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DES ÉGLISES ET CHAPELLES

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exemple il ne saurait appartenir à celle-ci, par un refus obstiné de concours, de mettre obstacle à l'exécution de travaux publics entraînant la démolition de l'édifice dont la désaffectation est réclamée (C. d'Et., 12 avril 1889, D. 89,3,113).

Ces règles s'appliquent non seulement aux anciennes églises transférées par l'État aux communes à charge d'affectation, mais aussi aux églises fournies par les communes postérieurement au Concordat, pour satisfaire aux prescriptions de la loi organique. S'il s'agissait au contraire d'immeubles consacrés au culte en dehors des prescriptions de la loi organique, la désaffectation pourrait en être prononcée dans la même forme que l'affectation, par arrêté préfectoral par exemple, si l'immeuble avait été affecté par un arrêté du préfet. Et si l'affectation postérieure à la loi du 5 avril 1884 avait eu lieu en vertu d'une délibération du Conseil municipal, une simple délibération du Conseil suffirait à la faire cesser.

2294. Si les églises paroissiales sont dans le domaine public de la commune, elles relèvent d'autre part des fabriques au point de vue de leur entretien et de leur conservation (L. 18 germinal an X, art. 76; décr. 30 décembre 1809, art. 1). Il suit de là que le droit d'intenter ou de soutenir les actions concernant les églises appartient à la fois aux communes et aux fabriques, également intéressées à leur conservation. Cette solution, autrefois contestée, ne fait plus de doute aujourd'hui.

Le droit d'agir existe même de la manière la plus étendue. Pour la commune, non seulement il est la conséquence des principes de la domanialité; mais obligée par la loi de fournir une église au culte, tenue d'autre part de pourvoir aux grosses réparations en cas d'insuffisance des ressources de la fabrique, la commune est directement intéressée à repousser toute usurpation, à assurer le libre usage et le bon état de l'édifice communal. Il ne faudrait pas hésiter à lui reconnaître le droit d'agir, même au cas où l'église a été construite ou fournie par la fabrique.

Pour les fabriques, le droit d'action découle de la loi qui les a chargées d'administrer les édifices religieux, de pourvoir aux dépenses du culte, de veiller à l'entretien et à la conservation des

246 DROIT D'ACTION DES COMMUNES ET DES FABRIQUES

temples. Pour remplir cette mission, il est nécessaire que la fabrique soit investie des droits les plus étendus en vue d'empècher toute dégradation et usurpation. C'est donc à tort qu'on a voulu limiter ses droits à ceux d'un usufruitier, en réservant à la commune les prérogatives de la nue propriété. En réalité, ces notions empruntées au droit civil n'ont pas place ici, et les églises paroissiales, dépendances du domaine public communal, échappent par leur nature légale aussi bien aux règles de l'usufruit qu'à celles de la propriété privée. Il ne faut donc pas hésiter à reconnaître aux fabriques le droit d'exercer les actions réelles relatives à l'église. Bien mieux elles puisent dans leur mission générale de conservation le droit de défendre l'église, non seulement contre les entreprises des tiers, mais aussi contre les empiètements de la commune elle-même. Il a été jugé avec raison que la fabrique pouvait contraindre la commune à enlever les constructions adossées au mur de l'église et dont la présence est de nature à entraver l'exécution des réparations nécessaires 1.

Ce droit d'action parallèle des communes et des fabriques a été fréquemment reconnu par la jurisprudence: aussi bien pour faire cesser les usurpations commises et les servitudes exercées sur les parties extérieures de l'édifice même par le fait du curé, que pour obtenir la réparation des dégradations à l'intérieur ou la restitution des bancs ou chapelles occupées sans titre 2. Loin de présenter des inconvénients, ce concours d'action de la part de la commune et de la fabrique offre l'avantage d'assurer dans les conditions les plus favorables la conservation de l'édifice, l'observation des dispositions de la loi, et la légitime satisfaction de tous les intérêts engagés.

2295. Antérieurement à 1884, il existait une controverse au sujet de l'étendue des obligations respectives des communes et des fabriques concernant les réparations à effectuer aux églises. On avait soutenu que les grosses réparations devaient être sup

1 Pau, 22 nov. 1886, D. 87,2,62.

2 Paris, 18 fév. 1851, D. 51,2,73; Agen, 2 juill. 1862, D. 62,2,150; Cass., 15 nov. 1853, S. 54,1,111.

DÉPENSES DE RÉPARATIONS

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portées par la commune, même au cas où la fabrique avait des ressources suffisantes pour y pourvoir.

La loi du 5 avril 1884 a mis fin à cette controverse. Les réparations d'entretien ne figurent plus dans aucun cas parmi les dépenses obligatoires de la commune. Si celle-ci refuse de prendre ces dépenses à sa charge ou d'y contribuer, elles ne peuvent plus être inscrites d'office au budget communal. D'autre part, l'article 136 n° 12 décide que les grosses réparations aux édifices consacrés au culte ne sont obligatoires pour les communes que « sauf l'application préalable des revenus et ressources disponibles des fabriques à ces réparations ». L'obligation de la commune n'existe donc qu'au cas d'insuffisance des ressources disponibles de la fabrique, c'est-à-dire lorsqu'après paiement de toutes les dépenses nécessitées par l'exercice du culte et l'entretien des édifices paroissiaux il ne reste plus aucun excédent de recette (Av. C. d'Et., 2 juill. et 6 août 1884). La loi du 5 avril 1884 s'est attachée à faciliter le contrôle de la commune. Aux termes de l'article 70 n° 6, le conseil municipal est toujours appelé à donner son avis sur les budgets et comptes des fabriques. En dehors de cette vérification annuelle, le conseil municipal aurait le droit, au cas où le concours de la commune serait réclamé, d'exiger la justification spéciale de l'état des ressources actuelles de la fabrique. La plupart des difficultés auxquelles pouvait donner lieu cette vérification ont disparu depuis qu'en vertu de l'article 78 de la loi du 26 janvier 1892 les budgets des fabriques ont été soumis aux règles ordinaires de la comptabilité publique.

En cas de désaccord entre la commune et la fabrique, l'article 93 du décret du 30 novembre 1809 avait établi une procédure particulière. La délibération du conseil municipal était adressée au préfet, puis communiquée à l'évêque, et si l'évêque et le préfet étaient d'avis différents, il était statué par le ministre des Cultes. L'article 136 n° 12 de la loi du 5 avril 1884 a maintenu la compétence de l'autorité administrative qui a seule qualité, à l'exclusion de l'autorité judiciaire, pour reconnaître l'existence et déterminer l'étendue de l'obligation des communes. Mais il dispose que s'il y a désaccord entre la fabrique et la commune dont

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RÉUNION DE PLUSIEURS COMMUNES EN PAROISSE

le concours financier est réclamé, il sera statué par décret sur la proposition des ministres de l'Intérieur et des Cultes ». Ce n'est qu'après la décision rendue par le chef de l'Etat que la dépense reconnue à la charge de la commune peut être inscrite d'office au budget municipal.

2296. En dehors des difficultés entre communes et fabriques à l'occasion des églises, d'autres difficultés peuvent s'élever dans les relations des communes entre elles, lorsqu'elles sont réunies pour le culte en une même paroisse (Décr. 30 décembre 1809, art. 102). En principe ces communes doivent contribuer aux charges imposées par la loi. Ainsi le Conseil d'Etat a jugé qu'une commune n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence sur son territoire d'une église non régulièrement consacrée à l'exercice public du culte pour se soustraire à l'obligation de concourir aux frais de construction de l'église paroissiale située sur le territoire de l'autre commune à laquelle elle est réunie pour le culte. Elle pourrait néanmoins se refuser à y contribuer, si elle n'avait pas été appelée à participer au vote des dépenses et si elle n'avait pas été représentée à l'adjudication et à l'exécution des travaux (C. d'Et., 24 juill. 1866, D. 67,3,68).

Avant 1884, quand il fallait recourir à des impositions extraordinaires, la participation aux dépenses communes était réglée par la loi du 14 février 1810 proportionnellement au montant des contributions respectives (art. 2). Si les communes avaient des ressources suffisantes, sans recourir à des impositions extraordinaires, elles étaient libres de régler leurs parts contributivespar des conventions débattues entre elles. Mais l'article 168 no 5 de la loi du 5 avril 1884 ayant abrogé la loi du 14 février 1810, les communes ont repris leur liberté pour régler d'un commun accord la répartition des dépenses. Les conseils municipaux peuvent à cet effet recourir à des conférences intercommunales. A défaut d'entente, la décision appartiendrait aux conseils généraux, compétents pour statuer « sur les difficultés relatives à la répartition de la dépense des travaux qui intéressent plusieurs communes du département (L. 10 août 1871, art. 46 n° 23).

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ET DE PLUSIEURS PAROISSES EN UNE COMMUNE

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A l'inverse de l'hypothèse où plusieurs communes sont comprises en une seule paroisse, plusieurs paroisses peuvent coexister sur le territoire d'une même commune. La règle est alors que les dépenses relatives à chacune des paroisses sont supportées par la commune tout entière et non seulement par le quartier ou la portion de commune qui forme la paroisse. Cette solution a été contestée au cas où la paroisse coïncide avec une section de commune. On a prétendu que celle-ci, étant seule intéressée et ayant une personnalité distincte,devrait contribuer seule aux réparations et aux charges de son église. Mais on oubliait que si la section a des intérêts et une personnalité distincts, elle n'a ni administration in dépendante, ni budget propre ; que les églises paroissiales font toujours partie du domaine public communal, sans distinguer si la paroisse correspond ou non à une section de commune; et qu'enfin il est d'autant plus rationnel de faire contribuer la commune aux dépenses du culte de la section que la section elle-même est tenue de supporter sa part des dépenses du culte dans la commune. Ces motifs ont été relevés dans un avis du Conseil d'Etat du 9 décembre 1858 (D. 59,3,81). Il a décidé qu'en cas d'insuffisance des ressources de la fabrique l'imposition extraordinaire établie pour pourvoir aux charges du culte devait être supportée par la commune tout entière et non seulement par la section dotée d'une église séparée (C. d'Et.,23 juin 1864, D.65,3,4).

2297. Aux fonds fournis par la fabrique ou par la commune en vue des restaurations ou reconstructions d'églises ou de presbytères peuvent s'ajouter des souscriptions particulières. A qui appartient le produit des sommes ainsi recueillies ? La question, qui avait autrefois divisé les ministres de l'Intérieur et des Cultes et le ministre des Finances, doit être résolue par une distinction. Si la souscription a été ouverte ou recueillie au nom de la fabrique, les sommes sous crites appartiennent à celle-ci à l'exclusion de la commune (Avis du C. d'Et., 16 mars 1868; 26 févr. 1870, D. 71,3,47; 9 juin 1882, D. 83,3,119). Si la souscription a été ouverte ou dirigée par la commune, ou si les souscripteurs ont exprimé l'intention de lui verser leurs subventions, le produit en appar

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