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souffert; une seule partie de l'administration pu-
blique avait trompé son espoir; je veux parler de
la Banque de France.

Satisfait de voir qu'elle avait repris ses payements, et que le mal était réparé, pour ainsi dire, par la seule présence du chef de l'Etat; que le crédit était recréé par ses premiers regards, un autre souverain aurait peut-être cru pouvoir dissimuler le passé, jouir du présent et ne pas prévoir l'avenir.

Sa Majesté s'est livrée à de plus justes, plus grandes, plus utiles pensées.

Elle a voulu examiner la nature, l'étendue du mal; elle a voulu en rechercher les causes; elle a voulu en préparer le remède.

Un gouvernement sage et fort peut tout dire à une nation puissante et éclairée dissimuler des erreurs ou des fautes appartient à une faiblesse funeste; les publier et les réparer appartient à l'habileté prévoyante.

Sa Majesté a reconnu que l'atteinte portée au crédit public, que la dégradation de notre change avec l'étranger, que la suspension de la circulation intérieure des capitaux, que le taux exorbitant où l'intérêt était passagèrement monté, provenaient de la violation des règles imposées à l'administration de la Banque par la loi qui l'a créée, par les statuts qui la régissent.

Loin de nous l'idée non-seulement de blesser, mais même d'attrister qui que ce soit par l'exposé que nous allons faire. Mais quand le mal a été aussi évident, il importe de remonter à ses causes; il importe de ne pas laisser accuser les vices d'une institution de toutes les fautes de l'administration; de ne pas laisser croire que tout doit être attribué à la force des circonstances, quand presque tout provient de la faiblesse des hommes.

Nous le dirons avec franchise parce que nous pouvons le dire sans inconvénient pour le crédit, et que nous ne pourrions le dissimuler sans laisser sur l'avenir des nuages qu'il faut dissiper. L'administration de la Banque s'est laissée aller à trois principales violations, non-seulement des principes sages qu'elle devait suivre, mais des règles qu'elle était tenue d'observer.

La Banque de France était destinée à réaliser le crédit général, et les règles de son service étaient bien définies dans la loi qui la constitua; les conditions auxquelles son privilége lui était accordé étaient bien établies. Rapportons les principales: 1 Elle devait refuser les effets de circulation créés collusoirement entre les signataires, sans cause ni valeur réelle;

2o Elle ne devait reconnaître aux actionnaires aucun droit particulier à l'escompte, à raison de leurs actions;

3o Elle devait se tenir en état d'échéance à vue de tous ses billets, et régler leur émission sur cette obligation.

La Banque a manqué successivement à ces diverses obligations, et la violation des deux premières a amené la violation de la dernière et de la plus importante.

PREMIÈRE PARTIE.
§ I.

Le privilége de la Banque ne lui est pas accordé pour elle, mais pour l'utilité générale. Ce n'est pas pour l'avantage de ses actionnaires, mais pour celui du commerce et de l'Etat, qu'elle a seule le droit de grossir, à son profit, la masse de ses capitaux par des billets circulants.

Ainsi, toutes les mesures avaient été prises dans la loi pour faire participer le commerce à l'es

237 compte, et le comité central institué par la loi devait faire l'état général de tous ceux qui seraient dans le cas d'y être admis, et conséquemment en régler la proportion.

Au lieu d'avoir un tel état des escompteurs, et dans la proportion de leur crédit, et de s'y conformer religieusement ou, si l'on veut, au lieu de n'y comprendre que les négociants, banquiers ou marchands dont les effets étaient causés pour fournitures de valeurs réelles et pour des transactions commerciales effectives, on a reçu dans une proportion souvent indéfinie des valeurs de circulation, des effets collusoirement souscrits entre un petit nombre de maisons. Une fois engagée avec elles, l'intérêt de la Banque, mal entendu sans doute, a porté son administration à permettre le renouvellement, l'accroissement de cette circulation funeste.

Ainsi, le véritable commerce a souffert. Ainsi, des escompteurs privilégiés se sont approprié, au taux modique de 6 0/0, la plus grande partie des espèces ou des billets circulants, et les véritables effets de commerce, repoussés et stagnants dans le portefeuille du négociant, du marchand, du manufacturier, ont laissé leurs porteurs à la merci de tous les fripiers de Banque, qui revendaient à eux ou à l'Etat, et au plus haut prix, ce qu'ils avaient obtenu au taux ordinaire de l'escompte de la Banque.

Et quand j'appelle prétendus banquiers ceux qui se livrent à un tel trafic mon intention est de rendre plus frappante la distinction entre eux et ceux qui exercent noblement une profession utile.

Le véritable banquier, modèle d'ordre, de fidé-
lité, de prudence, ne se laisse pas aller à ces spé-
culations hasardeuses qui placent trop souvent
ceux qui s'y livrent entre la fortune et la honte;
il ne joue pas l'honneur de sa signature. Corres-
pondant exact et respecté du commerce étranger
et du commerce intérieur, il aide de son crédit,
il facilite ses négociations; en ajoutant à la ra-
pidité de la circulation, il multiplie les moyens
d'échange; il assure, accroît les bénéfices du ma-
nufacturier, et contribue à la prospérité du com-
merce et de l'Etat.

Ce n'est point à de tels hommes que s'adresse le
reproche d'avoir contribué à remplir le portefeuille
de la Banque de ces valeurs réprouvées qui n'y
plices statuts de la Banque de France.
laissaient pas de place à celles pour qui la loi
l'avait réservée tout entière. Ils ne sont pas com-
plices ou participants de la première violation des
lois

§ II.

Cette première violation des règles prescrites à l'administration pour l'admission à l'escompte a été suivie naturellement par une seconde.

Quand on a cessé d'accorder l'escompte sur une échelle de crédit justement établie, il a fallu chercher une autre base.

On l'a prise dans le nombre des actions que chaque escompteur possédait ou était censé posséder, tandis que cette mesure d'admission à l'escompte était formellement prohibée par la loi de germinal an XI, article 7, et qu'un paragraphe des statuts n'admet les actions que comme remplacement d'une troisième signature, et à la charge de leur transfert au compte de la Banque comme garantie.

Alors, d'un côté, le négociant dont les capitaux étaient entièrement employés dans son commerce, qui n'avait que des marchandises ou des effets réels de portefeuille, était exclu de l'escompte, parce qu'il ne lui restait pas de fonds pour être

1

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!

réellement actionnaire, et qu'il avait trop de loyauté pour n'être qu'un actionnaire fictif.

Mais, d'un autre côté, tout le monde n'avait pas la même délicatesse. Ainsi un homme dont les affaires étaient embarrassées pouvait acquérir des actions, faire escompter dans la proportion de leur nombre, et pourtant n'en avoir pas une à lui, et les avoir remises en dépôt pour se faire des fonds. Enfin, l'escompte accordé en raison de l'action produisait un autre effet funeste.

Il interposait entre le négociant et la Banque une classe d'hommes qui, avec la propriété d'un certain nombre d'actions, se procuraient à 6 p. 010 des fonds qu'il revendaient à un taux toujours supérieur, plus ou moins fort, suivant les circonstances, et souvent excessif.

De là résultait le haut prix de l'action de Bauque, recherchée, évaluée, achetée sur le pied du montant annuel du dividende, grossi par suite de trop fortes émissions de billets et de l'accroissement de la réserve cumulés; accroissement trompeur et peu désirable; moyen d'agiotage et conséquemment de ruine; occasion de méprise pour le père de famille sage, et d'attrait funeste pour l'homme imprudent et hasardeux.

De là résultait aussi le taux exorbitant auquel se maintenait l'intérêt, dont la Banque n'était plus le régulateur, parce que le porteur de vrais effets de commerce n'était plus admis à y escompter; qu'on n'y recevait au contraire que celui qui avait intérêt à avilir les valeurs commerciales, pour les obtenir avec plus d'avantage, à un escompte plus fort, et que le négociant était forcé de recevoir la loi de cette espèce nouvelle de capitalistes.

On voit comment une première erreur en a amené une seconde, et comment les conséquences des unes et des autres, devenues plus sensibles et plus funestes, ont amené une troisième faute.

§ III.

Je veux parler de l'émission trop considérable des billets de la Banque, d'où est résultée la nécessité de fixer la quotité de ceux qu'on rembourserait chaque jour.

Il n'est pas besoin de s'étendre ni sur l'illégalité des mesures ni sur le mal de leurs résultats.

La confiance dans le Gouvernement, la certitude des victoires promises et presque aussitôt obtenues, enfin l'esprit public dont on accuse la nation française de manquer, et qui ne se montra jamais plus énergique, plus constant, plus inaltérable, ont fait traverser cette époque avec moins de difficulté et de peine qu'on n'aurait pu le redouter.

Sans doute, le crédit général et particulier, les intérêts publics et privés en ont souffert; mais l'ordre est promptement revenu, et du mal que je viens de retracer est du moins résulté cet avantage que ses causes ont été recherchées, et que leur connaissance en amènera le remède.

DEUXIÈME PARTIE.

Causes des fautes de l'administration. La première des erreurs où l'administration de la Banque est tombée paraît résider dans son organisation même.

Elle est formée en entier de banquiers ou négociants choisis par les actionnaires, c'est-à-dire d'hommes reconnus par eux pour être éclairés, probes, bien intentionnés.

Mais ces hommes, en même temps qu'ils sont administrateurs de la Banque, sont actionnaires et escompteurs.

Ils jugent mutuellement leurs intérêts personnels; comment espérer qu'aucun ne sera tenté de profiter de cette réciprocité de rapports et des avantages résultant de leur position? Comment attendre de tous une sévérité mutuelle et journalière, si difficile à montrer et si nécessaire pourtant à soutenir, pour ne pas tomber dans l'impartialité et l'injustice?

Il existe, à la vérité, un comité d'escompte où les négociants siégent en nombre déterminé, et qui préparent le travail de l'escompte.

Mais 1° ce travail était soumis et jugé par le comité central, décidant sans appel sur les opérations du comité d'escompte, et non pas en conformité de ces opérations; recevant l'initiative de ce comité, mais agissant le plus souvent d'après une autre influence.

2o La règle établie d'escompter selon le nombre des actions rendait presque nul l'effet du travail de ce comité, puisque le bordereau d'escompte le mieux garanti, souscrit par un négociant bien famé, mais non actionnaire, n'avait pas les mêmes droits que le bordereau d'effets de circulation les plus suspects, appuyé sur le titre souvent fictif d'actionnaire.

Il était donc naturel que, dans cette espèce d'oligarchie commerciale, il s'établit naturellement une condescendance réciproque, une pactisation entre les intérêts divers.

son

Il était impossible que le comité central méritât nom par une concentration suffisante du pouvoir, par la conception d'une volonté assez indépendante pour être juste, par l'action d'une autorité assez puissante pour être respectée.

C'est donc au défaut de force dans l'administration de la Banque, à l'impuissance où elle s'est trouvée, tantôt d'agir avec vigueur contre des abus déjà introduits, tantôt de résister avec persévérance à des abus nouveaux, qu'il faut reporter la première cause des fautes qu'elle a commises.

Deuxième cause.

A cette première cause née de la composition de l'administration, il en faut joindre une seconde prise dans la nature des choses.

La Banque a un capital de 50 millions environ, en y comprenant son fonds de réserve; elle a 45 millions applicables à l'escompte. Cette somme s'accroît encore de la quantité de billets que la circulation peut absorber.

Il est possible que, dans un moment de stagnation du commerce, lorsque les consommations sont restreintes, les dépenses du luxe diminués, il y ait moins de matière d'escompte en effets dé

commerce.

Et pourtant c'est le papier de commerce exclusivement que l'administration de la Banque croyait devoir admettre dans son portefeuille.

Dès lors, quand le papier de commerce réel et reconnu, ayant derrière lui des valeurs en marchandises, n'a pas été assez abondant, l'administration à dù se laisser aller à prendre des effets d'une autre nature.

Et quels sont, quels ont été ces effets ? Nous l'avons déjà dit, ce sont des effets sans garantie ou n'ayant pour gage entre les mains de ceux qui les souscrivent, les acceptent et les endossent, que des valeurs connues sous le nom d'effets

lais, et changeant de main avec rapidité, sans

laisser de traces.

Les dépositaires de ces effets publics, tels que rentes, obligations de receveurs, actions de la Banque même, prenant un intérêt qui a été de

10 à 20 p. 0/0, escomptaient au taux de 6 0/0, et
faisaient un bénéfice énorme au préjudice de
l'Etat et du commerce.

Quelle différence pour le commerce et pour l'Etat, si, au lieu d'arriver au portefeuille de la Banque, dénaturés et en lettres de change d'une association de quelques banquiers ou faiseurs d'affaires, les effets publics y étaient arrivés en nature, offrant, comme les obligations des receveurs généraux par exemple, la plus sùre rantie, le gage le plus solide? ga

Le trésor public aurait vu ses frais d'escompte diminuer de moitié.

Le commerce, dont les transactions, pour le taux de l'intérêt, tendent par une pente irrésistible à se graduer sur celui que produisent les effets publics, les valeurs nationales, aurait obtenu des particuliers, à un taux modéré, des fonds qui n'auraient plus été attirés par l'appât d'un profit excessif.

Et dans tout ceci, la Banque, non-seulement n'aurait pas couru un risque, mais elle aurait eu une garantie de plus; car par mille événements faciles à concevoir, et qu'on a pu craindre quelques moments, les effets de circulation pouvaient n'être pas acquittés, et la Banque n'avait aucun gage; tandis que nul ne peut raisonnablement et de bonne foi se faire une supposition dans laquelle les obligations des receveurs ne soient pas ou acquittées par eux ou remboursées sur leur cautionnement par la caisse d'amortissement, puisque le fait n'a jamais et ne peut jamais avoir lieu.

C'est ainsi qu'au lieu de réaliser le crédit général au profit du commerce et de l'Etat, la Banque n'a réalisé que le crédit factice et mensonger de plusieurs cambistes de la capitale au profit de quelques particuliers.

C'est ainsi qu'elle a contribué à rompre l'équilibre entre les opérations du Gouvernement et celles du commerce, entre les avantages qu'offraient aux capitalistes les effets publics, et ceux que présen taient les effets des négociants et manufacturiers, tandis qu'elle était destinée à maintenir le niveau entre toutes ces valeurs diverses, et à rapprocher le taux de leur escompte.

Qu'on ne dise pas qu'il y a eu une troisième cause dans une exportation de numéraire pris dans les coffres de la Banque, et qui serait allé faire le service de nos armées chez l'étranger.

Le conseil de la Banque, les membres de ses comités savent que ce fait, publié par l'ignorance,

est denué de fondement.

Tous ceux qui ont pris part à l'administration publique peuvent attester que depuis que Sa Majesté à quitté la France pour mener ses légions aux combats, il ne s'est pas exporté un sac d'argent pour le service de l'armée, et ils pourraient assurer qu'il en est au contraire rentré.

Après avoir exposé dans cette seconde partie, Messieurs, les deux principales causes du mal dont je vous ai esquissé le tableau dans la première, je vais vous présenter les mesures que Sa Majesté a cru les plus propres à y remédier, et qui sont contenues dans la loi nouvelle sur la Banque que nous vous apportons.

TROISIÈME PARTIE.

Discussion des dispositions de la loi. J'ai dit qu'une des principales causes des erreurs de l'administration de la Banque était dans sa composition même. Pour l'en préserver, il eut fallu qu'il se fut élevé parmi les régisseurs un homme assez habile pour démêler le vice de

[12 avril 1806.]

l'organisation de la Banque, assez considéré pour 239 exercer une influence presque absolue, assez modéré pour en bien user, assez fort pour la conserver; il eût fallu enfin, comme dans toutes les républiques, un homme qui eût par le fait une grande autorité, sans l'avoir de droit, à qui on la laissât sans résistance, et qui en jouit sans inconvénient.

La loi que nous vous apportons, Messieurs, satisfait à ce besoin; elle place à la tête de la Banque un homme légalement revêtu de ce pouvoir nécessaire pour faire marcher son administration sans déviation et sans faiblesse sur la ligne tracée par les lois; un homme qui n'ait et ne. puisse prendre aucun intérêt à ses opérations, et qui puisse d'autant mieux commander à tous les intérêts qui s'agiteront encore auteur de lui; un homme uniquement livré aux soins de l'importante affaire qui lui sera confiée, et qui ait pour perspective, après des services d'ailleurs généreusement rétribués, la reconnaissance du Gouvernement et des citoyens.

Son titre sera celui de gouverneur de la Banque. Il aura deux suppléants avec le titre de sousgouverneurs, et il pourra leur déléguer une partie de ses fonctions.

Ces administrateurs de la Banque, nommés par Sa Majesté, prêtent serment entre ses mains, sont assimilés par cette prérogative aux premiers fonctionnaires de l'Etat, et avertis par la solennité même de leurs engagements, de l'importance de leurs fonctions et de la sévérité avec laquelle on exigera qu'ils les remplissent.

Et qu'on ne croie pas que ce mode de nomination des gouverneurs et sous-gouverneurs de la Banque soit une atteinte aux droits des actionnaires.

D'abord les personnes nommées seront tenues de justifier de la propriété de cent actions pour le gouverneur, et de cinquante pour les sousgouverneurs, proportion qui a toujours suffi pour ètre classé parmi les deux cents plus forts actionnaires.

Mais, en outre, il ne faut pas se laisser aller à cette erreur qui a fait regarder les actionnaires comme possédant la propriété de la Banque, ou la possédant au même titre qu'une propriété ordinaire.

La Banque est un établissement public. Elle a plus, un privilége précieux. Elle l'a reçu, elle reçu d'abord pour quinze ans, et on veut lui confirmer aujourd'hui, pour vingt-cinq années de doit en user pour l'intérêt commun du Gouvernement, des citoyens et des actionnaires.

Ces trois intérêts doivent avoir leur garantie indépendante.

La Banque et son administration ne peuvent être laissées aux hasards de la volonté et du choix des actionnaires seuls, parce que la propriété de la Banque est à l'Etat et au Gouvernement autant qu'à eux.

Le mode d'administration de la Banque, le mode d'exploitation du privilége doit être réglé par la loi et surveillé par un agent de l'autorité publique, par un homme à qui la confiance du souverain assure celle de la nation.

Autrement les actionnaires pourraient, au préjudice du commerce et du trésor public, faire des opérations funestes à l'un et à l'autre, utiles pourtant à la Banque, en apparence du moins; surtout utiles à eux, actionnaires, qui ont le double intérêt de faire grossir le dividende ou la réserve, pour produire la hausse des actions, et qui, pour arriver à ce but, pourraient prendre encore les

routes où l'administration fut égarée, et recommencer à recevoir, sous le titre de dividende et de bénéfice, ce qui n'a été dans le fait qu'un impôt levé sur les citoyens par la dépréciation des billets.

C'est de ce mal affreux surtout que Sa Majesté veut préserver son peuple; c'est son retour qu'elle veut rendre impossible en créant tous les genres de garantie, tous les genres de surveillance pour l'administration nouvelle.

Il faut que l'autorité surveille l'administration de la Banque; comment peut-elle le faire mieux qu'en désignant des chefs indépendants et soumis à la loi seule dans l'exercice de leurs fonctions?

Ce mode a paru de beaucoup préférable à celui de la création d'un commissaire impérial près de la Banque. Son action eût été paralysée bientôt, ou bientôt elle eût paralysé celle de l'administration; tandis que le gouverneur et ses adjoints, responsables tous trois, pourront agir sans obstacle dans le cercle tracé autour d'eux, et ne pourront en dépasser les bornes.

Le gouverneur, d'ailleurs, n'exerce pas ce pouvoir sans guides, sans conseils, sans surveillants.

Le système actuel du conseil général de la Banque, divisé en comités, et d'une assemblée annuelle des actionnaires, est religieusement maintenu

L'assemblée des actionnaires nommera toujours les régents et les censeurs.

Les régents et les censeurs, investis de la confiance des actionnaires, continueront de remplir les fonctions qu'ils exercent aujourd'hui.

Le gouverneur pourra refuser à l'escompte les effets qui lui seraient présentés et qui lui sembleraient douteux; mais il ne pourra en faire escompter que sur la présentation du conseil général. La faculté de réprimer les abus est ainsi laissée au gouverneur, sans que jamais il puisse lui-même en introduire dans l'escompte.

La création, l'émission des billets, partie si importante du service de l'administration, est confiée au conseil général, c'est-à-dire aux représentants du commerce et des actionnaires; et il existera ainsi un double gage de la prudence avec laquelle on proportionnera la circulation aux besoins, et l'émission au numéraire en ré

serve.

Les dépenses de la Banque seront toutes délibérées par le conseil général, au commencement de chaque année.

Les quatre comités, d'escompte, des billets, des livres et portefeuille, des caisses, n'éprouveront aucun changement.

Un cinquième comité y sera ajouté. Il sera chargé des relations avec le trésor public et les receveurs généraux, qui devront fournir trois membres au moins au conseil général.

Ainsi viendront se confondre, dans un même centre, toutes les ressources, tous les moyens que la Banque, d'un côté, et l'agence des receveurs généraux, de l'autre, faisaient valoir séparément; ainsi, le zèle, l'habileté que cette agence a montrés, et qui ont contribué au prompt rétablissement du crédit, tourneront encore au profit des actionnaires.

La correspondance de la Banque avec les receveurs généraux se fera avec pleine sécurité pour tous, sur la foi de collègues déjà éprouvés; la circulation des valeurs deviendra rapide, sera utile à tous les services et à toutes les classes, elle sera féconde, parce qu'elle ne laissera nul capital inactif, qu'elle n'obligera pas à garder de fonds stériles dans des caisses, et qu'elle ne se

fera pas à l'aide de ruineux transports d'espèces.

Le dividende de la Banque sera, comme il l'a été jusqu'à ce jour, de 6 p. 0/0 du capital primitif; mais au lieu de restreindre à ces 6 p. 0/0 le montant du dividende et de faire du surplus un fonds de réserve, un tiers seulement de cet excédant composera la réserve, et les deux autres tiers seront ajoutés au dividende.

L'emploi des nouveaux fonds de réserve ne sera plus limité à l'acquisition de rentes sur l'Etat; l'administration de la Banque leur assignera la destination qui leur paraîtra le plus convenable. Vous voyez, Messieurs, que ces changements remédient aux causes reconnues des fautes qui ont été commises, et préviennent les fâcheux résultats qu'elles ont amenés.

Désormais, à la tête de la Banque sera un pouvoir concentré, mais limité; assez fort pour empêcher le mal et faire le bien; impuissant pour abuser ou pour nuire; sans intérêt à composer avec personne; responsable à l'Empereur et à ses concitoyens d'un établissement précieux, et qui ne pourra avoir de gloire et de repos même qu'en assurant sa prospérité.

Le capital de la Banque, appelé à des opérations qui réunissent dans un centre commun l'intérêt du commerçant, du manufacturier et du banquier, devra nécessairement être augmenté; les actions pourront être portées au nombre de quatre-vingtdix mille.

Mais leur émission ne sera que successive; elle sera délibérée par le conseil général de la banque, proportionnée aux besoins, aux demandes, aux convenances du commerce de la capitale et des départements.

Sans doute cette émission ramènera pour un temps, ou plutôt a déjà ramené les actions de la Banque au pair cet effet fut produit en l'an XI, lorsque le nombre des actions fut accru par la loi.

Mais la hausse graduelle des actions avait été l'effet de la violation des règles et de la proportion de l'escompte au nombre des actions; leur réduction à leur valeur réelle n'est qu'un véritable retour à l'ordre et à la sûreté pour les possesseurs; car tout accroissement de valeur d'effets publics par des causes extraordinaires qui, par là même, n'ont pas un effet permanent, est un mal pour l'Etat et un danger pour les citoyens.

Cette hausse, avantageuse, il est vrai, aux porteurs d'actions, propre à en favoriser le jeu sur la place, était un signe de souffrance pour le crédit général elle annonçait moins la prospérité de la Banque que l'avidité de ceux qui avaient le privilége d'y escompter, et le malheur des négociants obligés de recourir à eux.

La Banque offrira aux hommes sages un placement sûr, un intérêt qui sera dans une proportion très-considérable encore, et qui résulterà de moyens plus justes. Il ne permettra pas de bénéfices exorbitants par des jeux hasardeux et funestes, mais il assurera des dividendes constants, et qui ne coûteront rien au négociant probe, à l'artisan industrieux, au consommateur économe; il n'offrira pas aux spéculateurs des chances de profits cupides, mais il ne menacera d'aucune perte le père de famille.

Telles sont, Messieurs, les vues dans lesquelles est rédigé le projet de loi que nous vous présentons il est le résultat de mères délibérations, de consultations répétées avec les hommes les plus éclairés.

L'administration actuelle de la Banque appelait par ses vœux les changements qu'il consacre. Elle souhaitait l'espèce de régénération qui va

faire oublier le passé, pour ne laisser que l'espoir d'une administration nouvelle qui offrira tous les genres de garanties, qui profitera de tous les talents, de toute l'expérience de l'administration actuelle et des membres qui la composent, qui ne perpétuera que le souvenir du bien qu'ils ont fait et de celui auquel ils seront appelés à coopérer.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

MM. Berlier, Siméon et Corvetto, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Berlier présente le livre premier de la deuxième partie du projet de Code de procédure civile.

En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, le projet que Sa Majesté nous a chargés de vous présenter fait partie de ceux qui doivent entrer dans la composition du Code de procédure civile.

Déjà vous connaissez la partie de ce travail qui s'applique au mode ordinaire d'instruire et de juger les contestations qui s'élèvent entre les citoyens. L'on vous a donné connaissance aussi de ce qui regarde l'exécution des jugements.

Mais l'instruction des procès, dans le sens attaché à ce mot, et l'exécution des jugements, sont loin d'embrasser toutes les actions judiciaires que comportent les besoins de la société.

se

C'est d'après cette pensée, que les hommes qui, les premiers, s'étaient occupés du grand et utile projet de donner à la France un Code civil, proposaient d'y insérer un livre intitulé: Des actions, dans lequel la procédure eût été comprise, comme l'espèce l'est dans le genre, et où se fussent réunies toutes les autres actions judiciaires.

Si ce premier plan n'a pas été suivi, et si l'on a renoncé à un titre plus exact peut-être, mais dont la généralité eût rendu l'acception plus vague, le fond de la pensée est resté et va se réaliser aujourd'hui, en insérant, dans le Code dit de la procédure, toutes les actions, même celles qui, sans constituer essentiellement des procès, peuvent intéresser le ministère du juge où celui des officiers de justice.

Sous ce point de vue, le Code qui vous est soumis aura l'avantage d'avoir réglé beaucoup d'objets que n'embrassait point l'ordonnance de 1667.

En effet, cette ordonnance, dont plusieurs dispositions ont mérité d'être maintenues dans la partie du nouveau Code, qui traite de la procédure ordinaire, n'en offre qu'un bien petit nombre d'analogues aux titres qui vont vous être présentés.

C'est dans des édits ou déclarations du Roi, dans des statuts locaux et dans la jurisprudence, que se trouvent la plupart des règles qu'on appliquait aux procédures diverses, et il est inutile de dire qu'il y avait, sur plusieurs points, très-peu d'uniformité.

Ces sources ont été consultées; l'expérience a été respectée, non en maître qui commande, mais en guide qui éclaire.

Si l'on a adopté d'assez graves changements en quelques parties, ils ont été, ou indiqués par les vices reconnus de ce qui se pratiquait autrefois, ou prescrits par le besoin de mettre les nouvelles procédures en harmonie avec les règles posées par le Code civil; car le but serait manqué, si le nouveau Code n'avait pas toujours en vue la loi fondamentale dont il doit être l'appui, et quelquefois le développement.

Législateurs, après cette exposition générale T. IX.

des vues qui ont présidé à cette partie du travail, je dois vous en faire connaître plus particulièrement les détails, en appliquant séparément à chacun des titres qui composent le premier livre de la deuxième partie du Code de procédure, les observations qui les concernent.

Ces titres sont au nombre de douze.

Le premier traite des offres de payement et de la consignation.

Déjà le Code civil (art. 1257 et suivants) a posé les principes propres à ce mode d'extinction des obligations, et il ne s'agit pas aujourd'hui de les remettre en discussion, mais de régler tant la forme du procès-verval d'offres, que la procédure à suivre pour faire statuer sur les offres et la consignation.

Les dispositions relatives à cet objet, peu nombreuses et extrêmement simples, n'ont nul besoin d'analyse.

Le titre II traite de la saisie-gagerie et de la saisie-arrêt sur débiteurs forains.

La saisie-gagerie, ou, en d'autres termes, la saisie à laquelle les propriétaires et principaux locataires de maisons ou biens ruraux font procéder, pour loyers et fermages à eux dus, sur les effets et fruits étant dans leurs bâtiments, ou sur leurs terres, a toujours été considérée comme une action digne de la plus grande faveur.

Cette faveur est due à l'origine de telles créances; elles ont toujours été privilégiées, et l'article 2102 du Code civil leur a conservé ce caractère.

Ainsi, les effets mobiliers qui garnissent une maison, ou les fruits qui proviennent de la terre, sont le gage naturel du propriétaire de la maison ou du champ.

Mais ce gage est mobile et pourrait échapper, si la loi n'en permettait pas l'appréhension par des voies promptes et faciles.

La saisie-arrêt sur débiteurs forains n'a pas sans doute la même faveur d'origine; mais la présence accidentelle du débiteur devient pour le créancier un juste motif de pourvoir à ses intérêts par des mesures promptés; car il y a péril dans le retard.

Dans l'une comme dans l'autre de ces espèces, il y a lieu de subvenir au créancier, en dégageant les saisies de quelques-unes des formalités ordinaires, sans néanmoins les en rédimer à tel poin qu'elles puissent devenir vexatoires.

Ce sont ces vues qui ont présidé à la rédaction des sept articles qui compose le titre II, et leur simple lecture vous convaincra sans doute que leur objet a été rempli.

Le titre III traite de la saisie-revendication.

Il ne s'agit pas ici de cette revendication qui, en matière de commerce, s'exerce sur la chose vendue et livrée, mais restée intacte dans les mains de l'acheteur.

Ce sera une question peut-être que de savoir un tel privilége doit exister, et s'il n'engendre pas plus de fraudes que de réels et justes avantages; mais cette question est réservée à la discussion qui s'ouvrira sur le Code de commerce, et notre projet a pris un soin extrême de ne rien préjuger sur les questions de cette nature.

La saisie-revendication, objet de ce titre, est celle que le propriétaire exerce sur sa chose non aliénée et détenue par un tiers.

Comme, dans une telle position, et en matière mobilière surtout, le débiteur de la chose aura ordinairement pour lui la présomption de propriété, si elle n'est pas dé truite par un titre qui fasse voir que sa posses

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