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LONDON AND BRAZILIAN BANK

£2.500.000

1.250.000 1.400.000

Vice-président : M. William Douro HOARE.
MM. Max Julius BONN.

Leonard Daneham CUNLIFFE.
Maurice George Carr GLYN.
Charles Seymour GRENFELL.
Charles Evelyn JOHNSTON,

Administ.-Délégué: M. Edward Anthony BENN.

Directeur M. T. J. FINNIE.

Manaos, Para, Ceara, Maranhao, Pernambuco, Bahia, Rio de Jaeniro, Santos, Sao Paulo, Curityba, Rio Grande do Sul, Pelotas, Porto Alegre, Montevideo, Buenos Aires, Rosario, Lisbonne, Porto, New-York (Agence), Paris.

En outre la Banque a des agents dans les principaux ports et villes du Brésil, de l'Uruguay, de la République Argentine, des EtatsUnis, de l'Amérique du Nord et de l'Europe.

La Banque ouvre des comptes courants et fait toutes opérations de Banque avec les pays ci-dessus nommés.

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Pendant que le G. Q. G. agite ses plans ambitieux, les Allemands, dans le plus grand secret, achèvent leur repli d'Arras à Soissons. L'artillerie lourde, l'artillerie de campagne, les canons de tranchées, les approvisionnements de toute sorte sont progressivement retirés à l'abri de la ligne Hindenburg. Dès le mois de février, les bureaux de renseignements signalent des incendies, l'enlèvement des rails sur certaines voies ferrées, de fréquentes explosions. Les émissaires venus des pays occupés parlent de travaux gigantesques entrepris en arrière du front ennemi auxquels des milliers de civils sont employés.

Emus par ces indices, les Anglais ne vont pas tarder à presser l'ennemi. A partir du 17 février, leurs attaques ne rencontrent qu'une faible résistance et ils marquent au nord et au sud de l'Ancre une sérieuse progression.

Cependant le commandement français ne semble nullement s'inquiéter de ces symptômes. L'auteur de ces lignes a assisté à cette époque à ce spectacle inouï d'un G. Q. G. persuadé que le repli des Allemands était imminent et stupéfait de voir le bureau des opérations et le général en chef se refuser à y croire. Dans chaque bureau, l'on pouvait voir des officiers penchés sur des cartes, consultant les bulletins de renseignements qui se faisaient tous les jours plus précis, s'indigner de cette inaction.

« Qu'attendons-nous pour attaquer ? disait-on. Est-ce qu'on va les laisser déménager sans les inquiéter ? >> Mais ces doléances ne trouvaient que railleries dans l'entou

rage du général. Du G. A. N. arrivaient des détails qui auraient dû changer ces soupçons en certitude. Un ou deux coups de main lancés mollement sur les premières lignes ennemies ayant été accueillis par des feux de mitrailleuses, on en conclut que le pseudo-repli ne reposait sur aucun fondement sérieux.

Pourtant le 4 mars, une lettre officielle du général Franchet d'Esperey mit le commandement en demeure de prendre une résolution. Signalant les innombrables indices recueillis, celui-ci demandait si le repli des Allemands n'était pas de nature à modifier le plan d'attaque du G. A. N. On lui répondit que, jusqu'à prén'y avait lieu d'envisager aucun changement. sent, en face d'hypothèses que rien ne confirmait, il

Visiblement, le général en chef répugnait à croire que l'ennemi pût se dérober.

Le 15 mars, il fallut bien se rendre à l'évidence. Une forte reconnaissance dirigée, enfin, sur le bois de Crapeaumesnil montra que le vide était devant nous. Des groupes d'hommes munis de mitrailleuses et de canons de tranchées, dont la mission consistait à ouvrir le feu par intervalles, tout en se déplaçant fréquemment, avaient suffi à nous abuser. L'ordre de poursuite fut alors lancé et prescrites les précautions d'usage. Mais à quoi bon tant de précautions, il ne restait rien devant nous. Cette poursuite fut une galopade effrénée qui ne nous rapporta ni canons, ni prisonniers, jusqu'à la limite où l'ennemi avait décidé de résister. Aussi ne peut-on s'empêcher de trouver à l'Instruction du 18 mars, étant donné les circonstances, ce caractère de puérilité granplupart des instructions du général Nivelle diloquente que l'on distingue malheureusement dans la hanque tait jusqu'à l'hallucination l'image de la guerre napoléonienne. Qu'on en juge par ces quelques lignes :

venant entre Soissons et Reims 20 jours après de donner tous ses fruits, une seule demeure debout.

« La poussée de l'ennemi en retraite doit être accen- | ennemies pour permettre à la quatrième offensive surtuée par tous les moyens et par l'emploi combiné de toutes les armes. Le moment est venu pour la cavalerie de reprendre le rôle qui lui incombe dans la guerre de mouvement et de profiter des difficultés inhérentes à toute retraite pour ramasser des prisonniers et du matériel. Elle opérera par petites fractions (escadrons) en s'éclairant avec le plus grand soin; elle évitera de se laisser amorcer par la cavalerie ennemie qui tenterait de l'entraîner sous le feu des mitrailleuses et des fusils d'infanterie... >>

Il était un peu excesssif de parler des difficultés inhérentes à toute retraite, quand on songe qu'en l'espèce l'ennemi avait eu le temps de retirer non seulement tout son matériel, mais de ravager de fond en comble le pays où nous nous engagions. Il eût été plus loyal de parler des difficultés que nos troupes allaient rencontrer. De même les communiqués de l'époque s'ingénient à nous montrer l'ennemi poursuivi l'épée dans les reins et refoulé par notre avance, alors qu'il fallut plusieurs jours pour trouver le contact avec des unités dignes de ce nom.

Bref, la surprise avait été totale, et si pénible qu'en soit l'aveu, il faut reconnaître que les Nauens n'exagéraient pas en déclarant que les Allemands avaient exécuté leur retraite sans être le moins du monde inquiétés.

Qu'on imagine l'état d'esprit de ce chef qui se sent humilié de son manque de perspicacité, qui voit le fruit de son travail de plusieurs mois anéanti par une manœuvre de l'ennemi. Il se cabre dans son orgueil. II veut rattraper à tout prix le prestige qu'il sent sur le point de lui échapper et dont il a particulièrement besoin, car il se sait un homme nouveau, par comparaison avec Foch, Castelnau, Pétain, auxquels on l'a préféré pour des raisons qui n'ont pas été toutes d'ordre militaire. Il lui faut sa bataille, il n'a pas le temps d'attendre. Erreur d'optique qu'il n'aurait pas commise si sa personnalité avait été moins tyrannique, car le pays, plein d'enthousiasme, ravi de voir enfin reculer la barrière ennemie et jugeant sainement ce repli comme un aveu d'infériorité, ne devandait qu'à patienter.

Dès lors, les raisons capitales qui auraient pu militer en faveur d'un changement de plan s'atténueront dans son esprit. Il ne craindra pas d'écrire dans sa directive aux armées britanniques du 4 avril cette phrase dont la légèreté nous confond:

« Les missions des différents groupements de forces participant aux offensives d'ensemble ayant été quelque peu modifiées par suite du repli de l'ennemi et de l'augmentation de ses réserves il m'a paru nécessaire de résumer dans une directive générale les instructions particulière données à chacun de ces groupements. >>

Or, le vaste saillant sur lequel devaient s'appliquer les attaques convergentes des Britanniques et du G. A. N. a disparu. D'Arras à l'Aisne l'ennemi s'est retiré le long d'une ligne droite faite d'une succession de retranchements puissants défendus par une nombreuse artillerie dont le champ d'action a pu être repéré à loisir. Les alliés sont enlisés dans une région ravagée, privée de ressources, exposés au feu de l'ennemi, sans abris, sans cantonnements, sans autres défenses que celles qu'on improvise bâtivemnt. Ne demeurent intacts de l'offensive projetée que les préparatifs faits au nord de l'Aisne, devant le Chemin des Dames. Sur le front britannique et sur celui du G. A. N, tous les travaux voies d'accès, approvisionnements, emplacements de batteries, camps d'aviation, ambulances, gares de ravitaillement, édifiés sur 80 kilomètres, gisent à présent inutiles à 40 kilomètres plus au Sud. Des trois attaques échelonnées dans le temps de manière à attirer les réserves

Et c'est en présence de cette situation que le général Nivelle écrit avec sérénité : « les missions des différents groupements de forces ayant été quelque peu modifiées... »>!! Il va se satisfaire d'un fantôme de mancuvre, d'une ombre d'offensive générale si en apparence le plan n'a pas changé, il ne correspond plus à la réalité. Le 4 avril, dans sa directive aux armées britanniques, il s'exprimera en ces termes :

«Le but à atteindre reste la destruction de la masse principale des forces ennemies sur le front occidental. Les opérations engagées comporteront donc nécessai

rement:

1° Une bataille prolongée dans laquelle nos armées d'attaque devront rompre le front adverse, puis battre les disponibilités ennemies ;

2° Une phase d'exploitation intensive à laquelle participeront toutes les forces disponibles des alliés.

Les offensives initiales des armées d'attaque seront convergentes, de manière à porter l'effort combiné des armées britanniques, du G. A. N. et du G. A. R. dans une région particulièrement importante au point de vue des communications de l'ennemi... »

Armées britanniques et G. A. N., en dépit de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent sur ce terrain neuf, non équipé, gardent donc la mission de rompre le front ennemi devenu plus solide encore. Or, le G. A. N., d'après une note du 17 mars, a été réduit à une armée de trois corps avec l'artillerie correspondante ses autres unités étant destinées à former en arrière de la X°. armée une armée de réserve. Notez en passant ce sophisme qui consiste à parler d'attaques convergentes alors que le saillant de Noyon a complèment disparu. Ajoutez-y ce changement de doctrine qui renverse les principes posés par le général en chef luimême le 28 décembre, à savoir: « Une bataille prolongée dans laquelle nos armées devront rompre le front adverse...», au lieu de « la rupture du front ennemi est possible à condition de se faire d'un seul coup, en vingt-quatre ou quarante-huit heures ». Et pourtant ce changement de conception de la bataille de rupture, s'il est valable pour le front entre Arras et l'Aisne, ne sera pas applicable à l'attaque du G. A. R. qui continuera à se dérouler avec la même rapidité que précédemment. Un tissu de contradictions et d'invraisemblances, voilà ce qu'est devenu le plan grandiose.

Autre preuve. Le général en chef, pour obvier dans repli allemand, décide d'élargir son offensive à l'est une certaine mesure au dommage que lui a causé le de Reims. La IV armée entre dans la bataille. Dès lors, pour raccorder son action au plan général, le G. A. R. a pour mission d'exploiter à la fois le succès vers le Nord pour aire tomber Laon et menacer Guise, Vervins, Hirson, en accord avec les Anglais et le G. A. N,. et vers le Nord-Est pour donner la main au G. A. C. en direction de Rethel. A mesure que les conditions deviennent plus difficiles, l'ambition du généralissime s'accroît et il aggrave la tâche de nos armées.

Il était visible pour tout esprit perspicace que désormais l'opération était réduite en dernière analyse à une attaque frontale sur les positions terriblement difficiles du Chemin des Dames, sur lesquelles l'ennemi nous avait attiré du fait même de son repli et qu'il avait garnies en conséquence. Nous perdions le bénéfice des. attaques successives, échelonnées dans le temps, lesquelles, dans les conditions actuelles, apparaisaient impraticables et vaines. L'attaque du G. A. C., qui va se dérouler sur 15 kilomètres et se déclencher le 17 avril, ne pouvait constituer qu'une diversion insuffisante, peu propre à créer le trouble chez l'ennemi et à le faire hésiter sur le point d'application de l'attaque principale.

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les masser dans la région de Laon, parce qu'il sait bien que les Français peuvent attaquer là et pas ailleurs. En nous enlevant la possibilité de diriger contre lui une série d'attaques échelonnées dans le temps il a supprimé toute incertitude sur le point d'application de notre offensive.

Outre ces changements dans la situation stratégique, | nibilités évaluées à 43 divisions. Ces disponibilités il va il faut tenir compte également des modifications profondes survenues chez nos alliés. La révolution bat son plein en Russie. Les Italiens hypnotisés par la crainte d'une agression ennemie, manifestent le désir de rester sur la défensive. Vainement le général Nivelle fait-il appel au général Alexeief et au général Cadorna pour les décider à déclencher leurs offensives en même temps que lui, il n'obtient que des demandes de retard. Le 6 avril, par contre, l'entrée de l'Amérique en guerre nous apporte la certitude que l'Entente n'a plus à craindre de voir diminuer ses ressources. Toutes ces raisons ne parviennent pas à convaincre le général Nivelle qu'il est imprudent de jouer la fortune de la France sur une seule carte, et qu'il vaut mieux étudier désormais un autre plan, puisque tout contribue à rendre celui-ci impra

ticable.

Quel est donc le secret de cette impatience, en dehors des raisons personnelles examinées plus haut? Une note établie le 5 avril à l'usage des généraux et destinée à les convaincre de la nécessité de livrer bataille immédiatement nous le livre en partie.

« A la veille de l'offensive, dit-il, le commandement à certains échelons, montre la petite hésitation de rigueur «< il manque un détail ̄» ou « la situation changé » ou « que le voisin commence! » Est-il admissible de perdre pour ces excellentes raisons l'initiative des opérations que nous avons encore aujourd'hui et que nous n'aurons peut-être plus demain? Ou si le plan du Boche est de refuser décidément la bataille, n'est-il pas indispensable de s'en assurer aussitôt, et peut-on s'en assurer autrement qu'en l'attaquant sur un front où nous sommes prêts et où il n'est pas encore en retraite?...

« Nous sommes assurés le 10 avril sur l'Aisne, d'éclaircir la situation et de remporter tout au moins un succès honorable. Espérons que l'ennemi voudra bien attendre jusque-là, mais ne prolongeons pas au delà, de notre part, une période d'incertitude... >>

Alors que le général Nivelle, avant le 15 mars, n'a pu se décider à croire autrement que devant l'évidence que l'ennemi allait se replier, le voici, maintenant, persuadé que le recul va continuer. L'opération qu'il a manquée, en ne le surprenant pas en pleine retraite, il espère la réussir cette fois sur l'Aisne. Au premier choc, surtout s'il est violent, les Allemands plieront bagage, et comme toutes ses dispositions pour la poursuite et l'exploitation sont bien prises, il changera cette retraite en désastre. Et de fait au G. Q. G. on continue à voir partout des indices de repli; on signale des incendies dans la région de Laon, on parle d'inondations tendues au nord de la Suippe, on annonce que les civils de ces régions sont évacués. Il n'y a donc pas une minute à perdre.

Or justement, il se trouve que les Allemands veulent maintenant accepter la bataille, ils l'attendent sur ce secteur préparé par eux, qu'ils ont renforcé, dont le terrain difficile a été organisé dans les plus minutieux détails. Toute la région des creutes et des carrières du Chemin des Dames forme une sorte de camp retranché. Non seulement, ils ne veulent pas s'en aller mais leurs troupes ont l'ordre de résister dans les premières lignes et Ludendorff va faire ici l'expérience de la défensive nouvelle qu'il a inventée. Cette défensive on la connaît: elle consiste à diviser le terrain en larges zones de combat, échelonnées en profondeur; et surtout à lancer des contre-attaques partant de 7 ou 8 kilomètres en arrière avec des troupes fraîches mises hors de portée de la préparation d'artillerie, au moment où l'assaillant arrive désorganisé par l'assaut à l'extrême limite de son effort. De plus, le repli a donné à Ludendorff des dispo

Sa situation est donc excellente. Le mauvais temps, nos erreurs de préparation, la légèreté avec laquelle ce vaste scénario a été mis en scène, redoubleront chances de succès.

V. LA PRÉPARATION

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Comment, en effet, avions-nous préparé l'offensive sur le Chemin des Dames? Le panégyriste le plus fougueux du général Nivelle, dont le livre pour qui sait lire est le plus terrible réquisitoire qu'on ait écrit jusqu'à ce jour sur cet infortuné général, va nous le dire lui-même : « Une seule voie normale d'avant-guerre, celle de Reims à Braine desservait le front des opérations. Complétée en principe par plusieurs raccordements et de nombreuses voies ferrées de 0,60, poussées elles-mêmes jusqu'aux lignes de feu, elle ne fut pas équipée avec l'ampleur utile. De même les deux nouvelles voies normales Fismes-Bouleuse et Fismes-Reims, non achevées à temps, ne furent pas aménagées en vue de débarquements rapides des troupes et des munitions. Bien mieux, la grande gare régulatrice fixée à Conantre, entre Sézanne et Fère-Champenoise, ne sera pas utilisée en dernière heure par suite de rivalités bureaucratiques entre les gares régulatrices de Troyes et de Noisy-le-Sec.

« D'autre part, si 250 kilomètres de voies étroites sillonnèrent l'arrière du champ de bataille, le débit de ces voies resta au-dessous de ces prévisions, par suite de la mauvaise qualité du ballast, de l'insuffisance du personnel, du déficit en machines et en matériel roulant. Enfin le dégel de l'équinoxe survenant après les grands froids de l'hiver, transforma en bourbiers crevés d'ornières, les routes construites en vue de l'offensive; en conséquence les transports automobiles se heurtèrent à des difficultés insuffisamment prévues.

C'est ainsi que, sans doute, les munitions accumulées jusqu'aux unités engagées et celles-ci « purent avoir le dans les parcs, parvinrent avec retards et par à-coups sentiment » que subitement les munitions pouvaient faire défaut ».

« L'énorme machine, ajoute le rapport Berenger, était trop hâtives et trop faibles pour une aussi lourde masse, bien là préparée et outillée; mais ses transmissions, n'ont que faiblement fonctionné. Et cette faiblesse a pesé sur toute l'offensive on peut même dire que c'est elle qui a rendu illusoire la seconde partie du programme de rupture ».

Mais à ce défaut d'organisation pourtant si grave dans une offensive qui devait se dérouler à un rythme accéléré, s'ajoutaient bien d'autres erreurs.

Le matériel d'artillerie destiné à pulvériser les puissantes fortifications ennemies sur toute leur profondeur était en nombre insuffisant. Le programme de fabrication en cours n'arrivait à échéance que dans plusieurs mois et bien qu'on cût ramassé en vue de l'attaque tous les calibres, tous les modèles disponibles, on ne dispoenvergure. Nous aurions pu attaquer efficacement avec sait pas du nombre voulu pour une opération de cette nos moyens sur 35 kilomètres au plus; or on se proposait de battre un front de 53 kilomètres. Nous disposions longue portée) de 3.600 pièces environ pour la VI et (artillerie de campagne, artillerie lourde, artillerie à la V armée à qui incombaient la rupture. Ce chiffre qui peut paraître très élevé, est en réalité très inférieur à celui que le règlement d'octobre 1917 prescrira à la | d'artillerie à cette époque rien qu'en A. C., A. L. et A. suite d'expériences probantes. La dotation moyenne

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L. G. P., non compris les canons de tranchée est fixée à 108 pièces au kilomètre et la dotation forte à 150. j Pour une attaque comparable à celle-ci, la Ve et la VIo armée auraient dû disposer pour un front de 40 kilomètres de 4320 pièces, dotation moyenne et de 6.000 pièces dotation forte. Et pour battre 4 positions ennemies à la fois la dotation forte s'imposait évidemment. Quant à la qualité, notre matériel d'artillerie lourde se composait en majeure partie de pièces à tir lent d'où longueur de la préparation. Nous avions fort peu de projectiles à gaz d'où nécessité d'user surtout de tirs de destruction observée.

Mais l'observation à cause de notre position en contrebas était impossible par manque d'observatoires terrestres; l'aviation seule nous permettait d'exécuter les réglages indispensables. Par suite du mauvais temps continu, les vols furent réduits à rien : 70 olo des réglages ne purent être effectués. Néanmoins l'artillerie se mit à tirer avec une prodigalité inouïe inouïe au petit bonheur certains jours on utilisa 1.200.000 projectiles de tous calibres. En dépit de ce déluge de mitraille les photos aériennes montraient que la plupart des organi

:

sations ennemies restaient intactes.

L'attaque fixée, après des retards successifs, au 10 avril, fut reculée au 14, puis au 16. Le général Mangin s'avisant le 4 avril que « ses observatoires terrestres n'apercevaient que les premières lignes allemandes » réclama le premier un délai de deux jours. Ensuite, le énéral Micheler obtint 2 nouveaux jours de préparation. Enfin le général Mangin, revenant à la charge, estime que quarante-huit heures de plus lui étaient indispensables. Ce ne fut, parait-il, que lorsque les exécu tants eurent déclaré par téléphone « que la préparation d'artillerie était parvenue aux résultats utiles » que le général en chef donna le signal de l'attaque. Mais quoi, pouvait-on reculer encore? A quoi aurait servi de retarder d'un jour ou même de huit, désormais, cette ●ffensive si mal préparée, si inopportune, que l'ennemi, renseigné de longue date, en possession depuis l'affaire de Sapigneul, où il avait fait 800 prisonniers dont un commandant, de tous les croquis, attendait à coup sûr ? C'est plus tôt qu'il eût fallu prendre les résolutions sages. Et d'ailleurs, depuis le 9 avril, les Britanniques étaient entrés en action. Le fossé était là, il fallait le franchir.

Tous ces retards infligeaient par surcroît aux soldats des souffrances qui affaiblissaient leur état physique. Cette énorme masse de troupes rassemblée dans un espace aussi restreint manquait de cantonnements. Combien d'unités campèrent dans la boue, pendant plusieurs jours, sous la pluie battante, dans le froid glacial? Les régiments noirs, entre autres, avant d'être engagés, perdirent en malades le quart de leur effectif. Admirables soldats, dont l'enthousiasme persistait en dépit du temps affreux et qui montraient une confiance digne d'un meilleur sort. On leur avait dit que l'ennemi ne résisterait pas à un choc pareil. La vue de tant de canons, de tant de matériel, de tant de régiments redoublait leur confiance. Mais s'ils avaient pu interroger leurs colonels ou leurs généraux ils auraient été épouvantés du souci qui rongeait leur cœur.

En effet, à ces hommes qui avaient acquis sur le hamp de bataille une dure expérience, les fautes commises n'échappaient pas. Beaucoup d'entre eux, n'écoutant que leur conscience, avaient fait part à l'autorité supérieure de leurs craintes. Le gouvernement, chaque jour, recevait lettres et rapports, la plupart signés de noms connus, qui criaient qu'on s'engageait dans une aventure folle et que l'armée française courait au désastre. Des parlementaires, saisis de plaintes semblables, affluaient au cabinet du ministre. Toutes ces réclamations concordaient étrangement, montraient les lacunes

et les fautes avec une précision troublante. Il suffit de citer un de ces documents pour comprendre quelle inquiétude devait s'emparer du ministre qui les recevait. Secteur postal 184, le 4 avril 1917.

NOTE SUR LA PROCHAINE OFFENSIVE

A Situation des armées françaises sur le front NordEst, à la fin de février 1917 (avant le recul allemand). Les lignes allemandes d'Arras à Soissons forment un saillant accentué très garni de troupes; nous nous proposons de réduire ce saillant et de faire ces troupes prisonnières. Dans ce but, quatre attaques principales franco-anglaises sont prévues s'échelonnant d'Arras à Reims, chacune de ces attaques décalée de cinq jours environ par rapport à la précédente. Les attaques s'échelonnent donc sur une période de vingt jours et sur un front très considérable, l'ennemi ne pourra discerner clairement quel est le point où l'attaque sera décisive.

Les résultats à attendre de cette grande opération sont les suivants : en échange de sacrifices probablement lourds, on peut espérer gagner 40 ou 50 kilomètres, faire prisonniers 100 à 150.000 hommes, peut-être même rompre complètement les lignes allemandes.

B. Situation au commencement d'avril

Le saillant d'Arras à Reims a à peu près complètement disparu; la nasse dans laquelle on pouvait espérer prendre 100.000 Allemands a disparu du même coup; la situation sur laquelle était basée la précédente manœuvre stratégique est entièrement bouleversée.

Ce n'est plus du reste 4 attaques qu'il s'agit de déclancher, c'est seulement 2 avec décalage de 5 jours entre elles. Le doute sur le point d'application n'existe plus pour l'ennemi.

Le G. Q. G. en face d'une situation entièrement nouvelle n'a modifié son plan initial que dans les limites minima; il se flatte d'obtenir avec des modifications de détail un résultat analogue à celui qu'il espérait précédemment avec raison. Comme toujours le passé est là pour le prouver il montre un illusionnisme et un optimisme absolus.

Il commet là une faute grave qui peut avoir pour la France des conséquences irréparables. De l'aveu d'un grand nombre d'exécutants, de l'avis surtout de leurs chefs eux-mêmes, la manoeuvre ne peut plus avoir qu'une portée tactique et restreinte. Certes nous ferons des prisonniers, nous prendrons des canons mais au prix des plus lourds sacrifices et nous n'obtiendrons aucun résultat stratégique. Nos gains se borneront forcément à une étroite bande de 10 à 20 kilomètres; les Allemands amenant leurs réserves nous arrêteront net.

Les événements de Russie d'une part, le raccourcissement des lignes allemandes de l'autre, ont permis à nos ennemis d'augmenter sérieusement leurs disponibilités : elles se chiffrent au moins par 60 divisions, dont 45 sur le front français.

En somme il apparaît clairement :

a) Que la prochaine offensive française se déclanchant en ce moment n'obtiendra que des résultats fort minces, mais nous coûtera, si elle est poussée à fond, comme il en est dans l'intention du G. Q. G. des pertes extrêmement lourdes et le pays n'a plus d'hommes, après ceux-ci qui lui constituent sa dernière et magnifique armée.

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