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ACCEPTATION A TITRE PROVISOIRE

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s'il n'usait pas de cette faculté dans ce délai, le refus du conseil deviendrait de plein droit définitif.

2335. c) Acceptation à titre provisoire. Pour conserver toute son efficacité à la règle de l'autorisation écrite dans l'article 910, l'article 937 du Code civil exigeait que l'acceptation de la libéralité n'eût lieu qu'après l'autorisation. Mais la nécessité de l'autorisation préalable n'était pas sans présenter certains inconvénients. Les donations pouvaient devenir caduques si le donateur mourait ou retirait son offre au cours de l'instance en autorisation et avant l'acceptation. Quant aux legs, la demande en délivrance, qui donne droit aux intérêts et aux fruits, ne pouvait être formée qu'après leur acceptation. Pour remédier à ces inconvénients, la loi avait consenti à déroger à la règle de l'article 937 en faveur de divers établissements, tels que les départements, les communes, les hôpitaux et hospices. La première exception avait été introduite par la loi du 18 juillet 1837 dans l'article 48 § 3 ainsi conçu : « Le maire peut toujours, à titre conservatoire, accepter les dons et legs, en vertu de la délibération du conseil municipal. » Cette disposition a été reproduite par l'article 113 de la loi du 5 avril 1884 qui la complète ainsi : « Le maire peut toujours, à titre conservatoire, accepter les dons et legs, et former avant l'autorisation toute demande en délivrance. » Simple mesure conservatoire, l'acceptation sera faite par le maire, sans qu'il soit même besoin d'une autorisation du conseil. Elle ne met pas obstacle d'ailleurs à ce que le maire, en conformité de l'article 5§ 2 de l'ordonnance du 2 avril 1817, procède à toutes les autres mesures conservatoires, telles que renouvellements d'inscriptions hypothécaires, actes interruptifs de prescription.

Nous avons vu que le bénéfice de l'acceptation provisoire, réservé jusque-là à un petit nombre d'établissements, a été étendu à tous par l'article 8 de la loi du 4 février 1901, qui a ainsi complètement abrogé l'ancienne règle de l'article 937 du Code civil. Les avantages de l'acceptation conservatoire sont d'ailleurs indiscutables. Au cas de donation entre vifs, l'acceptation prévient, en réalisant l'accord des volontés, soit le retrait des offres, soit la

336 AVANTAGES ET EFFETS DE L'ACCEPTATION PROVISOIRE

caducité dont elles seraient frappées par le décès du donateur. Au cas de legs, elle permet de former la demande en délivrance avant toute autorisation. S'il s'agit d'un legs universel ou à titre universel, la demande aura pour effet d'attribuer au légataire la jouissance des biens légués à compter du jour du décès, à la condition d'être formée dans l'année (C. civ. art. 1004, 1003 et 1011). S'il s'agit d'un legs particulier, la commune aura droit aux fruits et intérêts à partir de la demande (art. 1014).

Mais l'acceptation est purement conditionnelle. Ses effets sont subordonnés soit à l'autorisation, quand le gouvernement doit intervenir, soit à la décision du conseil municipal, quand celuici a le droit de statuer seul. Si l'autorisation est refusée, l'acceptation s'évanouit, la donation n'aura pas été réalisée, le legs est frappé de caducité, il n'y a jamais eu transmission de propriété. Si l'autorisation est accordée, elle rétroagit au jour de l'acceptation; la donation devient irrévocable, la demande en délivrance est validée, la propriété est transférée avec effet rétroactif. C'est ainsi que les droits de mutation, qui ne pouvaient pas être réclamés avant l'échéance de la condition, deviennent exigibles. C'est ainsi que la commune, en cas de legs universel et en l'absence d'héritiers à réserve, a droit aux fruits produits par les biens légués depuis le jour du décès (Cass. 7 juill. 1868, D. 68,1,146.

2336. d) Procédure. Les règles concernant la procédure en vue de l'acceptation et de l'autorisation des dons et legs faits aux communes sont contenues dans le règlement du 1er février 1896, dont les dispositions ont remplacé l'article 5 § 1 de l'ordonnance du 2 avril 1817, les articles 3 et 5 de l'ordonnance du 14 janvier 1831, et le décret du 30 juillet 1863. Ces dispositions, d'ordre général, s'appliquent aux communes comme aux autres établis sements pourvus de la personnalité civile.

L'article 1er (modifié par le décret du 24 décembre 1901) impose à tout notaire, dépositaire d'un testament contenant des libéralités en faveur d'une commune, l'obligation d'adresser à ses représentants, aussitôt après l'ouverture du testament, copie des dispositions qui la concernent. Le notaire est également tenu d'adres

PROCÉDURE. DÉCRET DU 1er FÉVRIER 1896

337 ser au préfet du lieu d'ouverture de la succession, la copie intégrale des dispositions, avec un état des héritiers. Ces mesures ont pour but de faciliter l'accomplissement des formalités de mise en demeure et de publications prescrites par les articles 2 et 3. Elles paraissent devoir s'appliquer non soulement au cas où l'autorisation du gouvernement est nécessaire, mais encore à celui où le conseil municipal est appelé à statuer.

A l'expiration du délai de 3 mois imparti aux héritiers pour former opposition, le conseil municipal a le droit, lorsqu'il ne s'est pas produit de réclamations, de prendre une délibération portant acceptation définitive. Mais dans ces 3 mois il ne peut pas valablement statuer, si ce n'est pour refuser. Serait nulle l'acceptation qui interviendrait avant le délai fixé, alors même que le consentement de tous les héritiers connus serait rapporté, car il peut y avoir des héritiers inconnus qui révéleront leur existence et produiront leurs réclamations au dernier moment. La nullité pourrait être prononcée par le préfet d'office ou sur la demande de tout intéressé (L. 5 avril 1884, art. 63), sans préjudice du recours pour excès de pouvoir ouvert au profit de l'héritier. Pour éviter les effets de cette nullité, le conseil n'aurait d'autre ressource que de renouveler l'acceptation, une fois les trois mois écoulés. Peut-être seulement y aurait-il lieu d'admettre que ce vice est susceptible d'être couvert par l'adhésion de tous les héritiers, ou encore par leur silence prolongé jusqu'à la fin du délai accordé pour faire opposition.

Si des réclamations se sont produites, un décret d'autorisation. est nécessaire. Le préfet du département où s'est ouverte la succession transmet le dossier au préfet du département où est située la commune légataire. Celui-ci est chargé de poursuivre l'instruction et de former le dossier général qui sera adressé au ministre de l'Intérieur, chargé de saisir le conseil d'Etat et de préparer le décret à intervenir (Circul. 15 mars 1896 et 10 juin 1901). Parmi les pièces qui doivent être transmises, en dehors de la copie du testament ou de la donation, de l'acte de décès du testateur ou du certificat de vie du donateur, le dossier doit comprendre une série d'actes destinés à éclairer le gouvernement :

T. VI

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une estimation des biens donnés ou légués; les oppositions formées; des renseignements détaillés sur le disposant, les héritiers et leur situation de fortune; le budget de la commune et un état de sa situation financière; l'avis des autorités locales, et enfin la délibération du conseil municipal. Le décret ne saurait être rendu en effet avant que le conseil municipal n'ait préalablement délibéré sur l'acceptation de la libéralité.

2337. e) Affaires connexes. La théorie de la connexité est une création de la jurisprudence. Autrefois la distinction entre les affaires connexes et les affaires complexes était purement doctrinale. On désignait sous le nom de libéralités complexes, collectives ou mixtes, celles qui, contenues dans un même testament, mais faites au profit d'établissements différents, étaient indépendantes entre elles. On réservait le nom de libéralités connexes à celles que le testateur avait subordonnées à l'exécution d'autres dispositions, en sorte que l'une pouvait être considérée comme la charge ou la condition de l'autre.

Par un avis du 27 décembre 1855, le Conseil d'Etat avait décidé que, sans distinguer entre les affaires connexes ou complexes, le droit de statuer appartenait à l'autorité la plus élevée, c'està-dire au gouvernement « qui seul peut embrasser les diverses dispositions dans une vue d'ensemble et apprécier les éléments de décision qu'une instruction commune aura réunis ». Après les lois du 18 juillet 1866 et du 24 juillet 1867 qui avaient conféré aux conseils généraux et municipaux le droit de statuer définitivement sur l'acceptation de certaines libéralités, le Conseil d'Etat fut amené à modifier sa jurisprudence. Par un avis du 10 mars 1868, relatif aux communes, mais dont la doctrine était étendue aux départements par les considérants eux-mêmes, il distingua entre les libéralités connexes et les libéralités collectives. Pour les premières, il concluait à la nécessité d'un décret, à l'effet de statuer sur l'ensemble des dispositions qui ne peuvent pas être scindécs. Pour les autres, il admettait que l'acceptation du legs fait au profit de la commune pouvait être réglée par le conseil municipal, la disposition faite en faveur de l'autre établis

COMPLEXES, COLLECTIVES OU MIXTES

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sement restant soumise à ses règles propres de compétence. Il résultait de cette jurisprudence: 1° que cette distinction était seulement applicable aux départements et aux communes; 2° que les autres établissements, même communaux, ne bénéficiaient pas de ce régime de faveur et demeuraient soumis aux règles énoncées dans l'avis du 27 décembre 1855. Pour ceux-ci, les libéralités complexes, comme les libéralités connexes, devaient être approuvées par l'autorité supérieure (avis 16 févr. 1869).

En ce qui concerne les établissements publics et d'utilité publique, la situation a été modifiée. L'article 4 § 4 du décret du 1er février 1896 applique, en effet, à tous les établissements la distinction des libéralités connexes et collectives. En cas de libéralités connexes, le pouvoir de statuer sur l'ensemble des dispositions continue à appartenir à l'autorité de l'ordre le plus élevé. Pour les libéralités collectives, chacune des autorités compétentes est en principe appelée à se prononcer par une décision distiucte. Il n'en est autrement qu'autant qu'il se produit des réclamations dans le délai imparti aux héritiers pour former leur opposition. Dans ce dernier cas, l'autorité supérieure a seule pouvoir de statuer, comme en matière de libéralités connexes (Circ. 15 mars 1896). Les dispositions de la loi du 4 février 1901 sont venues modifier les compétences, mais elles ont maintenu la distinction, au moins en ce qui concerne les établissements publics proprement dits et les établissements d'utilité publique.

En ce qui concerne, au contraire, les communes, on peut se demander si les règles posées par l'avis du 10 mars 1868 sont encore applicables. Depuis cette époque, les pouvoirs des conseils municipaux ont été élargis. La loi du 4 février 1901 leur a reconnu le droit de statuer définitivement sur l'acceptation des dons et legs, même grevés de charges ou conditions, ne réservant l'approbation gouvernementale qu'au cas où il y a réclamation. Or la nouvelle législation n'a-t-elle pas eu pour conséquence de rendre désormais impossible toute distinction entre les libéralités connexes et complexes, non pas pour les soumettre à l'appréciation du gouvernement, mais en ce sens au contraire que les assemblées locales auraient le pouvoir d'en régler l'acceptation

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