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National? La Presse, oui ou non, est-elle le seul journal qui soit resté strictement dans la limite de la vérité absolue? Que les scrutins d'avril, de juin, de septembre et de décembre 1848 répondent pour nous!

Eh bien! nous l'affirmons, il en sera de la liberté comme il en a été du suffrage universel; elle aussi trompera toutes les craintes irréfléchies et toutes les espérances exagérées. Du jour où l'on ne pourra plus discuter sur la question de limite, de ce jour on cessera pleinement de s'occuper de la question de liberté. Les hommes se disputent la terre qu'ils partagent; ils ne se disputent pas l'air qu'ils respirent. Respirons la liberté, et ne nous la partageons pas. Toute discussion cessera.

C'est précisément parce que nous tenons compte des passions humaines, de ce vague et insatiable désir qui cherche et demande toujours une liberté nouvelle, que nous voulons en venir tout de suite à ce qu'on ne puisse plus en réclamer aucune. Quand l'adolescent a atteint l'époque marquée de sa majorité, il n'aspire plus à être majeur, il l'est. Quand nous aurons atteint cette époque d'entière liberté d'un peuple, qui peut se comparer à la majorité de l'individu, nous n'aspirerons plus à être majeurs, nous le serons. Est-ce à dire cependant que, parce que la liberté de discussion sera entière, les ambitions et les cupidités disparaîtront? Non, assurément, les cupidités et les ambitions resteront; mais l'attention du pouvoir ne sera plus détournée des sujets sérieux par des débats stériles. Quelle grande nation la France serait aujourd'hui si, depuis trente ans, tous les efforts qu'on a tentés pour restreindre sa liberté, on les avait employés pour accroître sa richesse!

Aux États-Unis (1), où la liberté n'est plus en question,

(1) Pour répondre à l'objection qui ne manquera pas de nous être faite, qu'on ne saurait assimiler les Etats-Unis à la France, à deux époques aussi différentes que celles de la fin du dix-huitième et du milieu du dixneuvième siècle, nous empruntons à l'éloge de Washington, par M. Guizot, le passage suivant :

Au milieu des États les plus civilisés, les plus sages, les théories les plus radicales obtenaient non seule ment faveur, mais puissance.

de quoi parle-t-on ? D'industrie, de commerce. Ouvrez les journaux américains, déployez-les, de quoi sont-ils remplis? Est-ce de dissertations sur la liberté? · Non. - Ils sont remplis de nouvelles et d'avis destinés au négociant, au capitaliste, à l'armateur et à tous les travailleurs. Nul n'ayant plus à s'occuper d'étendre sa liberté, chacun ne s'occupe plus qu'à faire ou qu'à grossir sa fortune.

La liberté d'association y est entière; on n'y voit éclater aucune insurrection; chez nous la liberté d'association est restreinte; nous sommes toujours en révolution.

La liberté d'enseignement n'y est assujétie à aucune autre surveillance que celle des familles; chez nous la liberté d'enseignement n'existe pas, les Français ont-ils plus de moralité que les Américains?

La liberté des cultes y est absolue, et les ministres d'aucune religion n'y sont salariés par l'État; chez nous le budget des cultes prélève 30 millions sur le budget de l'État, sommes-nous plus religieux en France qu'aux ÉtatsUnis?

» Les terres des États-Unis, écrit le général Knox à Washington, ont » été sauvées des confiscations de la Grande-Bretagne par les efforts de >> tous: elles doivent être la propriété commune de tous. Quiconque s'oppose » à cette maxime est un ennemi de la justice et mérite d'être balayé de la » face de la terre... Il faut annuler toutes les dettes publiques et privées, éta» blir des lois agraires, ce qui se peut au moyen d'un papier-monnaie sans »gage et à cours forcé.

» Ces rèves étaient accueillis dans le Massachusett, le Connecticut, le New-Hampshire, etc. Le mal paraissait si grave que Madison, l'ami de Jefferson, l'un des chefs du parti démocratique, regardait presque la société américaine comme perdue. »

(GUIZOT. Eloge de Washington.)

Ainsi l'Amérique, privée de l'unité qui fait la force de notre civilisation française, connut le pénible enfantement de la liberté; cela n'empêcha pas la nouvelle république d'avoir foi en son étoile et de marcher sous Jefferson, sous Madison et sous Jackson, dans les voies larges de la démocratie. Il est vrai qu'aux yeux de certains hommes, ce qui se passe aux États-Unis est de peu de conséquence comparé à ce que nous voyons. Pour ces gens là, le soleil qui se lève sur cette partie des bords de l'Atlantique n'est pas le même évidemment que celui qui nous éclaire. N'ou blions pas de remarquer toutefois que la thèse du droit de propriété était agitée et traitée dans ce pays par des bandes armées de quinze et vingt mille hommes. C'est encore M. Guizot qui nous l'apprend; et la démocratie intelligente est venue à bout de tout cela sans recourir au système de compression que nous combattons.

La liberté de la presse s'y exerce sans répression; chez nous, la liberté de la presse compte un procès par jour, notre gouvernement en est-il plus stable?

La liberté des théâtres n'y est assujétie à aucune censure; chez nous, la censure existe; le théâtre y est-il plus réservé ?

Les Etats-Unis, où toutes ces libertés existent, où ni clubs ni meetings ne sont interdits, quoique des ignorants prétendent le contraire, sont-ils donc en décadence? Si vous appelez décadence cet accroissement si rapide de puissance, cette prospérité fabuleuse des États-Unis, qu'appelez-vous donc grandeur? Est-ce la situation de la France depuis 1815, voyant chaque année son influence décroître et son budget augmenter?

Aux États-Unis et en Angleterre, où l'on a semé la liberté à pleines mains, on a récolté la stabilité; en France, où le pouvoir s'est montré avare de libertés, le peuple s'est montré prodigue de révolutions. Si ce contraste lumineux ne vous éclaire pas, ce serait vainement que nous prolongerions cette discussion; aussi bien nous apercevons-nous, mais trop tard, que nous avons eu tort d'accepter le débat sur notre terrain; c'est sur votre terrain que nous devions nous placer. Vous êtes pour la liberté limitée. Eh bien! faites donc une loi durable qui restreigne la liberté sans la supprimer. Nous vous en défions.

République, Consulat, Empire, Restauration de 1815, Révolution de 1830, République de 1848, ont entassé lois sur lois contre le droit de réunion et contre le droit de discussion, sans pouvoir en faire une seule qui fût efficace.

MM. Thiers, Cousin, Villemain, Guizot, de Broglie, ont présenté projets sur projets, rapports sur rapports, pour réglementer la liberté de l'enseignement, sans pouvoir, après dix-huit années de tentatives, aboutir jamais à autre chose qu'à des avortements législatifs.

MM. Cavaignac et Odilon Barrot, MM. Senard et Faucher ont lutté à l'envi contre les clubs; la loi du 28 juillet 1848 ne comptait pas huit mois d'existence que déjà l'insuffisance

en était déclarée, et que la même Assemblée nationale était saisie d'un autre projet. Qu'est devenu ce projet à la deuxième délibération?

Vous voulez faire tenir le monde politique en équilibre sur une idée fausse; cette idée fausse s'appelle: Liberté limitée vous n'y parviendrez pas; vous avez échoué dans le passé, vous ne réussirez pas mieux dans l'avenir ! Suffrage universel et Liberté limitée sont deux mots qui s'excluent.

1849.

CANDIDATURE REFUSÉE.

18 mars 1849.

Les mêmes motifs qui, le 14 février 1848, déterminèrent M. de Girardin, député de la Creuse, à donner sa démission, lui ont dicté la réponse suivante, adressée aux électeurs des départements de la Creuse, de la Charente, de la Loire-Inférieure, de l'Orne, de la Mayenne et de Tarn-etGaronne :

» Messieurs,

<< Paris, 18 mars 1849.

» L'hésitation qu'avaient fait naître dans ma pensée de pressantes lettres, trop nombreuses pour que je puisse répondre particulièrement à chacune d'elles, cette hésitation a entièrement disparu devant un examen approfondi de la situation telle qu'elle m'apparaît, telle qu'elle se dessine chaque jour plus nettement.

>> Je renonce à toute candidature, sans en excepter ni le département de la Creuse, où mes amis, je les en remercie, attendaient, avec impatience, l'occasion de prendre une éclatante revanche de l'échec si bien expliqué par les lettres des citoyens commissaires généraux, spéciaux, extraordinaires, supplémentaires, temporaires, anonymes, etc., Madier de Montjau, Guizard, Boissier, Leclerc, Cramouzaud, Laumond, Trélat, etc., etc., etc., ni le département de Tarn-et-Garonne, où je m'honore d'avoir conservé de si

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