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CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 11 mars 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. MM. Cretet et Lavalette, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Cretet présente un projet de loi relatif à la taxe pour les réparations et reconstructions du port de Puer. En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, le lac du Bourget, enclavé dans le département du Mont-Blanc, verse ses eaux dans le Rhône par un canal qui permet aux bateaux de passer du fleuve dans le fac. Cette navigation rapproche Lyon, la capitale du Mont-Blanc, et les principales routes de ce département.

Les sels destinés à la consommation du pays entrent dans le lac du Bourget on a vu quelquefois le Piémont s'approvisionner par cette voie. Cette navigation facilite l'exportation des bois et des objets manufacturés dans les environs du lac. Enfin, l'on a vu les approvisionnements de l'armée des Alpes user avec avantage de cette même navigation.

Mais le lac du Bourget, entouré de hautes montagnes, est exposé à de violents orages qui compromettent la sûreté des navigateurs. Les anciens souverains de la Savoie avaient fait établir sur la rive occidentale du lac un môle, connu depuis sous le nom de port de Puer; auprès de ce môle est construit un vaste magasin qui appartient à la compagnie Rambert.

Ce môle était en lui-même une protection insuffisante: elle est devenue nulle par les dégradations qui y sont survenues.

Dans cet état de choses, la compagnie Rambert a offert au Gouvernement de substituer au môle un port ou enceinte fermée, dans lequel les bateaux seront à l'abri des vagues et du vent.

Ce projet a été examiné par l'administration des ponts et chaussées, et l'utilité en a été reconnue. La dépense de son établissement est évaluée à 20,164 francs.

La compagnie Rambert offre de faire construire ce port à ses frais; elle demande pour indemnité la concession pendant vingt-cinq ans d'un octroide 15 centimes par quintal pour les marchandises qui débarqueront, et 10 centimes pour celles qui seront embarquées.

A l'expiration des vingt-cinq ans, le port sera remis en bon état au Gouvernement, qui remboursera alors à la compagnie Rambert la moitié des dépenses de construction.

Toutes ces conditions sont justes, et le Gouvernement, qui ne croit devoir négliger aucun des moyens d'améliorer le commerce et l'industrie, a jugé que les propositions de la compagnie Rainbert devaient être accueillies par une loi.

Projet de loi.

Art. 1er. La compagnie Rambert est autorisée à réparer, à ses frais, le port de Puer, situé au sud-est du lac du Bourget, et à y faire les changements et améliorations nécessaires, sous la surveillance et direction de l'ingénieur en chef du département du Mont-Blanc, et conformément aux devis et détails estimatifs, arrêtés le 18 germinal an XII, à la somme de 20,164 francs.

Art. 2. Les constructions seront entièrement achevées au 1er germinal de l'an XV.

Art. 3. La société est autorisée à percevoir, pendant vint-cinq ans, sur tous les objets d'exportation et d'importation audit port, un droit dont le tarif est fixé ains qu'il suit :

Pour chaque quintal de marchandise débarquante, 15 centimes.

Pour chaque quintal de marchandise embarquante, 10 centimes.

Art. 4. Les objets, soit d'importation, soit d'exportation, appartenant directement au Gouvernement, jouiront d'une entière franchise, sans cependant qu'elle puisse s'étendre au bénéfice des compagnies qui auraient traité avec lui.

Art. 5, A l'expiration du terme ci-dessus désigné, pour la jouissance de la compagnie Rambert, le Gouvernement entrera en toute propriété et jouissance du port, qui lui sera remis en bon état, moyennant quoi il sera remboursé à la compagnie la moitié des dépenses, fixée à la somme de 10,082 francs.

Art. 6. La société sera tenue d'entretenir le port en bon état, et de se conformer à cet égard aux avis et instructions qui lui seront donnés par l'ingénieur en chef. Il lui sera facultatif de faire toutes clôtures nécessaires, soit pour la conservation des môles, soit pour la perception des droits, à la charge cependant de ne point gèner le service ordinaire de la navigation.

Art. 7. La remise du port au gouvernement ne pourra déroger en rien aux droits de propriété acquis à la compagnie, sur les bâtiments servant de magasin et leurs dépendances.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message. La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.
PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.
Séance du 12 mars 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est lu et adopté.

M. le Président. J'ai l'honneur de communiquer à l'Assemblée un message contenant lé décret impérial dont la teneur suit :

« Au palais des Tuileries le 11 mars 1806. «Napoléon, Empereur des Français et roi d'Italie,

« Législateurs, vu le message en date du 10 de « ce mois, par lequel le Corps législatif, confor« mément à l'article 18 du sénatus-consulte organique du 18 frimaire an XII, présente comme

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« candidats à deux places de questeurs:

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« MM. Despalières, Nougarède, Pémartin, CazeLabove, Beaufranchet et Lombard-Taradeau.

« Nous avons nommé et nommons

MM. Despalières et Nougarède, questeurs du Corps législatif.

« Signé NAPOLÉON. »

MM. Defermon et Lacuée, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Defermon présente un projet de loi relatif à un abandon de biens nationaux en remplacement de propriétés prises pour les fortifications d'Alexandrie. En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, le projet de loi dont je viens vous donner lecture est une mesure nécessaire pour assurer à un grand nombre de citoyens la propriété incommutable des domaines nationaux qui leur ont été accordés en remplacement de leurs anciennes propriétés.

Le Corps législatif reconnaîtra facilement la sage prévoyance du Gouvernement dans l'établissement ordonné à Alexandrie. Celui qui sait toujours vaincre ne néglige aucun des moyens de garantir de toute insulte les fontières de l'empire; et Alexandrie a été choisie comme un des points les plus importants pour arrêter les tentatives que pourraient hasarder nos ennemis.

Cette place, destinée à devenir un des premiers boulevards de l'empire, a exigé des dispositions

tant pour les fortifications que pour tous les établissements militaires, qui ont nécessité l'abandon d'un grand nombre de propriétés privées.

L'équité et la justice prescrivaient des estimations qui assurassent aux citoyens dépossédés la légitime indemnité des sacrifices qu'on leur demandait; ces estimations ont été faites avec la plus grande régularité, et on a procédé de même à l'estimation des domaines nationaux donnés en remplacement; tout concourt donc à persuader le Gouvernement que la sanction qu'il vous demande à cette opération ne peut éprouver aucune difficulté.

Projet de loi.

Les particuliers et les établissements publics, autres que la commune d'Alexandrie, propriétaires de terrains enclavés dans l'enceinte des fortifications d'Alexandrie, désignés dans l'état no 1er, en date du 29 nivôse an XII, sont définitivement déclarés propriétaires incommutables des domaines nationaux désignés dans l'Etat no 2, daté du 25 germinal suivant, et desquels il ont été envoyés en possession provisoire, en exécution de l'acte de partage du 22 floréal même année, approuvé par le préfet le 24, lequel, ainsi que les états nos 1 et 2, demeureront annexés à la minute de la présente loi.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

M. Siméon succède à la tribune à M. Defermon et présente un projet de loi relatif à l'attribution aux agents supérieurs de l'administration forestière des délits commis dans les forêts.

En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, la conservation des forêts est un des objets les plus importants de l'administration publique; ces grandes et belles propriétés fournissent à l'Etat et à la Couronne des revenus considérables; aux arts et à tous les citoyens, un objet de première nécessité; à la marine marchande et militaire, des moyens sans lesquels elles ne feraient que languir et deviendraient tributaires de l'étranger.

L'ordonnance publiée en 1669 sur les eaux et forêts, avait mis dans les mèmes mains l'autorité administrative et l'autorité judiciaire; notre législation les a séparées; elle crée une administration générale pour régir et conserver les forêts; elle a laissé aux magistrats le soin de surveiller et de réprimer les délits et les malversations qui les dégradent.

Mais les magistrats, distraits par d'autres soins non moins importants, ne peuvent pas toujours mettre dans leur surveillance l'activité qu'y apportera nécessairement la tête d'une administration uniquement occupée des forêts.

Sans entendre rien ôter, ni à la juridiction des tribunaux, qui jugeront les délits, ni même à la surveillance de sûreté qui continuera d'être exercée ainsi qu'elle l'est à présent, Sa Majesté a pensé qu'il serait utile d'adjoindre à cette surveillance celle des administrateurs principaux des forêts nationales et du domaine de la Couronne.

Alors les délinquants auront doublement à craindre d'être traduits en justice, soit par la police judiciaire, soit par l'administration concurremment investie de cette police; alors les délits seront, en plusieurs occasions, plus facilement constatés; alors des preuves qu'il est quelquefois urgent de recueillir n'échapperont pas; elles seront apportées à la justice avec plus de célérité et peut-être avec plus de lumières, par des hommes constamment appliqués à découvrir les abus

et les malversations commis dans les forêts, et à déchirer les voiles sous lesquels la fraude cherche continuellement à les cacher.

Tel est le but du projet de loi que nous sommes chargés de vous présenter, et qui tend à attribuer aux agents supérieurs de l'administration forestière, dans certains cas, les poursuites et la procédure entre les prévenus de délits et malversations commises dans les forêts.

Ces cas sont d'abord celui où des agents de l'administration seraient coupables de délits: il est naturel que les supérieurs à l'égard desquels ils sont responsables, non-seulement les dénoncent, mais constatent directement des malversations qu'il leur est plus facile qu'à personne de reconnaître et de développer.

On pourvoit à ce que la compétence qui leur est attribuée ne soit pas rendue inutile par la complicité d'hommes étrangers à l'administration; celui qui avait charge d'empêcher le délit qu'il s'est permis est le plus coupable, et le plus coupable doit attirer dans la même instruction celui qui l'est moins, et dont les agents prévaricateurs rechercheraient toujours l'association, si elle leur fournissait le moyen d'échapper à l'œil scrutateur de leur chef.

En second lieu, l'action des agents supérieurs de l'administration sera autorisée, même contre des étrangers à l'administration, seule et sans complicité avec des agents forestiers, s'ils sont surpris en flagrant délit par les agents supérieurs eux-mêmes. Il est toujours résulté du flagrant délit une espèce de magistrature, de laquelle la nécessité investit, avec plus ou moins d'étendue, quiconque a la possibilité de l'arrêter et de le saisir. Si un simple particulier peut et doit arrêter un malheureux dans l'action du crime, des administrateurs peuvent recevoir de la loi de plus grands pouvoirs pour la défense de la chose qu'ils administrent; ils ont déjà la confiance du souverain : si elle ne s'étend pås jusqu'à leur accorder une juridiction pleine et entière, il n'y a aucun inconvénient, il n'y a que de l'avantage à leur donner la faculté de constater des faits, d'instruire contre leurs subordonnés et même contre tous délinquants pris sur le fait et de les conduire jusqu'aux tribunaux chargés du jugement.

Vous remarquerez, Messieurs, avec quelle réserve ce nouveau pouvoir est établi. S'il est donné pour tous les cas contre les agents de l'ad ministration, il ne touche aux étrangers que lorsqu'ils sont surpris en flagrant délit par les administrateurs supérieurs. Dans tous les autres cas, les étrangers à l'administration restent exclusivement sous la surveillance et la poursuite des magistrats ordinaires.

Ce n'est point à tous les agents forestiers que ce pouvoir est décerné, mais seulement au directeur général, aux administrateurs généraux et aux conservateurs, c'est-à-dire à des chefs principaux, tous élevés par leur place et leurs lumières, au-dessus des faiblesses ou des préventions, ou des négligences que l'on pourrait craindre de la part des agents inférieurs.

Ce pouvoir n'excède pas celui du magistrat de sûreté; il s'arrête au mandat d'arrêt exclusivement; il n'attirera point au loin les prévenus et les témoins. L'instruction permise aux agents supérieurs de l'administration a l'un de ses fondements principaux dans leur présence sur les lieux, soit qu'ils s'y trouvent en tournée, soit que des malversations graves les y aient appelés.

Après qu'ils auront complété l'instruction, ils renverront les prévenus et les pièces devant le

directeur du jury, et la procédure sera suivie dans les formes accoutumées.

Rien n'est donc innové, si ce n'est qu'il y aura, pour les forêts des deux domaines de l'Etat et de la Couronne, de doubles magistrats de sûreté, les magistrats de sûreté ordinaires et les administrateurs principaux des forêts qui rempliront concurremment les mêmes fonctions pour instruire et préparer la poursuite des délits.

Voilà, Messieurs, les motifs qui ont dicté le projet de loi.

Projet de loi.

Art. 1er. Lorsque les délits contraires à la police et à la conservation des bois auront été commis, soit dans une forêt nationale, soit dans une forêt de la couronne, et que, parmi les prévenus ou complices, il y aura un ou plusieurs agents ou préposés de l'administration des forêts, le directeur général de l'administration des forêts nationales, les cinq administrateurs desdites forêts, l'administrateur général des forêts de la couronne, et les conservateurs qui leur sont respectivement subordonnés, pourront en dresser procès-verbal, et instruire, ainsi qu'il sera expliqué ci-après, tant contre celui ou ceux des prévenus qui seront agents ou préposés de l'administration que contre leurs complices, quoiqu'ils ne soient point agents ou préposés de l'administration des forêts.

Art. 2. Ils pourront également dresser procès-verbaux, et instruire contre toutes personnes qu'ils surprendront en flagrant délit, sans qu'il soit nécessaire, dans ce cas, que, parmi les prévenus, il y ait un ou plusieurs agents ou préposés de l'administration.

Art. 3. Le directeur général de l'administration des forêts nationales, les cinq administrateurs desdites forêts, l'administrateur général des forêts de la Couronne, et les conservateurs, sont, en conséquence, autorisés, dans les cas déterminés par les articles précédents, à délivrer, lorsqu'il y aura lieu, tous mandats d'amener ou de dépôt, à interroger les prévenus, à entendre les témoins, à faire toutes recherches, perquisitions ou visites qui seront nécessaires, à saisir les bois de délit, les voitures, chevaux, instruments et ustensiles des délinquants, à apposer des scellés, et généralement à faire jusqu'au mandat d'arrêt exclusivement et en se conformant aux lois sur l'instruction correctionnelle et criminelle, tout ce que les magistrats de sûreté et directeurs de jury pourraient faire.

Art. 4. L'instruction devra être faite sur les lieux, ou dans une des communes de l'arrondissement où le délit aura été commis.

Art. 5. Lorsqu'ils procéderont aux opérations ci-dessus indiquées, ils pourront se faire assister d'un agent inférieur de l'administration, qui remplira les fonctions de greffier, et auquel ils feront préalablement prêter le serment de les remplir fidèlement.

Art. 6. Après l'instruction, si le délit n'est susceptible que de peines correctionnelles, le directeur général de l'administration des forêts nationales, l'administrateur général des forêts, ou le conservateur qui aura instruit, renverra les prévenus et les pièces devant le directeur du jury, qui, suivant la nature du délit, renverra luimême devant le tribunal compétent, soit spécial, soit criminel, soit de police correctionnelle, pour y être procédé conformément aux lois.

Art. 7. Les substituts, magistrats de sûreté, directeurs de jury et autres fonctionnaires de l'ordre judiciaire, auxquels la poursuite des délits est confiée, n'en demeurent pas moins chargés de faire directement et d'office toutes les diligences convenables pour atteindre et faire punir, dans les cas ci-dessus déterminés, comme dans tous autres cas, les auteurs et complices des dégradations et malversations commises dans les forêts nationales et dans les forêts de la Couronne, et, en cas de concurrence entre eux et les officiers supérieurs des forêts, la poursuite du délit demeurera à ceux qui, les premiers, auront délivré un mandat, soit de dépôt, soit d'amener, soit d'arrêt.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message. La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. REINAUD-LASCOURS,
PRÉSIDENT.

Séance du 13 mars 1806.

VICE

Le procès-verbal de la séance d'hier est adoptée.

M. Prati-Rovagnasque (Marengo), membre du Corps législatif, écrit que les suites d'une maladie grave qu'il vient d'essuyer ne lui permettent pas, dans ce moment, d'entreprendre le voyage nécessaire pour se rendre à son poste, et qu'il s'empressera de se réunir à ses collègues le plus tôt qu'il lui sera possible. A cette lettre est joint un certificat de médecin.

M. Befroy, ex-législateur, fait hommage au Corps législatif d'un mémoire imprimé, intitulé: Impôt sur les boissons sans exercice.

Le Corps législatif ordonne la mention de cet hommage au procès-verbal et le dépôt de l'ouvrage à sa bibliothèque.

MM. Defermon et Réal, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Defermon présente deux projets de loi, le premier relatif au mode de payement des gardes des bois des communes qui n'ont pas de revenus; le deuxième, aux détenteurs, à titre d'emphyteose, des biens situés dans la commune d'Esserts (Yonne), En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs du projet de loi sur le mode du payement des gardes de bois des communes qui n'ont pas de revenus pour les payer.

Messieurs, il existe dans l'empire beaucoup de communes qui ont des bois communaux, et un assez grand nombre d'entre elles qui n'ont ni revenus ni affouages suffisants pour acquitter le salaire des gardes préposés à la conservation de ces bois.

Le meilleur moyen de garantir les bois des dévastations dont on a eu trop à gémir, est de les faire garder soigneusement; mais on ne peut attendre de bons services de la part des gardes qu'autant que leur salaire sera exactement payé.

On pouvait obtenir cet avantage en faisant faire, par le trésor public, l'avance de ces salaires, jusqu'au moment des ventes, sur le produit desquelles il s'en serait remboursé; mais il n'était ni d'une bonne administration, ni conforme à la justice d'employer ainsi les fonds publics pour l'intérêt privé de quelques communes.

Les bois communaux sont une propriété des communes qui en possèdent; elles en jouissent ou par affouages destinés à la consommation de leurs habitants, ou par ventes dont le produit est employé à leur profit; il est juste qu'elles en supportent les charges, et c'est sur ce principe qu'est fondé l'article 1er de la loi.

L'article 2 a pour but de prévenir tout abus dans la répartition de cette charge l'imposition additionnelle qu'elle entraîne devra être autorisée par un règlement d'administration publique.

Le Corps législatif ne peut douter de l'attention du Gouvernement à n'accorder ces autorisations qu'après avoir reconnu la nécessité de recourir à l'imposition additionnelle, et la quotité à laquelle elle doit être fixée; ainsi tout concourt à prouver au Corps législatif la nécessité de la loi proposée, et que son exécution ne peut entraîner d'inconvénients.

Projet de loi.

Art. 1er. Le montant des salaires des gardes des bois des communes qui n'auront ni revenus ni affouages

suffisants pour l'acquitter, sera ajouté aux centimes additionnels des contributions de ces communes.

Art. 2. L'imposition additionnelle ne pourra avoir lieu que sur l'autorisation du Gouvernement, par décret d'administration publique.

Motifs du projet de loi portant abandon de la propriété aux détenteurs, à titre d'emphyteose, des biens situés dans la commune d'Esserts, département de l'Yonne.

Messieurs, l'ancienne abbaye d'Erigny possédait très-anciennement, dans un lieu désert qui compose aujourd'hui une grande partie du territoire de la commune d'Esserts, une grange entourée de terres couvertes de broussailles et d'épines. Elle concéda ses terres à des familles de cultivateurs qui les défrichèrent, y bâtirent des maisons, et qui en jouissent depuis environ six siècles.

Le 18 octobre 1771, l'abbaye en passa aux détenteurs un nouveau bail emphyteotique de quatrevingt-dix-neuf ans, à la charge de payer, au temps des récoltes, une portion de fruits et quelques autres menues prestations, le tout estimé par le bail à un revenu de 500 francs.

Les lois sur les domaines nationaux ont prescrit des règles particulières pour la mise à prix et la vente de ceux tenus à bail emphyteotique, et on eût pu, d'après les lois, faire vendre aux enchères les biens possédés par les emphytéoles de la commune d'Esserts; mais en suivant cette forme générale, les acquéreurs eussent eu la faculté d'évincer à la fin du bail les cultivateurs qui ont défriché et fertilisé le sol, bâti des maisons et donné pour ainsi dire l'existence à leur

commune.

Le Gouvernement a reconnu combien cette mesure serait fàcheuse pour ces intéressants cultivateurs. Il a été procédé par des experts à l'estimation des biens compris dans l'emphyteose; cette estimation en a porté le revenu à 987 fr. 19 c.

Le préfet, l'administration des domaines attestent que cette estimation a été bien faite, et pour concilier avec l'intérêt du Gouvernement celui des cultivateurs d'Esserts, il ne faut qu'assurer au trésor public la rentrée du montant de l'estimation, et aux détenteurs emphytéotes la propriété des biens de leurs emphyteoses.

L'article 1er de la loi a pour objet de remplir ce

but.

L'article 2 donne aux emphytéotes d'Esserts les moyens de se libérer de la manière la plus convenable à leurs interêts; il leur accorde dix ans, et dispose qu'il sera fait un rôle particulier pour la perception, sur toutes les propriétés de l'emphyteose, du dixième à payer chaque année, de sorte que ces intéressants cultivateurs ne seront plus dans l'inquiétude d'être chassés des lieux qu'ils ont arrosés de leurs sueurs, et parviendront à leur libération aux moindres frais possibles.

Le Corps législatif partagera sans doute les vues bienfaisantes qui ont déterminé le Gouvernement à proposer ce projet de loi.

Projet de loi.

Art. 1er. Tous les détenteurs, à titre d'emphytéose, de biens situés sur le territoire de la commune d'Esserts, département de l'Yonne, provenant de l'ex-abbaye de Rigny, sont déclarés propriétaires incommutables, à la charge par eux de payer la somme de 19,743 fr. 80 c.

Art. 2. Cette somme sera payable en dix années, et répartie par dixième, par un rôle particulier, sur toutes lesdites propriétés, qui demeureront spécialement affectées au payement de ladite somme jusqu'à son entier acquit

tement.

Le Corps législatif arrête que ces projets de lois seront transmis au Tribunat par un message. La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.
PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.
Séance du 14 mars 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est lu et adopté.

MM. Defermon et Jaubert, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Defermon présente un projet de loi relatif à la prescription des droits d'enregistrement des inscriptions et transcriptions hypothécaires. En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, les lois civiles ont établi la prescription comme un moyen nécessaire pour assurer la tranquillité des familles; mais ce qu'elles ont fait pour les transactions ordinaires de la société a toujours été reconnu plus indispensable contre les prétentions du fisc; aussi toutes les lois de perception au profit du trésor public fixent les délais passé lesquels il n'est plus recevable à exercer d'actions contre les redevables.

Les lois relatives aux droits d'hypothèques sont muettes à ce sujet, et des demandes formées par des conservateurs en supplément de droit de transcriptions ont donné lieu aux parties de réclamer la prescription, et fait apercevoir l'insuffisance de la législation dans cette partie.

Le Gouvernement,qui ne doit pas moins veiller à l'intérêt des particuliers qu'à celui du trésor public, a reconnu la nécessité d'une disposition législative qui conciliat l'un et l'autre.

La loi du 22 frimaire an VII a réglé la prescription en matière d'enregistrement, et les motifs qui ont déterminé ses dispositions ont paru entièrement applicables aux droits d'inscriptions et de transcriptions hypothécaires; c'est l'objet du projet de loi qui vous est présenté, et le Corps législatif, en l'adoptant, préviendra toute difficulté à l'avenir dans cette partie.

Projet de loi.

Les dispositions de l'article 61 de la loi du 22 frimaire an VII, concernant la prescription des droits d'enregistrement, seront, à compter de la publication de la présente loi, applicables aux perceptions des droits d'inscriptions et de transcriptions hypothécaires établis par les chapitres II et III du titre 2 de la loi du 21 ventôse an VII.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

M. Jaubert succède à la tribune à M. Defermon et présente un projet de loi relatif au transfert d'inscriptions de 5 0/0 consolidés, appar

tenant à des mineurs ou interdits.

En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, le transfert des inscriptions ou promesses d'inscriptions de 5 0/0 consolidés, appartenant à des mineurs ou à des interdits, éprouve des entraves qui ont donné lieu à des réclamations de la part des familles, et qui ont dù nécessairement exciter la sollicitude paternelle de Sa Majesté.

Le Code civil a sagement prescrit des formalités pour la vente des biens meubles des mineurs; mais la première règle est que les précautions qui ne sont établies que pour la conservation de leurs intérêts ne tournent pas à leur préjudice.

C'est cependant ce qui arriverait si les règles

générales, prescrites pour la vente des meubles des mineurs et des interdits, devaient s'appliquer aux inscriptions ou promesses d'inscriptions.

Il y a des promesses d'inscriptions pour des sommes au-dessous de 50 francs.

Si donc il fallait, pour la vente de ces effets, recourir à des publications et à des affiches, et exiger la rédaction d'un procès-verbal de vente, comme l'article 452 du Code civil le prescrit indéfiniment pour la vente des meubles des mineurs, on voit que le produit du capital serait souvent absorbé par les frais.

Dans cette espèce de vente, la mise aux enchères ne pourrait être que préjudiciable aux propriétaires; les inscriptions ou promesses d'inscriptions ne doivent jamais être vendues qu'au cours du jour.

Le projet de loi que Sa Majesté Impériale et Royale nous a ordonné de vous présenter a pour objet d'établir un ordre de choses aussi évidemment utile, et qui n'altérera en aucune manière le mode et les règles établies pour la responsabilité des tuteurs et curateurs en ce qui concerne le produit de la vente.

Le projet comprend: 1° les inscriptions qui n'excédent pas 50 francs; 2° les inscriptions qui excèdent 50 francs.

Pour les inscriptions qui n'excèdent pas 50 francs, les tuteurs et curateurs des mineurs non émancipés pourront faire le transfert sans aucune autre formalité que celle de faire constater le cours du jour; et les mineurs émancipés n'auront besoin que de l'assistance de leurs curateurs.

Pour les inscriptions qui excèdent 50 francs, il ne faudra que l'autorisation du conseil de famille et le certificat constatant le cours des inscriptions au jour de la vente.

L'emploi du prix de la vențe, pour le cas où il est exigé, et la surveillance que le curateur doit exercer, rentrent dans le droit commun.

Le Gouvernement a pensé, Messieurs, que ces dispositions étaient conformes à la justice et à l'intérêt des mineurs et des interdits, et qu'ainsi elles méritaient la sanction du Corps législatif. Projet de loi.

Art. 1er. Les tuteurs et curateurs des mineurs ou interdits, qui n'auraient en inscriptions ou promesses d'inscriptions de 5 0/0 consolidés qu'une rente de 50 francs et au-dessous, en pourront faire le transfert sans qu'il soit besoin d'autorisation spéciale, ni d'affiches, ni de publication, mais seulement d'après le cours constaté du jour et à la charge d'en compter comme du produit des meubles.

Art. 2. Les mineurs émancipés qui n'auraient de même en inscriptions ou promesses d'inscriptions qu'une rente de 50 francs et au-dessous, pourront également les transférer avec la seule assistance de leurs curateurs, et sans qu'il soit besoin d'avis de parents ou d'aucune autre autorisation.

Art. 3. Les inscriptions ou promesses d'inscriptions au-dessus de 50 francs de rente ne pourront être vendues par les tuteurs ou curateurs, qu'avec l'autorisation du conseil de famille et suivant le cours du jour légalement constaté dans tous les cas, la vente pourra s'effectuer sans qu'il soit besoin d'affiches ni de publication.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message. La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. GOLZART, VICE-PRÉSIDENT.

Séance du 15 mars 1806.

MM. Pelet et Regnauld (de Saint-Jean d'Angély), conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Pelet présente un projet de la loi relatif au mode de recouvrement du prix des mois de nourrice des enfants de la ville et banlieue de Paris. En voici le texte et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, le projet de loi soumis à votre sanction a paru nécessaire pour établir dans l'administration du bureau des nourrices de Paris les principes d'humanité que réclame une classe intéressante du peuple, et pour concilier ces principes avec ce que demandent les intérêts d'un établissement connu depuis plusieurs siècles par les services qu'il a rendus à la capitale.

Le nombre des enfants confiés annuellement à des femmes de la campagne, par l'intermédiaire de ce bureau, s'élève de quatre mille cinq cents à cinq mille.

On évalue à un dixième environ le nombre des pères et mères sans fortune qui prennent des nourrices au bureau, et à 50 francs par enfant, l'un dans l'autre, le montant des mois de nourriture et autres frais dont ils restent redevables à l'époque du retour chez eux desdits enfants, ou de leur décès chez les nourrices.

La direction du bureau a un compte ouvert avec chaque débiteur pour les avances faites aux nourrices.

A l'époque du retour de l'enfant chez ses parents, ou de son décès chez la nourrice, le bureau règle les comptes respectifs, paye les nourrices, ou les fait payer, et, quand il y a lieu, réclame le remboursement de ses avances.

Mais ces remboursements éprouvent quelquefois des difficultés, et nécessitent des poursuites onéreuses pour le débiteur quand il peut supporter les frais, ou pour le bureau quand le débiteur est insolvable.

On avait senti dans l'ancienne législation l'inconvénient d'établir pour cet objet le recours aux tribunaux judiciaires, d'exposer ainsi le débiteur ou le bureau à des longueurs et à des frais considérables. Aussi l'article 14 de la déclaration du roi du 1er mars 1727 avait voulu que les parents en retard d'acquitter les mois de nourrice fussent condamnés par le lieutenant général de police, et que ces condamnations fussent exécutées même par corps s'il le prononçait.

La déclaration du 24 juillet 1769 renouvela ces mêmes dispositions.

Dans le cours de la Révolution, les anciennes ordonnances sont tombées en désuétude; la direction du bureau, cessant de faire condamner ses débiteurs sommairement et sans frais, les a cités en conciliation au bureau de paix, et les a fait juger par les tribunaux civils ordinaires. Il en est résulte des longueurs et des frais qui ont toujours aggravé la position du débiteur ou celle du bureau. Le projet de loi prend ce qu'il y a de bon dans l'ancienne jurisprudence, et rejette ce qu'il pouvait y avoir d'odieux, en n'adoptant point les formes arbitraires du jugement et l'emprisonnement du débiteur.

Ainsi les pères et mères, à l'usage desquels est destiné cet établissement, n'auront plus à craindre que l'époque de la naissance d'un enfant soit pour eux celle de la perte de leur liberté.

Ce ne sera plus, comme autrefois, le magistrat chargé de la police qui prononcera les condamnations contre les débiteurs en retard; ce sera le conseil de préfecture, présidé par le préfet du

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. département.

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