thiers : « Il n'y aurait plus de raison pour ne pas frapper d'interdit les côtes entières du globe sous prétexte de blocus. »

Il existe encore une autre espèce de blocus au

1. On les appelait encore: Blocus de cabinet; Blocus per notificationem. — Ce sont les Hollandais qui ont inventé les Blocus fictifs.

quel on a donné le nom étrange de Blocus pacifique, parce que la Puissance qui s'arroge le droit d'exercer un tel blocus le fait sans déclaration de guerre, sans même qu'elle soit en guerre avec l'Etat dont elle bloque les ports. C'est donc un acte de guerre en pleine paix. C'est un moyen coercitif employé pour obtenir des résultats auxquels la diplomatie n'a pu arriver par les voies ordinaires. Les blocus pacifiques, entrainant pour le commerce des neutres des entraves identiques à celles du temps de guerre, ne sont pas légitimés. Cependant ce siècle en a vu de trop nombreux exemples: le blocus, déclaré en 1827, des côtes gréco-turques par l'Angleterre, la France et la Russie et qui s'est terminé par la bataille de Navarin; le blocus du Portugal, en 1831, par la France; de la Suisse, en 1838, par la France; du Mexique, en 1838, par la France; des ports de la République Argentine, pendant 10 ans, par la France et l'Angleterre ; de certains ports de la Chine par la France, en 1884. On trouve même, à cette occasion, la théorie moderne du blocus pacifique exposée dans la correspondance de M. Waddington, ambassadeur de France. Dans sa réponse au comte Granville, du 5 novembre 1884, il s'exprime ainsi :

La ferme résolution du Cabinet français est de limiter strictement le blocus aux dispositions nécessaires pour maintenir d'une manière absolue l'accès des parages spécifiés dans la notification du 20 Octobre. Pas plus aujourd'hui qu'auparavant il n'entend revendiquer le droit qui appartient aux seuls belligérants de visiter et de capturer en haute mer les navires étrangers. L'action des croiseurs français se bornera à maintenir un blocus effectif et à en assurer le respect, soit en repoussant, soit en capturant les navires qui tente · raient d'en forcer les lignes. Ce sont là les droits que l'Angleterre, comme la France, a exercés dans des circonstances semblables en dehors de toute guerre déclarée et dont les juridictions spéciales des deux pays ont consacré la légitimité.

En résumé, il ne devrait y avoir de blocus que celui d'un port de guerre, et encore ne devrait-il être considéré comme effectif que si ce port était cerné, comme le fut Gênes, du côté de terre ; et les blocus des ports, rades et embouchures devraient se résumer dans le simple exercice du Droit de visite.

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CHAPITRE IX

PRINCIPES DES NEUTRES

Enumération des Principes proposés.

Principes actuels.

De tout ce qui précède nous pouvons dès maintenant extraire les principes suivants qui devraient être la loi de la guerre maritime et être inscrits parmi les axiomes du Droit International:

1° La propriété privée ennemie est inviolable sur mer comme sur terre;

2o La contrebande de guerre, telle qu'elle est définie par toutes les puissances, est seule sujette à confiscation;

3o Le droit de visite ne peut être exercé qu'en cas de guerre, et, même dans cette circonstance, il doit être limité à l'examen des papiers de bord. Les navires officiellement sous convoi sont exempts de la visite;

4° Le droit de blocus ne peut être exercé qu'en cas de guerre déclarée; et, même dans cette circonstance, il doit être effectif et limité à l'exercice du droit de visite: les droits de prévention et de suite sont abolis.

Ce seraient les nouveaux principes des neutres. Mais, puisqu'ils ne sont pas reconnus, force nous est bien de nous occuper des anciens principes et d'examiner ce qu'ils ont de faux et de suranné.

Lorsqu'un navire marchand est rencontré par un navire de guerre belligérant et reçoit l'avertissement

d'avoir à s'arréter et à se laisser visiter, deux cas se présentent :

1o Ou ce navire est ennemi;

2o Ou ce navire est neutre.

1o Si le navire est ennemi, dès maintenant l'on peut dire que le navire sera capturé, puisque l'inviolabilité de la propriété privée n'est pas reconnue.

a. Mais ce navire porte une cargaison. Cette cargaison se compose de marchandises appartenant toutes à des ressortissants de l'Etat ennemi. La cargaison, à n'en pas douter, suit le sort du navire.

b. Les marchandises appartiennent partie à des ressortissants de l'Etat ennemi, partie à des négociants neutres. Les premières ont leur sort fixé. Pour les secondes, dira-t-on encore: « Ennemy's ship, ennemy's good. Navire ennemi, marchandise · ennemie?» Non. La Déclaration de Paris du 16 avril 1856 contient l'article suivant :

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La marchandise neutre, à l'exception de la contrebande de guerre, n'est pas saisissable sous pavillon ennemi,

Hautefeuille a fort bien fait ressortir les motifs qui devaient dicter une pareille décision: « Les peuples restés pacifiques pendant la guerre continuent à jouir de tous les droits dont ils étaient en possession pendant la paix, à la seule condition de remplir les devoirs qui leur sont imposés. Au nombre de ces droits, communs à tous, est la liberté du commerce. Cette liberté continue donc d'exister pour tous les actes qui ne sont pas contraires aux devoirs imposés par la neutralité. Lorsqu'un peuple pacifique confie à une des parties engagées dans la guerre le transport de ses marchandises, de ses propriétés, il fait un acte de commerce bon et licite

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