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été payé au cessionnaire primitif, son cédant, pour prix de la cession. A cette demande, les consorts de Kervéguen ont opposé que, plus de trente ans s'étant écoulés entre l'ouverture de la succession et le moment où le sieur Morillon avait manifesté l'intention de l'accepter, son droit se trouvait éteint par la

au principe que nul n'est héritier qui ne veut (art. 775, C. Nap.). Comment supposer que celui qui, | pendant trente ans, a négligé de prendre possession des biens héréditaires, qui les a abandonnés à d'autres, ait voulu être héritier ?

prescription, et qu'il ne pouvait plus agir en qualité d'héritier contre ceux qui avaient appréhendé la succession en temps utile, ou contre leurs représentants.

Paul, qui déclare le sieur Morillon non rece21 fév. 1859, jugement du tribunal de Saintvable dans sa demande.

On objecte que, dans notre législation, un parent légitime devient, le cas échéant, héritier de plein droit; il n'a pas besoin d'accepter; il n'a pas à se revêtir de cette qualité; il ne peut faire qu'une chose, se dépouiller du titre, de la qualité que la loi lui attribue; il ne peut exercer ou perdre qu'une facuné, celle de renoncer; en gardant le silence, il demeure

voir un titre, une qualité, un droit, pour se reposer tranquillement et impunément dans le silence et l'inaction, et être certain de conserver ce que l'on a ; considérer les choses sous cet aspect, c'est méconnaître l'esprit de la prescription. Est-ce que le créancier n'est pas aussi bien créancier que l'héritier est héritier? A-t-il quelque acte à accomplir pour confirmer le droit qui est né à son profit d'un contrat ou d'un délit ? Eh bien! qu'il reste trente ans sans exercer son droit, sans le réaliser dans des actes extérieurs ; le résultat est certain, il aura perdu son droit, il sera dépouillé de son titre de créancier, il ne sera pas, lui, demeuré in statu quo. Pourquoi le même laps de temps ne ferait-il pas perdre la qualité d'héritier, à défaut par celui qui est investi de cette qualité d'en avoir retiré les avantages réels et pratiques?

89 dispose que la renonciation à une succession n'est jamais présumée; cette expression jamais présumée semble exclusive de la prescription de la faculté d'accepter. Cette contradiction, au moins apparente, Notre décision n'est pas contraire à l'article du la ferait cesser en réunissant dans un seul article pourra faire naître des difficultés; il paraît qu'on Code aux termes duquel la renonciation ne se pré- une partie du 94o et une partie du 89°, et en le résume pas (art. 784). Le successible contre lequel digeant ainsi : « La renonciation à une succession s'accomplit la prescription n'est pas, à proprement ne se présume pas; cependant la faculté d'accepter parler, renonçant; il est déchu, il est privé de la fa-se prescrit par trente ans. » V. Fenet, Trav. prépar. culté qu'il avait de prendre librement un parti. — du C. civ., t. 5, p. 415.- La modification propo. Cette phrase La renonciation ne se présume pas, re-sée par le tribunal de Caen a été partiellement opé produit une maxime de notre droit coutumier, rée; le mot jamais a disparu de l'article, qui porte dont le sens était que la renonciation ne s'induit aujourd'hui le numéro 784. pas, comme l'acceptation, d'une multitude de faits divers, de la conduite, de l'attitude du successible; elle doit être expresse. Cette maxime se conciliait très-bien avec le cours d'une prescription extinctive contre l'héritier qui s'abstenait de prendre possession.-Citons, à cet égard, deux témoignages irrécusables. Auroux des Pommiers, sur l'art. 326 de la cout. de Bourbonnais, a écrit: «La renonciation à la suc-in statu quo.-Nous répondons: il ne suffit pas d'acession échue doit être expresse et formelle. Car la conséquence est si grande de priver les légitimes héritiers d'une succession qui leur est due, que sans une déclaration précise ils ne sont jamais présumés avoir abandonné de si justes droits, si ce n'est qu'ils ayent laissé écouler trente années sans demander leurs portions héréditaires, ou plutôt si ce n'est qu'ils ayent laissé prescrire l'action de pétition d'hérédité. Et Valin, sur la cont, de la Rochelle, t. 3, p. 187, n. 112: « Quelque abandon que l'héritier présomptif ait fait de la succession, il est toujours dans l'obligation de renoncer lorsqu'il est poursuivi par les créanciers, à moins qu'il ne se soit écoulé trente ans depuis l'ouverture de la succession, auquel cas il n'y a plus d'action contre lui, par la raison qu'il ne serait plus recevable lui-même à se porter héritier et à réclamer la succession. »Sic, Lebrun, Success., liv. 3, ch. VIII, sect. 2, n. 36. Oa va plus loin; on soutient que la saisine est N'apparaît-il pas à tous les yeux que l'art. 784 a l'investiture légale de la possession, et que l'héritier été inspiré au législateur par cette ancienne doc-saisi est en possession de droit avant de l'être de fait; trine, et que la proposition par laquelle il débute lorsque la prescription s'accomplit, elle trouve toun'a pas une autre signification, une autre portée, que jours l'héritier saisi en possession de droit, lors celle que nous lui assiguons? La fin même de l'ar-même qu'il n'aurait pas appréhendé de fait la sucticle suffirait à le prouver: « Elle ne peut être faite cession; elle doit rendre irrévocable cette position; qu'au greffe, etc. » la loi lui a conféré d'office la saisine, la possession, elle ne doit pas le faire sortir d'une hérédité dont et dont elle l'a constitué le représentant. n'acceptons pas cette manière de voir. Possession de droit, possession légale, fictive, anticipée, sont des sion est une chose de fait, laissons-lui sa nature expressions et des idées peu naturelles; la possespropre. La saisine est, suivant nous, purement et simplement la faculté pour les parents légitimes de se mettre en possession de l'hérédité, sans demander d'autorisation à personne; voilà tout. C'est l'idée que le grand coutumier de Charles VI en donnait: La coutume qui dit que le mort saisit lu vif est à entendre ...saisina juris tantummodo, non facti, en la manière qui s'ensuit ; c'est à savoir que, si notoirement il appert de la ligne et du lignage, le successeur est tout saisi de droit et ne lui est nécessaire d'aller ni au seigneur, ni au juge, ni

L'histoire de la rédaction de cet article le confirme surabondamment. Le projet de la commission du Gouvernement contenait un article ainsi conçu: «La renonciation à une succession n'est jamais présumée. Elle doit être faite au greffe, etc. » (89, Des successions). Et on y trouvait aussi la disposition: «< La faculté d'accepter ou de répudier une succession ne se prescrit que par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers » (94, ibid.). Sur cet article, le tribunal de Caen présenta les observations suivanles : « D'après cet article, la faculté d'accepter une succession vacante se prescrirait par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers; d'où l'on devrait induire qu'après ce laps de temps l'héritier présomptif ne pourrait être apte à appréhender la succession. Cependant l'art.

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Nous

Appel; mais, le 16 nov. 1860, arrêt de la Cour | naire, par celui de ses cohéritiers qui a rede la Réunion qui confirme, en ces termes: cueilli en temps utile la même succession, et, - Attendu que la coutume de Paris fixe à conséquemment, par de Kervéguen, qui, cestrente ans la durée de l'action en pétition d'hé- sionnaire de tous les droits successifs de ce rédité; qu'il suffit donc, ainsi qu'il a été éta- cohéritier, peut valablement les exercer; bli par le jugement dont est appel, que Mo- Qu'on ne saurait arguer que tous les héritiers rillon ait laissé passer ce laps de temps sans Legrand se sont trouvés saisis de l'hérédité accepter ou revendiquer la succession Le- du défunt d'après cette maxime: Le mort saigrand, pour que son action soit aujourd'hui sit le vif, et encore par l'inventaire que le curepoussée au moyen de la prescription trente- rateur aux biens vacants, au nom desdits hé

autre, mais de son autorité se peut de fait ensaisiner, et à lui est nécessaire cette appréhension de fait avant qu'il se puisse dire avoir entière saisine. » L'art. 724, C. Nap., se place au même point de vue et nous le démontre clairement lorsque, passant aux successeurs privés de la saisine, il leur impose la nécessité de se faire envoyer en possession par justice. Or, cette faculté de prendre possession de sa propre autorité peut aussi bien que toute autre se perdre par la prescription, à défaut d'exercice dans les

trente ans.

Ainsi, l'art. 789, C. Nap., établit une prescription extinctive.

dissertation de M. Froissard, Rev. prat., t. 5, p. 500.

IV. Abordons maintenant l'espèce qui a donné lieu à notre arrêt de Paris du 25 nov. 1862; nous y puiserons un argument nouveau en faveur de notre système. La décision adoptée par la Cour est assurément la plus équitable qui pût être rendue sur la cause; or, elle ne peut se soutenir qu'en s'appuyant sur les principes que nous avons posés.

ration des trente années; il écarte la prescription à raison de sa minorité; que peut-il réclamer? Un douzième ou la moitié de la succession?

Précisons l'hypothèse. Une succession s'ouvre au profit de parents collatéraux; la ligne maternelle est représentée par un parent; dans la ligne paternelle il en existe six, dont un mineur. Le parent de Par qui cette prescription peut-elle être invo- la ligne maternelle se met seul en possession de toute quée? Une prescription extinctive détruit un droit l'hérédité; parmi les parents de la ligne paternelle, et n'en confère aucun; aussi ne peut-elle profiter cinq gardent, pendant trente années depuis l'ouver qu'à ceux qui ont, d'ailleurs, un droit sur les biens ture, un silence absolu; leur droit est prescrit ; le dont il s'agit. Suivons cette idée logique. La dé-sixième, qui était mineur, se présente après l'expichéance encourue par l'héritier qui est resté trente ans inactif ne peut être invoquée que par les successibles appelés en concurrence ou en second rang, et dont la vocation ne rencontrait d'obstacle que dans la présence de cet héritier; la prescription extinctive renverse l'obstacle, la vocation subsidiaire de l'héritier du second degré devient primordiale, ou la vocation du cohéritier, qui était restreinte par le concours, reprend une extension toute virtuelle. Il faut, bien entendu, que le cohéritier ou l'héritier du degré subséquent qui arguë de l'art. 789 contre une pétition d'hérédité tardive soit lui-même en possession de l'hérédité; autrement il encourrait lui-même la déchéance dont il veut frapper autrui.-C'est probablement ainsi qu'il faut interpréter un passage de Furgole, qui, autrement, mettrait cet auteur en contradiction avec lui-même. Au § 159 (Test., ch. X, sect. 1), il vient de dire que le droit d'accepter une hérédité est sujet à la prescription de trente ans depuis l'ouverture; c'est évidemment d'une prescription extinctive qu'il entend parler; au $ 160, il ajoute: Mais il faut prendre garde qu'afin que le droit de l'héritier fût atteint par la prescription, il faudrait qu'un autre l'eût acquis par la possession, car la prescription est bien mise au rang des moyens d'acquérir et de perdre. Mais il faut, afin qu'elle ait lieu, que ce qui est perdu par l'un à cause de sa négligence soit acquis par un autre à cause de sa possession. Car si une hérédité était vacante et sur la tête d'un curateur qui serait un simple dépositaire, lequel ne pourrait jamais l'acquérir par la prescription, elle pourrait être acceptée même après les trente ans depuis la mort du défunt, parce que le droit n'en serait pas perdu à cause qu'il n'aurait pas été acquis par un autre.» Nous acceptons trèsbien la solution donnée par cet auteur relativement au curateur à succession vacante.

En résumé, nous croyons que le système par nous exposé a le mérite d'interpréter le Code, sans forcer aucun texte, conformément à la doctrine ancienne, dont l'autorité est toujours si grande, et de renouer la chaîne de la tradition entre la jurisprudence moderne et celle antérieure à la Révolution.-V, une

Si, avec la Cour de cassation, on pense que l'héritier appelé à une partie et qui prend possession du tout, usucape, acquiert par la prescription, la partie à laquelle il n'est pas appelé, dans notre hypothèse le parent maternel, entré en possession de toute l'hérédité, a pu prescrire acquisitivement contre les cing parents paternels qui étaient majeurs et n'avaient en leur personne aucune cause de suspension de la prescription; il a pu acquérir leurs parts, et personne n'est en droit de les lui disputer. Nous arrivons par une autre voie au même résultat que le tribunal de première instance. - Mais si l'on admet que trente ans d'inaction entraînent contre l'héritier majeur une prescription extinctive, une déchéance de la qualité d'héritier, et que cette déchéance profite à ceux qui avaient un droit subsidiaire sur l'hérédité, dans notre hypothèse l'extinction du droit de cinq des héritiers de la ligne paternelle a permis au droit du sixième, protégé par sa minorité, de s'étendre à la moitié de la succession afférente à sa ligne; il prend ainsi ce qu'il aurait recueilli si lés cinq concurrents de sa ligne n'avaient jamais existé; on opérera de l'hérédité la même distribution que si les successibles contre lesquels la prescription est accomplie avaient renoncé. N'est-il pas raisonnable, en effet, que toute cause d'exclusion d'un héritier, quelle qu'elle soit, ait sur le droit des autres la même influence?

Nous approuvons pleinement la solution donnée par la Cour de Paris et les motifs sur lesquels elle repose. Nous y voyons une consécration du système que nous avons exposé; et nous croyons que la Cour régulatrice n'aurait rien de mieux à faire, au cas de pourvoi, que de maintenir la décision, et de reconnaître que, si un héritier est exclu par trente ans de silence et d'inaction au profit des héritiers qui ont pris possession, c'est par l'esset direct d'une prescription extinctive, et non par le contre-coup d'une prescription acquisitive.

J.-E. LABBE.

possession ou cette acceptation s'est manifestée. Il ne s'agit pas ici d'une prescription extinctive qui mettrait fin au droit des héritiers non acceptants, mais d'une prescription acquisitive qui empêche le droit des nonacceptants de s'exercer; et cette prescription acquisitive ne s'étant pas accomplie, l'arrêt attaqué n'a pu, sans violer les princípes invoqués, déclarer que le sieur Morillon avait perdu tout droit à une succession à laquelle il n'avait jamais renoncé.

ritiers, a fait dresser à l'époque du décès; et que, dès lors, l'acceptation ou la pétition d'hérédité ne pouvait rien ajouter au droit que la loi a elle-même transféré à chaque héritier sur tous les biens de la succession;-Qu'en effet, d'une part, cette règle: Le mort saisit le vif, doit être conciliée avec cette autre règle Nul n'est héritier qui ne veut, et il est évident que la saisine de droit est subordonnée, dans ses effets, à l'acceptation ultérieure de l'héritier; - Qu'il importe donc que cette acceptation se manifeste pendant les trente ans fixés par la coutume de Paris; qu'autrement la sai- LA COUR; Attendu que, pour exercer le sine se perd par ce laps de temps, et par suite retrait successoral contre les défendeurs évenl'héritier est considéré comme ayant répudiétuels, cessionnaires de l'hoirie de Pierre Lel'hérédité ; — Que, d'autre part, l'inventaire, cet acte fait par le curateur aux biens vacants dans l'intérêt des absents, peut-être profite à l'héritier qui accepte la succession, mais qu'il n'est pas possible de lui attribuer l'effet de constater l'acceptation des héritiers et de les soumettre ainsi à des engagements dont ils ignorent l'étendue et la portée, etc. »

|

ᎪᎡᎡᎬᎢ.

grand, le demandeur doit justifier de sa qualité d'héritier au temps où il a introduit son action ;-Attendu que la succession de Pierre Legrand s'est ouverte en 1803; que c'est seulement en 1850, plus de trente ans après son ouverture, que Morillon a introduit son action contre les défendeurs éventuels qui sont aux droits de Kervéguen, cessionnaire des POURVOI en cassation par le sieur Moril- droits successifs de Pierre Legrand ;-Attendu lon, pour violation des art. 841 et 2262, Cod. que longtemps avant cette époque et en 1828, Nap., par fausse interprétation et violation des c'est-à-dire moins de trente ans après l'ouver principes de la coutume de Paris, notamment ture de la succession dont s'agit, les cohéritiers des art. 118 et 318 de cette coutume, et sub- de Morillon avaient accepté la succession de sidiairement violation et fausse application des Pierre Legrand; que cette acceptation résulte art. 789, 775, 777 et 2262, Cod. Nap.-On a des cessions mêmes qu'ils ont consenties à dit pour le demandeur: L'arrêt attaqué pose Kervéguen, et qui, aux termes de l'art. 780, en thèse que, d'après la coutume de Paris, Cod. Nap., emportent de leur part acceptation l'héritier, par le seul effet de son inaction de la succession; Attendu que cette acceppendant trente ans, était considéré comme tation remonte, quant à ses effets, au jour de renonçant; et de ce principe qui, suivant la l'ouverture de la succession; qu'ainsi, par la Cour impériale, aurait été confirmé par le seule force de la fiction légale consacrée dans Code, l'arrêt conclut que le sieur Morillon, l'art. 777, Cod. Nap., les cohéritiers de Moqui s'est abstenu pendant plus de trente ans,rillon sont censés avoir possédé l'hoirie de a perdu tout droit sur la succession au profit de ses cohéritiers, dont l'adition d'hérédité s'est manifestée avant l'expiration de ces trente ans. Cette solution est contraire au principe consacré par l'art. 318 de la coutume de Paris que le mort saisit le vif, principe qui a toujours été entendu en ce sens qu'après trente ans le successible peut encore accepter, à moins que son cohéritier n'ait prescrit contre lui. Or, dans l'espèce, les cohéritiers du sieur Morillon n'avaient pas acquis par la prescription sa part héréditaire, au moment où il a agi contre leurs cessionnaires, puisque la cession de leurs droits, qui est le premier acte d'héritier par eux fait, ne remonte qu'à 1828. Donc, la prescription de trente ans ne s'étant pas opérée à leur profit, la prescription du droit d'accepter ne saurait s'être accomplie au préjudice du sieur Morillon. On objecterait vainement que l'acceptation des héritiers, manifestée par les cessions de 1828, remonte au jour de l'ouverture de la succession, et qu'ainsi il y avait prescription acquise à leur profit. La prescription n'a pu courir au profit des acceptants que du jour où a commencé leur possession; et leur possession n'a commencé que du jour de leur acceptation, ou, ce qui revient au même, du jour des cessions qui sont le premier acte par lequel cette

Pierre Legrand, non à compter du jour où ils ont fait acte d'héritiers, mais à compter du jour où la succession s'est ouverte, c'est-àdire de l'année 1803;-Attendu, sans doute, que Morillon, habile à se porter héritier dé Pierre Legrand, a été saisi de plein droit de la succession de celui-ci, aux termes de l'art. 318 de la coutume de Paris; mais que nul n'étant héritier qui ne veut, Morillon était tenu de prendre qualité et d'acquérir ainsi par son acceptation la possession de l'hoirie dans le délai de trente années fixé pour la prescription par l'art. 118 de la même coutume; que, faute par lui d'avoir ainsi procédé, il se trouve en présence d'héritiers qui, par l'effet de leur acceptation en temps utile, sont censés avoir possédé l'hérédité à compter du jour de son ouverture et plus de trente ans avant l'action introduite par Morillon, qui se trouve ainsi dépouillé de la qualité qui seule pouvait justifier sa demande ;-Que, pour l'avoir ainsi jugé, l'arrêt attaqué n'a fait que se conformer à la loi; - Rejette, etc.

Du 29 janv. 1862.-C. cass., ch. req.-MM. Hardoin, f. f. prés.; d'Oms, rapp.; Blanche, av. gén. (concl. conf.) ; Pougnet, av.

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2o Espèce. (Regley C. héritiers Roizot.) Le 3 août 1861, jugement du tribunal civil

-

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Appel par le sieur Regley.

ARRÊT.

LA COUR;... Considérant que le jugement dont est appel a limité les droits d'Edme Regley à un sixième de l'hérédité, se fondant, pour arriver à ce résultat, sur ce qu'au jour de l'ouverture de la succession, il y avait cinq autres héritiers ayant les mêmes droits que Jean-Baptiste Regley dans la branche paternelle; que ces cinq héritiers ne s'étant point présentés, et que le laps de trente années ayant prescrit contre eux la faculté de répudier, ils se trouvent héritiers saisis; d'où il suit que les héritiers de la branche maternelle, qui ont possédé en fait toute l'hérédité, ont prescrit contre lesdits cinq successibles, et se trouvent

de la Seine, qui se prononçait dans le sens contraire en ces termes :-« Attendu qu'à la date du 22 avril 1824, le général Jean Bergeron est décédé à Paris sans postérité, et que sa succession a été dévolue à la femme Roizot, représentant la ligne maternelle, à défaut d'héritiers connus dans la branche paternelle; -Attendu que Edme Regley revendique aujourd'hui la moitié de la succession afférente à la ligne paternelle, et entend prouver qu'il descend, ainsi que le général Bergeron, d'un auteur commun, Etienne Regley, marié à Marie Leboeuf; Attendu que les actes qu'il produit établissent cette parenté légitime;... Attendu que Jean-Baptiste Regley (père du sieur Edme Regley) a été saisi avant son décès, survenu le 5 fév. 1828, de la moitié de la succession du général Bergeron, dé-irrévocablement nantis de tous leurs droits ;volue à la ligne paternelle, aux termes de Considérant que ce système repose exclusivel'art. 733, C. Nap., conjointement avec cinq ment sur les termes des art. 784 et 789, C. autres cohéritiers; Qu'il n'appert pas de Nap., qui disposent que la renonciation ne se la renonciation à ladite succession des autres présume pas, et que la faculté d'accepter ou de cohéritiers; Attendu, dès lors, que Edme répudier se prescrit par trente années; lesRegley, seul héritier de son père, n'a qualité dites dispositions interprétées en ce sens que pour revendiquer les droits de son auteur, la prescription de la faculté d'accepter ou de dans la succession Bergeron, que pour le répudier rend la qualité d'héritier définitive sixième dévolu personnellement à celui-ci ;- et irrévocable sur la tête du successible qui ne Qu'en vain le demandeur argumente de l'art. s'est pas présenté ;-Considérant qu'une telle 786, C. Nap., pour obtenir l'accroissement, interprétation ne peut être admise; - Que si que l'abstention des cohéritiers de son pèré quelque obscurité peut résulter de la double ne peut produire les mêmes effets qu'une re-expression, accepter et répudier, employée nonciation explicite; que, loin de là, l'ab- par la loi, il faut reconnaître que l'art. 789 stention laisse persister l'action de la saisine n'a voulu déclarer autre chose, sinon que le légale en faisant présumer de la part de l'hé- successible, au bout de trente années de siritier investi de la succession l'intention de la lence, avait laissé prescrire tous ses droits à conserver et de se l'approprier, puisque la re- l'hérédité et n'avait plus à l'accepter ni à la rénonciation ne se présume pas (art. 784); pudier ; —Que l'interprétation admise par le Attendu qu'en présence de ces principes ab-jugement dont est appel, qui constituerait, au solus, l'art. 789, qui dispose que la faculté bout de trente années de silence, un héritier d'accepter ou de répudier une succession se forcé, serait contraire aux règles les plus simprescrit par le laps de temps requis pour la ples de l'équité, comme aux dispositions texprescription la plus longue des droits immobi-tuelles de la loi; -Considérant, en effet, que liers, doit nécessairement s'entendre de l'option, d'où il suit que, ce délai passé, l'hérédité demeure définitivement fixée dans la personne de l'héritier saisi dont la volonté n'a pas repoussé la saisine légale; - Attendu qu'à partir de ladite saisine, le tiers détenteur de bonne foi a pu prescrire contre chacun des cohéritiers ayant des droits individuels et définis;-Qu'il importe peu qu'il y ait eu partage ou non entre les ayants droit; - Attendu que si, à raison de l'état particulier de minorité d'Edme Regley, la prescription a été interrompue et n'est pas acquise contre lui, le bénéfice de cette interruption ne peut s'étendre à des droits qui ne lui appartenaient pas, qu'il n'a donc pu préserver; - Attendu qu'il n'y a pas lieu de considérer comme un accroissement d'une ligne à une autre ce fait péremptoire de la prescription acquise par le tiers détenteur; -Par ces motifs, déclare bien fondée la demande en pétition d'hérédité d'Edme Regley, contre les successeurs de la veuve Roizot, mais en tant seulement qu'elle doit porter sur le sixième dévolu à son père, qu'il représente, etc. »><

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l'attribution de la qualité d'héritier, rendue irrévocable par l'abstention, placerait la fortune de tous les citoyens dans un état d'incertitude inévitable, nul ne pouvant garantir qu'il n'a pas un parent inconnu mort insolvable il y a trente années, dont il n'a pas été possible de répudier la succession complétement ignorée ; qu'un tel résultat ne peut être entré dans la pensée du législateur à aucun titre, et ne peut s'induire d'une rédaction irrégulière de l'art. 789, quand les art. 774 et 775 déclarent formellement que l'acceptation d'une succession peut être faite purement et simplement ou sous bénéfice d'inventaire, et que nul n'est tenu d'accepter une succession, dispositions qui sont, sous une autre forme, la reproduction de la maxime de droit « que nul n'est héritier qui ne veut ; » — Considérant qu'à la vérité quelques jurisconsultes, qui ont soutenu le principe de l'hérédité forcée après trente années d'abstention, ont admis, pour adoucir la rigueur d'une telle règle de droit, que l'héritier ainsi saisi malgré lui pourrait accepter sous bénéfice d'inventaire ;-Mais que cette modification est précisément contraire au

7

CASSATION (CRIM.) 16 janvier 1863, ÉCRITS périodiques, MODIFICATIONS, EXPLOITATION, MISE EN SOCIÉTÉ, CONSEIL DE SURVEILLANCE, AUTORISATION NOuvelle.

étant mise en société, un conseil de surveillance est adjoint au directeur-gérant (2).

texte de l'article 789, qui dispose, en termes | Devienne, 1er prés. ; Barbier, av. gén. (concl.
généraux, que la faculté d'accepter est pre- conf.); Freslon et Lacan, av.
scrite, ce qui s'applique à toutes les formes
d'acceptation; et encore aux termes des art.
774 et 775, qui placent la liberté absolue de
ne pas accepter immédiatement après l'énon-
ciation des deux formes d'acceptation;-Con-
sidérant qu'étant ainsi écartée la qualité d'hé-
ritier par le fait de la prescription, attribuée
aux successibles qui ne se sont pas présen-
La disposition de l'art. 1er du décret du 17
tés pendant trente années, il en résulte qu'ils fér. 1852, qui exige l'autorisation du Gouver
sont étrangers à la succession, laquelle doit nement à raison de tous changements opérés
être partagée comme s'ils n'avaient jamais dans le personnel des gérants, rédacteurs en
existé; et que Edme Regley représentant, dès chef, propriétaires ou administrateurs d'un
lors, seul la ligne paternelle dans la succession journal, est applicable au cas où le droit d'ex-
dont s'agit, doit appréhender la moitié de la suc-ploiter le journal vient à être détaché du droit
cession;-Considerant que, pour empêcher ce de propriété et passe en d'autres mains que
résultat, les héritiers de la ligne maternelle celles du propriétaire. Elle est spécialement ap-
se prévalent vainement des expressions de plicable au cas où le propriétaire-gérant d'un
de l'art. 786, C. Nap., qui n'établissent la dé-journal autorisé met en commandite l'exploi
volution que pour la part du renonçant, d'où tation de ce journal, dont il se réserve expres-
ils veulent conclure que l'accroissement ne
sément la propriété (1). (L. 18 juill. 1828,
peut avoir lieu pour la part délaissée; -Que art. 6.)
l'art. 786 n'est qu'une application spéciale des
Il y a aussi changement des conditions dans
règles générales de la dévolution posées dans lesquelles s'exerce la gérance et l'administra-
les art. 750 et suiv.;-Qu'il serait impossible tion d'un journal, et par conséquent nécessité
de trouver un motif pour appliquer une règle d'obtenir une autorisation nouvelle du Gouver
différente à la part du renonçant et à celle denement, lorsque, l'exploitation du journal
l'indigne, de celui qui délaisse; que l'aban-
don par trente années de silence constitue
une renonciation tacite déclarée irrévocable
par la loi, ayant les mêmes effets que la re-
nonciation formelle, pour des droits hérédi-
taires comme pour tous autres ; -Considérant
que J.-B. Regley, en sa qualité de successible,
a trouvé dans l'hoirie du général Bergeron
deux droits, l'un, dès lors certain, d'une part
héréditaire, l'autre, éventuel, de dévolution
dans la ligne à laquelle il appartenait; Que
ces deux droits ne sont pas plus prescrits l'un
que l'autre, et doivent sur sa demande rece-
voir également satisfaction; Considérant
qu'il a été décidé avec raison que l'héritier 18 juill. 1828;-Sur le premier moyen, pris de la
LA COUR;-Vu les art. 6, 40 et 11 de la loi du
qui détient les biens d'une succession avant fausse application de l'art. 6... (sans intérêt);
tout partage laisse entières les questions de Sur le deuxième moyen, tiré de la fausse appli-
dévolution, et que ce n'est, en effet, qu'au cation et violation du même article, et des art. 10
jour du partage que les ayants droit peuvent et 11 précités, en ce que la déclaration était régu-
être reconnus et les règles de dévolution ap- lière, et qu'en tout cas elle ne pouvait être décla-
pliquées suivant les renonciations, les indi-rée frauduleuse :-Attendu qu'aux termes de l'art.
gnités, les abandons, et autres circonstances 6, S2, de la loi du 18 juill. 1828, toute mula-
de fait qui déterminent les conditions de di- tion parmi les propriétaires oblige le journal à une
vision de l'hérédité; - Considérant que si la
nouvelle déclaration; - Attendu que le Démocrate
restitution de la moitié de l'hérédité dont il du Var a pour propriétaire la société fondée par
s'agit, après plus de trente années de posses-ciété était une société en commandite par actions no
acte sous seing privé le 2 avril 1849; que cette so-
sion, est présentée, au nom de Vauchelet et de minales ou au porteur; que des changements nota-
la veuve Duvillard, comme une conséquence ri- bles ont été apportés aux conventions sociales par un
goureuse des principes susénoncés, il ne faut deuxième acte qui paraît être à la date du 20 mai
pas perdre de vue que les prétentions des sus- suivant ; qu'il ne s'agit pas de savoir quelle influence
nommés s'appuient exclusivement sur l'excep- de semblables changements peuvent avoir sur l'exis
tion toujours peu favorable de la prescription;tence de la première société au point de vue du
-Ordonne que Vauchelet et la veuve Duvillard droit commercial, mais bien s'ils pouvaient donner
(héritiers de la dame Roizot) seront tenus de lieu à une nouvelle déclaration dans le sens et les
restituer audit Regley, comme seul représen- termes de l'art. 6 précité;-Attendu que le jugement
tant la ligne paternelle, la moitié de tous les attaqué (du tribunal correct. de Draguignan, du 5 déc.
biens et valeurs dépendant de la succession les actions de 100 fr. ont été réduites à 4 fr. ; qu'elles
1850) constate que, par les nouvelles conventions,
de Armand-Jean Bergeron, etc.
ont été consolidées entre les mains des nouveaux ac-
tionnaires par la qualité de purement nominale qui

Du 25 nov. 1862.-C. Paris, 19 ch.MM.

(4-2) La Cour de cassation avait déjà jugé, le 22 mars 1851, qu'il y a mutation parmi les propriétaires d'un journal, dans le sens de l'art. 6 de la loi du 18 juill. 1828, lorsqu'il a été apporté aux statuts de la société à laquelle ce journal appartient des changements qui dénaturent la forme de transmissibilité des actions, détruisent la proportion d'intérêt jusqu'alors existante entre les actionnaires, et substisociété de tout autre nature.-Voici le texte de cet tuent à une société ayant un but commercial une arrêt (Pons, journal le Démocrate du Var):

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