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Cette conséquence, toute fausse qu'elle est, avait été admise avant l'ordonnance de 1667, et elle a même été depuis, malgré les dispositions de cette loi, maintenue dans plusieurs parties de Ia France.

Cependant le premier devoir de tout débiteur est d'acquitter ses engagements; celui contre lequel un jugement a été rendu est donc tenu ou de remplir sans délai l'obligation que ce jugement lui impose, ou de présenter, par le moyen de l'appel, et aussitôt que cela lui est possible, les motifs sur lesquels il croit que les premiers juges l'ont injustement condamné.

De la faculté d'appeler, il ne résulte point que le jugement n'ait formé qu'une obligation imparfaite, et qu'il reste encore un droit éventuel dont la durée doive être de trente ans pour l'une comme pour l'autre partie.

La propriété de celui dont le droit a été reconnu légitime étant consacrée par le jugement, il ne peut plus, à son égard, être question d'acquérir par prescription cette propriété contre son adversaire. Les règles de la prescription ne peuvent donc point s'appliquer au recours que là loi donne contre un jugement.

Sans doute, la partie condamnée doit, pour être déchue du droit d'appeler, avoir été constituée en demeure. Mais n'est-elle pas constituée en demeure par la signification du jugement, signification dans laquelle on exprime, et qui lors même qu'on ne l'exprimerait pas, emporte, de droit, la sommation de l'exécuter? On ne saurait, contre une preuve aussi positive, dire qu'il soit encore permis de présumer que celui qui a sommé d'exécuter le jugement, consente à ce que cette exécution soit différée : il n'y a donc de délai juste que celui qui doit être regardé comme nécessaire à la partie condamnée pour prendre conseil et pour préparer ses moyens d'appel.

Les auteurs de l'ordonnance de 1667 semblent avoir craint ce qui est arrivé, au moins dans une partie de la France, c'est-à-dire de faire une loi qui ne serait point exécutée, s'ils réduisaient, d'après ces principes, l'ancien délai, autant qu'il eût dù l'être : ils le fixèrent à dix ans. Il est vrai qu'en même temps ils firent une exception en faveur de celui qui, ayant obtenu le jugement, aurait fait à son adversaire une sommation d'appeler; mais ils ne voulurent pas que cette sommation pût être faite avant trois ans depuis la signification du jugement, et ils donnèrent encore à la partie condamnée, pour interjeter son appel, six mois depuis la sommation.

Il n'était pas juste que celui qui, déjà par la signification d'un jugement, avait sommé de l'exécuter, fût tenu de provoquer un second procès. Ne lui permettre l'itérative sommation qu'après un délai de trois ans, c'était l'exposer à ranimer par un nouveau défi des passions qu'un aussi long temps avait dû éteindre; les six mois qu'on lui donnait depuis l'itérative sommation eussent été seuls un délai plus que suffisant. Quoique l'ordonnance de 1667 n'eût pas, la fixation des délais, établi une balance juste dans entre les parties, cependant c'était un grand pas vers un meilleur ordre, et il serait difficile d'expliquer comment les anciennes idées pour le délai de trente ans, avaient, en plusieurs lieux, prévalu sur l'autorité de la loi.

On pourrait, en toute rigueur, dire que celui qui a succombé a eu le temps de prévoir la possibilité de sa condamnation, et que le moindre délai pour appeler doit suffire.

Dans la législation romaine, le plus long délai

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a été de dix jours cette règle a été adoptée avec
quelques modifications dans le code prussien;
elle ne conviendrait pas dans un empire aussi
grand que la France.

On avait trouvé une juste mesure dans la loi
du 24 août 1790, qui ne permet pas de signifier
l'appel d'un jugement après l'expiration de trois
mois, à dater du jour de la signification à per-
sonne ou domicile.

Il n'est personne qui ne reconnaisse que ce appel et pour s'y préparer. Aucune disposition temps suffit pour délibérer si on doit interjeter de nos lois nouvelles n'a eu un assentiment plus général; elle est de nouveau consacrée dans le Code de procédure.

Il n'était mention, ni dans l'ordonnance de 1667, ni dans les lois postérieures, de la manière dont l'intimité doit se pourvoir par appel, s'il croit que ses intérêts soient lésés dans le jugement. Cependant il faut, en établissant des règles sur les délais d'appel, déclarer si l'intimé sera sujet aux mêmes délais, et si la signification qu'il aurait faite du jugement, sans protestation, pourra lui être opposée.

Les délais de l'appel ont été limités pour que le sort de celui contre lequel on peut l'interjeter,ne reste pas trop longtemps incertain. Ces délais fixés contre l'appelant ne sont plus à considérer en sa faveur, lorsque, par l'appel, il a remis en question ce qui avait été jugé. Dès lors le droit réciproque d'appel n'est pour l'intimé, pendant ce nouveau combat judiciaire, que celui d'une légitime défense.

Cette défense ne saurait lui être interdite, lors même qu'il aurait signifié le jugement sans protestation. C'est l'appelant qui, par son propre fait, change la position et l'intérêt de son adversaire. Le plus souvent, les droits respectifs des parties ont été justement balancés par des condamnations réciproques. L'intimé, qui a signifié le jugement sans protester, pouvait être disposé à respecter cette intention des premiers juges; mais lorsque, par l'appel, on veut rompre cet équilibre, la justice demande que, pour le maintenir, l'intimé puisse employer le même moyen.

On a eu encore à réparer une omission trèsimportante des précédentes lois.

Celle de 1790 n'avait appliqué ses dispositions sur les délais de l'appel qu'aux jugements contradictoires, sans statuer à l'égard de ceux rendus par défaut; ainsi les anciens règlements sur le délai de l'appel des jugements de cette dernière classe n'ont point encore perdu leur empire, et, dans une partie de la France, ce délai est dé

trente ans.

On a dù, à l'égard de ces jugements, songer
non-seulement au temps nécessaire pour l'appel,
mais encore prendre des précautions particu-
lières, pour que la partie condamnée par défaut
en ait connaissance.

Ce double objet a été rempli, en ordonnant que
le délai pour interjeter appel des jugements par
l'opposition ne sera plus recevable.
défaut sera de trois mois, à compter du jour où

Or, suivant une autre disposition du Code, l'op-
position contre les jugements rendus par défaut
sera recevable pendant la huitaine, à compter du
jour de la signífication à l'avoué qui aurait été
constitué; lorsqu'il n'y aura point eu de consti-
tution d'avoué, l'opposition sera recevable jusqu'à
l'exécution du jugement. Après avoir fait ainsi
cesser toute inquiétude sur ce que les parties
condamnées pourraient, par l'infidélité des huis-
siers, ou même par d'autres accidents, n'avoir

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eu aucune connaissance de la condamnation, il n'y avait plus aucune raison pour que le délai de trois mois ne courût pas à l'égard des jugements par défaut, comme à l'égard de ceux rendus contradictoirement.

L'ancienne législation avait admis plusieurs exceptions à la règle générale sur le délai de dix ans pour l'appel.

Ce délai était double lorsqu'il s'agissait des domaines de l'Eglise, des hôpitaux, des colléges; il ne commençait à courir contre les mineurs que du jour de la majorité.

Il est vrai que les intérêts de l'Etat et des établissements publics, ceux mêmes des mineurs, ne sont que trop souvent compromis par négligence ou par infidélité : il est, a leur égard, des précautions nécessaires; mais il n'est point indispensable de leur sacrifier, par des délais trop longs, l'intérêt des citoyens qui ont à défendre des droits opposés. Le but est de s'assurer que la religion des juges soit éclairée, sans que le cours de la justice soit arrêté.

On propose, à l'égard des mineurs, un nouveau moyen de sûreté, sans prolonger le délai de l'appel. Le Code civil donne à la fois aux mineurs un tuteur et un subrogé-tuteur. Ce dernier est chargé d'agir pour les intérêts du mineur, lorsqu'ils sont en opposition avec ceux du tuteur. Pour que la négligence qui souvent a des effets irréparables ne soit plus à craindre, on exige que tout jugement sujet à l'appel soit signifié tant au tuteur qu'au subrogé-tuteur, lors même que ce dernier n'aurait pas été en cause. Le subrogé-tuteur n'est pas alors chargé de la défense du mineur pendant l'appel; mais il sera, comme le tuteur lui-même, responsable, s'ils laissent passer le délai de trois mois depuis la signification qui leur aura été faite, sans avoir pris les mesures prescrites par la loi, pour savoir si l'appel doit être interjeté, et sans l'avoir interjeté.

Par le Code civil, l'interdit est assimilé au mineur pour sa personne et pour ses biens.

On a d'ailleurs adopté une mesure qui mettra de plus en plus l'Etat, les établissements publics, les mineurs et les interdits à l'abri des surprises qui seraient faites à la justice. Ils seront admis, ainsi qu'on l'expliquera dans la suite, à se pourvoir par requête civile, lorsqu'ils n'auront point été défendus, ou lorsqu'ils ne l'auront pas été valablement.

Celui qui demeure hors de la France continentale doit avoir les trois mois pour délibérer s'il appellera, et ensuite le temps nécessaire pour transmettre ses instructions: c'est celui fixé pour répondre aux ajournements.

Quant aux personnes domiciliées en France, mais absentes du territoire européen de l'empire, pour un service public, l'ordonnance de 1667 s'était bornée à déclarer que les délais prescrits pour l'appel ne seraient point observés à leur égard, de manière qu'ils ne commençaient à courír contre eux que quand la cause de leur absence avait cessé.

La faveur due au service public n'est point un motif suffisant pour que celui dont la cause a été trouvée juste reste ainsi dans une incertitude dont il n'y ait aucun terme.

Les absents pour le service public désigné par la loi auront le temps ordinaire de trois mois, et en outre celui d'un an : c'est le délai accordé à ceux qui demeurent dans les pays les plus lointains. Il est sans doute encore à craindre que les personnes ainsi employées ne puissent pas être averties à temps; mais ce délai, fût-il plus long,

l'inconvénient ne serait pas entièrement prévenu, et on ne doit pas sacrifier le bien général par la crainte d'un inconvénient très-rare.

On a encore à prévoir les cas où la partie condamnée décéderait pendant le délai de l'appel.

Quoique les héritiers représentent le défunt, il n'en est pas moins nécessaire de leur signifier de nouveau un jugement dont ils peuvent n'avoir eu aucune connaissance personnelle, ou dont les papiers trouvés dans le domicile de ce défunt ne feur auraient découvert aucunes traces; ils ne doivent point être privés du délai que le Code civil leur donne, pour délibérer s'ils accepteront ou s'ils répudieront la succession; pendant ce délai, celui de l'appel sera suspendu.

On a, d'une autre part, écarté en faveur de l'appelant une difficulté que lui faisait souvent éproùver l'ignorance des noms et des qualités des héritiers. Le jugement pourra leur être signifié collectivement et sans désignation individuelle.

L'ordonnance de 1667 avait aussi exigé la signification du jugement aux héritiers, mais elle leur avait de plus accordé, pour l'appel, un délai de six mois, qui ne commençait à courir que du jour de la sommation d'appeler, et cette sommation ne pouvait être faite qu'un an après l'expiration du délai pour faire inventaire et pour délibérer : c'était une suite du système abusif de longs délais pour l'appel.

Enfin, il peut arriver qu'un jugement ait été rendu sur une pièce fausse, ou qu'une partie n'eût pas été condamnée, si elle eût pu représenter une pièce décisive retenue par son adversaire.

La partie condamnée aurait, dans ce cas, si le jugement était en dernier ressort, la voie de la requête civile; mais lorsque le jugement est susceptible d'appel, la partie qui a profité du faux, ou retenu la pièce, s'est elle-même rendue non recevable à opposer que le délai de l'appel soit expiré.

Ce temps ne devrait courir que du jour où le faux aurait été, soit reconnu, soit juridiquement constaté, ou du jour que la pièce aura été recou

vrée.

On a exigé que le jour où la pièce a été recouvrée fùt constaté par écrit: telle serait la preuve résultant d'un inventaire après décès. Il eût été contraire aux principes établis par le Code civil, sur la preuve testimoniale, de faire dépendre de simples témoignages l'autorité qu'a un jugement après le délai de l'appel.

Toutes ces règles sur les délais de l appel des jugements sont simples; elles ne nuisent à l'intérêt d'aucune des parties, et nulles dispositions du Code de procédure ne contribueront davantage à l'abréviation des procès.

La loi atteindra encore un but utile en s'opposant à un grand nombre d'appels, qui sont présumés n'avoir pour cause que le premier ressentiment qu'une condamnation fait naître. Les auteurs de la loi du 24 août 1790 ont eu, à cet égard, une idée très-heureuse lorsqu'ils ont réglé que, pendant la première huitaine depuis le jugement, on ne pourrait ni l'exécuter ni en interjeter appel. Ils ont donné aux mouvements qui d'abord agitent un plaideur condamné, le temps de se calmer et de le rendre à la réflexion dont il a besoin pour décider, avec sagesse, s'il exécutera le jugement, ou s'il l'attaquera.

Il a seulement été indispensable d'excepter les jugements exécutoires par provision. Ces condamnations seraient le plus souvent sans effet, si l'exécution pouvait être retardée. D'un autre côté, il peut être utile à la partie condamnée de

faire sur-le-champ connaitre son recours aux ju-
ges supérieurs, afin que son adversaire mette lui-
même plus de réflexion en faisant des poursuites
dont le résultat est encore incertain.

La même loi de 1790 déclarait déchu de l'appel
celui qui en avait signifié la déclaration avant
que le délai de huitaine depuis le jugement fût
expiré. Priver la partie condamnée du droit d'ap-
peler, par le seul motif qu'avant de prendre ce
parti, elle n'avait pas laissé s'écouler le temps de la
réflexion prescrit par la loi, c'était une rigueur
excessive et que le Code n'admet point.

La loi veille non-seulement à ce qu'il n'y ait point d'appels irréfléchis, mais encore à ce qu'il n'y en ait pas de prématurés ou d'inutiles. Tels seraient les appels des jugements qui ne font que régler la procédure. Čes appels peuvent être fondés sur ce que les premiers juges auraient ordonné une procédure, où entièrement inutile, ou trop longue, ou même contraire à la marche indiquée par la loi. Mais si ces moyens d'appel, ou d'autres semblables, pouvaient, avant que le jugement définitif fût rendu, être portés devant le tribunal supérieur, on verrait autant d'appels que de jugements d'instruction, et il en naîtrait un désordre qu'il serait impossible d'arrêter.

Il en doit être autrement lorsque les premiers juges prononcent un interlocutoire qui préjuge le fond. La partie qui, dans ce cas, se croit lésée par un jugement dont elle a les suites à redouter, ne doit point être obligée d'attendre le jugement définitif. Elle pourra également se pourvoir contre les jugements qui auraient accordé une provision.

Il y avait eu quelque variation dans la jurisprudence, sur le point de savoir si l'on devait se pourvoir au tribunal de cassation, ou si l'on pouvait interjeter appel, lorsqu'un jugement qualifié en dernier ressort avait été rendu par des juges qui ne pouvaient prononcer qu'en première instance, ou encore lorsqu'un jugement qualifié en premier ressort, ou n'étant point qualifié, avait pour objet une contestation sur laquelle le tribunal était compétent pour juger sans appel.

Ces erreurs dans la qualification du ressort ne sauraient être considérées comme abus de pouvoir; elles ne doivent pas être un obstacle au droit d'appeler, si le jugement a été mal à propos qualifié en dernier ressort de même qu'elles ne doivent pas donner le droit d'appeler, si le jugement qualifié en premier instance, ou non qualifié, a été rendu par un tribunal dont le devoir était de juger en dernier ressort.

L'ordonnance de 1667 n'avait donné le droit de s'opposer dans le délai de huitaine aux jugements par défaut, que dans le cas où la partie condamnée en dernier ressort n'avait plus la ressource de l'appel. Mais l'usage de la plupart des tribunaux de France avait étendu même aux jugements par défaut susceptibles d'appel la faculté de s'y opposer. On avait justement pensé qu'il était plus utile aux deux parties d'instruire leur affaire devant les premiers juges et de pouvoir ensuite prendre la voie de l'appel; mais le plus souvent, et avant même que le délai de l'opposition fût expiré, on interjetait appel, sous prétexte de sortir plus promptement d'affaire, ou de se soustraire à des préventions.

Ce droit d'opposition est accordé par la loi comme le moyen qui doit être employé, et non pour qu'on ait le choix de prendre cette voie ou d'interjeter appel. Si le délai pour s'opposer est expiré,

la la présume que la partie condamnée n'a point été à portée ou à temps de fournir ses moyen

[7 avril 1806.]

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d'opposition, et elle lui conserve encore la ressource de l'appel.

Après avoir établi dans quels délais et dans quels cas les appels doivent être interjetés, il fallait en expliquer les effets.

L'appel reniet en question ce qui avait été décidé. Le droit de remettre en question une décision semble emporter le droit d'empêcher qu'elle ne soit exécutée.

Mais, d'une autre part, l'appel ne saurait empêcher qu'il n'y ait la plus forte présomption que jugement ne cesse entièrement que dans le cas les premiers juges ne se sont point, par erreur ou autrement, écartés des règles. L'autorité de leur où il est infirmé.

En vain celui qui l'a obtenu invoquerait-il cette autorité, si l'appelant pouvait, en suspendant l'exécution, rendre moins efficace, ou même inutile, la confirmation du jugement.

La conséquence de ces réflexions a été de régler que l'appel est en général suspensif, mais qu'il n'est que dévolutif dans le cas où, par le motif que l'on vient d'énoncer, l'exécution provisoire est prononcée.

Il avait été formellement défendu, par l'ordonnance de 1667, aux cours supérieures, et même aux parlements, d'enfreindre les règles qu'elle établissait concernant l'exécution des jugements; mais bientôt on cessa de les respecter.

Les premiers juges, sous le prétexte qu'ils étaient forts de leur conscience sur la bouté de leurs jugements, étaient disposés à en ordonner l'exécution provisoire, et les juges supérieurs se rendaient, dans l'exercice de leur autorité, trop faciles à suspendre l'effet des jugements qui leur étaient

soumis.

Dans ce conflit et dans cette confusion de pouvoirs, chaque partie faisait des efforts ruineux pour obtenir l'exécution provisoire ou la suspen

sion.

Nous sommes loin de ces temps où les magistrats des cours souveraines, participant à l'autorité législative, croyaient aussi être revêtus d'un pouvoir illimité dans la distribution de la justice. Il suffira pour nos magistrats actuels, qui s'honorent d'être les plus scrupuleux observateurs des règles, de leur exposer celles que le bien public a dictées, pour que ces règles deviennent leur devoir le plus cher et le plus sacré.

Le Code actuel fait connaître les cas où l'exécution provisoire peut être, soit prononcée, soit suspendue; il simplifie les formes de procéder devant les juges d'appel relativement à cette exécution; s'ils la suspendent sans y être autorisés, leurs jugements seront nuls.

Après avoir réglé les délais et les effets de l'appel, le Code en prescrit les formalités et la procédure nécessaire pour l'instruction. Il eût été difficile d'imaginer une marche plus facile et plus prompte.

On oubliera jusqu'aux noms de ces formalités dispendieuses sans avoir jamais été utiles, et qui consistaient à relever l'appel après l'avoir déclaré à demander que, faute de l'avoir relevé dans le temps prescrit, il fût déclaré désert; à faire convertir en anticipation la demande en désertion.

L'appel sera déclaré par un exploit dans la for me ordinaire et contenant assignation de l'intiné dans les délais de la loi.

Cependant cet exploit n'est point un acte de simple procédure qu'il suffise de signifier à un avoué; c'est un nouveau combat judiciaire que

l'appelant engage; la signification doit être à

personne ou domicile.

Devant les juges d'appel, comme devant les premiers juges, toutes les affaires doivent être portées à l'audience. Il arrivera souvent que, dans le cas même où les premiers juges auront prononcé sur une instruction par écrit, l'affaire portée devant les juges d'appel se trouvera ou assez éclaircie, ou réduite à des points assez simples pour être terminée à l'audience. L'un des abus que l'on reprochait le plus à l'ancienne procédure était la multiplicité des appels avec instruction par écrit.

Dans tous les cas, les écritures qui précéderont l'audience se réuniront à celles qui ont été regardées comme indispensables. Dans la huitaine de la constitution d'avoué par l'intimé, l'appelant signifiera ses griefs contre le jugement. L'intimé répondra dans la huitaine suivante. Toute autre procédure est défendue. La loi a manifesté son intention que ces écritures soient réduites à ce qui est de nécessité absolue, en ne donnant que de très-brefs délais pour les fournir.

Si l'appel n'a pour objet qu'une matière sommaire, ou si, dans les autres, l'intimé n'a pas, sur l'appel, constitué d'avoué, il suffit que les griefs soient exposés à l'audience; toute écriture est inutile.

On peut, sans doute, devant les juges d'appel, réparer les omissions faites dans l'instruction devant les premiers juges; mais soit que l'appel ait été porté à l'audience, soit qu'une instruction par écrit ait été ordonnée, toute pièce d'écriture qui ne sera que la répétition de celles fournies, soit en première instance, soit sur l'appel, ne passera point en taxe.

Si le même écrit contient à la fois de nouveaux moyens ou exceptions et la répétition des anciens, on n'allouera en taxe que la partie relative à ce qui est nouvellement exposé.

Il était impossible que la loi prît plus de précautions contre les écritures inutiles. Son observation dépendra sans doute de la vigilance des magistrats; mais on aura pour garantie le devoir

qui

leur est imposé et la crainte qu'ils auront d'être regardés comme fauteurs des abus.

Cette simplicité, cette brièveté dans l'instruction devant les juges d'appel, était d'autant plus convenable, qu'ils n'ont à prononcer que sur les points jugés en premier ressort. Aucune nouvelle demande n'est admise, à moins qu'il ne s'agisse de compensation, ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale.

On ne regarde point comme demande nouvelle tout ce qui n'est que l'accessoire; tels sont les intérêts, les arrérages, les loyers échus depuis le jugement de première instance, ou les dommages et intérêts pour le préjudice souffert depuis ce jugement. Mais, par le motif même que ces demandes sont regardées comme dépendantes de la contestation portée devant les juges d'appel, elles ne pourront servir de prétexte à des écritures. On ne devra les exposer que par de simples actes de conclusions motivées; il en sera de même dans les cas où les parties voudraient changer ou modifier leurs conclusions.

L'appel ne devant avoir pour objet que la contestation jugée, aucune intervention ne doit être admise, si ce n'est de la part de ceux qui n'auraient point été appelés comme parties devant les premiers juges, et qui, par ce motif, auraient droit de former une tierce opposition au jugement qui serait rendu.

C'est dans ces limites que doivent être resserrés les objets de l'appel.

Il se termine par un jugement, ou par un dé

sistement que fait présumer une longue inaction. S'il y a jugement, la loi règle qu'il sera rendu à la majorité des voix, et elle prévoit la difficulté qui s'élèverait s'il se formait plus de deux opinions, ou s'il y avait partage.

Dans le premier cas, elle indique comment les juges doivent se réunir pour qu'il n'y ait plus que deux opinions, entre lesquelles le plus grand nombre de voix prévale; et s'il y a partage, on appellera, pour le víder, un ou plusieurs juges n'ayant pas connu de l'affaire. L'ordre du tableau qui devra être suivi écarte toute idée d'arbitraire : les nouveaux juges doivent être en nombre impair, pour éviter un nouveau partage; enfin, dans le cas où tous les juges auraient connu de l'affaire, trois anciens jurisconsultes seront appelés.

La péremption sera acquise en cause d'appel dans les mêmes délais et suivant les mêmes formes que devant les premiers juges. Il y a seulement une différence entre les effets de la péremption en première instance et les effets de la péremption sur appel.

En première instance, la procédure est éteinte, mais non l'action, à moins qu'elle ne soit prescrite ou autrement anéantie.

Lorsque, sur l'appel du jugement, il y a péremption, la partie condamnée est, par sa longue inaction, censée avoir renoncé à son appel, et dès lors le jugement rendu en première instance acquiert la force de la chose jugée.

Il n'était pas besoin de spécifier les autres cas où un jugement aura la force de la chose jugée ; il résulte évidemment des dispositions du Code, que tout jugement en premier ou en dernier ressort a cette force, lorsqu'il n'est point encore attaqué, ou lorsqu'il ne peut plus l'être. L'énumération que présente l'article 5 du titre XXVII de l'ordonnance de 1667 serait incomplète, ou au moins elle laisserait encore à désirer beaucoup d'explications.

Les autres règles établies pour l'instruction devant les tribunaux inférieurs seront observées devant les juges d'appel.

On a toujours regardé comme nécessaire de rẻprimer, par des amendes, les divers recours exercés contre les jugements, lorsque ces recours sont dénués de moyens légitimes.

La procédure pour l'exécution des jugements, après que, sur l'appel, ils ont été confirmés ou infirmés, exige des règles plus précises que celles suivies jusqu'à présent. Dans une partie de la France, l'exécution restait au tribunal qui avait prononcé sur l'appel; dans d'autres, le renvoi pour l'exécution se faisait aux premiers juges; dans d'autres, enfin, il dépendait de la volonté des juges d'appel de renvoyer ou de retenir.

On propose à cet égard un mode uniforme.

Si le jugement est confirmé, il n'y pas de raison pour que la circonstance d'un appel rejeté dépouille le tribunal de première instance du droit qu'il aurait eu, sans cet appel, d'exécuter son jugement. Tel est aussi l'intérêt des parties dont le domicile et les biens sont presque toujours plus voisins du lieu où siége ce tribunal.

Si le jugement est infirmé, la loi s'en rapporte à la sagesse des cours d'appel, qui retiendront l'exécution ou indiqueront un autre tribunal dans lequel il serait plus facile et moins dispendieux d'exercer les poursuites. Si, dans le cours de ces poursuites, il y a des demandes en nullité d'emprisonnement, ou en expropriation forcée, il faudra, dans ces cas et dans les autres pour lesquels il y a une juridiction déterminée soit par le

Code actuel, soit par le Code civil, s'y conformer. Dans la nouvelle organisation judiciaire, on ne regarde plus la juridiction d'un tribunal comme une sorte de patrimoine; et rien ne s'oppose à ce que le droit de juger soit attribué ou modifié suivant l'intérêt des parties.

L'ordonnance de 1667 avait défendu à tous juges d'évoquer les procès pendants aux tribunaux inférieurs, sous prétexte d'appel ou de connexité, si ce n'était pour juger définitivement en l'audience et sur-le-champ, par un seul et même jugement.

Alors l'appel était reçu de tous les actes d'instruction ainsi presque toutes les causes pouvaient être évoquées avant même qu'elles fussent instruites, et la disposition qui ordonnait de juger à l'audience et sur-le-champ était sans cesse et impunément violée.

Avant le jugement définitif, il ne sera plus permis d'appeler que des jugements interlocutoires qui auraient préjugé le fond.

Dans le cas où le jugement interlocutoire serait infirmé, et où la matière serait disposée à recevoir un jugement définitif, les juges d'appel pourront le prononcer. La loi s'en rapporte à leur sagesse, pour décider si, dans ce cas, il ne serait pas utile, s'il ne serait même pas préjudiciable aux parties de leur faire encore parcourir deux degrés de juridiction.

Il en doit être ainsi, et, à plus forte raison, lorsque des jugements d'appel infirment des jugements définitifs, soit pour vice de forme, soit pour toute autre cause, et que la matière est réellement disposée à recevoir une décision définitive, puisque, dans ce cas, les premiers juges ayant prononcé sur le fond, déjà deux degrés de juridiction ont été remplis."

De la tierce opposition.

L'appel des jugements n'est pas l'unique moyen par lequel ils puissent être attaqués: il est encore certains cas où il doit être permis de se pourvoir, soit par tierce opposition, soit par requête civile. Il en est d'autres où, sans se borner à attaquer le jugement, on doit être autorisé à prendre les juges eux-mêmes à partie.

Telle est la matière du quatrième livre de la première partie de ce Code, et dont il me reste à exposer les motifs.

Un jugement ne doit faire loi qu'entre ceux qui ont été entendus ou appelés; il ne peut statuer que sur des conclusions prises par une partie contre l'autre ; si le jugement préjudicie à une tierce personne qui n'ait point été appelée, elle doit être admise à s'adresser aux mêmes juges, afin qu'après l'avoir entendue, ils prononcent à son égard en connaissance de cause. Cette voie est celle connue au barreau sous le nom de tierce opposition.

Une première règle générale est que cette tierce opposition soit faite devant le tribunal qui a rendu le jugement.

Il peut sans doute en résulter que le tiers opposant soit obligé de plaider devant les juges dont autrement il n'eût point été justiciable; mais, une tierce opposition ne peut être considérée que comme une intervention pour arrêter ou prévenir l'exécution d'un jugement. Or, nulle intervention ne peut se faire que devant le tribunal où la cause principale est portée.

En partant de ce principe, il restait un cas à prévoir, celui où, à l'occasion d'une contestation qui s'instruit devant un tribunal, l'une des parties se prévaudrait d'un jugement qu'un autre tribu

201 nal aurait rendu, et contre lequel son adversaire aurait le droit de former une tierce opposition.

Dans ce cas, les parties sont en présence devant le tribunal saisi de la contestation principale. Doit-on, comme on le faisait autrefois, les renvoyer devant le tribunal qui a prononcé le jugement attaqué par la tierce opposition?

On ne saurait douter qu'il ne soit en général plus convenable à leur intérêt de rester devant le tribunal même où elles se trouvent, et où conséquemment elles peuvent espérer un jugement plus prompt sur l'un et sur l'autre différend.

En prenant ce dernier parti, il fallait seulement éviter que la hiérarchie des tribunaux fût troublée. Un tribunal inférieur ne doit jamais être revêtu du pouvoir de prononcer sur un jugement rendu par un tribunal supérieur.

Il pourra sans doute arriver que, dans le cas où les moyens du tiers opposant seraient précisément les mêmes que ceux qui auraient été rejetés par le jugement attaqué, ces moyens soient admis par un autre tribunal d'un pouvoir égal; mais c'est encore un de ces cas rares et qui ne suffit point pour écarter une mesure d'une utilité certaine et journalière.

Il faut d'ailleurs observer que, si le jugement sur la tierce opposition a été rendu par des juges de première instance, on aura, pour éprouver la bonté de ce jugement, la voie de l'appel.

S'il a été rendu en dernier ressort, la variété d'opinion entre les tribunaux indépendants, sur les mêmes questions est un inconvénient général, contre lequel il n'y a de remède que dans l'autorité de la cour de cassation, lorsqu'il y a lieu de s'y pourvoir, ou même dans l'autorité législative.

Le cours de la procédure sur la contestation principale doit-il être suspendu par une tierce opposition incidente? Les motifs de décision à cet égard sont tellement dépendants de la nature et des circonstances de la contestation principale, qu'il doit être entièrement laissé à la prudence des juges de passer outre, ou de surseoir.

Quant à l'exécution du jugement attaqué par la tierce opposition, incidente ou principale, la règle générale est qu'une tierce opposition ne doit point être un obstacle à l'exécution contre les parties qui, après avoir été appelées, ont été condamnées par ce jugement.

Mais, d'une autre part, cette exécution du jugement contre les parties condamnées ne doit pas préjudicier aux droits du tiers opposant.

Ce sont des principes d'une justice évidente. Tel était l'esprit de l'ordonnance de 1667, et elle s'exécutait ainsi. Mais on s'était borné à y prévoir le cas où le jugement aurait condamné à délaisser la possession d'un héritage, et, dans ce cas, l'exécution était ordonnée, nonobstant les oppositions des tierces personnes, et sans préjudice à leurs droits.

On avait mis cette disposition, tant pour réprimer d'une manière spéciale l'abus des tierces oppositions provoquées par ceux qui étaient condamnés à délaisser des héritages, que pour écarter la difficulté qu'un tiers opposant aurait voulu fonder sur ce qu'il eût souffert préjudice, par le Iseul fait du délaissement à son adversaire.

Cette disposition salutaire a été conservée en exprimant de plus que, dans les autres cas, les juges pourront, suivant les circonstances, suspendre l'exécution: tel serait le cas où le tiers opposant réclamerait la propriété d'un meuble dont la vente aurait été ordonnée par le jugement; tels seraient en général ceux où l'exécution serait préjudiciable au tiers opposant.

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