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et les ateliers; dans la rade de Rochefort, les jetées qui doivent servir de bases au fort Boyard, et les opérations de tout genre, que nécessite cette difficile construction.

Onze autres points ont eu constamment des travaux en activité: Ostende, pour l'achèvement des batteries et la formation d'un hôpital de marine; Dunkerque, pour les évasements et les restaurations; Etaples, pour l'établissement d'un magasin à poudre; le Havre, pour l'entretien de ses établissements; Lorient, pour la construction d'une salle d'armes et la réparation de ses bâtiments; Rochefort, pour celle des quais, la clôture de l'arsenal, etc; Toulon, enfin, pour la construction du magasin général incendié, du hangar de la grande mâture, pour les soins employés à relever quatre des vaisseaux qui l'obstruaient. Ce port, un des plus beaux ouvrages de l'art et de la nature, consolé de ses désastres, n'en conservera bientôt plus aucun vestige; la même main qui l'arracha à l'ennemi lui aura rendu toute sa prospérité.

L'établissement de cent vingt-cinq ponts à bascules, dont cent déjà rendus à leur destination, lié à l'exécution des lois des 29 floréal an X et 25 ventôse an XII, garantiront les routes des dégradations commises par l'imprudence des voituriers, en les forçant de proportionner la largeur des roues à la charge de leurs voitures.

Trois lignes télégraphiques se dirigent sur Brest, Bruxelles, Strasbourg, des embranchements sur Boulogne et le cap Grimez; une quatrième s'étendra, d'ici à six mois, à Milan par Lyon et Turin.

L'organisation des ponts et chaussées, établie sur un plan plus vaste et plus régulier, arrêtée en l'an XI, et exécutée en l'an XIII, assure des retraites à la vieillesse, des récompenses aux services, de l'avancement au mérite et des encouragements à tous les ingénieurs, et met sur toute l'étendue de la France, ancienne et nouvelle, la composition de ce corps en proportion avec le système des travaux publics.

Deux nouvelles cités s'élèvent au sein d'une contrée désolée jadis par les guerres civiles, et trop longtemps étrangère à notre commerce, à nos arts comme à nos mœurs. Toute sa population se portait aux côtes; son intérieur va se ranimer. Dans le Morbihan, Napoléonville se developpe sur les plans arrêtés cette année; elle est déjà avancée; des bâtiments militaires, des édifices civils s'y construisent; le local du lycée est prêt à recevoir cent cinquante élèves placée au sein des nouveaux canaux de la ci-devant Bretagne, Napoléonville sera, dans la paix, le siége d'un grand commerce; dans la guerre, un centre militaire imposant, un entrepôt pour l'approvisionnement de notre marine. La Vendée applaudit à la naissance de sa nouvelle capitale. La ville de Napoléon a vu poser les bases de tous les grands établissements qui conviennent à sa destinée, et qui peuvent vivifier le département dont elle est le centre; sortant d'une forêt jadis déserte, elle appelléra par les routes qui viennent se croiser dans ses murs, le mouvement du commerce; elle verra son heureuse situation recherchée par une population fidèle et dévouée au prince qui lui a rendu son culte, la tranquillité et l'abondance. L'Empereur a permis que son nom fùt imprimé à ces deux magnifiques ouvrages, comme sur deux médailles impérissables; elles rappelleront de grands malheurs complétement réparés.

Je n'ai fait, Messieurs, que retracer à chacun de vous ce qu'il a vu dans les départements qu'il vient de quitter.

Vos regards, à votre retour dans la capitale, ont été frappés de la retrouver plus embellie dans le cours d'une année de guerre, qu'elle ne fut jadis en un demi-siècle de paix; de nouveaux quais se prolongent sur les rives de la Seine: deux ponts avaient été exécutés les années précédentes; le troisième, le plus important de tous par son étendue, sa construction et l'utilité de la communication qu'il établit, est sur le point de s'achever; il sert déjà au passage des hommes à pied et des chevaux. Dans son voisinage est tracé un nouveau quartier destiné à en compléter la décoration. Les rues de ce quartier portent les noms des guerriers qui ont trouvé une mort honorable dans le cours de la campagne, digne récompense décernée par l'Empereur à leur mémoire, à leur famille, à l'armée. Le pont prend lui-même le nom d'Austerlitz. Ainsi la Seine, en entrant à Paris, rencontrera d'abord un monument de la gloire de nos guerriers, comme, en sortant, elle embellit la magnifique retraite préparée à leurs vieux jours, où ils viennent s'entretenir de leurs faits d'armes, et de celui dont le génie prépara leur gloire. On projette de débarrasser le cours de cette rivière des entraves de tout genre qui en flétrissent l'aspect en en rendant, dans son passage à Paris, la navigation presque impraticable.

En s'éloignant de ses bords, un arc de triomphe placé à l'entrée des boulevarts deviendra un nouveau monument de ces événements dont le souvenir doit être plus durable que tout ce que nous pourrons faire pour le perpétuer. Qu'au moins ces ouvrages attestent à la postérité que nous avons été aussi justes qu'elle le sera, et que notre reconnaissance a égalé notre admiration!

De l'autre côté de l'arc de triomphe, le boulevart sera prolongé jusqu'à la Seine, servant de quai à une vaste gare alimentée par les eaux de l'Ourcq, dernier service que rendra cette rivière destinée à la fois à donner à Paris une abondante provision d'eau excellente, à l'embellir par son cours et par ses fontaines, à entretenir dans ses rues une propreté inconnue, et à l'approvisionner par un canal qui, remontant jusqu'à l'Oise, apportera dans tous les temps les denrées que la Marne et l'Oise ne transportent que pendant quelques mois de l'année.

Les Capucins, la Madeleine, vont changer de face; le Louvre s'achève avec rapidité, et les travaux de François ler et de Louis XIV touchent à leur fin; ces rois n'avaient fait que la moitié de ce bel ouvrage; le Panthéon prêt à être terminé, rendu à une destination religieuse, s'ouvrant pour recevoir les mausolées que le malheur des temps déplaça, acquiert aussi un grand et nouveau caractère, et deviendra envers les premiers magistrats de l'Empire, envers ceux qui auront rendu des services éclatants à l'Etat, le témoin de la reconnaissance du souverain et des hommages de la postérité. Saint-Denis déjà réparé et mis à l'abri des intempéries des saisons, va retrouver ses tombeaux et s'ouvrira de nouveau aux plus augustes funérailles.

Depuis son retour, l'Empereur a consacré tous ses jours, et je dirai presque toutes ses nuits, à revoir dans le plus grand détail toutes les parties de l'administration. Il n'y en a aucune qui n'ait été l'objet de plusieurs conseils extraordinaires auxquels ont été appelés tous ceux qui le dirigent. Il a imprimé à toutes un mouvement plus rapide en les ramenant de plus en plus vers le but qu'elles doivent atteindre. Ce qu'elles ont été, ce qu'elles sont, ce qu'elles peuvent devenir,

a été examiné, conçu, exécuté. Vous serez, Messieurs, appelés à sanctionner le résultat de ces profondes délibérations. Les infatigables soins. donnés à ces travaux de cabinet ne sont peutêtre pas moins étonnants que ces prodigieux travaux de la guerre auxquels ils succèdent et avec lesquels ils forment un si admirable contraste.

La comptabilité de la ville de Paris a été éclairée par un examen auquel l'Empereur a voulu présider lui-même, et qui promet à la capitale de nouvelles ressources, de précieuses économies, et avec elles les moyens de multiplier les entreprises utiles à sa prospérité et à sa splendeur.

Les hospices de cette capitale ont continué d'être régis par une administration qui économise les fonds en multipliant les secours, et qui, en faisant le bien du moment, les prépare pour l'avenir par des réparations solides et d'utiles constructions; ils ont acquis une nouvelle ressource par le bénéfice résultant du privilége exclusif dont tous les produits leur sont accordés. Le pauvre est garanti d'une usure dévorante, et la modique rétribution qui lui est demandée est tout entière consacrée au soulagement de ses maux et de son indigence.

Des boîtes de médicaments envoyées dans toute la France, pour l'usage des pauvres, sont encore une institution de cette année, qui, comme tout ce qui est utile, sera continuée les années suivantes.

La comptabilité de tous les hospices de l'Empire a été régularisée et soumise à une forme plus fumineuse et plus simple. Pendant qu'une sage économie préside à l'emploi de leurs revenus, la masse en a été de nouveau accrue par l'émulation de la bienfaisance privée. Les legs et donations qui s'étaient élevés, pendant les quatre années réunies du gouvernement consulaire, à 3 millions 300 mille francs pendant le cours de l'an XII, et à 2 millions 200 mille francs, ont atteint 4 millions 500 mille francs pendant le courant de l'an XIII et les cent premiers jours de l'an XIV, sans compter un grand nombre de valeurs qui né s ont point encore suffisamment appréciées; une progression frappante, qui atteste avec le développement de la confiance, celui des nobles sentiments de l'humanité. La mendicité a été affaiblie ou éteinte dans quelques départements; les dépôts placés dans quelques villes centrales offriront des remèdes plus efficaces encore pour la détruire.

L'état des prisons s'améliore. Encombrées un instant par des prisonniers de guerre dont le nombre excédait les ressources, dont l'arrivée était presque inattendue, dont la situation était déplorable, elles ont vu naître sur quelques points des maladies qui en étaient la suite presque inévitable; mais de prompts secours ont été apportés; des médecins ont été envoyés par le gouvernement, des mesures ont été prises; la bienfaisance individuelle les a vivement secondées ; quelques êtres généreux, victimes de leur zèle, ou succombant sous le poids de l'âge qui rend toutes les maladies plus dangereuses, ont laissé d'honorables regrets en donnant de sublimes exemples; mais la population de nos cités a été exempte de la contagion qui, dans ce moment, est à peu près dissipée, même à sa source. Le fléau qui a désolé l'Espagne pendant deux ans a excité toute l'attention du gouvernement, quoiqu'il reste aux yeux des hommes éclairés beaucoup de doutes sur le caractère contagieux dont on le suppose accompagné. Avant le retour de l'époque à laquelle il a continué de se réveiller, une commission médicale était sur les lieux, pour

examiner sa naissance, la manière dont il se propage, rechercher, soit les remèdes qui le combattent, soit les précautions qui peuvent le prévenir. Des dispositions seront faites, si nos voisins devainet encore en être affligés, pour le tenir, dans tous les cas, éloigné des frontières de cet empire.

Le calendrier a changé. L'inutile régularité de celui que la Révolution avait vu naître, et dont le but n'avait pas été atteint, a été sacrifiée aux besoins des relations commerciales et politiques qui appellent un langage commun: trop de variétés encore séparent les peuples de cette belle Europe, qui ne devraient faire qu'une graude famille.

Une autre institution de la Révolution, dont l'utilité est vivement sentie par ceux même qui ont le plus de peine à l'adopter, celle des poids et mesures, belle production de la science dont elle annonce l'empire sur un peuple éclairé, cette institution, dis-je, sera maintenue avec constance, et le Gouvernement s'occupera de plus en plus de généraliser l'usage des nouvelles mesures : il opposera aux habitudes et aux préjugés, cette invariable fermeté d'une volonté sage et éclairée, et non ces efforts violents, mais de courte durée, de l'esprit d'innovation. Aidé du temps, il triomphera de tous les obstacles; il ne cessera d'agir que lorsqu'il aura vaincu.

Pendant que le Gouvernement prévenait ou réparait les maux, conservait les institutions utiles, relevait ou multipliait les monuments publics destinés à attester la prospérité de l'Etat, il ne négligeait pas de féconder les sources premières qui l'alimentent.

L'agriculture, la plus importante de toutes, a reçu de précieux encouragements. Les desséchements des marais de Rochefort, du Cotentin, les travaux des Polders de la Belgique, ont été ou commencés ou continués avec un redoublement d'efforts. Des dispositions ont été faites qui préparent les desséchements des marais de Bourgoing et de Dol. Les plantations se multiplient; elles sont commencées dans les dunes du Pas-deCalais; on exécute la loi que vous avez rendue l'année dernière, sur la plantation des routes. Des pépinières seront placées dans les départements; une instruction déjà préparée règlera la police, et assurera la conservation des unes et des autres. Trois nouvelles bergeries nationales de brebis espagnoles ont été formées cette année au midi, à l'est et à l'ouest de l'Empire, et seconderont la propagation d'une race précieuse et l'amélioration croissante de nos laines. Le vaste établissement de la Mandria, au pied des Alpes, a été consolidé par la munificence du Gouvernement; les écoles vétérinaires ont été améliorées; le Code rural touche à son terme.

La restauration des haras de l'Empire datera de l'année qui vient de s'écouler, et avec elle la régénération des chevaux pour le service de l'agriculture, des transports et de nos armées. Le besoin d'une amélioration aussi essentielle, et devenue si urgente, ne pouvait échapper à la vigilance de l'Empereur; mais presque tous les établissements étaient languissants ou détruits; les ressources dissipées par une imprévoyance de dix années. Des hommes de l'art ont parcouru la surface de la France, l'Espagne et le nord de l'Europe; ils ont recueilli encore un nombre considérable d'étalons choisis dans les races étrangères, ou restes de nos plus belles races. Les haras et dépôts existants retrouveront, par la rétrocession de leurs biens, les ressources qui leur

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sont nécessaires; cinq nouveaux dépôts sont formés; 50 mille francs ont été distribués en primes, et ces primes ont déjà constaté quelques progrès, elles en promettent d'autres. Des règlements se rédigent pour garantir un sage emploi, une reproduction avantageuse.

L'industrie française a été affranchie du plus fort des tributs qu'elle payait à l'industrie étrangère le bénéfice de la consommation intérieure est réservé à nos filatures, à nos métiers, sans que l'appui donné à la fabrication des tissus de coton puisse nuire à celle des draps et des soieries. Une école des arts et métiers a été promise à Saint-Maximilien, celle de Beaupréau se prépare. Le conservatoire des arts et métiers, confié à des hommes qui l'ont eux-mêmes enrichi de leurs découvertes, offre à l'industrie un musée classé avec ordre, rempli des productions de tous les arts, et traçant l'histoire de leurs progrès. Une exposition des produits de l'industrie, liée aux solennités qui accompagneront le retour triomphant des armées, mettra sous les yeux de la capitale le dénombrement de tous les ateliers de I'Empire, déterminera une consommation abondante de leurs ouvrages et donnera une impulsion toute nouvelle à leurs efforts. Nos manufacturiers, certains de la protection du souverain, se rappelant que leur ruine fut le véritable but de la guerre, continueront de tromper cette cruelle espérance de l'ennemi, et se prépareront à obtenir, au retour de la paix, le triomphe que doit un jour remporter notre industrie.

Les belles-lettres et les beaux-arts se disposent à prendre l'essor qui convient à un siècle témoin de si grands événements. Leur règne approche: il est dans la nature des choses que les grandes actions précèdent les tableaux destinés à les retracer, et les plus beaux ouvrages des arts d'imitation. Celui qui fait est suivi de celui qui peint ou qui raconte. Ce sont les faits merveilleux qui ont partout donné naissance aux plus brillantes conceptions de l'imagination des hommes... et net sommes-nous pas dans le siècle des merveilles?

Le feu sacré est entretenu par nos corps littéraires, dignes de leur réputation et de la répulation de ceux qui les composent; ils conservent la tradition du goût, et épurant le langage, le rendant à sa dignité première, ils préparent le succès du génie. Le dictionnaire de l'académie française, refait sur un plan plus vaste et mieux ordonné, deviendra un monument du siècle de Napoléon. Le Gouvernement protége cette entreprise, et ce code littéraire sera, comme le Code civil, un de ses bienfaits: bienfait pour la France et pour l'Europe dont la langue française devient de plus en plus le langage.

Nos corps scientifiques s'occupent plus que jamais de rendre utile la science qu'ils ont su rendre familière. La Révolution, loin de suspendre leurs travaux, les a fait servir au bien de l'Etat ; et l'Etat a payé par de justes honneurs les services qui lui ont été rendus et les talents dont il a recueilli les fruits.

L'école polytechnique, fille de la science et créée pour la propager, a rempli sa destination; elle vient d'acquérir un nouveau degré de perfection par le régime qui y a été introduit. Ses élèves, assujettis à une discipline presque militaire, y puisent l'habitude de l'ordre, et consacrent tout leur temps aux objets de leurs études.

Turin à vu rouvrir à la voix de Napoléon son université dont Charlemagne fut le fondateur; réglée par des lois plus libérales, entourée dé tous les établissements qui secondent le génie de

l'étude, elle promet à l'ancienne capitale du Piémont de la rendre le centre des lumières de l'Italie.

Gênes aussi a obtenu son université, mais accommodée aux besoins d'une cité commerçante et industrieuse; près d'elle un asile se prépare pour les enfants des marins, et leur offrant tous les bienfaits de l'instruction, récompensera dans les fils le dévouement des pères.

Neuf écoles de droit, en grande partie organisées, forment une pépinière de jurisconsultes éclairés, pour les tribunaux et pour le barreau français.

Le prytanée de Saint-Cyr, servant tout ensemble et à acquitter la dette publique envers des services passés, et à préparer des services futurs, est lié à l'école militaire de Fontainebleau; déjà celle-ci s'honore des lauriers cueillis par ses élèves dans les champs de l'Allemagne et de la Moravie. Vingt-neuf lycées sont en pleine activité; plusieurs autres seront bientôt établis ; une nouvelle distribution des pensions nationales, en multipliant et graduant ces récompenses, achève d'assurer les ressources de ces établissements, accrues d'ailleurs par une comptabilité plus sévère. L'entretien de vingt-neuf lycées, les frais d'organisation et les dépenses générales, n'ont coûté à l'Etat, pour un bienfait offert à tous, double pour un grand nombre, que la somme dé 3 millions à peu près. Trois cent soixante-dix écoles secondaires seront érigées aux frais des communes, et jouiront la plupart, dès leur naissance, de la plus haute prospérité. Un nombre au moins égal d'écoles secondaires établies par des particuliers, mais surveillées par l'administration publique, complète notre système actuel auquel il entre dans les pensées de l'Empereur de donner bientôt plus d'ensemble et de perfection, en fixant son but d'une manière plus déterminée, et en créant l'esprit qui doit animer tous ceux qui se livrent à ces honorables fonctions.

Mais en s'occupant ainsi de favoriser le progrès des lumières en France, de semer partout le germe des vertus publiques et privées, et veillant avec une prévoyante sollicitude aux besoins de la génération future, l'Empereur ne pouvait oublier d'étendre ses bienfaits au sexe qui exerce un si grand empire sur nos mœurs; il ne pouvait regarder son éducation comme étrangère aux destins de la patrie, aux intérêts de la morale, à l'attention du législateur. Trois maisons d'éducation recevront les filles de ceux qui auront bien servi l'Etat;un règlement général, sans rien détruire, mais tendant à perfectionner, donnera une utile direction aux établissements qui doivent former de bonnes mères; déjà l'administration a secondé, protégé plusieurs d'entre eux, sans exiger, pour cet appui, d'autre retour que de servir envers la classe peu fortunée les voeux de la bienfaisance publique.

La banque a rendu des services essentiels, mais n'a pas répondu à tout ce qu'on avait droit d'attendre d'elle. La loi qui l'institue est incomplète; plusieurs de ses dispositions les plus importantes ont été violées; l'escompte qui ne devait servir qu'à réaliser le crédit de la place, et qui, par la loi,ne devait avoir lieu qu'en faveur des négociants et selon leur crédit, à donné naissance à des opérations qui ont violé, dans la lettre et dans l'esprit, cette institution si importante au crédit et à la vie de notre commerce. Cet escompte a été souvent trop abondant pour des individus qui ne l'appliquaient qu'à des paiements de circulation et non à des effets de commerce ou du gouverne

ment, qui, ayant derrière eux des recettes ou des marchandises, ne sont jamais illusoires.

Get objet est un des premiers qui ait fixé les regards de l'Empereur. Il a reconnu avec plaisir la solidité et l'état satisfaisant de cet établissement malgré ces violations, malgré ces imperfections qui doivent être corrigées par des lois, dans le cours de votre session. Parmi celles que le Conseil d'Etat est chargé de vous présenter, vous en verrez une qui ordonne l'achèvement de l'édifice de la Madeleine où devront être réunis tous les établissements du commerce. Sa Majesté a pensé que c'était une juste indemnité pour les pertes que son peuple avait éprouvées par l'interruption du paiement des billets de banque à bureau ouvert.

En vous parlant de la banque, Sa Majesté a voulu qu'il fût bien clairement exprimé que jamais, sous son règue, aucun papier-monnaie, aucune altération dans les monnaies, n'aurait lieu. Comment en effet l'un ou l'autre pourraitil se renouveler sous son gouvernement, lorsque l'histoire de tous les siècles nous confirme que ces expériences désastreuses ne sont faites que sous des gouvernements énervés? Les billets de la banque ne seront toujours, aux yeux de l'Etat, que des billets de confiance, et jamais il ne les reconnaîtra comme obligatoires.

Les ministres des finances et du trésor public ont présenté leurs comptes à l'Empereur; vous y verrez la situation prospère de nos finances. L'ordre et la clarté qui règnent dans ces comptes sont tels qu'il n'y a point d'exemple qu'une aussi grande nation ait eu une connaissance aussi entière de toutes ses affaires; et c'est là un des principaux avantages des principes de notre monarchie qui séparent entièrement le trésor du prince de celui de la nation dont il est l'administrateur suprême, sous la responsabilité des ministres. Tout ce que la nation paie est directement employé pour soutenir ses nombreuses armées, pour améliorer son territoire et pour subvenir à toutes les dépenses nationales.

Un changement assez notable aura lieu dans les lois du budget. Au moment où ces lois vous seront présentées, vous y verrez l'intention de l'Empereur d'établir un système permanent de finances c'est un des plus grands bienfaits que son peuple puisse attendre de lui. Il faut un prince éclairé et fort, pour pouvoir se décider entre les différents partis qui, dans ces derniers siècles, ont partagé les administrateurs et ceux qui se sont occupés d'économie politique.

L'expérience à fait justice du principe d'une imposition unique tant vantée; et d'un autre côté les abus du passé ont signalé tous les inconvénients attachés aux impositions indirectes, vexatoires et fatigantes, et c'est en vain que leurs partisans appellent en témoignage l'Angleterre. Dans les propositions qui vous seront faites sur cet objet comme sur tous les autres, vous reconnaitrez modération dans les taxes personnelles, exclusion de tout système absolu, etc. Mais ici, il faut le dire avec courage à la nation, sa sûreté veut qu'une armée nombreuse soit maintenue, que des flottes soient construites et équipées pour protéger notre commerce, nos colonies et nos droits ces circonstances exigent des finances productives. L'Empereur estime que huit cents millions seront nécessaires en temps de guerre, et plus de six cent millions en temps de paix; car jamais le sort de son peuple ne doit être à la merci de quelque complot obscur, ni de quelques intrigues de cabinet; et

dans tous les instants il doit être prêt à faire face à l'orage, ou à faire taire les jalouses clameurs de ses ennemis.

La nouvelle législation propose des diminutions dans les impositions directes. Dans les temps or dinaires, la charge n'en est que trop pesante pour les propriétaires... Mais tout ce qui vous sera proposé a été profondément médité, et aucun abus dont on ait eu à se plaindre avec raison ne sera renouvelé.

Vous verrez dans la loi sur les douanes le soin qu'on a mis à protéger notre commerce, nos manufactures, et à mettre autant qu'il dépend de nous des bornes à la prospérité des manufactures de nos ennemis.

L'année dernière, la solde a été augmentée par la fourniture qui a été faite au soldat du pain blanc pour la soupe, qu'il payait auparavant sur sa solde. Cette année, l'Empereur a pensé que les soldats, qui ne sont autres que nos enfants, doivent en guerre et en paix, avoir le même genre de nourriture, et que son peuple n'approuverait aucune économie sur cet objet de dépense.

L'augmentation d'une demi-ration de viande, accordée également en temps de paix, au soldat, fera aussi une augmentation notable dans la dépense, mais qui ne sera pas plus regrettée que la précédente.

Les domaines nationaux, par une combinaison ingénieuse et sage, passeront dans les mains de la caisse d'amortissement. Le Sénat, la Légion d'honneur, le Prytanée, par des contrats où leurs intérêts sont ménagés, ont cédé des domaines à la caisse d'amortissement qui leur a donné en échange des rescriptions sur le grand-livre. Tout le fonds d'amortissement, décrété par la loi du 30 ventôse an IX, a été, depuis l'an XII, également soldé en domaines. Les 52 millions que le trésor devait à cette caisse sont soldés de la même manière, et par là la dette publique a cessé d'être flottante et à été fixée dans les mains qui la possèdent comme immeuble. On a trouvé aussi dans ces différentes combinaisons de quoi faire cesser les services des années IX, X, XI, XII et XIII de rattacher au service courant tout ce que le trésor percevra sur ces exercices antérieurs.

Il est dans la volonté de l'Empereur, comme dans les intentions de la nation, d'accroître notre marine; et si nous avons perdu quelques vaisseaux dans nos derniers combats de mer, c'est un nouveau motif pour redoubler d'énergie. Un grand nombre de nos escadres parcourent les mers de l'Atlantique et ont attaqué le commerce de nos ennemis jusques dans ses routes les plus éloignées. Notre flottille toute entière va bientôt être ranimée par le retour à son bord des vainqueurs d'Ulm et d'Austerlitz... Mais tous ces moyens de guerre ne seront jamais que des moyens de paix, d'une paix égale où nous puissions trouver la garantie que nous ne serons point soudainement attaqués et envahis sous les prétextes les plus frivoles et les plus mensongers. Mieux vaut prolonger encore la guerre et tous ses maux que de faire une paix qui nous donnerait la certitude de nouvelles pertes, et offrirait un nouvel aliment à la mauvaise foi et à la cupidité de nos ennemis.

La réunion du Piémont à la France, exécutée depuis deux ans, rendait indispensable la réunion de Gênes qui en est le port. Celle de la place de Gênes occupée depuis longtemps par les Français, défendue par eux dans la seconde coalition, a été la suite de la volonté et de l'indépendance de cette République. Cette réunion n'augmenterait

pas notre puissance continentale; l'Angleterre seule avait le droit de s'en plaindre. Elle n'a pas été la cause de la guerre que nous venons de terminer : la réunion n'a eu lieu qu'au mois de juin ; et dès le mois d'avril, les intrigues de l'Angleterre avaient séduit le cabinet de Pétersbourg; l'humiliation de la France et le démembrement de ses provinces étaient résolus. Ce n'est pas simplement le royaume d'Italie que l'on voulait nous enlever le Piémont, la Savoie, le comté de Nice, Lyon même, les départements réunis, la Hollande, la Belgique, les places de la Meuse tel était le démembrement qui était dicté par l'Angleterre aux coalisés, et sans doute ils ne s'y seraient point arrêtés, s'ils avaient triomphé de la constance du peuple français.

L'Angleterre prend peu d'intérêt à l'Italie. La Belgique, voilà le véritable motif de la haine qu'elle nous porte...

Mais la Hollande, les cent dix départements de la France, le royaume d'Italie, Venise, la Dalmatie, l'Istrie, Naples, sont désormais sous la protection de l'aigle impériale; et la réunion de ces Etats ne nous donne que les moyens nécessaires pour être redoutables sur nos frontières et sur nos côtes.

La Bavière, Wurtemberg, Baden et plusieurs des principales puissances d'Allemage sont nos alliés. L'Espagne, constante dans sa marche, a montré une activité, une bravoure, une fidélité dont nous n'avons qu'à nous louer.

Dans les guerres précédentes, l'Angleterre et la Russie avaient toujours présenté à l'empereur d'Autriche l'appât d'un agrandissement en Italie, pour le déterminer à y prendre part; mais ce souverain, maintenant mieux instruit de l'état des choses, a reconnu le danger de l'alliance de l'Angleterre et laisse à la France seule le soin de se mêler des affaires d'Italie. N'ayant recouvré ses Etats que par la modération et la générosité de l'Empereur, il sait que ce n'est que dans l'amitié de la France qu'il pourra trouver la tranquillité et le bonheur dont ses sujets ont besoin plus qu'aucun autre peuple de l'Europe.

L'empereur de Russie, impuissant pour nous faire du mal, sentira que la véritable politique de son pays est aussi dans l'amitié de la France, tout comme sa véritable gloire est dans l'affranchissement des mers et dans le refus de reconnaître des principes qui soulèvent 'même les plus petits Etats, et qui les ont mis dans le cas de braver les bombardements et les blocus plutôt que de s'y soumettre.

L'Empereur offrit la paix à l'Autriche après chaque victoire. Il l'avait accordée à Naples avant la guerre de cette maison... Il offre également la paix à l'Angleterre. Il ne prétend pas faire revenir cette puissance sur les immenses changements faits aux Indes, pas plus qu'il ne prétend faire revenir l'Autriche et la Russie sur le partage de la Pologne; mais il a le droit de se refuser à revenir sur les alliances et sur les réunions qui composent les nouveaux éléments fédératifs de l'empire français.

La Turquie a été constamment sous l'oppression de la Russie, et l'Empereur, en acquérant la Dalmatie, a eu principalement pour but de se trouver à portée de protéger le plus ancien de nos alliés et de le mettre en état de se maintenir dans son indépendance, à laquelle la France est intéressée plus que toute autre puissance.

La première coalition, terminée par le traité de Campo-Formio, a eu pour résultat favorable à la France l'acquisition de la Belgique, la limite du

Rhin, la Hollande mise sous l'influence fédérative de la France, et la conquête des Etats qui aujourd'hui forment le royaume d'Italie.

La deuxième coalition lui a donné le Piémont; et la troisième met dans son système fédératif Venise et Naples.

Que l'Angleterre soit donc enfin convaincue de son impuissauce; qu'elle n'essaye pas d'une quatrième coalition, quand même il serait dans l'ordre des choses possibles qu'elle pût la renouveler.

Voilà ce que le Gouvernement a fait pour la gloire et la prospérité de la France. L'Empereur n'envisage que ce qui reste à faire, et il le trouve bien au-dessus de ce qu'il a fait; mais ce ne sont pas des conquêtes qu'il projette; il a épuisé la gloire militaire; il n'ambitionne pas ces lauriers sanglants qu'on l'a forcé de cueillir. Perfectionner l'administration, en faire, pour son peuple, la source d'un bonheur durable, d'une prospérité toujours croissante, et de ses actes l'exemple et la leçon d'une morale pure et élevée, mériter les bénédictions de la génération présente et celle des générations futures dont sa pensée embrasse aussi les intérêts; telle est la gloire qu'il ambitionne, telle est la récompense qu'il se promet d'une vie vouée tout entière aux plus nobles, mais aux plus pénibles fonctions.

M. Fontanes, président. Monsieur le ministre et Messieurs les conseillers d'Etat, la présence et les paroles de l'Empereur avaient laissé dans ces lieux des impressions profondes qui se réveillent quand vous nous parlez de lui. Nous devions être accoutumés aux prodiges; mais les derniers exploits du vainqueur d'Austerlitz ont pourtant surpris ceux qui l'admiraient le plus, comme s'ils ne le connaissaient pas encore. Il ne fut donné qu'à lui de renouveler toujours l'admiration qui semblait toujours épuisée. Mais tant de triomphes ne sont aujourd'hui qu'une partie de sa gloire.

L'homme devant qui l'univers se tait est aussi l'homme en qui l'univers se confie. Il est à la fois la terreur et l'espérance des peuples; il n'est pas venu pour détruire, mais pour réparer. Au milieu de tant d'Etats où la vigueur manquait à tous les conseils, et la prévoyance à tous les desseins, il a montré tout à coup ce que peut un grand caractère. Il a rendu à l'histoire moderne l'intérêt de l'histoire ancienne, et ces spectacles extraordinaires que notre faiblesse ne pouvait plus concevoir.

Dès que les sages le virent paraître sur la scène du monde, ils reconnurent en lui tous les signes de la domination, et prévirent que son nom marquerait une nouvelle époque de la société. Ils se gardèrent bien d'attribuer à la seule fortune cette élévation préparée par tant de victoires, et soutenue par une si haute politique. La fortune est d'ordinaire plus capricieuse. Elle n'obéit si longtemps qu'aux génies supérieurs. Qui ne reconnait l'ascendant de celui qui préside à nos destinées? Puissent les exemples qu'il donne à l'Europe n'être pas perdus, et que tout ce qu'il y a de gouvernements éclairés sur leurs véritables intérêts se réunisse autour du sien, comme autour d'un centre nécessaire à l'équilibre et au repos général!

Cependant quelles que soient au dehors la renommée de nos armes, et l'influence de notre politique, le Corps législatif craindrait presque de s'en féliciter, si la prospérité intérieure n'en était pas la suite nécessaire. Notre premier vou est

le peuple; nous devons lui souhaiter le bonheur avant la gloire. Ce vou, qui est la première pensée de l'Empereur, sera rempli. Nous en avons

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