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Majesté a nommé, pour les porter, MM. les conseillers d'Etat Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) et Deloè.

M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) prononce le discours suivant :

«Messieurs, depuis votre dernière session, le territoire d'une république voisine et amie a été réuni à l'empire. Déjà honoré de l'alliance de SA MAJESTÉ L'EMPEREUR ET ROI, un peuple entier a voulu passer sous son Gouvernement; son vœu unanime et légal a été exprimé par toutes les classes de citoyens, présenté par les magistrats, accueilli par Sa Majesté, et les Génois sont devenus Français.

Sa Majesté nous a ordonné de vous communiquer 1° l'acte des constitutions qui consacre la réunion du terriroire de Gênes à la France; 2o le sénatus-consulte qui assure pour l'an 1806 la représentation au Corps législatif des trois départements nouveaux de Gênes, Montenotte et les Apennins.

Avant de mettre ces actes sous vos yeux, nous vous exposerons rapidement les causes, les circonstances et les résultats du contrat auguste qui unit pour jamais la Ligurie à l'empire français.

Les lois communes des nations garantissent seules l'existence indépendante des puissances les plus faibles; elles existent au sein de la grande société européenne, sous la protection du droit des gens, comme les citoyens de chaque Etat existent sous la protection de la loi civile.

Mais s'il se trouve un gouvernement qui méconnaisse les règles du monde civilisé, qui brave les principes de la justice, qui insulte à la faiblesse, et fasse un droit de la force, alors les Etats d'un ordre inférieur, manquant de moyens pour résister à la violence, pour repousser les agressions, pour punir l'injure de leurs citoyens et de leurs magistrats, pour venger l'insulte de leur territoire et de leur pavillon, sont forcés, par le sentiment de leur infériorité, le soin de leur défense, le besoin de leur conservation, de s'agréger à un Etat plus étendu qui les couvre de sa protection, les enveloppe de sa puissance.

Tel a été, Messieurs, l'état de la république ligurienne.

Déchue de son antique splendeur, dépouillée du commerce qui fit sa richesse, veuve de sa marine militaire, impuissante à protéger les débris de sa marine marchande, exilée de l'Asie et de l'Afrique, où elle eut jadis des places et des comptoirs, réduite enfin à son territoire européen, Gênes n'avait plus pour garantie que le droit des nations, pour défense que la justice des Gouvernements.

Cette garantie a été violée, cette défense a été impuissante.

L'Angleterre et les puissances barbaresques poursuivaient sur les mers les restes de son commerce maritime, et en achevaient la destruction.

Les Africains emmenaient dans leurs ports et tenaient captifs dans leurs bagnes les navires et les matelots génois.

Les Anglais ne manquaient pas une occasion d'exercer sur les navires liguriens cette presse odieuse dans leur pays, et dont ils étendent la violence sur les étrangers, de la mer Baltique à celle des Indes, de l'archipel d'Amérique à celui de la Grèce.

Les flottes anglaises fermaient, à leur gré, les ports génois aux vaisseaux de toutes les nations, par l'exercice de ce prétendu droit de blocus, à l'aide duquel les amiraux anglais mettent en interdit les ports, les rades, les côtes où on méconnaît leur domination, où on n'admet pas leur mo

nopole, où on ne se soumet pas à leur tyrannie. Nous avons vu dans le port de Gênes, neutre alors, jusque sous le canon de ses batteries, aux yeux de ses citoyens indignés, malgré les réclamations de son Gouvernement impuissant, des vaisseaux français surpris, attaqués, enlevés, et leurs équipages massacrés ou mis aux fers par des vaisseaux anglais admis sous la foi du droit des gens.

Encore si les ressources agricoles de la Ligurie, si l'étendue de son territoire, si la force de sa population lui eussent permis l'espérance de suppléer aux pertes de son commerce, à l'anéantissement de sa marine, et de reprendre sur le continent une partie de la puissance qu'elle avait perdue sur les mers!

Mais le sol de la Ligurie était loin d'offrir des ressources suffisantes à ses habitants, et alors même qu'elle n'était qu'alliée de la France, elle tenait de son Gouvernement et de sa bienveillante condescendance presque tous les moyens de pourvoir aux besoins de ses citoyens et à la conservation de son existence politique.

Dans cette situation douloureuse, les vœux du peuple et du gouvernement génois se sont dirigés vers la nation française; tous les citoyens de ce pays malheureux ont tourné vers Sa Majesté des regards d'espérance; ils ont imploré sa protection, ils ont demandé de réunir la Ligurie à son Empire.

Les circonstances, les formes de cette réunion, Messieurs, sont assez remarquables pour être rappelées devant vous, déposées dans vos archives, et jointes à tant de monuments qui préparent l'histoire de cette époque mémorable.

C'est par le vou, nous pouvons dire unanime, de tous les habitants de la Ligurie, qu'ils ont changé leur nom contre celui de Français.

Quatre-vingt mille signataires, c'est-à-dire le sixième de la population entière de la république de Gênes, c'est-à-dire tous les habitants inscrits sur le registre civique, ont demandé à la France de les adopter.

Archevêques, évêques, prêtres, membres des universités, militaires, marins, juges, administrateurs, citoyens, tous enfin ont voulu chercher un refuge sous les ailes de l'aigle française.

Le 15 prairial (4 juin dernier), dans la ville de Milan, une députation du Sénat et du peuple génois, ayant le doge à sa tête, a déposé au pied du trône de Sa Majesté le vœu solennel de la réunion de leur pays à l'empire

Ce vœu à été accueilli par Sa Majesté; l'Europe l'a vue promettre aux Géñois, dans Gênes même, le titre de Français, et les faire reconnaître comme tels quelques mois après par l'empereur d'Autriche, à six cents lieues de Gênes, dans les plaines de la Moravie.

Le Sénat français a donné, le 16 vendémiaire, sa sanction à ce traité solennel, sollicité par un peuple généreux et brave, digne d'être réuni à la grande nation, et, après quelques semaines, l'Empereur l'avait déjà consacré par la victoire et scellé par la paix.

Déjà les heureux résultats de cette réunion se font sentir aux nouveaux départements français. Déjà ce pays, que les aigles françaises couvrent à peine depuis quelques mois de leurs ailes tutélaires, jouit des effets de leur puissance protectrice.

Une escadre a défendu ses côtes contre les Anglais, et permis aux neutres d'apporter dans ses ports des vivres et des denrées coloniales, et des matières premières pour les manufactures.

Le port de Gênes, conservant la franchise, commence à devenir et sera bientôt le dépôt des consommations de l'Italie, des productions des deux Indes, des richesses territoriales de la France, de l'Espagne, de Naples et de toute l'Italie, et sans doute aussi de la Grèce et de l'Egypte, de l'Afrique et de l'Asie.

Le pavillon français protége les vaisseaux génois jusque sur les côtés barbaresques, d'où ils furent bannis si longtemps.

Des vaisseaux rédempteurs commandés par ce jeune brave (1), l'espoir de la marine française, et déjà digne de son nom, ont été chercher en Afrique les Génois captifs; les bagnes se sont ouverts au nom de l'Empereur. Les fers des Liguriens ont été brisés, et peu de semaines ont suffi à leur habile et heureux libérateur pour les ramener dans leur patrie et les rendre à leurs familles.

Les lois civiles françaises sont publiées dans les départements réunis, et leur utile uniformité est substituée à l'incertitude, aux variations de la jurisprudence romaine.

La justice criminelle est rendue avec une rigoureuse impartialité; les jugements émanés des tribunaux ne sont pas impuissants et sans effet; et, soit par respect, soit par crainte, le crime ne se montre plus que dans quelques repaires presque déserts, où la vengeance sociale le poursuit et l'atteint.

Par ce contrat, l'empire français reçoit aussi des avantages en échange de ceux qu'il accorde.

L'Etat de Gênes était la partie maritime du Piémont déjà réuni, et les côtes manquaient à cette partie de la France. Elle les a recouvrées, et les ennemis de la France ne trouveront plus désormais, à l'ouest et au midi de la Méditerranée, un port pour ravitailler leurs flottes et déposer leurs émissaires.

Les marins génois trouveront sur nos vaisseaux de guerre des occasions de payer leur dette à leur patrie nouvelle, et de ressaisir leur antique gloire.

Les barrières des douanes se sont abaissées, et laissent entrer librement dans la Ligurie, devenue française, et dans la France, devenue métropole de la Ligurie, les produits de la culture et de l'industrie, les objets de luxe et de nécessité.

Le Sénat et le conseil d'Etat comptent parmi leurs membres des hommes désignés par Sa Majesté entre les plus distingués de ses nouveaux sujets. Enfin, Messieurs, vous verrez bientôt les députés satisfaits, glorieux de siéger près de vous et de s'associer à vos voeux, à vos travaux, et heureux de reporter dans leurs départements la tradition de vos principes, les lumières de votre expérience.

Un obstacle semblait s'opposer à ce que les nouveaux départements puissent jouir, dès cette année, de cette prérogative.

Les assemblées cantonales même ne sont pas organisées, et le temps manquait pour les former et préparer la tenue des collèges électoraux.

Cependant l'Empereur attachait un grand prix à voir les représentants de l'ancienne Ligurie apporter au milieu de vous le tribut de leurs connaissances locales, se pénétrer de votre esprit, et recevoir de Sa Majesté même, pour les transmettre à leurs concitoyens, l'assurance de son affection et de sa sollicitude pour leur bonheur.

Pour atteindre ce but, Sa Majesté a fait proposer au Sénat une mesure extraordinaire, justifiée par le grand intérêt que je vous ai fait connaître, et qui, ayant reçu la sanction des sages de l'empire, a pourvu, pour cette session même, mais

(1) Le prince Jérôme. T. IX.

pour cette session seule, à l'accomplissement des promesses et des intentions de Sa Majesté.

Dans le cours de l'année, de nouveaux députés seront désignés et nommés, selon les formes constitutionnelles, pour la session de 1807

C'est ainsi, Messieurs, que tous les efforts tentés contre la grande nation tournent à son avantage et à sa gloire; c'est ainsi qu'un gouvernement et un peuple faible, persécutés par nos ennemis, ont trouvé dans l'adoption d'un souverain puissant et d'un peuple heureux une communauté de gloire et de bonheur. Enfin, c'est ainsi que Sa Majesté reçoit, d'un côté, au- nombre de ses sujets et de ses enfants, des citoyens qui, par un vœu libre, sollicitent cette honorable adoption, lorsque, de l'autre, elle n'a gardé de ses conquêtes que la gloire de les avoir faites sans les retenir, et d'en restituer aux vaincus plus qu'elle n'en donne à ses alliés. »

L'orateur fait lecture des deux sénatus-consultes dont la teneur suit :

SENATUS-CONSULTE ORGANIQUE

Relatif à la réunion du pays de Gênes, et à la nomination de ses députés pour l'an 1806.

NAPOLEON, par la grâce de Dieu et les constitutions de la République, EMPEREUR DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT.

Le Sénat, après avoir entendu les orateurs du Conseil d'Etat, a DÉCRÉTÉ et nous ORDONNONS ce qui suit : Extrait des registres du Sénat conservateur, du 16 vendémiaire an XIV.

SÉNATUS-CONSULTE ORGANIQUE.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions de l'an VIII,

Vu le projet de sénatus-consulte organique, rédigé en la forme prescrite par l'article 57 du sénatus-consulte organique du 16 thermidor an X;

Après avoir entendu les orateurs du Conseil d'Etat et le rapport de sa commission spéciale, nommée dans la séance du 13 de ce mois;

L'adoption ayant été délibérée au nombre de voix prescrit par l'article 56 du sénatus-consulte organique du 16 thermidor an X,

Décrète ce qui suit :

Art. 1er. Les arrondissements de Gênes et de Novi, faisant partie du département de Gênes;

Ceux de Port-Maurice et de Savonne, faisant partie du département de Montenotte;

L'arrondissement de San-Remo, annexé au département des Alpes-Maritimes;

Les arrondissements de Chiavari, Sarzanne et Bardi, composant le département des Apennins, sont réunis au territoire de l'empire français.

Art. 2. Le département de Gènes, y compris les arrondissements de Bobbio, Vogherre et Tortone, dépendant ci-devant du département du Tanaro, aura trois députés au Corps législatif.

Le département de Montenotte, y compris l'arrondissement de Ceva, dépendant ci-devant du département de la Stura, et celui d'Acqui, dépendant ci-devant du département du Tanaro, aura trois députés au Corps législatif. Le département des Apennins aura deux députés au Corps législatif;

Ce qui porte les membres de ce Corps au nombre de trois cent vingt-quatre, déduction faite des trois députés qui étaient affectés au département du Tanaro, dont le territoire a été réparti entre plusieurs départements. Ces trois députés ne comptent plus parmi les membres du Corps législatif, à partir du 1er vendémiaire an XIV. Art. 3. Les députations des départements de Gènes, de Montenotte et des Apennins, seront nommées en l'an XIV elles seront renouvelées dans l'année à laquelle appartiendra la série où sera placé leur dépār

tement.

Art. 4. Le département des Apennins sera classé dans la première série ;

Le departement de Gênes, dans la seconde série, et le département de Montenotte, dans la cinquième. 8

Art. 5. La ville de Gênes sera comprise parmi les principales villes de l'empire dont les maires sont présents au serment de l'EMPEREUR à son avénement.

Art. 6. Le présent sénatus-consulte organique sera transmis par un message à SA MAJESTÉ IMPERIALE.

Les président et secrétaires: Signé JOSEPH
BONAPARTE, COLAUD, PORCHER.

Vu et scellé. Le chancelier du Sénat, Signé LAPLACE. Mandons et ordonnons que les présentes, revêtues des sceaux de l'Etat, insérées an Bulletin des lois, soient adressées aux cours, aux tribunaux et aux autorités administratives, pour qu'ils les inscrivent, dans leurs registres, les observent et les fassent observer; et le grand juge ministre de la justice est chargé d'en surveiller la publication.

Donné à notre quartier général impérial, à l'abbaye d'Elchingen, près Ulm, le 25 vendémiaire an XIV. Signe NAPOLEON.

Par l'Empereur :

Le secretaire d'Etat, Signe HUGUES B. MARET, Pour copie conforme,

Le secrétaire d'Etat, Signé HUGUES B. MARET.

SÉNATUS-CONSULTE

Qui nomme les députés des départements des Apennins, de Gênes et de Montenotte au Corps législatif.

NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les constitutions de la république, EMPEREUR DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT.

Le Sénat, après avoir entendu les orateurs du Conseil d'Etat, a DÉCRÉTÉ et nous ORDONNONS ce qui suit : Extrait des registres du Sénat conservateur, du samedi 22 février 1806.

SÉNATUS-CONSULTE.

Le Sénat conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'acte des constitutions de Ï'an VIII

Vu l'article 3 de l'acte des constitutions du 16 vendémiaire an XIV,et en attendant que les députations au Corps législatif des départements des Apennins, de Gênes et de Montenotte, puissent être nommés d'après les dispositions de l'acte des constitutions du 16 thermidor an X; Vu le projet de sénatus-consulte rédigé en la forme prescrite par l'article 57 de l'acte des constitutions, en date du 16 thermidor an X;

Après avoir entendu, sur les motifs dudit projet, les orateurs du Conseil d'Etat et le rapport de sa commission spéciale nommée dans la séance du jour d'hier;

L'adoption ayant été délibérée au nombre de voix prescrit par l'article 56 de l'acte des constitutions en date du 16 thermidor an X,

DÉCRETE Ce qui suit :

Art. 1er. Les membres que les départements des Apennins, de Gènes de Montenotte, doivent fournir au Corps législatif, sont nommés ainsi qu'il suit, savoir :

Pour le département des Apennins.

MM. Solari (Jean-Baptiste), de Chiaviari; Cornice (François-Aurèle).

Pour le département de Gênes.

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Art. 4. Le présent sénatus-consulte sera transmis par un message SA MAJESTE IMPERIALE.

Les président et secrétaires: Signe CAMBA CERES,
Archichancelier de l'empire, président.
CANGLAUX, DEPERE, secrétaires,

Vu et scellé. Le chancelier du Sénat
Signé LAPLACE.

Mandons et ordonnons que les présentes, revêtues des sceaux de l'Etat, insérées au Bulletin des lois, soient adressées aux cours, aux tribunaux et aux autorités administratives, pour qu'ils les inscrivent dans leurs registres, les observent et les fassent observer; et notre grand juge ministre de la jutice est chargé d'en surveiller la publication.

Donné en notre palais des Tuileries, le 22 février 1806.
Signe NAPOLEON.
Par l'Empereur :

Le secrétaire d'Etat, Signé HUGUES B. MARET.
Pour copie conforme,

Le secrétaire d'Etat, Signe HUGUES B. MARET.

L'orateur du Gouvernement dépose sur le bureau une expédition de chacun des sénatus-consultés dont il a fait lecture.

M. le Président, répondant à MM. les orateurs du Gouvernement, s'exprime en ces termes:

« Gênes a été, dans ce siècle,deux fois défendue par nos armes. Comme membres du Corps législatif, nous devons tous nous applaudir de compter parmi nos concitoyens les habitants d'une ville et d'un Etat qui furent le théâtre de la gloire d'un de nos plus illustres collègues. »

Le Corps législatif donne acte de cette communication faite au nom de SA MAJESTÉ L'EMPEREUR; arrête que les deux sénatus-consultes communiqués seront insérés au procès-verbal et déposés aux archives; ordonne en outre l'impression des sénatus-consultes, du discours de l'orateur du Gouvernement et de la réponse du Président.

On procède au quatrième scrutin, dans la forme précédemment annoncée, pour l'élection d'un secrétaire qui reste à nommer.

Il est constate, par ce dernier scrutin, que le nombre des votants est de 132, majorité 117, et que la majorité absolue s'est réunie sur M. Gauthier (de la Corrèze), qui a obtenu 166 suffrages.

En conséquence, M. Gauthier est proclamé secrétaire du Corps législatif.

M. le Président annonce qu'il est prévenu, par M. le secrétaire d'Etat, que des orateurs du Gouvernement se rendront à la séance de demain, pour présenter deux projets de loi dont ils développeront les motifs.

Le Corps législatif se forme en comité général relativement au discours prononcé par Sa Majesté à l'ouverture de la session, et à l'exposé de la situation de l'empire présenté par S. Exc. le ministre de l'intérieur, dans la séance d'hier. La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.
Séance du 7 mars 1806.

Le proces-verbal de la séance d'hier est adopté. Le Président propose d'adresser un message au Sénat conservateur pour lui annoncer que M. Macaire (du Morbihan) a donné sa démission de législateur; que MM. Schirmer (du Haut-Rhin), Manières (de la Dordogne), Catoire-Moulinville (de la Meuse) et Brelivet (des Côtes-du-Nord) sont décédés depuis la clôture de la session de l'an XIII.

Cette proposition est adoptée.

MM. Pelet (dela Lozère) et Begouen, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Pelet présente un projet de loi relatif à l'exemption de la contribution foncière pour la ville de Mayence. En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, le projet de loi que Sa Majesté Impériale et Royale nous a chargés de vous présenter a pour objet de relever les anciennes ruines que la guerre a laissées dans la ville de Mayence et dans les villages qui composent sa banlieue.

Vous reconnaîtrez à ces dispositions réparatrices le sceau de ce même génie qui, dans une campagne fertile en miracles, non-seulement a porté loin de nos frontières le théâtre de ses triomphes, mais encore a su, par un art merveilleux, épargner aux pays vaincus les désastres qui souillent presque toujours la victoire.

La ville de Mayence a éprouvé des bombardements et a soutenu des siéges mémorables : les villages de sa banlieue dénommés dans le projet de loi ont été plusieurs fois occupés par des armées ennemies; un grand nombre de maisons ont été renversées de fond en comble; et leurs propriétaires attendent pour les rebatir que le Gouvernement vienne à leur secours.

Il est juste, en effet, que l'Etat se prête à réparer, autant qu'il est en lui, les dommages qu'ont soufferts les particuliers dans les affaires d'Etat.

Dans plusieurs cas pareils, vous avez rendu des lois entièrement semblables à celles qu'on vous propose telles sont les lois du 7 ventôse au IX, et du 23 ventôse an XII, par lesquelles yous avez exempté de la contribution foncière, pour dix ans, toutes les maisons de Lyon, de Bressuire et de Châtillon, qui, détruites par l'effet de la guerre, seraient rebâties et se trouveraient élevées d'un mètre, au moins, au-dessus du sol, avant un délai déterminé.

La politique et l'équité réclament la même faveur pour Mayence et pour sa banlieue.

Située au confluent du Rhin et du Mein, vers le milieu de la frontière orientale de la France, Mayence est une des villes les plus intéressantes sous les rapports militaires et commerciaux. Elle est placée de manière à devenir le point central de communication entre le commerce du grand empire et celui de l'Allemagne. Il importe qu'elle soit peuplée, vivifiée, agrandie, que le premier pas du voyageur sur le sol français ne foule pas des décombres, et qu'à l'entrée du plus beau palais du monde, on ne laisse point une porte ruinée. Il convient enfin que Mayence et sa banlieue prennent une physionomie nouvelle pour un nouveau cours de prospérités.

Projet de loi.

Article 1er. Les propriétaires de la ville de Mayence département du Mont-Tonnerre, et les villages de sa banlieue, appelés Weisseneau, Laubenheim, Bodenheim, Zalbach, Bretzenheim, Gunsenheim, Monbach et Marienborn, dont les maisons ont été démolies ou détruites par l'effet de la guerre, et qui les ont fait ou feront rebâtir, seront exempts de toute contribution foncière sur ces maisons pendant dix ans.

Art. 2. Pour jouir de cette exemption, chaque propriétaire sera tenu de justifier, avant la fin de l'an XIV, que son bâtiment est relevé de deux mètres au moins au-dessus du sol.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

M. Begouen présente ensuite un projet de loi relatif à l'exemption de la contribution foncière pour les maisons rebáties à Argenton-le-Château, En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Je viens, Messieurs, appeler et fixer votre atten

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tion sur une ville de la Vendée. Ce nom, auquel s'attachent involontairement des souvenirs douloureux, ne peut manquer d'exciter votre intérêt.

Dans le cours de la guerre civile qui a ravagé cette belle contrée, les habitants d'Argenton-leChâteau, département des Deux-Sèvres, se sont constamment distingués par leur bonne conduite, leur soumission aux lois, leur dévouement à la patrie; ils ont excité la haine, ils ont éprouvé des vengeances; leur ville a été incendiée, détruite de fond en comble.

Elle contenait cent quatre-vingt-neuf maisons; toutes ont été brùlées on a commencé à en reconstruire soixante-six ou soixante-sept. Elle avait des marchés, des foires, quelques manufactures; elle liait par son commerce les campagnes environnantes avec d'autres petites villes ou villages voisins; elle y animait l'industrie et y entretenait l'amour du travail; elle était très-utile dans sa sphère d'activité, et concourait au bien général de la société, dans un rapport plus grand, peut-être, que ne semble l'indiquer sa population.

Ses habitants se sont attiré leurs malheurs par leur zèle, leur courage et leur fidélité : il importe à l'Etat de les en récompenser par sa généreuse protection, de les encourager à reconstruire leurs maisons, à rappeler leurs fabricants, à rétablir leurs ateliers, leurs foires, leurs marchés : il importe de faire disparaître des ruines qui ne doivent plus exister en aucun lieu, dans le recoin même le plus obscur de la France, sous le règne de Napoléon, du héros dont le génie sait se prêter aux moindres détails de l'administration générale de l'empire, lors même qu'embrassant dans ses vastes conceptions tous les intérêts de l'Europe, il en règle et fixe les destinées.

C'est sur ces motifs qu'est fondé le projet de loi que je suis chargé de vous présenter : elle accorde aux propriétaires d'Argenton-le-Château l'immunité de toute contribution foncière pendant dix ans sur les maisons qui sont ou seront reconstruites. La même faveur a été accordée, en l'an XII, à deux villes du même département, Bressuire et Châtillon. Les mêmes motifs avaient dicté la loi ; ils ont mérité alors, ils mériteront encore aujourd'hui, sans doute, votre approbation.

Projet de loi.

Article 1er. Les propriétaires de la commune d'Argenton-le-Château, département des Deux-Sèvres, dont les maisons, dans l'intérieur de cette ville, ont été démolies ou détruites pendant la guerre civile, et qui les ont fait ou feront rebâtir, seront exempts de toute contribution foncière sur ces maisons pendant dix ans.

Art. 2. Pour jouir de cette exemption, chaque propriétaire sera tenu de justifier, avant la fin de l'an XIV, que son bâtiment est élevé de deux mètres au moins au dessus du sol.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

En exécution des articles 18 et 28 de l'acte des constitutions de l'empire, du 28 frimaire an XII, le Corps législatif procède, par appel nominal, au scrutin secret, pour le choix de six candidats, parmi lesquels Sa Majesté l'Empereur et Roi nommera deux questeurs en remplacement de M. Delatre, sorti du Corps législatif, et de M. Terrasson, dont les fonctions de questeurs sont expirées. Le nombre des votauts est de 257.

M. Despalières ayant réuni 150 suffrages est proclamé candidat.

Aucun autre membre ne réunit la majorité absolue.

Le Corps législatif arrête qu'il procédera à un nouveau scrutin dans la séance de demain.

A trois heures l'Assemblée se forme en comité général.

A quatre heures la séance est rendue publique. M. le Président annonce que le Corps législatif a voté une adresse à l'Empereur.

La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF. PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 8 mars 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. Le Danois. Messieurs, le sénateur, grand officier de la Légion d'honneur, que SA MAJESTÉ L'EMPEREUR a proclamé le premier jurisconsulte de la France, M. Tronchet, est gravement malade. Celui, Messieurs, qui a eu une part si glorieuse à la confection du Code civil, de ce monument de la législation française, en reconnaissance duquel vous avez élevé une statue à NAPOLÉON LÉGISLATEUR, ne vous paraîtra-t-il pas devoir être l'objet de l'attention particulière de vous faire informer dans chacune de vos séances de l'état de sa maladie? Respecté dans toute la France, M. Tronchet l'est encore plus particulièrement dans cette enceinte, où nous avons été souvent à portée de reconnaître les sages effets de ses profondes lumières.

Si une marque publique de l'intérêt du Corps législatif peut parvenir, dans ce triste moment aux oreilles de M. Tronchet, il vous sera doux de lui offrir cette honorable consolation.

Je propose, Messieurs, d'arrêter que MM. les questeurs se feront informer chaque jour, au nom du Corps législatif, de l'état de la maladie de M. Tronchet, et que le bulletin de son état sera présenté et lu à chaque séance du Corps législatif. Cette proposition, appuyée, est renvoyée à la commission chargée de présenter un projet de règlement.

Le Corps législatif continue l'élection de six candidats pour le remplacement de deux questeurs. Dans deux scrutins successifs, MM. Nougarède, Pémartin et Caze-Labove réunissent la majorité absolue des suffrages.

Le Corps législatif arrête qu'il procédera demain à un quatrième scrutin.

MM. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) et Ségur, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) présente un projet de loi relatif à l'institution et nomination des prud'hommes à Lyon. En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, plusieurs institutions utiles se rattachaient au régime des corporations; les priviléges dont elles se prévalaient, les entraves qu'elles mettaient à l'exercice de l'industrie, les tributs qu'elles levaient sur ceux qu'elles recevaient à l'agrégation, ont disparu sans retour. La liberté dans l'exercice des professions est un bienfait qui sera conservé aux Français, et elle continuera de favoriser le perfectionnement de nos arts, la restauration de nos manufactures, le rétablissement de nos rapports commerciaux avec l'étranger.

Cependant, parmi les manufacturiers et leurs ouvriers, les artisans et leurs compagnons, la liberté a eu aussi sa licence qu'il a fallu réprimer; elle a encore ses abus qu'il faut détruire.

Déjà, Messieurs, vous avez sanctionné, en germinal an XI, une loi sur les manufactures, les fabriques et les ateliers, pour y ramener l'ordre et en rétablir la police.

Cette loi établit des chambres consultatives d'arts et métiers, et crée ainsi un moyen de centraliser, de recueillir les idées utiles et de les faire parvenir aux pieds du trône.

Elle laisse aux conceptions des hommes de l'art, à l'activité de leur imagination, qui doit être mobile comme la mode, variée comme le caprice, et pourtant sage comme le calcul, toute la liberté quí leur est nécessaire dans la fabrication de tant d'étoffes, dont le bon goût et le perfectionnement rendent les nations voisines tributaires de nos fabriques. Elle n'enchaîne pas l'esprit inventif dans les liens étroits de règlements inflexibles, limitant sans utilité les dimensions, le poids, le nombre de fils de laine, ou la nature de la trame des objets fabriqués.

Mais elle délégue au Gouvernement le droit de faire des règlements sur les produits des fabriques françaises; elle lui donne aussi le moyen d'empêcher la fraude, de préserver la bonne foi des tromperies, résultats trop fréquents des calculs mal entendus de quelques fabricants déloyaux; d'imprimer aux objets qui s'exportent une espèce de sceau national dont l'inspection seule appelle

et commande la confiance.

Sa Majesté, Messieurs, de l'avis de son Conseil, a exercé cette utile prérogative.

Dans son dernier voyage à Lyon, lorsqu'elle fixait les regards du génie et de la bienfaisance sur toutes les parties d'administration, sur toutes les industrie de cette cité, glorieuse de son affection, heureuse de lui devoir sa restauration, la chambre du commerce arrêta ses regards protecteurs, réparateurs et créateurs, sur les abus qui s'étaient introduits dans diverses branches de commerce, et spécialement dans la guimperie ou fabrique de fils d'or, dans la fabrique des étoffes de soie et argent, et dans celle des velours.

Un règlement fut rendu par Sa Majesté, le 20 floréal, et les fraudes des guimperies furent réprimées, la bonne foi fut commandée aux manufacturiers par des dispositions précises, le mélange de l'or et de l'argent fin et faux dans les étoffes cessa de prêter à l'infidélité, parce qu'il dut être désigné par une marque très-apparente. La qualité des velours ne fut plus un problème pour l'acheteur inexpérimenté, parce que le vendeur dut en signaler la diversité par celle des lisières.

Le même règlement porte les moyens de contraindre, par la sévérité des peines, les fabricants que l'esprit de justice ou le sentiment de leur devoir n'auraient pas trouvés dociles ou n'auraient pas trouvés soumis.

Mais la surveillance à exercer, les contraventions à réprimer demandaient d'autres instruments que ceux de l'administration générale de l'empire, et même l'administration particulière de la cité d'autres agents que ceux de la police ordinaire.

Ces fonctions exigent des connaissances que les fabricants seuls ou les chefs d'atelier peuvent réunir. Elles exigent aussi, avec la sévérité inflexible du magistrat, une sorte de bonté paternelle qui tempère l'austérité du juge, permette quelquefois l'indulgence, appelle sans cesse la confiance et aide toujours à la soumission.

Elles étaient exercées avant 1789 par les juges, gardes ou syndics des communautés.

Sa Majesté a cru convenable de les confier à des prud'hommes choisis, partie dans le nombre des négociants-fabricants, partie dans le nombre des chefs d'atelier.

de tribunal de fa

L'institution de cette espècnnais, est contenue mille, invoquée par les dans le titre premier de la loi que je vous apporte.

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