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CONSÉQUENCES DE LA PROPRIÉTÉ COMMUNALE

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A ce droit de propriété peuvent être rattachées les conséquences suivantes: 1° L'obligation de pourvoir aux grosses réparations incombe à la commune propriétaire, mais subsidiairement et sauf application préalable des ressources disponibles des fabriques (L.5 avril 1884, art. 136 no 12), sans que d'ailleurs cette obligation puisse être étendue aux presbytères qui ne sont pas des édifices communaux; les fabriques au contraire sont seules tenues des réparations d'entretien; 2° La commune partage avec la fabrique le droit d'intenter les actions concernant le presbytère, la première agissant tant en qualité de propriétaire que comme obligée à pourvoir subsidiairement au logement du curé et aux réparations de l'habitation, la seconde chargée « de veiller à l'entretien des églises et des presbytères» (Décr. du 30 déc. 1809, art. 1 et 37 n° 4); 3o Dans tous les cas où le presbytère appartient à la commune, le maire a qualité pour requérir la sortie du curé ou desservant qui n'a plus le titre curial, et exiger la remise des clefs, en vue de faire constater par experts l'état des biens et les réparations à la charge du curé ou desservant sortant (Décr.30 déc. 1809, art. 44); 4o La comm une peut être autorisée à distraire pour un autre service les parties superflues du presbytère ou de ses dépendances; mais comme la question dépasse la limite des intérêts communaux, la distraction est soumise à l'appréciation du gouvernement, suivant les règles établies par l'ordonnance du 3 mars 1825, modifiée par le décret du 25 mars 1852 1 (tab. A no 52). Toutes les dispositions précédentes s'appliquent aux presbytères protestants comme aux presbytères catholiques.

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De vives controverses se sont élevées au sujet de la nature et de l'étendue du droit du curé sur le presbytère. Quand il s'agit d'un immeuble construit ou acquis par la commune depuis l'an X, le droit du curé est celui qui résulte d'une affectation adininistrative. Il n'est ni locataire, ni usufruitier, il est simplement affectataire. Mais s'il s'agit d'un presbytère rendu à sa destination. en vertu de l'article 72 de la loi du 18 germinal an X,on prétend attribuer au curé un droit d'une nature toute différente. Certains

Cass., 22 janv. 1903, D. 1903,1,589.

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arrêts, se fondant sur l'article 6 du décret du 6 novembre 1813, lui ont même reconnu un droit réel d'usufruit, régi par la loi civile1. Ces décisions reposent sur une véritable confusion. L'article 6 du décret de 1813 reconnaît sans doute aux curés et desservants un droit d'usufruit sur certains biens, mais ces biens font partie de la mense curiale et ne sont pas des biens communaux. Or la mense curiale est une personne civile distincte, représentée par la série des titulaires ecclésiastiques, dont chacun est pendant l'exercice de son ministère l'usufruitier des biens de la mense. En dehors des cas très rares où le presbytère fait partie des biens de la cure, et spécialement dans le cas où le presbytère est propriété communale, l'article 6 est donc inapplicable.

La jurisprudence paraît avoir abandonné l'idée d'un véritable usufruit, mais elle persiste à reconnaître au curé un droit de jouissance, assez mal défini, tantôt désigné sous le nom de droit d'habitation, tantôt qualifié de droit d'usufruit spécial ou de droit de jouissance sui generis 2. Ce droit spécial conférerait au curé qualité pour introduire une action en justice contre les tiers ou même contre la commune à l'effet de faire respecter ses droits sur l'immeuble, mais il ne lui permettrait pas de s'opposer au pavoisement ou à la décoration extérieure du presbytère par le maire, par exemple à l'occasion d'une fête nationale. Il résulterait de l'article 72 de la loi de germinal, aux termes duquel « les presbytères et jardins y attenant non aliénés seront rendus aux curés et desservants des succursales ».

La jurisprudence donne ainsi à l'article 72 une portée qu'il ne paraît pas avoir. Ce texte n'a pas pour but de conférer aux curés et desservants un droit de jouissance spécial. D'une part il implique la remise aux communes des presbytères à raison d'un par cure et par succursale. D'autre part il pose le principe d'une affectation administrative au logement des titulaires ecclésiastiques. A ce point

1 Dijon, 11 août 1869, D. 69,1,194; Caen, 20 déc. 1877, D. 79,1,221; Req., 4 fév. 1879, D. 79,1,221.

2 Ch. crim., 9 juin 1882, D. 82,1,311,et 11 nov. 1882, D. 83,1,362; Trib. des conflits, 15 déc. 1883, D. 85,3,57 et les conclusions du commissaire du gouv.; 13 mars 1886, D. 87,3,85; Paris, 2 avril 1896, D. 97,2,212; Cass., 17 fév. 1897, D. 97,1.375; Dijon, 18 déc. 1901, D. 1903,2,37.

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de vue il peut être assimilé aux textes nombreux qui imposent soit à l'État, soit aux départements, soit aux communes, l'obligation de pourvoir, dans l'intérêt supérieur d'un service public, au logement de certains fonctionnaires, sans qu'il en résulte pour aucun d'eux ni droit d'usufruit, ni droit d'habitation. Ce sont de simples affectations administratives, opérées en vertu d'une prescription de la loi. Il est excessif d'attribuer à l'article 72 de la loi de germinal une portée différente de celle de l'article 71. Si l'article 72 concerne les curés et les desservants, l'article 71 s'applique aux évêques et aux archevêques. Or il est admis que les évêques n'occupent les palais épiscopaux qu'en vertu d'une affectation administrative. Conçus dans des termes presque identiques, les deux textes doivent être interprétés l'un par l'autre. Ce que l'article 72 § 1 contient de plus, c'est seulement l'obligation imposée aux communes d'affecter de préférence à tous autres immeubles les presbytères rendus à leur destination. Donc il s'agit d'une affectation, et les affectations prescrites par la loi ne diffèrent pas des affectations administratives. Conçues en vue de l'intérêt général et non de l'intérêt du fonctionnaire, elles n'emportent aucun démembrement même temporaire de la propriété, aucune attribution de droit d'habitation ou de jouissance privative au profit de l'affectataire. Les conséquences sont les suivantes: 1° Le maire a le droit de faire pavoiser et décorer le presbytère comme tout autre édifice communal, au moins quand l'apposition des drapeaux peut avoir lieu sans pénétrer à l'intérieur de l'immeuble. Par suite, en enlevant ces drapeaux, le curé s'expose aux pénalités édictées par l'article 257 du Code pénal. Cette solution avait été repoussée par la cour de Poitiers, parce que logiquement le droit de pavoiser malgré le locataire ou l'usufruitier ne saurait appartenir ou au propriétaire ou au bailleur. Elle a fini par être admise par la jurisprudence, bien qu'elle paraisse peu compatible avec le droit d'usufruit ou même de jouissance privative reconnu par les tribunaux au curé 2; -2° L'administration a également le droit

Poitiers, 29 juin 1883, D. 83,2,169.

Cass., 31 mars 1882, et 9 juin 1882, D. 82,1,389; Conflits, 15 déc. 1883, D. 83,3,57.

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de désigner une partie extérieure du presbytère pour l'affichage des lois et autres actes de l'autorité publique, et l'enlèvement ou la lacération des affiches apposées donnerait lieu à l'application de l'article 17 §1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.Ce point a été reconnu par un arrêt de la chambre criminelle du 16 février 1883 qui n'a prononcé la relaxe du prévenu que parce qu'aucun emplacement n'avait été désigné par l'autorité municipale 1 ; — 3o Les curés où les desservants ne peuvent ni louer, ni céder la jouissance des bâtiments affectés à leur logement ou d'une partie de ces bâtiments ou de leurs dépendances; ils ne peuvent, sans l'autorisation de l'administration municipale, ni modifier l'aménagement de l'immeuble, ni transformer le jardin ; ils sont tenus des réparations locatives qui sont la charge de la jouissance, et des dégradations survenues par leur faute, mais non des autres réparations, grosses ou même d'entretien2; 4° L'autorité judiciaire est incompétente pour connaître des droits et obligations résultant de cette affectation. Cette solution a été admise par le Tribunal des conflits, relativement aux palais épiscopaux affectés au logement des évêques 3. Elle doit être étendue aux presbytères, si l'on admet qu'ils font l'objet d'une affectation de même nature. Par suite, toute contestation relative aux effets de l'affec tion ne peut être appréciée que par l'administration, et si le cure vient à être troublé dans sa jouissance par un tiers ou par la commune, il ne peut intenter d'action devant les tribunaux el doit se borner à agir administrativement. Il n'en faut pas conclure que cette jouissance demeure sans protection. Contre les tiers, la fabrique et la commune peuvent agir soit au possessoire. soit au pétitoire. Contre les empiétements du maire et du conseil municipal 5, le curé trouvera le plus souvent une protection efficace dans les dispositions de l'ordonnance du 3 mars 1823 et du décret du 25 mars 1852 (tabl. A no 52) qui subordonnent toute de

1 Ch. crim., 16 déc. 1883, D. 83,1,361.

2 Decret, 30 déc. 1809, art. 44; L. 5 avr. 1884, art. 136 n° 12. Conflits, 14 avril 1883, D. 83,3,86.

D. 83,2,175;

Contrà, Angers, 25 janv. 1883,

Contrà, Toulouse, 24 déc. 1885, D. 86, 2, 265; Cass., 17 fév. 1897

D. 97,1,375.

Cass., 22 janv. 1903, D. 1903,1,589.

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saffectation totale ou partielle, toute distraction d'une partie même superflue du presbytère, à l'autorisation de l'administration.

Lorsqu'il n'existe pas de presbytère, la commune n'est pas tenue de construire ou d'acquérir. Cette dépense reste facultative. Elle peut s'acquitter de l'obligation qui lui est imposée, soit en procurant un logement au curé dans un édifice communal ou dans un immeuble pris à loyer, soit en lui fournissant une indemnité représentative. Dans ce dernier cas, le droit au logement se présente avec son véritable caractère. Il se résout en une indemnité pécuniaire et constitue un simple supplément de traitement. Or, si dans ce cas, comme aussi dans celui où le curé est logé dans un immeuble loué, il ne saurait être question de droit d'usufruit ou de jouissance spéciale, n'est-il pas contradictoire d'admettre ce droit au cas où la commune, au lieu de s'acquitter en argent, procure le logement en nature, en fournissant le presbytère? Avant 1884, sous l'empire de l'article 92 du décret du 30 décembre 1809 et de l'article 30 no 13 de la loi du 18 juillet 1837, dont les dispositions n'établissaient pas clairement le caractère subsidiaire de l'obligation des communes, on avait soutenu que celles-ci étaient toujours tenues de payer l'indemnité de logement, mème au cas où les fabriques avaient les ressources suffisantes pour y pourvoir. Cette interprétation, déjà écartée par la jurisprudence du Conseil d'Etat, a été définitivement condamnée par la loi du 5 avril 1884, dont l'article 168 abroge l'article 92 du décret de 1809, et dont l'article 130 no 11 a remplacé les textes antérieurs 1.

2305. Les cimetières publics sont présumés appartenir aux communes. Ceux qui sous l'ancien régime ont pu être la propriété des paroisses leur furent enlevés par le décret du 13 brumaire an II et n'ont jamais été attribués aux fabriques, bien que cette opinion ait été soutenue. L'arrêté du 7 thermidor an XI, qui prescrivait la restitution des biens non aliénés aux fabriques, avait subordonné cette restitution à un envoi en possession par le

Voir aussi sur toutes ces questions Th. Ducrocq, Etudes de droit public, 15 Etude, Presbytères; affectations à un logement des immeubles natio Kaur, departementaux et communaux, pages 409 à 439 (Oudin et Guillaumin, 1887).

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