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cette loi du 27 ventose an VIII, d'un nouveau renvoi devant un Tribunal quelconque, après une première cassation et un second jugement sur le fond, attaqué par les mêmes moyens que le premier (ce qu'à la vérité l'art. 66 de l'Acte Constitutionnel du 22 frimaire an VIII prescrivait encore), pouvait-on croire que la Législature eût agi sans dessein, sans volonté fixe et déterminée? était-il présumable que les termes dans lesquels se trouvait renfermée la rédaction de l'art. 78 étaient simplement le fruit de l'irrésolution ou de l'inadvertance? ou bien, au contraire, ne résultait-il pas assez clairement de cette rédaction même et de la suppression de dispositions antérieures dans une loi en quelque sorte fondamentale, que le Législateur avait entendu et suffisamment exprimé qu'en cas de pourvoi contre un second jugement attaqué, après une première cassation, par les mêmes moyens que le premier, la question, sur le fond méme, serait portée devant toutes les sections réunies? Si l'on ob serve que, dans la première hypothèse, l'œuvre du Législateur demeurait évidemment insuffisant et incomplet, qu'il ne prévoyait et ne

prescrivait absolument rien sur la manière de procéder dans le cas d'une seconde cassation admise par toutes les sections réunies sans qu'elles eussent néanmoins prononcé sur le fond, et cela lorsque l'état et les dispositions antérieurs de la législation l'avertissaient clairement de la nécessité de statuer; qu'il s'est ensuite écoulé plusieurs années sans qu'aucune autre disposition législative ait donné lieu de penser que l'on songeât à remplir une lacune si grande et si manifeste; il faudra nécessairement, en admettant une semblable hypothèse, supposer aussi une indécision ou une irréflexion prolongées et peu vraisemblables dans le Législateur; et peut-être alors ne sera-t-on pas non plus (ne fût-ce que par l'invraisemblance même de cette supposition) sans raisons, sinon déterminantes et décisives, du moins fort plausibles, pour incliner vers l'opinion opposée, plus conforme sous quelques rapports essentiels au jugement que l'on doit naturellement porter de la prudence, de la pénétration législative.

Toutefois, huit ans après, et à une époque où la force attractive et absorbante avait aban

donné les Corps alors soi-disant représentatifs, appelés à participer à l'exercice de la puissance législative, pour se porter entre les mains du Chef de la puissance exécutive et y prendre une nouvelle activité, la rédaction peut-être trop restreinte et trop brève d'un article de loi qui avait pourtant eu pour objet spécial de déterminer d'une manière positive et précise l'étendue des attributions de la puissance judiciaire exercées par le premier Corps de la magistrature, devint, ainsi que tant d'autres, un nouveau moyen d'accroissement et de conquête. On dit alors (a), en présentant au Corps législatif le projet de la loi du 16 septembre 1807, que la loi du 27 ventose an VIII ne s'exprimait pas sur ce que devaient devenir les procès si la Cour de cassation annulait le second jugement et que le troisième fût encore attaqué par les mêmes moyens que les deux premiers, et l'on supposa que la législation était ainsi restée dans le vague et dans l'absence de toute règle à cet égard, quoique dans

(a) Voy., entre autres, le Nouv. Répertoire de jurisp., par M. Merlin, au mot Cassation, § 8.

Tome XI.

l'intervalle des huit années écoulées depuis la loi du 27 ventose an VIII, les deux SénatusConsultes-Organiques des 16 thermidor an X et 28 floréal an XII aient eu à statuer sur cette même institution, à laquelle le second de ces deux Sénatus-Consultes conféra la dénomination de Cour de cassation.

Sur ces motifs, cette loi du 16 septembre 1807 assimila donc l'interprétation de la loi aux simples règlemens d'administration dévolus au Chef de la puissance exécutive. Nous en avons rapporté précédemment les dispositions mêmes. Il est inutile de les reproduire ici (a).

(a) (Voy. ci-dessus, vol. x, pag. 475 et suiv.).

Il faut dire que le Règlement du 5 nivoṣe an VIII, relatif à l'organisation du Conseil d'état contenait, entre autres, la disposition suivante : « Art. 11. Le Conseil d'état développe le sens des lois, sur le renvoi qui lui est fait par les Consuls des questions qui leur sont présentées ». (Voy. ci-dessus, vol. vIII, pag. 129 et 130). Mais, quoique cette disposition n'eût peut-être pas été insérée dans le règlement sans quelque arrière-pensée, sans intention de lui donner plus tard une acception plus large et plus étendue qu'elle ne le comportait, on ne pouvait cepen-dant s'en faire un point d'appui et un argument solide lors de la présentation de la loi du 16 septembre 1807;

Les choses sont restées en cet état; mais au mois de novembre 1814, la Chambre des députés regarda cette loi comme donnant atteinte à ses attributions, et elle prit en conséquence une résolution portant que, dans le cas d'une troisième cassation, la Déclaration interprétative de la loi dont le sens divisait les tribunaux serait rendue dans les formes constitutionnelles, c'est-à-dire, dans les formes prescrites pour la création et la promulgation de la loi elle-même. Cette résolution fut adoptée par la Chambre des pairs; mais, présentée à la sanc

d'une part, parce que cette disposition ne devait bien réellement s'appliquer qu'au développement du sens des lois sur des questions purement et exclusivement administratives, et qui par cette raison même pouvaient être présentées aux Consuls exerçant la Puissance exécutive, et renvoyées par eux au Conseil d'état, et non pas à aucune interprétation relative à des questions d'ordre judiciaire, et qui par ce motif et par leur nature devaient être et auraient été en effet soumises au jugement de la Cour de cassation; d'autre part, parce que si l'on voulait prêter à cette disposition une acception aussi exorbitante, il est évident que n'étant insérée que dans un simple règlement, elle ne pouvait être considérée comme ayant force de loi.

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