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DE COMMUNAUX ENTRE HABITANTS

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disposant qu'ils auraient lieu par tête. Ce fut d'abord la loi du 14 août 1792 qui prescrivit le partage de tous les communaux, les bois exceptés, immédiatement après la récolte. Moins préoccupée de mettre en valeur les terres incultes que de frapper la propriété de mainmorte et de gagner les populations au nouveau régime, l'Assemblée législative faisait du partage une obligation. Ce fut ensuite la loi du 10 juin 1793 qui n'ordonne plus, mais permet le partage gratuit et par tête. Il suffit qu'il soit voté par le tiers des habitants de tout sexe. Profondément révolutionnaire, cette loi allait jusqu'à nier le droit de l'être moral, en définissant les biens communaux «< ceux sur la propriété ou le produit desquels tous les habitants d'une commune ou d'une section ont des droits acquis». Elle fut bientôt dénoncée comme une loi spoliatrice de la propriété, destructive de l'agriculture, et la Convention nomma une commission chargée de la réviser. Sous le Directoire, la loi du 21 prairial an IV décida de surseoir à l'exécution de la loi de 1793. Enfin, sous le Consulat, la loi du 9 ventôse an XII, tout en validant les partages effectués, ordonne la remise aux communes des autres biens communaux, et un décret du 9 brumaire an XIII dispose que le mode de jouissance des biens non partagés sera maintenu comme auparavant et ne pourra être changé qu'avec l'autorisation du gouvernement. Sans prononcer formellement l'abrogation des dispositions de la loi de 1793 relatives au partage entre habitants, ces textes les ont implicitement abolies. La loi du 18 juillet 1837 règle le partage des biens indivis entre communes, mais ne parle plus du partage entre habitants. Elle confirme ainsi la règle de prohibition, dont l'article 92 du Code forestier avait fait une application spéciale en disposant que « la propriété des bois communaux ne peut jamais donner lieu à partage entre les habitants ». On revient donc aux véritables principes. L'être moral étant seul propriétaire, les habitants n'ont aucun droit de copropriété sur les communaux.

Mais si les principes ne permettent aucune hésitation, d'autre part le partage, subordonné à des conditions équitables en vue de concilier les droits de l'ètre moral et l'intérêt public, ne pourrait-il pas être utilement autorisé comme moyen de mise en

326 PROJETS RELATIFS A LA MISE EN VALEUR DES COMMUNAUX

valeur des terres incultes? La question a été souvent agitée dans nos assemblées. En 1847 une commission proposait de recourir à des concessions ou aliénations à titre onéreux, qui tout à la fois rendraient les communaux à l'agriculture et procureraient aux communes des ressources dont elles ont souvent besoin. Dès cette époque, diverses lois et divers projets semblaient avoir préparé la solution du problème. La loi du 19 juin 1857 sur les landes de Gascogne avait permis à l'Etat de se substituer aux communes pour effectuer des travaux d'assainissement et de plantations, sauf à se rembourser sur le produit des coupes et sur le prix des terres vendues ou affermées après leur mise en culture. Généralisant ces mesures, la loi du 28 juillet 1860 sur la mise en valeur des marais et terres incultes appartenant aux communes autorisait le gouvernement à vendre une partie des terrains améliorés pour récupérer ses avances [no 1338].

La commission chargée de l'examen de cette dernière loi avait même proposé d'y introduire une disposition en vue de permettre et organiser le partage facultatif, à charge de redevances temporaires ou perpétuelles. Le gouvernement avait repoussé l'amendement, mais en laisant entrevoir la possibilité de son adoption dans l'avenir. En 1868, en effet, un projet fut élaboré sur l'amélioration des communaux. Il proposait d'associer les Conseils généraux à l'action du gouvernement pour contraindre les communes à mettre leurs biens en valeur par des aliénations ou des amodiations aux enchères, et même pour autoriser, dans les départements montagneux du centre, le partage des biens sectionnaires à prix réduit au profit des propriétaires ayant feu dans la commune. La chute de l'empire empêcha le projet d'aboutir.

Depuis ce temps, la législation, écartant l'idée de partage, s'est attachée à porter ses efforts d'un autre côté. La loi du 4 avril 1882 sur la restauration et la conservation des terrains en montagne, dont un chapitre est spécialement consacré à la réglementation des pâturages communaux, a doté le gouvernement de pouvoirs énergiques en vue de l'amélioration des terrains menacés, mais n'a plus repris l'idée de partage [nos 1339 s., 2313].

LÉGISLATION RELATIVE AUX DONS ET LEGS

III. DONS ET LEGS.

2330. Evolution de la législation en cette matière.

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2331. a) Acceptation des dons et legs. Articles 68 no 8 et 111 de la loi du 5 avril 1884, modifiés par la loi du 4 février 1901.

2332. Réclamations des héritiers.

2333. Libéralités faites à un hameau ou à un quartier de commune; dons et legs à une section de commune.

2334. b) Refus des dons et legs.

2335. c) Acceptation à titre provisoire.

2336. d) Procédure; décret du 1er février 1896.

2337. e) Affaires connexes. Avis du 27 décembre 1855 et du 10 mars 1868; article 4 du décret du 1er février 1896; loi du 4 février 1901.

2338. f) Droit de réduction. Nullité des clauses de nature à l'entraver. 2339. g) Droit de statuer d'office. Abolition du droit d'autoriser d'office. 2340. Maintien du droit de refuser d'office, au cas de réclamations. 2341. Suppression du droit de réduire d'office.

2342. h) Dons et legs au profit des pauvres. Avis du Conseil d'État du 7 juillet 1881 et article 10 § 3 de la loi du 15 juillet 1893.

2343. Libéralités charitables faites par l'intermédiaire d'un établissement non légalement reconnu.

234. Libéralités faites par l'intermédiaire d'un établissement public ecclésiastique. Avis du 13 juillet 1881. Clause relative à la désignation d'un tiers chargé de la répartition des secours.

2345. Libéralités scolaires; avis du 13 avril 1881.

2346. Diverses attributions des maires relatives aux libéralités charitables.

2330. Comme les autres actes de la vie civile, les acquisitions à titre gratuit font l'objet de délibérations des conseils municipaux. L'acte d'exécution est ensuite réalisé par le maire. Mais les délibérations ne sont pas toujours réglementaires, et parfois elles ne sont exécutoires qu'après approbation de l'autorité supérieure. A cet égard, la législation a suivi une évolution intéressante. Au début les communes avaient été soumises au droit commun des établissements publics. En vertu des articles 910 et 937 du Code civil, les dispositions faites en leur faveur n'avaient d'effet qu'autant qu'elles étaient autorisées par décret. Mais des divers motifs sur lesquels reposait le droit d'intervention du gouvernement, tous ne pouvaient conserver la même force à l'égard des communes. Si la protection des familles dépouillées exige le maintien du contrôle administratif, l'extension de la propriété communale n'est pas de nature à inquiéter les intérêts de l'Etat.

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ACCEPTATION DES DONS ET LEGS

Et s'il est parfois utile de prémunir les établissements publics contre l'acceptation irréfléchie de libéralités onéreuses, le gouvernement ne doit-il pas s'en remettre aux autorités municipales du soin d'apprécier et sauvegarder les intérêts de la commune qu'elles représentent ? Le contrôle de l'État devait s'affaiblir à mesure que les lois de décentralisation élargissaient les pouvoirs des conseils municipaux.

Sous l'influence de ces tendances, de nombreuses dérogations furent apportées aux règles établies par les articles 910 et 937. Pour les communes comme pour les départements, il se forma une législation de faveur; la séparation s'accentua entre leur régime et celui des autres établissements publics. Il en était encore ainsi lorsque la loi du 4 février 1901, faisant bénéficier ces derniers de dispositions plus libérales, opéra de nouveau un rapprochement entre les deux groupes d'établissements, sans cependant effacer toute différence entre leurs régimes. Ce sont les résultats de cette évolution, tels qu'ils ressortent des lois du 5 avril 1884 et du 4 février 1901, que nous allons analyser.

2331. a) Acceptation des dons et legs. Au commencement du siècle dernier, l'acceptation des dons et legs ne pouvait avoir lieu sans une autorisation du gouvernement. Mais à la règle diverses exceptions furent apportées. La loi du 18 juillet 1837 avait permis aux préfets d'autoriser l'acceptation des dons et legs mobiliers ou de sommes d'argent dont la valeur n'excédait pas 3000 francs. Le décret du 25 mars 1852 étendit les pouvoirs du préfet à tous les cas où il n'y avait pas opposition des familles (Tab. A no 49). Puis la nécessité de l'autorisation fut supprimée par la loi du 24 juillet 1867 pour les dons et legs faits sans charges, conditions ni affectation immobilière, quand ils ne donnaient pas lieu à réclamation. La délibération du conseil municipal devenait alors réglementaire, s'il y avait accord entre le maire et le conseil (art. 1 no 9).

Avec la loi du 5 avril 1884, cette condition de l'accord cessa d'être exigée, et on distingua trois hypothèses: 1° si la libéralité est pure et simple, sans charges ou conditions, et s'il n'y a

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pas réclamation des familles, l'acceptation fait l'objet d'une délibération réglementaire (art. 61 § 1); 2° s'il y a des charges ou conditions, l'autorisation est donnée par arrêté du préfet en conseil de préfecture (art. 68 no 8, art. 111 § 1); 3° s'il y a réclamation, l'autorisation ne peut être accordée que par décret rendu en conseil d'Etat, quelles que soient la valeur et la nature des biens donnés ou légués (art. 68 no 8 et art. 111 § 2).

La loi du 4 février 1901 a supprimé toute distinction entre les libéralités sans charges et les libéralités grevées de charges ou conditions. Dans les deux cas elle confère aux conseils municipaux le droit d'accepter sans autorisation. Comme l'a dit l'auteur de la proposition, le danger que présentent les libéralités grevées de charges est un peu illusoire. Et d'ailleurs le droit de contrôle de l'administration ne disparaît pas tout à fait, puisqu'elle peut toujours user du pouvoir que lui confère l'article 63 pour annuler les délibérations par lesquelles un conseil accepterait une libéralité soumise à des conditions contraires à la loi.

Dans la législation actuelle, telle qu'elle résulte des articles 68 n°8 et 111 de laloi de 1884 modifiés par la loi du 4 février 1901, il n'y a plus à distinguer que deux hypothèses: 1° celle où la libéralité ne donne pas lieu à réclamation; alors le conseil municipal prend une délibération définitive, non seulement quand la disposition est pure et simple, mais encore quand elle est grevée de charges ou conditions, et sans qu'il y ait à considérer le caractère des charges, l'importance du legs ou la nature des biens donnés; 2° celle où les dons ou legs donnent lieu à réclamations; alors la délibération du conseil municipal doit toujours être autorisée par décret (L. 4 fév. 1901, art. 7). L'intérêt des familles a paru justifier le maintien de l'intervention du gouvernement.

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Comme la loi de 1884, la loi de 1901 exige un décret en Conseil d'Etat. Aucune loi ne porte que ce décret doit être rendu en forme de règlement d'administration publique. Mais le règlement du 2 août 1879, modifié par le décret du 3 avril 1886 (art. 7 n° 7), dispose que << doivent être portées à l'assemblée générale les autorisations d'accepter des dons et legs excédant 50.000 francs, lorsqu'il y a opposition des familles ». Il résulte de là que si l'acceptation des

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