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[Corps législatif.]

EMPIRE FRANÇAIS.

Lorsque la requête civile aura été entérinée pour raison de contrariété de jugements, le jugement qui entérinera la requête civile ordonnera que le premier jugement sera exécuté selon sa forme et leneur.

Art. 502. Le fond de la contestation sur laquelle le jugement rétracté aura été rendu sera porté au même tribunal qui aura statué sur la requête civile.

Art. 503. Aucune partie ne pourra se pourvoir en requête civile, soit contre le jugement déjà attaqué par cette voie, soit contre le jugement qui l'aura rejeté, soit contre celui rendu sur le rescisoire, à peine de nullité et de dommages-intérêts, mème contre l'avoué qui, ayant occupé sur la première demande, occuperait sur la seconde.

Art. 504. La contrariété de jugements rendus en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les mêmes moyens entre différents tribunaux, donne ouverture à la cassation; et l'instance est formée et jugée conformément aux lois qui sont particulières à la cour de cassation.

TITRE III.

De la prise à partie.

Art. 505. Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :

10 S'il y a dol, fraude ou concussion, qu'on prétendrait avoir été commis, soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements;

20 Si la prise à partie est expressément prononcée par la loi;

30 Si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages et intérêts.

40 S'il y a déni de justice.

Art. 506. Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre les requêtes, ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées.

Art. 507. Le déni de justice sera constaté par deux réquisitions aux juges, en la personne des greffiers, et signifiées de trois en trois jours au moins pour les juges de paix et de commerce, et de huitaine en huitaine au moins pour les autres juges; tout huissier requis sera tenu de faire ces requisitions, à peine d'interdiction.

Art. 508. Après les deux réquisitions, le juge pourra être pris à partie.

Art. 509. La prise à partie contre les juges de paix, contre les tribunaux de commerce ou de première instance, ou contre quelqu'un de leurs membres, et la prise à partie contre un juge d'appel ou contre un juge de la cour criminelle, seront portées à la cour d'appel

du ressort.

La prise à partie contre les cours criminelles, contre les cours d'appel ou l'une de leurs sections, sera portée à la haute cour impériale, conformément à l'article 101 de l'acte des constitutions de l'Empire du 28 floréal an XII. Art. 510. Néanmoins aucun juge ne pourra être pris à partie sans permission préalable du tribunal devant lequel la prise à partie sera portée. Art. 511. Il sera présenté, à cet effet, une requête signée de la partie, ou authentique et de son fondé de procuration annexée à la requête, ainsi que les pièces justificatives, spéciale, laquelle procuration sera s'il y en a, à peine de nullité.

Art. 512. Il ne pourra être employé aucun terme injurieux contre les juges, à peine, contre la partie, de telle amende, et contre son avoué, de telle injonction ou suspension qu'il appartiendra.

Art. 513. Si la requête est rejetée, la partie sera condamnée à une amende qui ne pourra être moindre de 300 francs, sans préjudice des dommages et intérêts envers les parties, s'il y a lieu.

Art. 514. Si la requête est admise, elle sera signifiée dans trois jours au juge pris à partie, qui sera tenu de fournir ses défenses dans la huitaine.

Il s'abstiendra de la connaissance du différend; il s'abstiendra même jusqu'au jugement définitif de la prise à partie, de toutes les causes que la partie, ou ses parents en ligne directe, ou son conjoint, pourront avoir dans son tribunal, à peine de nullité des jugements.

Art. 515. La prise à partie sera portée à l'audience sur un simple acte, et sera jugée par une autre section que celle qui l'aura admise si la cour d'appel n'est composée que d'une section, le jugement de la prise à partie sera renvoyé à la cour d'appel la plus voisine par la cour de cassation.

[8 avril 1806.]

207

Art. 516. Si le demandeur est débouté, il sera condamné à une amende qui ne pourra être moindre de 300 francs, sans préjudice des dommages-intérêts envers les parties, s'il y a lieu.

Le Corps législatif arrête que le projet de loi relatif aux livres III et IV du Code de procédure civil sera communiqué aux sections du Tribunat.

L'ordre du jour appelle la discussion des projets de la loi relatifs : 1° à un échange entre le domaine et le sieur Sénégra, dans la forêt de Montmorency; 2o A des acquisitions, aliénations, concessions, échanges et impositions extraordinaires par des communes et des hospices. Ce dernier projet de loi a été présenté le 27 mars par M. Regnauld (de Saint-Jean-d' Angély.)

Les orateurs du Gouvernement et ceux du tribunal sont introduits.

M. Carret (du Rhône), organe de la section de l'intérieur du Tribunat, expose qu'elle a examiné scrupuleusement ce dernier projet de loi dans toutes ses parties, et qu'elle a reconnu que toutes les formalités exigées pour pouvoir autoriser légalement ces diverses transactions, ont été observées avec la plus grande exactitude; qu'enfin il n'est aucune des demandes qui ne lui ait paru fondée sur un intérêt local bien entendu. Il propose, en conséquence, au Corps législatif, de sanctionner le vœu d'adoption émis par la section de l'intérieur du Tribunat.

L'orateur énonce le même vou en faveur du

projet de loi portant autorisation d'un échange entre le domaine et M. Sénégra, dans la forêt de Montmorency. Cette transaction n'a pu être comprise parmi les autres échanges, parce que les lois veulent que tout contrat de ce genre, qui intéresse le domaine public, ne puisse être effectué que sur une autorisation spéciale du Corps législatif. Le but de l'échange a été trouvé utile, et la compensation convenable et proportionnée.

Le Corps législatif ferme la discussion et délibère sur les deux projets de loi.

Celui qui intéresse le sieur Sénégra est décrété à la majorité de 221 boules blanches contre 2 noires. L'autre, à la majorité de 218 contre 5. On procède ensuite à l'élection des vice-présidents.

Le dépouillement du scrutin n'ayant point donné de résultat, il sera procédé demain à un nouveau scrutin.

Le séance est levée.

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Séance du 8 avril 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. le Président communique une lettre qui lui est adressée par M. le secrétaire perpétuel de la classe d'histoire et de littérature ancienne de l'Institut national, annonçant que la classe tiendra sa séance publique, vendredi 11 avril, à trois heures précises, et que MM. les membres du Corps législatif pourront y entrer avec leurs médailles. On fait lecture du bulletin de santé de M. VillotFréville, législateur, retenu par une maladie grave.

Les orateurs du conseil d'Etat et ceux des sections du Tribunat sont introduits.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'acquisition de la terre d'Engelsdorff et Heottigen (Roë), pour le camp des vétéran's de la 26 division militaire.

M. le Président. J'appelle à la tribune un de Messieurs les orateurs du Tribunat.

M. Leroy, organe de la section des finances, énonce et motive le vœu d'adoption qu'elle a émis sur le projet de loi.

Malgré sa simplicité apparente, dit l'orateur, ce projet a encore de grands droits à l'attention du Corps législatif, en ce qu'il se rattache au domaine de l'Etat et aux intérêts du fisc, également placés sous sa sauvegarde ; à la propriété privée dont la garantie dut être le premier mobile des réunions sociales, comme le respect en est la conséquence et le devoir; à une institution militaire qui fut tout à la fois l'œuvre de la politique et de la reconnaissance.

M. Leroy annonce ensuite qu'il se bornera à examiner si, dans l'opération soumise à l'approbation du Corps législatif, les intérêts du trésor public ont été ménagés, les droits de la propriété respectés. La discussion de la question de son utilité dans son objet militaire lui paraîtrait une inconvenance. « Les camps de vétérans, dit-il, ne sont rien moins qu'étrangers au système de la défense extérieure de l'empire, système qui est tout entier dans les attributions du pouvoir suprême; et méconnaître en ce moment une telle prérogative, serait l'indice d'une distraction étrange, témoins comme nous le sommes du salutaire et sublime usage qu'en fait tous les Jours Sa Majesté.

Après être entré dans quelques développements assez étendus, et qui établissent la sagesse, l'équité et la régularité de l'opération, l'orateur invite le Corps législatif à donner sa sanction au projet de loi qui en appelle la confirmation; il le fait en ces termes: «En revêtissant ce projet de loi de votre sanction, Messieurs, vous accordez au premier camp de vétérans de la 26 division militaire, en avant de la place de Juliers, la position saine et militaire qui est dans le vœu de la loi de sa création et que ne peut lui fournir sa dotation primitive. Par là, Messieurs, vous concourrez à donner la vie à une de nos plus belles comme de nos plus touchantes institutions, à une institution qui récompense des guerriers mutilés pour la cause commune, et fait contribuer, si je puis m'exprimer ainsi, les restes de ces braves à la sûreté des nouvelles frontière dues à leur courage, à une institution enfin l'avant-courière et la sœur d'une autre, qui s'annonce comme étant d'un ordre supérieur, sans doute, mais qui, comme elle, semant sur des terres naguère étrangères, l'héroïsme et l'amour, garantit à la métropole du grand empire qu'elle y recueillera à jamais l'honneur et la fidélité. »

La discussion est fermée.

Le Corps législatif procède au scrutin et adopte le projet de loi par 239 voix contre une. L'ordre du jour appelle un second scrutin pour nomination des vice-présidents.

Le nombre des votants est de 234; majorité absolue 118.

M. Méric obtient 147 voix et M. Bord 144; ils sont proclamés vice-présidents.

Aucun autre candidat n'ayant réuni la majorité absolue des suffrages, il sera procédé demain à un troisième scrutin.

La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF

PRÉSIDENCE DE M. GOLZART, VICE-PRÉSIDENT.
Séance du 9 avril 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté.

M. Blanc. Je viens, au nom de M. Chabot (de l'Allier), ancien jurisconsulte, membre du Tribunat, et l'un des inspecteurs généraux des écoles de droit, vous offrir l'hommage du troisième volume de son ouvrage sur la loi relative aux successions, faisant partie du Code civil.

Les deux premiers volumes yous ont été présentés pendant la première session.

Il ne retentit jamais dans cette enceinte, le mot de Code civil, sans que nos cœurs n'aiment à se livrer aux sentiments d'admiration et de reconnaissance qu'inspire le plus grand ouvrage de législation dont aucun peuple puisse s'énorgueillir, sans que nos regards ne se portent toujours, avec un nouvel intérêt, sur le monument érigé dans ce temple des lois aux héros dont le génie profond a répandu de si grandes lumières sur toutes nos institutions.

Cependant les meilleures lois ont encore besoin d'explications pour en fixer l'esprit, en développer les principes et en diriger l'application.

Exiger d'un Code qu'il puisse seul, et sans aucun autre secours, régler les intérêts si mêlés des citoyens, c'est une téméraire prétention qu'il n'appartient qu'à des théoriciens sans expérience d'oser élever. En vain les règles sont clairement exposées et déduites; à mesure qu'on veut en faire usage, il se présente des conséquences qu'il faut rapprocher de leur source, qu'il faut comparer ou combiner entre elles; autrement on tomberait dans mille erreurs, et la loi mal entendue, plus mal appliquée, deviendrait le prétexte des plus grandes injustices.

Aussi les hommes qui se sont consacrés à l'étude de la jurisprudence, les défenseurs dont les conseils éclairent et guident les citoyens, les magistrats dont les décisions terminent les différends, recherchent et apprécient les bons écrits qui développent l'esprit des lois et en font saisir tous les rapports. Ils savent douter de leurs propres lumières; modestes, parce qu'ils sont instruits, ils aiment à joindre leurs méditations à celles des hommes qui se sont occupés à approfondir la législation.

Si toute vérité, quelque évidente qu'elle soit, exige des développements, si les sciences les plus exactes, les mathématiques même, demandent des traités qui les expliquent, comment ne pas reconnaître ce besoin relativement à une science d'une nature moins certaine et d'une application plus abstraite?

L'utilité des commentaires ne peut donc être contestée, et les préventions ne sauraient atteindre que ceux entrepris sans l'expérience et l'instruction nécessaires.

J'aurais pu m'abstenir de ces observations en vous parlant de l'ouvrage de M. Chabot, dont le mérite est reconnu.

Cet ouvrage est divisé en trois parties.

Dans la première, qui a pour titre Tableau de la législation ancienne sur les successions, et de la législation nouvelle établie par le Code civil, l'auteur a présenté les principes et les règles élé. mentaires sur les successions ab intestat; il a rapproché du nouveau Code les lois romaines et le droit français; il a signalé leurs ressemblances et leurs dissemblances; il a dit les motifs des changements, et l'intention qui a dicté les dispositions nouvelles.

Ce travail eût été suffisant pour faire connaître l'esprit de la loi et ses rapports les plus généraux; mais l'auteur a voulu encore, pour ne rien laisser à désirer sur cette importante matière, en suivre le système dans tous ses détails, appliquer

[Corps législatif.]

EMPIRE FRANÇAIS.

les principes aux dispositions particulières, rechercher et résoudre les questions qu'elles pouvaient faire naître, enfin saisir tous les fils de la législation; et pour atteindre ce but, il a entrepris la discussion analytique de tous les articles de la loi; c'est l'objet d'un commentaire formant les deux derniers volumes.

La première partie du commentaire présente les principes d'après lesquels les successions sont déférées, trace leurs divers ordres et pose les règles particulières à chacunes d'elles avec beaucoup de méthode et de clarté.

On aime à y trouver un grand nombre de cadres et de tableaux dans lesquels on peut classer tous les cas; l'exemple est toujours à côté du précepte.

On y lit, avec intérêt, une discussion très-approfondie de diverses questions relatives aux enfants naturels, sur lesquels la divergence des opinions a besoin d'être fixée.

La seconde partie du commentaire développe toutes les dispositions règlementaires d'après lesquelles les successions se transmettent aux personnes appelées à les recueillir et se divisent entre elles: elle présente encore une foule de questions délicates, dont la solution exigeait la sagacité et la pénétration d'un jurisconsulte consommé.

L'auteur a traité la matière dans toute son étendue; il n'a cherché à éluder aucune difficulté; il s'est plu à lutter avec elles, et en a triomphé.

On remarquera surtout la manière lumineuse avec laquelle il a traité les trois sections sur le partage, les rapports et le payement des dettes; on sera étonné des recherches auxquelles il a dú se livrer, et l'on sentira cependant combien elles étaient nécessaires pour suivre, dans toutes ses ramifications, une matière aussi compliquée et qui fut toujours une pépinière de procès. Il faut parcourir avec l'auteur la nombreuse série des objets sujets au rapport; c'est là qu'il montre une sagacité qui ne peut être le fruit que d'une profonde instruction; il examine, il scrute toutes les combinaisons imaginées pour éluder la loi par des avantages indirects qu'elle proscrit, et constamment il ramène dans la ligne du partage les objets que d'injustes motifs auraient cherché à en écarter.

Aussi l'on peut dire que M. Chabot a fait un traité complet sur la matière la plus importante du Code civil.

Puisse-t-il successivement en embrasser toutes les autres parties! Puisse-t-il parcourir dans son entier la carrière qu'il a si glorieusement commencée! Il a trop bien donné la mesure de ses forces pour que sa modestie doive l'arrêter: c'est le désir que vous fera naître, Messieurs, la lecture de son ouvrage.

Je ne terminerai pas sans rappeler un sentiment que nous avons tous unanimement partagé lorsque nous vimes placer cet estimable jurisconsulte au nombre des magistrats appelés à diriger et à surveiller l'enseignement dans les écoles de droit; celui qui, à la tribune nationale et par ses écrits, a donué tant de preuves de son instruction, saura juger celle des personnes qui sont destinées à la transmettre ou occupées à la recevoir. Les fonctions d'inspecteur général des écoles de droit ne pouvaient être remises en des mains plus habiles et plus éclairées. Cette nomination honore et le souverain dont elle atteste le judicieux discernement dans la dispensation des places, et le magistrat dont elle récompense le mérite.

T. IX.

[11 avril 1896.]

209

Je prie le Corps législatif d'agréer l'hommage de l'ouvrage que je lui présente au nom de M. Chabot, et d'arrêter qu'il sera déposé à la bibliothèque, et qu'il sera fait mention de l'hommage au procès-verbal.

Ces propositions sont adoptées.

L'ordre du jour appelle la continuation de l'élection des vice-présidents.

Il est procédé au scrutin.

Le nombre des votants est de 215. Majorité absolue, 108.

M. Vigneron obtient 149 suffrages et est proclamé vice-président.

Aucun autre candidat n'ayant réuni la majorité absolue, il est procédé à un nouveau scrutin. Le nombre des votants est de 230. Majorité absolue, 116.

M. Rivière obteint 159 suffrages et est proclamé vice-président.

La séance est levée.

PRÉSIDENCE DE

CORPS LÉGISLATIF.

M. BEAUCHAMP, ANCIEN VICE-
PRÉSIDENT.

Séance du 10 avril 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. On fait lecture du bulletin de santé de M. VillotFréville, portant qu'il y a beaucoup de mieux dans sa situation.

L'ordre du jour appelle le renouvellement des quatre secrétaires du Corps législatif.

Il est procédé au scrutin.

Le nombre des votants est de 218, Majorité absolue, 110.

M. Jacomet obtient 110 voix; il est proclamé secrétaire.

Le Corps législatif décide qu'il procédera demain à un nouveau scrutin pour l'élection des trois secrétaires qui restent à nommer, et qu'il ne sera plus voté que sur MM. Desribes, Dumaire, Jeannet, Wanruinbeck, Guérin et Wantrier, qui ont réuni le plus de voix sans avoir atteint la majorité absolue.

La séance est levée.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. MÉRIC, VICE-PRÉSIDENT.
Séance du 11 avril 1806.

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté.
MM. Regnauld (de Saint-Jean d'Angély) et
Corvetto, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld (de Saint-Jean d'Angély) présente
un projet de loi relatif aux acquisitions nécessaires
pour les établissements de haras. En voici le texte
et l'exposé des motifs :

Motifs.

Messieurs, sous l'ancienne monarchie, on s'était occupé des haras avec l'intérêt que cette partie importante de l'économie politique devait inspirer.

En 1665, Louis XIV, sous le règne duquel toutes les grandes idées d'administration publique commencèrent à se développer, prescrivit les premières règles auxquelles l'établissement des haras ait été soumis, et on travailla à les perfectionner jusqu'au commencement du siècle dernier.

En 1717, Louis XV publia un règlement fort étendu sur cette matière.

Il prescrivit les règles à suivre par les commissaires départis, par les inspecteurs et sous

inspecteurs des haras, par les visiteurs et les gardes-étalons, par les propriétaires d'animaux måles et femelles; enfin, par les maires, syndics et gardes-haras.

Ces règles, modifiées par quelques dispositions ultérieures, sous le règne de Louis XIV, formaient la base du système de l'administration des haras, que l'Assemblée constituante trouva établie.

Mais la plupart des inspecteurs et sous-inspecteurs des haras étaient des officiers de cavalerie appartenant à une caste privilégiée; ils avaient, disait-on, exercé leurs fonctions envers les cultivateurs avec une dureté et une hauteur qui avaient quelquefois blessé l'intérêt et toujours irrité l'amour-propre; ils étaient sous les ordres d'un chef que poursuivaient de vifs ressentiments. Il n'en fallait pas tant pour provoquer la destruction de l'administration qui les employait : elle s'anéantit avec tant d'autres; et au milieu des difficultés qui l'environnaient pour toutes les parties de l'organisation administrative, l'Assemblée constituante ne trouva pas le temps de réorganiser celle des haras, ou plutôt elle adopta le système de laisser tout à l'industrie et à l'intérêt particulier.

La liberté indéfinie s'établit; chaque laboureur ou propriétaire eut les étalons qu'il lui plut d'employer les juments, pour la remonte, ne furent plus soignées et choisies; la reproduction des mulets souffrit également; l'espèce devint moins belle; l'Espagne retira les utiles tributs que le luxe et l'habitude payaient aux cultivateurs du Poitou; l'abâtardissement des races se prépara, la diminution du nombre des élèves fut rapide, l'étendue de nos pertes se proportionna à celle de notre négligence.

D'un autre côté, les établissements tenus au compte de l'Etat, mal surveillés au milieu de toutes les convulsions de l'administration et de la politique, cessèrent de rendre des services, et n'offrirent plus que des moyens de dilapidation à la mauvaise foi, ou des occasions de gaspillage à l'ignorance.

La guerre vint ajouter par ses besoins à tant de causes actives de destruction.

Les réquisitions commandées par la nécessité, mais frappées avec rigueur, avec emportement, avec ignorance, enlevèrent aux cultivateurs dé toutes les contrées, là, les étalons, ici, les juments poulinières; ailleurs, de jeunes élèves qui périssaient bientôt faute de soins, de nourriture ou de forces, et qui, devenant la proie, tantôt de l'ennemi, tantôt de quelques entrepreneurs, laissaient des cultivateurs appauvris, sans que nos administrations des transports militaires de l'artillerie ou des remontes fussent enrichies.

En l'an III cependant, au mois de germinal, à l'époque où quelques hommes éclairés de la Convention commencèrent à s'épouvanter au milieu des ruines, et à concevoir le besoin de recréer, après tant et de si longues destructions, une loi fut rendue pour mettre un terme au système dévastateur qui semblait menacer l'espèce entière des chevaux d'une destruction prochaine.

On ordonna d'extraire des dépôts de l'État et de délivrer aux agriculteurs des étalons et des juments. On exempta du droit de réquisition et de cet autre droit appelé péremption les étalons et les juments pleines ou ayant mis bas depuis moins de cinq mois on prescrivit quelques mesures réparatrices.

Mais nulles règles générales ne furent établies, nul système ne fut créé, nultes mesures efficaces ne furent prises pour extraire du dehors de quoi réparer nos pertes.

Il appartenait à cette époque, où toutes les idées utiles sont toutes recherchées, recueillies, réalisées, de préparer de grands moyens de richesse nationale et particulière en recréant un bon système de haras.

Un million a été accordé, en l'an XIII, au ministre de l'intérieur pour cet objet.

Son premier soin, Messieurs, a été de rassembler des étalons de toutes les races, et surtout des plus précieuses.

Au premier rang, il faut placer les arabes, si recherchées et si rares, dont le sang généreux a créé en Angleterre cette race de chevaux que bientôt nous ne lui envierons plus.

Plusieurs haras appartenant à l'Etat, à de grands personnages, ou à des particuliers, possèdent déjà un assez grand nombre de ces animaux, et même de leurs rejetons, qui ont commencé la régénération de nos races.

En France et chez nos voisins, dans le Calvados et l'Orne, dans le Doubs et le Jura, dans la HauteVienne et dans les Pyrénées, au nord de l'Europe et vers le Holstein, au midi et chez nos fidèles alliés les Espagnols, des hommes intelligents sont allés rassembler des modèles choisis, que renferment déjà nos anciens établissements réparés, ou de nouveaux établissements qui s'élèvent.

Mais pour former ces nouveaux établissements, Messieurs, il faut des domaines, et pour avoir ces domaines, il faut presque partout les acquérir, les propriétés nationales n'offrant plus rien de convenable.

Mais pour recréer les établissements anciens, il faut recouvrer les portions de terre et prés qu'on a aliénées, qui en formaient jadis l'arrondissement.

La loi que je vous apporte, Messieurs, a pour objet d'autoriser ce double genre d'acquisitions. Le Gouvernement eût désiré les présenter toutes, et avec détail, à votre sanction.

Mais le travail sur les acquisitions déjà arrêtées, déjà reconnues nécessaires, n'est pas préparé en entier, et il importe pourtant qu'elles ne soient pas différées jusqu'à votre session prochaine.

D'un autre côté, les établissements nouveaux ne se formant qu'à mesure que les étalons se rassemblent, on ne connaît pas encore leur nombre ni leur emplacement.

Il est donc nécessaire de laisser à cet égard à l'administration et au Gouvernement une latitude indispensable pour consommer les achats qu'ils reconnaîtront nécessaires, et qui pourront s'effectuer successivement.

Quant au sacrifice qu'on exige des acquéreurs d'une partie des domaines du haras du Pin, de celui de Rozières et autres, les raisons en sont sensibles et sans réplique.

Les anciens bâtiments subsistent; ils ont déjà, depuis plusieurs années, repris leur destination; en reconstruire ailleurs serait dispendieux, et ne serait pas aussi convenable.

L'utilité publique prescrit donc aux particuliers de consentir à une aliénation nécessaire, et dont le juste prix leur sera préalablement payé.

Déjà plusieurs ont acquiescé à cette rétrocession, dont ils ont reconnu l'équité: la loi que vous allez rendre ramènera le petit nombre de ceux qui pourraient s'y refuser. L'exécution d'une mesure fondée sur le principe conservateur de toute société et de toute administration publique que l'intérêt général a reconnu et constaté, doit l'emporter sur les convenances particulières.

Après les acquisitions que vous sanctionnerez d'avance, et que des décrets impériaux consacreront, l'organisation des haras s'exécutera promp

tement; sous peu d'années, nous verrons décroitre et cesser enfin les importations coûteuses de chevaux de trait ou de remonte, pour lesquels nous payons tribut aux étrangers nous verrons multiplier, perfectionner les espèces, et s'ouvrir pour la France une nouvelle source de richesses, si elle peut, comme on doit l'espérer, non-seulement pourvoir à ses besoins, mais encore laisser écouler du superflu chez ses alliés, ou ses voisins, chez qui elle allait se pourvoir du nécessaire. Projet de loi..

Art. 1er. Les domaines nécessaires pour former eu agrandir les établissements de haras pourront être acquis de gré à gré.

Art. 2. Les domaines qui ont fait partie de l'un des haras de l'empire, et qui ont été distraits par des aliénations, seront acquis et réunis auxdits haras, par des traités de gré à gré, ou comme pour cause d'utilité publique, après estimation régulière et payement préalable, le tout dans les formes voulues par les lois.

Art. 3. Ces acquisitions seront autorisées par décrets impériaux, dans la forme usitée par les règlements d'administration publique.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

MM. Réal, Siméon et Gally, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Réal présente le livre Ve de la première partie du Code de procédure civile. Voici le texte et l'exposé des motifs de ce projet de loi :

Motifs.

Messieurs, nous venons vous présenter le cinquième livre du Code de procédure civile.

Son titre seul suffit pour faire sentir toute son importance. Il s'agit de l'exécution des jugements, c'est-à-dire de l'exercice de tous les droits, de l'accomplissement de tous les devoirs et de toutes les conventions. Toutes les parties du Code qui ont précédé celles que nous avons l'honneur d'offrir à votre sanction ne sont que des moyens pour arriver à ce but unique de toute action intentée, à cette exécution, sans laquelle les devoirs, les droits, les conventions, la propriété, ne seraient que de vaines théories sans application.

Ici la force vient à l'appui du droit reconnu ou déclaré; mais comme, dans toute société bien organisée, nul ne peut, de sa propre autorité, obliger par la force son adversaire à remplir un devoir, à exécuter une convention, à obéir à un jugement, la force publique supplée à la violence. particulière, et les officiers dépositaires de cette force interviennent pour l'exercer.

L'emploi de cette force n'est pas toujours nécessaire; parmi ceux qui sont traduits en justice, il est quelques plaideurs de bonne foi qui obéissent sans contrainte au jugement qui les a éclairés; il en est un plus grand nombre qui, redoutant les résultats déshonorants et dispendieux de l'exécution forcée, se résignent. Pour ces plaideurs, il a suffi d'établir quelques dispositions d'après lesquelles on puisse facilement et promptement opérer et constater l'exécution volontaire. Les premiers titres du livre V, les titres relatifs aux offres réelles et au bénéfice de cession, qui se trouvent dans le livre V, sont consacrés à l'exécu tion volontaire; les autres titres du livre V traitent de l'exécution forcée.

Dans les premiers livres, le législateur a ouvert au plaideur l'entrée du temple de la justice, et lui en a fait parcourir tous les détours. Dans le livre V, le plaideur n'est plus devant les tribunaux; le jugement est prononcé la partie condamnée est supposée, ou ne vouloir pas, ou ne pouvoir plus s'opposer à son exécution.

En comparant cette partie du Code de procédure à la partie correspondante de l'ordonnance de 1667, vous reconnaîtrez d'abord que le projet soumis à votre sanction offre un système entier et complet dont l'ordonnance de 1667 ne présentait que quelques parties.

Ainsi, comme dans l'ordonnance de 1667, vous trouverez dans cette partie du Code de procédure tout ce qui est relatif aux réceptions de caution, à la liquidation des dommages-intérêts, à la liquidation des fruits, aux redditions de comptes, à la liquidation des dépens, aux saisies-exécutions, et à la contrainte par corps; mais vous trouverez, de plus, les règles tracées pour les saisies-arrêts, pour les saisies de rentes, pour les saisies immobilières, pour les distributions par contribution, et pour les ordres, dont l'ordonnance de 1667 n'a point parlé.

Ces règles, il fallait les chercher, soit dans les lois antérieurs, dont presque toutes les dispositions étaient ou tombées en désuétude ou diversement interprétées, soit dans les déclarations des arrêts du Conseil, provoqués par des usages, des circonstances ou des besoins qui n'existent plus, soit enfin dans des arrêts de règlements de cours souveraines, arrêts presque toujours opposés entre eux, même dans les dispositions fondamentales. Réunies dans cette partie du Code, ces dispositions, que consacrait l'ordonnance de 1667, ces règles complètent, dans toutes ses parties, le système de l'exécution forcée.

Agrandi par ces additions importantes, le système vous paraîtra avoir reçu une nouvelle amélioration de quelques suppressions qui ne sont au reste que de simples transpositions.

Ainsi, le titre XXVII de l'ordonnance de 1667 se trouve presque entièrement effacé, quoique, par son intitulé (de l'exécution des jugements), il semblât devoir plus particulièrement appartenir à la partie du Code de procédure qui traite de cette exécution. Mais la plupart des dispositions contenues sous ce titre se trouvent dans le Code civil ou dans d'autres parties du Code de la procédure. Par exemple, la disposition contenue dans l'article 8 de ce titre XXVII, par laquelle, en autorisant une saisie réelle en vertu d'une condamnation provisoire, on suspendait la vente de l'immeuble saisi jusqu'après la condamnation, cette disposition ne se trouve pas dans le Code de procédure civile, parce qu'elle se trouve dans l'article 2215 du Code civil. Il en est de même des quatre premiers articles et de l'article 9 du même titre, dont les dispositions se trouvent aussi formellement dans le Code civil.

D'un autre côté, les dispositions contenues aux articles 5, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 de ce même titre XXVII de l'ordonnance, et qui expliquent quels étaient les jugements et sentences qui pouvraient acquérir la force de la chose jugée, dans quelles formalités ces sentenses et jugements devaient acquérir cette force de la chose jugée, ces dispositions ont été plus convenablement placées sous les titres déjà soumis à votre examen, et qui fixent les délais pendant lesquels on peut former opposition aux jugements ou en interjeter appel. Il ne resterait donc plus de toutes les dispositions contenues dans ce titre XXVII, que les articles 6 et 7. Le premier ordonnait que les arrêts s'exécutassent par tout le royaume avec un pareatis du grand sceau ou une permission du juge, et le deuxième prononçait des peines contre ceux qui, par violences ou voies de fait, empêchaient l'exécution des jugements. Ces deux dispositions ont dû seules entrer dans la partie du Code que

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